par menochios » jeu. 05 mars 2020, 15:16
Lovecraft est un écrivain extrèmement puissant et complexe. C'est une des figures majeures le la culture populaire fantastique, et sa postérité exceptionelle ne peut se comparer qu'à celle de Tolkien. Dans les années 90, j'ai lu tout ce qui était disponible de lui en langue française, et j'ai mis des années à m'en remettre. Message d'avertissement très lovecraftien dans l'esprit : il ne faut pas sous-estimer la puissance de ce qu'on peut y trouver.
Lovecraft, comme homme et comme écrivain, est coincé dans ce qu'il est. Dans le passé, il ne voit que des malédictions, de la sorcellerie, la lente dégénerescence de grandes lignées. La promesse du futur, il n'y croit pas non plus. Quant à la science, il n'est qu'à voir le destin de l'expédition des 'Montagnes hallucinées", dont la pauvre science est écrasée par celle des extra terrestres. Ecrasement physique, écrasement mental. En fait, la connaissance elle même est mortelle ( Les chiens de Tindalos, la musique d'Eric Zann ). Non pas pour ses effets, mais par un essence, un cerveau humain confronté à la connaissance sans voile du réel se consume. C'est, assez ironiquement un anti-gnosticisme et un anti christianisme. Pour Lovecraft, la connaissance est impossible à l'homme.
C'est à se demander ce qui permettait à l'homme Lovecraft de tenir debout. Sa proclamation sans cesse renouvelée de la supériorité de la race anglo saxonne tient mal la distance. Je me demande si il ne faut pas y voir un drnier avatar de la pensée celte mal-digérée par les anglais en exceptionnalisme, cette idée qu'à côté du monde réel peut exister un monde d'êtres d'essence supérieure. Quelle importance au fond, car en quoi fait-il montre d'une quelconque supériorité ? Lovecraft est un exilé intérieur. Il a perdu les clés de son passé. Il n'a aucune accroche avec l'avenir. En celà je m'étonne qu'il n'ait jamais rencontré le Christ, éternelle providence des déclassés.
Lovecraft n'est pas un prophète, c'est un humain qui s'est accroché désespérement au monde de son enfance, jusqu'à disparaître avec lui. Il n'a rien produit, que des souvenirs et de l'imagination. Imagination si forte qu'il nous embarque avec lui.
Voilà peut être le moment de lui laisser la parole dans ce qui est selon moi sa citation la plus représentative :
Ce qu’il y a de plus pitoyable au monde, c’est, je crois, l’incapacité de l’esprit humain à relier tout ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île placide d’ignorance, environnée de noirs océans d’infinitude que nous n’avons pas été destinés à parcourir bien loin. Les sciences, chacune s’évertuant dans sa propre direction, nous ont jusqu’à présent peu nui. Un jour, cependant, la coordination des connaissances éparses nous ouvrira des perspectives si terrifiantes sur le réel et sur l’effroyable position que nous y occupons qu’il nous restera plus qu’à sombrer dans la folie devant cette révélation ou fuir cette lumière mortelle pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel obscurantisme. »
Finitude. De quelle finitude parlons nous ? C'est nous qui sommes finis, ni le monde, ni le temps. Ce vertige cosmique qui saisit le lecteur de Lovecraft, on peut aussi bien le ressentir en regardant les photos de l'espace. Ce thème n'est pas spécifique à notre époque. Ce vertige, on l'a aussi la nuit sur la montagne, ou en bord de mer. Il est constitutif de l'expérience humaine. Nous n'atteindrons jamais les étoiles, nous ne découvrirons jamais les palais dorés au delà de l'horizon. En quoi serait ce un argument contre la promesse d'amour du Christ ?
Lovecraft a fait un thème littéraire de ce vertige malsain, sentiment océanique inverti, vertige astronomique. En ce sens, oui peut être peut on parler de Lovecraft comme d'un prophète. Mais pas d'un prophète de Dieu. Il nous parle de cette humanité coincée entre son rejet de la nature, et sa volonté de reconstruire le monde selon la raison. Non pas de le comprendre, mais de le former selon son esprit. Projet qui n'aboutira pas.
C'est celà le veau d'or. Abandonner le réel pour une fausse promesse. Vous aurez tout ce que vous pourrez rêver. Vous verrez tout ce qui se peut imaginer. Je crois qu'il incarne à la perfection un moment de l'aventure humaine, cette longue période entre la révolte contre les traditions et l'épuisement de la modernité. Nous sommes encore à l'ère de Lovecraft.
A relire ces lignes avant publication, je me fais la réflexion que Lovecraft apporte, d'une certaine manière, une réponse à la question 'Pourquoi être chrétien". La réponse étant "Parce que sinon, il faudra se résoudre à devenir Lovecraft."
Lovecraft est un écrivain extrèmement puissant et complexe. C'est une des figures majeures le la culture populaire fantastique, et sa postérité exceptionelle ne peut se comparer qu'à celle de Tolkien. Dans les années 90, j'ai lu tout ce qui était disponible de lui en langue française, et j'ai mis des années à m'en remettre. Message d'avertissement très lovecraftien dans l'esprit : il ne faut pas sous-estimer la puissance de ce qu'on peut y trouver.
Lovecraft, comme homme et comme écrivain, est coincé dans ce qu'il est. Dans le passé, il ne voit que des malédictions, de la sorcellerie, la lente dégénerescence de grandes lignées. La promesse du futur, il n'y croit pas non plus. Quant à la science, il n'est qu'à voir le destin de l'expédition des 'Montagnes hallucinées", dont la pauvre science est écrasée par celle des extra terrestres. Ecrasement physique, écrasement mental. En fait, la connaissance elle même est mortelle ( Les chiens de Tindalos, la musique d'Eric Zann ). Non pas pour ses effets, mais par un essence, un cerveau humain confronté à la connaissance sans voile du réel se consume. C'est, assez ironiquement un anti-gnosticisme et un anti christianisme. Pour Lovecraft, la connaissance est impossible à l'homme.
C'est à se demander ce qui permettait à l'homme Lovecraft de tenir debout. Sa proclamation sans cesse renouvelée de la supériorité de la race anglo saxonne tient mal la distance. Je me demande si il ne faut pas y voir un drnier avatar de la pensée celte mal-digérée par les anglais en exceptionnalisme, cette idée qu'à côté du monde réel peut exister un monde d'êtres d'essence supérieure. Quelle importance au fond, car en quoi fait-il montre d'une quelconque supériorité ? Lovecraft est un exilé intérieur. Il a perdu les clés de son passé. Il n'a aucune accroche avec l'avenir. En celà je m'étonne qu'il n'ait jamais rencontré le Christ, éternelle providence des déclassés.
Lovecraft n'est pas un prophète, c'est un humain qui s'est accroché désespérement au monde de son enfance, jusqu'à disparaître avec lui. Il n'a rien produit, que des souvenirs et de l'imagination. Imagination si forte qu'il nous embarque avec lui.
Voilà peut être le moment de lui laisser la parole dans ce qui est selon moi sa citation la plus représentative :
[quote] Ce qu’il y a de plus pitoyable au monde, c’est, je crois, l’incapacité de l’esprit humain à relier tout ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île placide d’ignorance, environnée de noirs océans d’infinitude que nous n’avons pas été destinés à parcourir bien loin. Les sciences, chacune s’évertuant dans sa propre direction, nous ont jusqu’à présent peu nui. Un jour, cependant, la coordination des connaissances éparses nous ouvrira des perspectives si terrifiantes sur le réel et sur l’effroyable position que nous y occupons qu’il nous restera plus qu’à sombrer dans la folie devant cette révélation ou fuir cette lumière mortelle pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel obscurantisme. »[/quote]
Finitude. De quelle finitude parlons nous ? C'est nous qui sommes finis, ni le monde, ni le temps. Ce vertige cosmique qui saisit le lecteur de Lovecraft, on peut aussi bien le ressentir en regardant les photos de l'espace. Ce thème n'est pas spécifique à notre époque. Ce vertige, on l'a aussi la nuit sur la montagne, ou en bord de mer. Il est constitutif de l'expérience humaine. Nous n'atteindrons jamais les étoiles, nous ne découvrirons jamais les palais dorés au delà de l'horizon. En quoi serait ce un argument contre la promesse d'amour du Christ ?
Lovecraft a fait un thème littéraire de ce vertige malsain, sentiment océanique inverti, vertige astronomique. En ce sens, oui peut être peut on parler de Lovecraft comme d'un prophète. Mais pas d'un prophète de Dieu. Il nous parle de cette humanité coincée entre son rejet de la nature, et sa volonté de reconstruire le monde selon la raison. Non pas de le comprendre, mais de le former selon son esprit. Projet qui n'aboutira pas.
C'est celà le veau d'or. Abandonner le réel pour une fausse promesse. Vous aurez tout ce que vous pourrez rêver. Vous verrez tout ce qui se peut imaginer. Je crois qu'il incarne à la perfection un moment de l'aventure humaine, cette longue période entre la révolte contre les traditions et l'épuisement de la modernité. Nous sommes encore à l'ère de Lovecraft.
A relire ces lignes avant publication, je me fais la réflexion que Lovecraft apporte, d'une certaine manière, une réponse à la question 'Pourquoi être chrétien". La réponse étant "Parce que sinon, il faudra se résoudre à devenir Lovecraft."