janpier dutrieux a écrit : ↑jeu. 17 févr. 2005, 11:28
LA « RIBA » ISLAMIQUE
La civilisation islamique condamna également l'intérêt. La principale règle coranique dans le domaine économique dispose que Dieu a rendu licite l'achat et la vente, le commerce, et illicite l'intérêt ou usure, ou « riba » (du verbe arabe rabâ: accroître et augmenter) .
Selon J. Schacht, dans son Encyclopédie de
l'Islam, l'usure est « d'une façon générale, tout avantage précaire illégitime sans équivalent du service rendu ». Déjà, le prophète Mahomed condamnait l'intérêt à faible taux tout comme celui à taux élevé. Cependant, M. Arkour note dans « Islam, Religion et Société » que « l'enseignement religieux chrétien comme celui du Coran interdit l'usure et condamne l'enrichissement continu, égoïste et personnel, ainsi que la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns aux dépens de larges couches de la population ».
Le problème posé par l'usure ou « riba » a soulevé de nombreuses controverses au fil des siècles, et plus encore ces dernières décennies qui ont littéralement vu exploser les flux financiers entre les pays islamiques et non islamiques. En droit musulman, il convenait de déterminer ce qui est « halal » (ou licite) et ce qui est « haram » (ou illicite), chose d'autant moins aisée que l'emploi des capitaux épargnés ou prêtés n'est plus maîtrisé, dans l'internationalisation des flux financiers par les épargnants.
De nombreuses « Fatwa », ou règles de loi coranique, sont venues, au XX e siècle, enrichir la jurisprudence islamique sur ce sujet. Aujourd'hui le gain que retire l'argent est légal (halal) lorsqu'il ne lèse aucune des parties contractantes. Il peut être alors qualifié d'encouragement à l'épargne et à la coopération et accepté par la « Shari’a ».
A contrario, est illégal (haram) le gain demandé à l'argent alors que le débiteur ne réalise pas ou ne peut réaliser suffisamment de bénéfice pour le dégager. La majoration de la dette après l'échéance, et la multiplication des intérêts qui renouvelle sans cesse la dette sera également « haram ». En tout état de cause, le gain que procure un capital épargné ne peut être fonction de la durée de cette épargne ni même être déterminé à l'avance, il ne peut être que le résultat d'une association dans un commerce, dont le bénéfice effectif ne peut être connu qu'au terme de son activité. Dès lors, exiger un intérêt, quelqu'il soit, d'un prêt consenti à un tiers, commerçant, industriel ou particulier, sans participer aux risques et aux pertes éventuels de celui-ci sera prohibé. Par contre, prêter le même capital en participant aux gains et aux pertes éventuels de l'emprunteur sera licite, puisqu'il s'agit d'une association où le risque est bilatéral, et par conséquent partagé.
Cependant, afin de respecter les règles coraniques, les autorités musulmanes invitent les fidèles qui déposent des capitaux dans des entreprises bancaires non musulmanes à retirer les intérêts en les donnant aux musulmans pauvres conformément à une « fatwa » répondant à la révélation du Coran : « Tout ce que vous donnerez à usure pour augmenter vos biens ne vous produira rien auprès de Dieu. Mais tout ce que vous donnerez en aumône pour obtenir les regards bienveillants de Dieu vous sera porté au double ». Certains pays musulmans s’attachent à respecter le principe de l'association aux profits et pertes dans le maniement de l'argent, et dans l'union du capital et du travail. Cette association est appelée « Mudarãba » ou société de spéculation islamique (expression qu'il ne convient pas ici de prendre dans le sens péjoratif qui nous est connu, mais dans son sens etymologique d’observer et de compter sur.
Dans la Shari’a, la Mudarãba est définie comme un contrat associant le capital de l'un au commerce exercé par l'autre. C'est une forme de coopération qui unit les deux facteurs de la production, le capital et le travail.
La société de « spéculation islamique » autorise l'investissement des capitaux dans des projets utiles à la nation et estime que le capital ne représente qu'un dépôt entre les mains de l'ouvrier. Enfin, elle exige que les bénéfices ne soient pas fixés d'avance en volume ou en priorité, mais selon des quote-parts du profit indivis. Cette spéculation peut aboutir soit à des gains, soit à des pertes, sans que rien ne soit garanti à l'avance. La notion de risque est ici mutualisée La principale différence entre la spéculation islamique sur laquelle la Banque Islamique est fondée et le prêt à intérêt, moteur de notre système financier, réside dans le fait que notre système bancaire détermine a priori l'intérêt, qu'il soit prêteur ou emprunteur; alors que la spéculation islamique (qui observe) ne le détermine qu'en fin de période, a posteriori.
Par exemple: « en ce qui concerne les déposants de fond à la banque, à qui on annoncerait préalablement qu'à la fin de l'année ils percevront, disons 3 % que la banque ait réalisé ou non un bénéfice suffisant pour remplir cette promesse, cela l'Islam l'interdit; par contre, si la banque dit à la fin de l'année: nous avons réalisé des bénéfices; après déductions des réserves contre les éventualités, nous sommes en mesure de vous payer disons les mêmes 3 %, à titre de participation proportionnelle aux gains, l'Islam l'admet volontiers ».
La spéculation islamique peut donc s'analyser, quant au fond, comme un contrat associant les spéculateurs, l'épargnant qui apporte le capital et l'ouvrier qui emploie celui-ci, aux profits et pertes résultant de l'opération.