par etienne lorant » jeu. 28 janv. 2010, 17:03
Six suicides par jour en Belgique
6 suicides se produisent par jour en Belgique. Nous possédons d'ailleurs, avec la Finlande, le triste record européen du plus grand nombre de suicides par habitants.
Catherine ERNENS
Les dernières statistiques disponibles attribuent à la province de N amur le triste record du nombre de suicides en Belgique. Sans qu'on sache pourquoi. Sans qu'on ait pu vérifier s'il s'agissait là d'une tendance lourde ou pas. « Il faut prendre ces statistiques avec beaucoup de recul, explique Axel Geeraerts, le directeur du centre de prévention du suicide. On a un trou dans les chiffres. On aurait besoin des chiffres de 2005 et 2006 pour vérifier. Or on ne les a pas. »
Une étude a été menée récemment sur Bruxelles : les statistiques montraient qu'une commune possédait un taux de suicide beaucoup plus élevé que les autres. « On a croisé tous les paramètres possibles et imaginables pour trouver une explication. Et on n'en a pas trouvé. C'est très délicat », poursuit le directeur du centre de prévention.
Par contre, la Wallonie dénombre plus de suicides que la Flandre. Là, c'est une vraie tendance vérifiée sur de nombreuses années. « Mais on ne sait pas pourquoi non plus. De même qu'on ne sait pas pourquoi il y a plus de suicides en Belgique qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas », signale Axel Geeraerts.
Le suicide en Belgique, c'est six décès par jour, 2000 par an. Avec un taux de suicide estimé à plus de 20 pour 100 000 habitants, la Belgique bat, avec la Finlande, tous les records d'Europe de l'Ouest. La moyenne mondiale se situe à 14,5 pour 100 000 habitants.
Le suicide n'est pas un caprice de bourgeois ou le désespoir du pauvre. Les clichés ont tout faux. Le suicide touche toutes les couches de la population et toutes les classes sociales. Les statistiques démontrent cependant deux singularités. Les hommes se suicident trois fois plus que les femmes dans nos sociétés occidentales. Les personnes les plus sensibles aux idées suicidaires sont les adolescents et les personnes âgées. Les deux extrémités de l'existence.
Autrement dit, si les jeunes et les femmes essayent plus souvent de mettre fin à leurs jours, les hommes et les personnes âgées y arrivent plus souvent.
AXEL GEERAERTS: « Attention au phénomène de contagion ! »
Axel Geeraerts, vous faites de la « post-intervention » après un suicide. Comment réagir à un suicide aussi brutal que celui-ci ?
La première réaction est l'immobilisme. On reste figés. Après, il faut trouver des espaces de paroles. La mort a fait son apparition dans ce lieu protégé qu'est l'école. Le cercle des personnes touchées, prises dans ces questions de vie et de mort, est considérable. Il n'y a pas que la famille et les amis. Il y a tous les élèves et profs de cette école. Il faut ouvrir le dialogue avec les jeunes et accompagner les enseignants. Et être, dès à présent, particulièrement vigilant aux élèves les plus fragiles pour éviter les phénomènes de contagion.
Le suicide est contagieux ?
Oui. Particulièrement chez les adolescents. Le seul remède est d'en parler. Pas n'importe comment. Dans un cadre. Ce n'est pas la peine non plus d'en parler à tous les cours. L'école est un lieu de vie qui doit être protégé. Il doit le redevenir très vite après un tel évènement. La vie doit donc continuer et il faut protéger cette possibilité.
Que dire aujourd'hui aux élèves, aux profs , à la famille ?
Le suicide est arrivé. On ne peut pas revenir en arrière. Mais évitons l'effet de contagion. Car on a déjà été confrontés à des suicides à la chaîne dans des écoles. Le phénomène d'identification est très important à l'adolescence. Dans les heures et jours à venir, on va trouver des explications au suicide de ce jeune. Et d'autres jeunes vont pouvoir se dire « moi aussi je vis ça, je souffre de ça ». Et le suicide pourra leur apparaître comme une solution. Le passage à l'acte d'un proche fait tomber une barrière, un tabou.
Un suicide au sein même d'une école, c'est fréquent ?
C'est rare. C'est plus souvent à la maison. Nous ne sommes jamais intervenus sur un cas comme celui-là, sinon le suicide d'un jeune garçon de 11 ans qui s'était pendu au panneau de basket de son école.
Se suicider dans son école, n'est pas le fruit du hasard.
Le choix du lieu du suicide veut toujours dire quelque chose. Ce jeune a « choisi » l'école pour mourir. C'est un message. On ne sait pas lequel mais il faudra essayer de comprendre. Le lieu et le mode de suicide sont des messages. Mais gardons-nous de tout mettre sur le dos de l'école ou de raisonnements simplistes.
Une arme à feux, ça fait peur...
Les hommes utilisent beaucoup plus souvent les armes et les femmes les médicaments. Elles sont plus soucieuses de préserver leur image. Et la violence reste de l'ordre du masculin, même si les choses évoluent. C'est très inconscient mais très ancré en nous.
Le suicide d'un proche, d'un copain est-il prévisible ?
Très souvent, la personne qui passe à l'acte envoie des messages avant. Ça fonctionne souvent par secrets. Par après cela génère de la culpabilité chez les confidents et il faut la soulager. C'est notre travail d'aider à cela aussi. Un travail de deuil démarre là maintenant et il va se prolonger pendant des mois.
Les suicides chez les jeunes ne sont pas les plus fréquents. Mais ce sont ceux dont on parle le plus. Pourquoi ?
En termes de suicides aboutis, ce sont les personnes de plus de 40 ans qui en meurent le plus. Mais on se dit que quelqu'un de 17 ans qui se suicide, c'est plus intolérable qu'une personne de 40 ans. On se dit que c'est toute une vie de perdue pour un jeune. On ne devrait peut-être pas dire ça. C'est une question philosophique. C.Ern.
Six suicides par jour en Belgique
6 suicides se produisent par jour en Belgique. Nous possédons d'ailleurs, avec la Finlande, le triste record européen du plus grand nombre de suicides par habitants.
Catherine ERNENS
Les dernières statistiques disponibles attribuent à la province de N amur le triste record du nombre de suicides en Belgique. Sans qu'on sache pourquoi. Sans qu'on ait pu vérifier s'il s'agissait là d'une tendance lourde ou pas. « Il faut prendre ces statistiques avec beaucoup de recul, explique Axel Geeraerts, le directeur du centre de prévention du suicide. On a un trou dans les chiffres. On aurait besoin des chiffres de 2005 et 2006 pour vérifier. Or on ne les a pas. »
Une étude a été menée récemment sur Bruxelles : les statistiques montraient qu'une commune possédait un taux de suicide beaucoup plus élevé que les autres. « On a croisé tous les paramètres possibles et imaginables pour trouver une explication. Et on n'en a pas trouvé. C'est très délicat », poursuit le directeur du centre de prévention.
Par contre, la Wallonie dénombre plus de suicides que la Flandre. Là, c'est une vraie tendance vérifiée sur de nombreuses années. « Mais on ne sait pas pourquoi non plus. De même qu'on ne sait pas pourquoi il y a plus de suicides en Belgique qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas », signale Axel Geeraerts.
Le suicide en Belgique, c'est six décès par jour, 2000 par an. Avec un taux de suicide estimé à plus de 20 pour 100 000 habitants, la Belgique bat, avec la Finlande, tous les records d'Europe de l'Ouest. La moyenne mondiale se situe à 14,5 pour 100 000 habitants.
Le suicide n'est pas un caprice de bourgeois ou le désespoir du pauvre. Les clichés ont tout faux. Le suicide touche toutes les couches de la population et toutes les classes sociales. Les statistiques démontrent cependant deux singularités. Les hommes se suicident trois fois plus que les femmes dans nos sociétés occidentales. Les personnes les plus sensibles aux idées suicidaires sont les adolescents et les personnes âgées. Les deux extrémités de l'existence.
Autrement dit, si les jeunes et les femmes essayent plus souvent de mettre fin à leurs jours, les hommes et les personnes âgées y arrivent plus souvent.
AXEL GEERAERTS: « Attention au phénomène de contagion ! »
Axel Geeraerts, vous faites de la « post-intervention » après un suicide. Comment réagir à un suicide aussi brutal que celui-ci ?
La première réaction est l'immobilisme. On reste figés. Après, il faut trouver des espaces de paroles. La mort a fait son apparition dans ce lieu protégé qu'est l'école. Le cercle des personnes touchées, prises dans ces questions de vie et de mort, est considérable. Il n'y a pas que la famille et les amis. Il y a tous les élèves et profs de cette école. Il faut ouvrir le dialogue avec les jeunes et accompagner les enseignants. Et être, dès à présent, particulièrement vigilant aux élèves les plus fragiles pour éviter les phénomènes de contagion.
Le suicide est contagieux ?
Oui. Particulièrement chez les adolescents. Le seul remède est d'en parler. Pas n'importe comment. Dans un cadre. Ce n'est pas la peine non plus d'en parler à tous les cours. L'école est un lieu de vie qui doit être protégé. Il doit le redevenir très vite après un tel évènement. La vie doit donc continuer et il faut protéger cette possibilité.
Que dire aujourd'hui aux élèves, aux profs , à la famille ?
Le suicide est arrivé. On ne peut pas revenir en arrière. Mais évitons l'effet de contagion. Car on a déjà été confrontés à des suicides à la chaîne dans des écoles. Le phénomène d'identification est très important à l'adolescence. Dans les heures et jours à venir, on va trouver des explications au suicide de ce jeune. Et d'autres jeunes vont pouvoir se dire « moi aussi je vis ça, je souffre de ça ». Et le suicide pourra leur apparaître comme une solution. Le passage à l'acte d'un proche fait tomber une barrière, un tabou.
Un suicide au sein même d'une école, c'est fréquent ?
C'est rare. C'est plus souvent à la maison. Nous ne sommes jamais intervenus sur un cas comme celui-là, sinon le suicide d'un jeune garçon de 11 ans qui s'était pendu au panneau de basket de son école.
Se suicider dans son école, n'est pas le fruit du hasard.
Le choix du lieu du suicide veut toujours dire quelque chose. Ce jeune a « choisi » l'école pour mourir. C'est un message. On ne sait pas lequel mais il faudra essayer de comprendre. Le lieu et le mode de suicide sont des messages. Mais gardons-nous de tout mettre sur le dos de l'école ou de raisonnements simplistes.
Une arme à feux, ça fait peur...
Les hommes utilisent beaucoup plus souvent les armes et les femmes les médicaments. Elles sont plus soucieuses de préserver leur image. Et la violence reste de l'ordre du masculin, même si les choses évoluent. C'est très inconscient mais très ancré en nous.
Le suicide d'un proche, d'un copain est-il prévisible ?
Très souvent, la personne qui passe à l'acte envoie des messages avant. Ça fonctionne souvent par secrets. Par après cela génère de la culpabilité chez les confidents et il faut la soulager. C'est notre travail d'aider à cela aussi. Un travail de deuil démarre là maintenant et il va se prolonger pendant des mois.
Les suicides chez les jeunes ne sont pas les plus fréquents. Mais ce sont ceux dont on parle le plus. Pourquoi ?
En termes de suicides aboutis, ce sont les personnes de plus de 40 ans qui en meurent le plus. Mais on se dit que quelqu'un de 17 ans qui se suicide, c'est plus intolérable qu'une personne de 40 ans. On se dit que c'est toute une vie de perdue pour un jeune. On ne devrait peut-être pas dire ça. C'est une question philosophique. C.Ern.