Prêter à intérêt est-il licite ? [VIX PERVENIT]

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Re: Prêter à intérêt est-il licite ? [VIX PERVENIT]

par Christian » sam. 01 oct. 2022, 17:07

Bonjour à tous,

Intéressante discussion.

La prohibition du prêt à intérêt nous vient de sociétés nomades, hébraïque et arabe. Les Romains, bâtisseurs et agriculteurs, prêtaient à intérêt sans complexe. Pourquoi ce que la coutume interdisait aux uns, elle le permettait aux autres ? La raison, à mon avis est celle-ci. Les sociétés nomades sont peu gourmandes en capital. Un prêt était donc un prêt à la consommation, c’est-à-dire dans ces sociétés pauvres, une avance pour subvenir à des besoins primaires. Il eut été odieux de réclamer un intérêt à ceux qui avaient faim. D’où tireraient-ils le revenu pour rembourser ces intérêts ?

En revanche, dans les sociétés agraires et celles économiquement plus complexes, le prêt peut servir à investir, donc augmenter les ressources disponibles de l’emprunteur (et accessoirement de la société) – achat et mise en valeur de terres agricoles, utilisation de machines… L’accroissement de ces ressources permet le remboursement du prêt.

Ainsi l’emprunteur loue du capital comme il louerait un local pour servir ses clients ou une machine pour augmenter sa production. On ne voit pas pourquoi ces locations seraient licites, mais pas celle de l’argent.

Dans sa logique, la finance islamique reconnaît bien la différence entre
— le prêt à la consommation, qui doit être remboursé par une autre source de revenus (le sofa ou la télévision achetés à crédit ne se paieront pas eux-mêmes)
— et le prêt pour un investissement productif, générateur d’un revenu supplémentaire, qui remboursera l’emprunt.

Mais si le but est de faire du bénéfice, disent les théologiens islamiques, comme il est rappelé plus haut, tous les financiers doivent être traités à égalité, partageant pertes et profits. Or les prêteurs dans nos économies occidentales sont servis d’abord. L’intérêt doit leur être versé, avant la répartition des bénéfices aux autres apporteurs de capitaux.

Ces théologiens islamiques ont logiquement tort, à mon avis. On n’attend pas du bailleur d’un local ou d’un loueur de camions qu’il prenne une part aux bénéfices de ses clients. Ce n’est pas son rôle. A chacun son métier. Il en va de même des banquiers. La compagnie d’assurances ou la caisse de retraite qui prête à des dizaines d’entreprises n’a pas pour vocation de les cogérer. Elle se contente d’évaluer le risque du prêt et de charger un intérêt qui tient compte de ce qu’on appelle très justement « le loyer de l’argent », qui est le même pour tous dans une économie donnée, plus une prime de risque, calculée pour chaque emprunteur.

Comme statistiquement, des emprunteurs ne rembourseront pas, les bailleurs de fonds perdraient systématiquement de l’argent. Ce ne serait pas seulement une perte pour l’économie, mais une injustice flagrante. Certains loueurs sont rémunérés, d'autres pas pour le même service.

(à moins d’interdire le principe même de la location, que ce soit d’un champ, d’un appart’, d’une voiture, ou d’un capital monétaire)

Re: Oui, l'intérêt est nuisible

par mama789 » ven. 30 sept. 2022, 10:54

janpier dutrieux a écrit :
jeu. 17 févr. 2005, 11:28

LA « RIBA » ISLAMIQUE

La civilisation islamique condamna également l'intérêt. La principale règle coranique dans le domaine économique dispose que Dieu a rendu licite l'achat et la vente, le commerce, et illicite l'intérêt ou usure, ou « riba » (du verbe arabe rabâ: accroître et augmenter) .
Selon J. Schacht, dans son Encyclopédie de l'Islam, l'usure est « d'une façon générale, tout avantage précaire illégitime sans équivalent du service rendu ». Déjà, le prophète Mahomed condamnait l'intérêt à faible taux tout comme celui à taux élevé. Cependant, M. Arkour note dans « Islam, Religion et Société » que « l'enseignement religieux chrétien comme celui du Coran interdit l'usure et condamne l'enrichissement continu, égoïste et personnel, ainsi que la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns aux dépens de larges couches de la population ».
Le problème posé par l'usure ou « riba » a soulevé de nombreuses controverses au fil des siècles, et plus encore ces dernières décennies qui ont littéralement vu exploser les flux financiers entre les pays islamiques et non islamiques. En droit musulman, il convenait de déterminer ce qui est « halal » (ou licite) et ce qui est « haram » (ou illicite), chose d'autant moins aisée que l'emploi des capitaux épargnés ou prêtés n'est plus maîtrisé, dans l'internationalisation des flux financiers par les épargnants.
De nombreuses « Fatwa », ou règles de loi coranique, sont venues, au XX e siècle, enrichir la jurisprudence islamique sur ce sujet. Aujourd'hui le gain que retire l'argent est légal (halal) lorsqu'il ne lèse aucune des parties contractantes. Il peut être alors qualifié d'encouragement à l'épargne et à la coopération et accepté par la « Shari’a ».
A contrario, est illégal (haram) le gain demandé à l'argent alors que le débiteur ne réalise pas ou ne peut réaliser suffisamment de bénéfice pour le dégager. La majoration de la dette après l'échéance, et la multiplication des intérêts qui renouvelle sans cesse la dette sera également « haram ». En tout état de cause, le gain que procure un capital épargné ne peut être fonction de la durée de cette épargne ni même être déterminé à l'avance, il ne peut être que le résultat d'une association dans un commerce, dont le bénéfice effectif ne peut être connu qu'au terme de son activité. Dès lors, exiger un intérêt, quelqu'il soit, d'un prêt consenti à un tiers, commerçant, industriel ou particulier, sans participer aux risques et aux pertes éventuels de celui-ci sera prohibé. Par contre, prêter le même capital en participant aux gains et aux pertes éventuels de l'emprunteur sera licite, puisqu'il s'agit d'une association où le risque est bilatéral, et par conséquent partagé.
Cependant, afin de respecter les règles coraniques, les autorités musulmanes invitent les fidèles qui déposent des capitaux dans des entreprises bancaires non musulmanes à retirer les intérêts en les donnant aux musulmans pauvres conformément à une « fatwa » répondant à la révélation du Coran : « Tout ce que vous donnerez à usure pour augmenter vos biens ne vous produira rien auprès de Dieu. Mais tout ce que vous donnerez en aumône pour obtenir les regards bienveillants de Dieu vous sera porté au double ». Certains pays musulmans s’attachent à respecter le principe de l'association aux profits et pertes dans le maniement de l'argent, et dans l'union du capital et du travail. Cette association est appelée « Mudarãba » ou société de spéculation islamique (expression qu'il ne convient pas ici de prendre dans le sens péjoratif qui nous est connu, mais dans son sens etymologique d’observer et de compter sur.

Dans la Shari’a, la Mudarãba est définie comme un contrat associant le capital de l'un au commerce exercé par l'autre. C'est une forme de coopération qui unit les deux facteurs de la production, le capital et le travail.
La société de « spéculation islamique » autorise l'investissement des capitaux dans des projets utiles à la nation et estime que le capital ne représente qu'un dépôt entre les mains de l'ouvrier. Enfin, elle exige que les bénéfices ne soient pas fixés d'avance en volume ou en priorité, mais selon des quote-parts du profit indivis. Cette spéculation peut aboutir soit à des gains, soit à des pertes, sans que rien ne soit garanti à l'avance. La notion de risque est ici mutualisée La principale différence entre la spéculation islamique sur laquelle la Banque Islamique est fondée et le prêt à intérêt, moteur de notre système financier, réside dans le fait que notre système bancaire détermine a priori l'intérêt, qu'il soit prêteur ou emprunteur; alors que la spéculation islamique (qui observe) ne le détermine qu'en fin de période, a posteriori.
Par exemple: « en ce qui concerne les déposants de fond à la banque, à qui on annoncerait préalablement qu'à la fin de l'année ils percevront, disons 3 % que la banque ait réalisé ou non un bénéfice suffisant pour remplir cette promesse, cela l'Islam l'interdit; par contre, si la banque dit à la fin de l'année: nous avons réalisé des bénéfices; après déductions des réserves contre les éventualités, nous sommes en mesure de vous payer disons les mêmes 3 %, à titre de participation proportionnelle aux gains, l'Islam l'admet volontiers ».
La spéculation islamique peut donc s'analyser, quant au fond, comme un contrat associant les spéculateurs, l'épargnant qui apporte le capital et l'ouvrier qui emploie celui-ci, aux profits et pertes résultant de l'opération.
Excellente analyse pertinente et exhaustive, bravo ! L'histoire de l'usure au travers de nos différentes cultures et civilisations est perçue de bien des manières différentes en fonction des peuples et des époques. L'islam n'y fait pas exception.
Entre les premiers écrits islamiques relatifs à l'usure et la situation actuelle avec des puissances pétrolières musulmanes telles que le Qatar et les Émirats, nous voyons bien que les choses ont changé au fil du temps... Et peut-être pas en bien malheureusement

Re: Prêter à intérêt est-il licite ? [VIX PERVENIT]

par Christophe » jeu. 10 déc. 2009, 23:47

Les idées fondamentales de la conception économique scolastique

Intérêt et banque

La condamnation est ici générale, et c'est le principal point de divergence par rapport aux conceptions actuelles. On l'a vu, l'idée de base est que la monnaie est stérile. Et que le temps est un bien commun à tous. Cela dit, de nombreuses constatations réduisent la portée de cette condamnation. Certains auteurs disent par exemple que la monnaie est féconde si elle est associée au travail humain. Un saint Bernardin distingue le temps en général, et le temps d'usage d'un certain bien. Certaines notions de droit romain reprises conduisent à accepter qu'il y ait des paiements visant à dédommager ce qui pourrait être gagné ailleurs avec l'argent qui a été prêté, ou ce qui est perdu dans le processus, voire les retards (Lucrum cessans, damnum emergens). Certains admettent même que la valeur future d'un bien est toujours inférieure à la valeur présente. On notera ici l'apport de Pietro di Giovanni Olivi : il considère le cas d'un prêt à une activité productive. L'idée est que la valeur d'un capital investi est différente et supérieure à celle de la monnaie qui lui sert de support. Mais il faut pour cela un ferme dessein du propriétaire, en faveur d'un certain usage. Le gain est alors le fait du capital, pas de la monnaie.

On reconnaît en outre que le cas des banques est particulier, puisqu'elles ont besoin de pouvoir à tout moment rembourser les dépôts ; elles doivent donc pouvoir emprunter et rembourser rapidement; il est donc normal qu'elles payent cette disponibilité. L'escompte est jugé généralement licite si une des clauses de droit romain ci-dessus s'appliquent. Certains admettent aussi que cela soit sujet à un marché spécifique, tenant compte de la moindre valeur de l'argent dans le futur (sans pour autant dire que cela résulte du pur passage du temps). Mais il est vrai que d'autres critiquent cela en disant que cela justifie le taux d'intérêt. On rappellera d'ailleurs l'importance de l'institution à la même époque des Monts de Piété. Leur rôle a été important non seulement dans les finances privées, mais aussi dans le financement de l'économie. La question qui s'est posée à eux a été celle de la facturation: coût ou intérêt. L'intérêt a fini par être accepté, pour couvrir et les frais et le risque. Une bulle papale l'a même confirmé malgré l'opposition de Cajetan.

Dans la pratique on a été assez souple. Mais sur le plan théorique on tâtonnait sans dépasser véritablement la condamnation. Il y a en outre conscience du risque que l'argent stérile étouffe l'esprit d'entreprise; d'où la distinction qui est faite entre usure et intérêt. En bref, la théorie de l'usure est le talon d'Achille de cette école, même si elle s'est approchée assez près de la conception actuelle, et si l'effet pratique de la restriction n'a pas été significatif.
:arrow: Pierre de Lauzun, Christianisme et croissance économique, P. 111

Prêt à intérêt

par antoine93 » dim. 04 janv. 2009, 1:52

J'ai appris des choses dessus car je suis, en plus d'être croyant, étudiant en sciences économiques.

Les catholiques sont globalement défavorables au prêt à intérêt. Saint Thomas d'Aquin disait que cela est vendre le bien et l'usage du bien, et donc vendre la même chose deux fois, et donc vendre ce qui n'existe pas.

Alors que notre professeur d'économie nous dit : "l'intérêt est la rémunération de la patience et de la prise de risque du prêteur".
Et donc, ayant prêté l'argent, le prêteur vend bien quelque chose qui existe (la patience et la confiance) en contrepartie de l'intérêt.

Personnellement, je pense que le prêt à intérêt est licite. Et vous, qu'en dites vous ?

Re: Prêter à intérêt est-il licite ? [VIX PERVENIT]

par Christophe » mar. 28 oct. 2008, 22:37

Cher Fulcanelli
Fulcanelli a écrit :Un petit commentaire général : Seule la dette crée l'argent
Je ne suis pas convaincu par l'explication que vous donnez de cette transmutation... ;)

L'argent est un signe, conventionnel, une unité de valeur... ou de pouvoir d'achat. Ce n'est pas l'intérêt qui est capable - par lui-même - de créer de la valeur.

Dans le système financier actuel, le crédit est dispensé par émission monétaire. On peut donc effectivement dire que "la dette crée l'argent" ou, plus exactement, que "le crédit crée l'argent". Mais parceque le montant total de la dette contractée (intérêt + capital) est toujours supérieur à la masse monétaire disponible (capital seul), nous assistons à un cercle vicieux : pris collectivement, les débiteurs ne peuvent rembourser leurs dettes (capital + intérêt) qu'en empruntant à nouveau... C'est là la racine du productivisme et l'explication de l'impératif de croissance : pour pouvoir honorer les échéances, il faut pouvoir obtenir de nouveaux crédits, donc que la croissance économique soit proportionnelle à l'augmentation induite de la masse monétaire : 3% par an, pas moins. A défaut, il n'y a que deux options : la refonte du système financier sur des bases plus saines, ou une dévaluation qui va alléger le joug des débiteurs mais diminuer la rente des financiers dispensateurs du crédit... Voilà pourquoi nous avançons à marche forcée pour soutenir un rythme de croissance de 3% l'an !

Au passage, si la possession est effectivement naturelle, la propriété est quant-à-elle une institution sociale...

PaX
Christophe

Re: Prêter à intérêt est-il licite ? [VIX PERVENIT]

par Fulcanelli » mar. 28 oct. 2008, 12:46

Un petit commentaire général : Seule la dette crée l'argent
Le prêt est évidemment une des composantes nécessaire de la relation humaine ; il implique l'existence de la dette. Si je n'ai pas intérêt à prêter, je ne le ferai pas, notamment parce que les projets sont risqués. Ainsi, par la dette, la quantité d'argent dans le système ne fait que croître dans le temps, "intérêt et principal" faisant toujours plus d'argent que "principal" seul. C'est donc la dette, via le prêt à intérêt, qui crée l'argent, et sans la dette, l'argent est mort.
Par là, la dette demande toujours qu'on lève de la richesse de la Terre, ceci afin que la valeur de la monnaie, dont la quantité augmente sans cesse, garde un sens ; alors au travail!
Notre endettement est diffus, nous en ignorons toute l'ampleur tellement l'échange quotidien a distribué la dette et la gloire des banquiers serait alors dans les banques centrales, qui éternisent la dette (voir les positions historiques et hélas avortées du président Johnson)
Quelle horrible atteinte au sacro-saint droit de propriété !!!
Le droit à la propriété n'a rien de sacro-saint. En effet, la notion de propriété n'est absolument pas spécifique aux humains ; essayez donc d'aller retirer un vieil os au chien du voisin. Territoires, objets, individus, constituent la propriété de nombreux animaux. La propriété est bien naturelle et n'a donc absolument rien de spirituel.

Re: Prêter à intérêt est-il licite ? [VIX PERVENIT]

par Christophe » mar. 14 oct. 2008, 12:42

[ Cher Olivier, je me suis permis de fusionner votre message avec le présent fil qui traite du même sujet. J'espère que vous y trouverez quelques unes des réponses à vos questions. | Fraternellement. Christophe ]

Moralité du prêt à intérêt

par Olivier JC » mar. 14 oct. 2008, 11:29

Bonjour,

J'entame quelques recherches sur le sujet.

Sauriez-vous m'indiquer quel était le raisonnement qui sous-tendait l'interdiction du prêt à intérêt ? Et celui qui sous-tend la reconnaissance de sa moralité au Moyen-Age (il me semble que S. Thomas a écrit sur le sujet, mais je n'ai pas les références).

Existe-t-il un ouvrage complet sur cette question, ne se limitant pas au christiannisme, mais incluant les positions grecques (Aristote en a sûrement parlé : où ?) ainsi qu'islamiques (il me semble que chez eux le prêt à intérêt est toujours interdit, et qu'ils ont dû trouvé des artifices pour pouvoir y avoir recours).

Merci !

+

par Olivier » ven. 14 oct. 2005, 19:33

Je comprends que nous pouvons être contre l'interêt, mais:

1. Le banquier a pris un risque de financer votre projet, donc il est normal qu'il gagne quelque chose.
2. l'interêt permet d'enrichir la banque et donc d'investir dans d'autres projets et donc enrichir le pays.

Re: SS Jean-Paul II et l'acceptation du prêt à intérêt ?

par MB » ven. 26 août 2005, 17:42

Bonjour Christophe !
Christophe a écrit :Je crois pour ma part qu'il serait juste que les banques qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du privilège indu et exclusif - paradoxalement concédé par ces mêmes Etats - de créer la monnaie nationale voient leur crédit effacé. Le capital prêté par ces banques n'a pas été prélevé sur le capital propre de ces banques...
Ok, va pour l'annulation de ces crédits, sauf que :
- la dette en elle-même ne plombe pas le développement (la Corée du Sud a été l'un des Etats les plus endettés du monde, la seule différence, c'est que l'argent servait à financer de réels investissements, donc cela inspirait confiance aux bailleurs de fonds)
- soyez pret à assumer votre opinion. En l'occurrence, effacer la dette d'un pays africain, cela veut dire : faire payer au contribuable français la villa, la piscine et les jacuzzis du neveu de tel ministre local... il est vrai que cela se fait tellement chez nous (frais de bouche...), que finalement ça ne changera pas grand-chose.

Amicalement !

[ Un nouveau fil dédié à la question des dettes publiques et dans lequel je répond à ce message a été initié dans le forum Questions économiques à l'adresse suivante : http://www.cite-catholique.org/viewtopic.php?t=1057 | Christophe ]

SS Jean-Paul II et l'acceptation du prêt à intérêt ?

par Christian » jeu. 25 août 2005, 8:56

Cher Christophe,

Je citais Jean-Paul II parce qu’il a tout compris de l’économie. Tombé dans le chaudron du socialisme quand il était petit, il s’est trouvé heureusement immunisé contre la tentation d’en faire goûter la potion à autrui. Sollicitudo Rei Socialis est un hymne au libéralisme. Je croyais donc que Jean-Paul II le premier réglait son compte à ce vieux et faux problème de l’usure, mais je me trompais. Ses prédécesseurs l’avaient déjà fait. Ils ne réfutent pas nommément le cher Thomas d’Aquin, ça ne se fait pas entre docteurs angéliques, ils se contentent de parler de l’intérêt sur les prêts comme si la pratique allait de soi.

J’ai pioché les passages suivants de deux grandes encycliques sur jesusmarie.com :
Mater et magistra

"Il va de soi que ces exigences du bien commun, national ou mondial, entrent aussi en considération quand il s'agit de fixer la part de revenu à attribuer sous forme de profits aux responsables de la direction des entreprises, et sous forme d'intérêts ou dividendes à ceux qui fournissent les capitaux."

[Ce texte est repris et cité dans Sollicitudo]

"Pour les mêmes raisons, l'agriculteur ne peut verser de hauts intérêts ; pas même, en principe, les intérêts courants qui lui permettraient de se procurer les capitaux nécessaires à son développement, à l'exercice normal de son entreprise. Il convient donc, pour des raisons de bien commun, de suivre une politique de crédit particulière à l'agriculture, et d'instituer des établissements de crédit, qui lui procurent des capitaux à un taux raisonnable d'intérêt."

[Jean XXIII parle bien ici de l’intérêt sur les prêts comme d’un principe acquis, il se contente de recommander des mesures particulières pour les agriculteurs]
Populorum progresso

54. Dialogue à instaurer

C'est dire qu'il est indispensable que s'établisse entre tous ce dialogue que Nous appelions de Nos vœux dans Notre première encyclique, Ecclesiam Suam (56). Ce dialogue entre ceux qui apportent les moyens et ceux qui en bénéficient permettra de mesurer les apports, non seulement selon la générosité et les disponibilités des uns, mais aussi en fonction des besoins réels et des possibilités d'emploi des autres. Les pays en voie de développement ne risqueront plus dès lors d'être accablés de dettes dont le service absorbe le plus clair de leurs gains. Taux d'intérêt et durée des prêts pourront être aménagés de manière supportable pour les uns et pour les autres, équilibrant les dons gratuits, les prêts sans intérêts ou à intérêt minime, et la durée des amortissements. Des garanties pourront être données à ceux qui fournissent les moyens financiers, sur l'emploi qui en sera fait selon le plan convenu et avec une efficacité raisonnable, car il ne s'agit pas de favoriser paresseux et parasites.

[Là encore, aucune condamnation du prêt à intérêt dans son principe, mais une simple recommandation de moduler le taux des intérêts sur la capacité de certains emprunteurs à le servir, en rappelant bien que la "solidarité" ne doit pas être un prétexte à paresser et parasiter.]
Pour ma part, ce débat au sein de l'Eglise, qui n’aurait jamais dû avoir lieu, est clos.
:)
Christian

SS Jean-Paul II et l'acceptation du prêt à intérêt ?

par Christophe » mer. 24 août 2005, 21:32

Cher Christian

Il me faut bien reconnaître que cette bulle Vix Pervenit est quelque peu ambigüe... :lol:

Pouvez-vous fournir à nos lecteurs - et à moi-même - les références des textes issus de l'enseignement de SS Jean-Paul II dont vous laissez entendre qu'ils seraient une acceptation du principe du contrat de prêt à intérêt ? En toute humilité, je dois avouer que je ne les connais pas...
:oops:
Christian a écrit :Je crois juste que les banquiers qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du vol fiscal perdent leur mise.
Quelle horrible atteinte au sacro-saint droit de propriété !!! :sick: :arrow: :blink:

Je crois pour ma part qu'il serait juste que les banques qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du privilège indu et exclusif - paradoxalement concédé par ces mêmes Etats - de créer la monnaie nationale voient leur crédit effacé. Le capital prêté par ces banques n'a pas été prélevé sur le capital propre de ces banques...
:P

Amicalement en Jésus-Christ
Christophe

Moralité de l'usure

par Christian » mer. 24 août 2005, 9:57

Je ne dis pas que les guerres, la corruption ou la mauvaise gouvernance des pays concernés sont étrangères au sous-développement de l'Afrique. Mais les prêts à intérêt qui lui sont ( soit-disant généreusement ) "accordés" ne font jamais que d'hypothéquer davantage son avenir. L'Afrique est insolvable. Nous devons, en toute justice, soit lui donner sans exiger de remboursement, soit lui prêter sans intérêt en ne demandant que le remboursement du capital, soit investir là-bas.
Ici, Christophe, je vous rejoins tout à fait.

Il existe deux catégories de prêts immoraux, selon moi

- lorsque le prêteur exige un gage d’une valeur nettement supérieure au prêt, alors qu’il a des raisons de penser que l’emprunteur ne pourra pas rembourser et devra abandonner le gage, laissant le bénéfice de sa vente au prêteur. Le cas est fréquent avec les paysans du tiers-monde qui perdent ainsi le seul bien qu’ils peuvent hypothéquer, leur terre, alors qu’ils n’ont besoin que de quelques sous à un moment quelconque pour une hospitalisation, une soudure entre deux récoltes, etc.

- lorsque l’emprunteur est un Etat

En effet, un ‘Etat’ n’emprunte pas, il s’agit d’une fiction. Ce sont les contribuables qui vont devoir rembourser une dette qu’ils n’ont pas approuvée. Les actionnaires d’une grande entreprise aussi, me direz-vous ? L’analogie ne vaut pas. Car l’argent prêté à une entreprise l’est sur la base d’une rentabilité prévisible d’un investissement, et si l’entreprise ne peut malgré tout rembourser, les actionnaires d’une société anonyme, qui ont choisi d’investir dans cette entreprise plutôt qu’ailleurs, ne sont pas tenus de mettre la main à la poche. Le prêt à un Etat, en revanche, est accordé sur la base d’investissements de service public, sans aucune mesure de rentabilité (il est insultant de demander à des fonctionnaires quelle est la rentabilité de leur travail), et les contribuables, à qui on n’a pas demandé d’accepter ce prêt, sont appelés à rembourser sans aucune autre limite que leur capacité à payer.

Je crois juste que les banquiers qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du vol fiscal perdent leur mise. La bonne façon d'aider les pays pauvres est d'ignorer l'Etat et d'investir directement dans les entreprises sous forme de prêts ou de participation au capital.

Christian

Bien à vous
Christian

Re: Vix Pervenit et la condamnation de l'usure

par Christian » mer. 24 août 2005, 9:32

Bonjour Christophe, :)

Votre intervention m’a donné l’occasion de relire Vix Pervenit. Je rends hommage à la prudence de Benoît XIV, qui s’entoure de nombreux conseils avant de rendre son jugement. La question en effet n’est pas simple. L’industrie naissante à l’époque a besoin de capitaux et le Saint-Père dans sa grande sagesse condamne l’usure pour se conformer à une tradition encore vivace et laisse des portes de grange ouvertes à tous les contrats d’usure pourvu qu’on y mette les formes.

Il s’agit en effet de respecter la charité chrétienne :
3. V … l'homme est tenu de secourir son prochain par un prêt simple et nu
et ensuite de se préserver de la cupidité :
7 … s'ils veulent placer leur argent qu'ils se gardent de se laisser emporter par l'avarice, source de tous les maux
Puis le Saint-Père se livre à une analyse économique et juridique fine, pleine de tolérance et de bon sens :
3. III [il existe des contrats de nature non spécifiée, donc pas nécessairement basés sur le profit, qui fournissent] une raison très juste et très légitime d'exiger, de façon régulière, plus que le capital dû sur la base du prêt. [dont acte]
De même, on ne nie pas qu'il y ait d'autres contrats d'une nature distincte de celle du prêt, qui permettent souvent de placer et d'employer son argent sans reproche, […] en procurant des revenus annuels par l'achat de rentes

Qu’est-ce qu’une rente sinon la rémunération d’un capital à taux fixe, ce que le commun des mortels appelle un 'intérêt' ?
8. que ceux qui ont assez confiance dans leurs forces et dans leur sagesse pour répondre hardiment sur ces questions (qui demandent néanmoins une grande connaissance de la théologie et des canons) évitent avec le plus grand soin les extrêmes toujours vicieux. Quelques-uns, jugeant ces affaires avec beaucoup de sévérité blâment tout intérêt tiré de l'argent comme illicite et tenant à l'usure. D’autres, au contraire très indulgents et relâchés pensent que tout profit est exempt d'usure. Qu’ils ne s'attachent pas trop à leurs opinions particulières : mais qu'avant de répondre, ils consultent plusieurs écrivains de grand renom ; qu'ils embrassent ensuite le parti qu'ils verront clairement appuyé non seulement sur la raison mais encore sur l'autorité.
Ça fleure bon la casuistique. J’aurais certes préféré une acceptation plus franche du loyer de l’argent qui ne viendra qu’avec SS Jean-Paul II, mais les prêteurs étant par définition riches, ils n’ont pas manqué de trouver ‘l’écrivain de grand renom’ pour approuver leurs contrats financiers, moyennant une donation appropriée à quelque bonne œuvre.

Vous-même, cher Christophe, avez noté que la rémunération du prêteur n'est pas interdite :
En troisième lieu, il faut avertir ceux qui veulent se préserver de la souillure du péché de l'usure et confier leur argent à autrui, de façon à tirer un intérêt légitime, de déclarer, avant toutes choses, le contrat qu'ils veulent passer, expliquer clairement et en détail toutes les conventions qui doivent y être insérées, et quel profit ils demandent pour la cession de ce même argent.
et cette rémunération est sagement laissée à l’appréciation des parties. Un bon juriste en fera un loyer de l’argent sous quelque autre dénomination.

C’est pourquoi, serais-je banquier, et sans même connaître l’enseignement de Jean-Paul II sur le sujet, je ne sentirais pas le scrupule m’étreindre à la lecture de Vix Pervenit.

Cordialement
Christian

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