par diviacus » mer. 12 avr. 2017, 7:30
Rassurez-vous, je ne vais pas reparler du fond du sujet...
, mais je vais commenter le phénomène de communication relatif à ce sujet (essentiellement sur internet), et à des sujets analogues, censés apporter une "révélation" historique. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
Les "révélations" dont je parle ici, sont :
- Faites par des non-historiens (professionnels), n’utilisant pas la démarche historique nécessaire,
- Relatives à des sujets, soit non explorés jusqu’alors, soit comportant des zones d’ombre dont profitent leurs auteurs,
- Susceptibles de faire rêver, sur des sujets religieux, ésotériques ou surnaturels,
- Sont faites souvent sur internet, parfois dans des revues, à la radio ou à la télévision, plus rarement par des livres. Elles sont relayées par des conférences et des publications sur internet qui sont en fait le réel moteur de leur propagation,
- La plupart du temps « ignorées » des historiens professionnels (j’ai déjà expliqué pourquoi), ce qui permet leur propagation et la création de groupes d’"adeptes".
La durée de vie de ces révélations est très variable suivant leur impact médiatique.
1- La révélation est rapidement contrée par un ou plusieurs historien(s) professionnel(s)
C’est le cas le plus rare, mais quand cela se produit, la révélation est étouffée dans l’œuf et disparaît rapidement. Cela arrive essentiellement dans le cas de sujet tellement médiatisés qu’il y a au moins un historien professionnel qui ose s’exprimer.
C’est le cas par exemple en mai 2016 de la révélation par William Gadoury d’une cité maya ignorée. L’information a été relayée de façon explosive par tous les médias du monde entier en 2 jours, journaux, revues, radios, télévisions (y compris les plus sérieuses), aucun ne voulant passer à côté de cette « révélation ». Je suis allé sur internet 3 jours après l’annonce de cette révélation : il y avait déjà plus de 10 pages sur le sujet, dont une page de Wikipedia sur William Gadoury, remplies d’extraits de médias rapportant tous la même information. Quelques historiens professionnels, excédés par ce tapage médiatique, et vexés d’être « doublés » par un petit jeune, sont enfin intervenus pour expliquer que cela ne tenait pas debout, et au bout d’une semaine, la « révélation » était abandonnée. Si on tape aujourd’hui « William Gadoury » sur Google, on voit que les informations se sont quasiment arrêtées début juin, et le lecteur avisé comprend qu’il s’agit d’une fausse révélation.
Dans les 3 autres cas, la révélation n’intéresse pas les historiens professionnels.
2- La révélation est farfelue, sur un sujet porteur, et fait appel à l’irrationnel
Je pense par exemple à la « Révélation des pyramides – Le secret de la construction », révélée par la longue vidéo de Jacques Grimault. Cette théorie, complètement farfelue, est ignorée des historiens. Comme elle porte sur un sujet connu de tous (la grande pyramide), sur lequel il n’y a pas de consensus entre les historiens (plusieurs théories, plausibles, existent), et qu’elle porte sur un sujet qui fait rêver (civilisation disparue, extra-terrestres…), il y a sur internet plusieurs dizaines de pages sur le sujet, dont beaucoup de forums contenant des discussions d’un niveau lamentable.
Ces sujets ont beaucoup de chances de durer longtemps, car l’appel à l’irrationnel trouvera toujours des adeptes, majoritairement auprès de personnes peu cultivées, mais aussi minoritairement auprès de personnes cultivées (personnes ayant une bonne culture générale, mais moins connaisseurs de l’Egypte ancienne ou des techniques de construction).
Je parie que dans plusieurs années, on en reparlera encore sur internet, quelles que soient les découvertes futures des égyptologues.
3- La révélation est plausible mais non étayée, sur un sujet porteur, et fait appel au rêve
Je pense ici à la théorie sur les « arêtes de poisson » (réseau de souterrains sous la Croix Rousse à Lyon) de Walid Nazim relativement ancienne (livre publié en 2009) mais relancée récemment par un documentaire et des conférences. La théorie est assez bien relayée dans la presse et sur internet (une dizaine de pages) car elle fait appel au rêve avec l’interprétation de l’auteur liant ces souterrains aux templiers.
Sur cette question, les historiens sont relativement muets, parce qu’ils manquent d’informations pour avancer une explication : ces souterrains seraient antiques (voir Archeologia n° 506 de janvier 2013), mais leur utilisation n’est pas connue.
Si de nouvelles fouilles (ou de nouvelles interprétations des fouilles anciennes) révèlent des informations convaincantes, des historiens pourraient s’exprimer (on se retrouvera dans le cas n°1). Sinon, le sujet peut vivre des années (cas n°2).
4- La révélation est plausible mais non étayée, sur un sujet non porteur, et fait appel au rêve
Je mets dans cette catégorie la théorie de Pierre Perrier sur l’évangélisation de la Chine par l’Apôtre Thomas, et j’explique d’abord pourquoi j’utilise ces qualificatifs :
- La révélation est plausible : il n’est pas impossible que l’Apôtre Thomas ait évangélisé la Chine et en tout cas il est vraisemblablement impossible de démontrer le contraire,
- La révélation n’est pas étayée : voir mon argumentation dans mes messages précédents,
- Le sujet n’est pas porteur. De culture chrétienne et historique, je pensais que ce sujet était porteur, aussi bien pour les chrétiens que pour les historiens intéressés par l’histoire des premiers chrétiens ou / et l’histoire antique. En fait, curieusement, il n’en est rien, car le « grand public » n’est pas suffisamment connaisseur de ces deux sujets d’histoire (et puis… cela se passe très loin de nous : différence essentielle avec l’exemple précédent, qui porte sur un sujet cependant beaucoup moins intéressant).
- La révélation fait appel au rêve. Je serai peut-être critiqué sur ce qualificatif, mais je m’explique sur ce point. Tout chrétien devrait être sensible au fait que cette théorie apporte un début de preuve que le Christ a demandé aux apôtres d'aller prêcher la bonne nouvelle aux quatre coins du monde (voir réponse du Père Gallez), et éventuellement au fait que le bouddhisme s’inspire du christianisme (théorie de P. Perrier).
« J’ai tellement envie d’y croire !» (A. Brassié).
Quant à la communication internet, nous sommes en fait dans le cas du sujet précédent avant la relance récente, où il existe quelques pages relayant le sujet, toutes « pro-Perrier », sans aucune discussion, sauf les forums sur lequel je suis intervenu. Mais le sujet est « mort » : plus personne ne s’exprime sur ce sujet, y compris P. Perrier et l’association EECho.
Résultat : pour le lecteur moyen d’internet qui s’intéresse à ce sujet, la révélation est, au moins, probablement vraie (un lecteur non passionné n’ira vraisemblablement pas lire les longs développements, assez fastidieux et faisant appel à des connaissance relativement pointues, que j’ai notamment publiés sur ce forum).
Si le sujet n’est pas relancé, ce qui est probable, cette révélation deviendra sur internet une quasi-vérité pour ceux qui ont envie d’y croire et pour ceux qui ne s’intéressent pas vraiment au sujet.
Rassurez-vous, je ne vais pas reparler du fond du sujet... ;) , mais je vais commenter le phénomène de communication relatif à ce sujet (essentiellement sur internet), et à des sujets analogues, censés apporter une "révélation" historique. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
Les "révélations" dont je parle ici, sont :
- Faites par des non-historiens (professionnels), n’utilisant pas la démarche historique nécessaire,
- Relatives à des sujets, soit non explorés jusqu’alors, soit comportant des zones d’ombre dont profitent leurs auteurs,
- Susceptibles de faire rêver, sur des sujets religieux, ésotériques ou surnaturels,
- Sont faites souvent sur internet, parfois dans des revues, à la radio ou à la télévision, plus rarement par des livres. Elles sont relayées par des conférences et des publications sur internet qui sont en fait le réel moteur de leur propagation,
- La plupart du temps « ignorées » des historiens professionnels (j’ai déjà expliqué pourquoi), ce qui permet leur propagation et la création de groupes d’"adeptes".
La durée de vie de ces révélations est très variable suivant leur impact médiatique.
[b]1- La révélation est rapidement contrée par un ou plusieurs historien(s) professionnel(s)
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C’est le cas le plus rare, mais quand cela se produit, la révélation est étouffée dans l’œuf et disparaît rapidement. Cela arrive essentiellement dans le cas de sujet tellement médiatisés qu’il y a au moins un historien professionnel qui ose s’exprimer.
C’est le cas par exemple en mai 2016 de la révélation par William Gadoury d’une cité maya ignorée. L’information a été relayée de façon explosive par tous les médias du monde entier en 2 jours, journaux, revues, radios, télévisions (y compris les plus sérieuses), aucun ne voulant passer à côté de cette « révélation ». Je suis allé sur internet 3 jours après l’annonce de cette révélation : il y avait déjà plus de 10 pages sur le sujet, dont une page de Wikipedia sur William Gadoury, remplies d’extraits de médias rapportant tous la même information. Quelques historiens professionnels, excédés par ce tapage médiatique, et vexés d’être « doublés » par un petit jeune, sont enfin intervenus pour expliquer que cela ne tenait pas debout, et au bout d’une semaine, la « révélation » était abandonnée. Si on tape aujourd’hui « William Gadoury » sur Google, on voit que les informations se sont quasiment arrêtées début juin, et le lecteur avisé comprend qu’il s’agit d’une fausse révélation.
Dans les 3 autres cas, la révélation n’intéresse pas les historiens professionnels.
[b]2- La révélation est farfelue, sur un sujet porteur, et fait appel à l’irrationnel [/b]
Je pense par exemple à la « Révélation des pyramides – Le secret de la construction », révélée par la longue vidéo de Jacques Grimault. Cette théorie, complètement farfelue, est ignorée des historiens. Comme elle porte sur un sujet connu de tous (la grande pyramide), sur lequel il n’y a pas de consensus entre les historiens (plusieurs théories, plausibles, existent), et qu’elle porte sur un sujet qui fait rêver (civilisation disparue, extra-terrestres…), il y a sur internet plusieurs dizaines de pages sur le sujet, dont beaucoup de forums contenant des discussions d’un niveau lamentable.
Ces sujets ont beaucoup de chances de durer longtemps, car l’appel à l’irrationnel trouvera toujours des adeptes, majoritairement auprès de personnes peu cultivées, mais aussi minoritairement auprès de personnes cultivées (personnes ayant une bonne culture générale, mais moins connaisseurs de l’Egypte ancienne ou des techniques de construction).
Je parie que dans plusieurs années, on en reparlera encore sur internet, quelles que soient les découvertes futures des égyptologues.
[b]3- La révélation est plausible mais non étayée, sur un sujet porteur, et fait appel au rêve
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Je pense ici à la théorie sur les « arêtes de poisson » (réseau de souterrains sous la Croix Rousse à Lyon) de Walid Nazim relativement ancienne (livre publié en 2009) mais relancée récemment par un documentaire et des conférences. La théorie est assez bien relayée dans la presse et sur internet (une dizaine de pages) car elle fait appel au rêve avec l’interprétation de l’auteur liant ces souterrains aux templiers.
Sur cette question, les historiens sont relativement muets, parce qu’ils manquent d’informations pour avancer une explication : ces souterrains seraient antiques (voir Archeologia n° 506 de janvier 2013), mais leur utilisation n’est pas connue.
Si de nouvelles fouilles (ou de nouvelles interprétations des fouilles anciennes) révèlent des informations convaincantes, des historiens pourraient s’exprimer (on se retrouvera dans le cas n°1). Sinon, le sujet peut vivre des années (cas n°2).
[b]4- La révélation est plausible mais non étayée, sur un sujet non porteur, et fait appel au rêve
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Je mets dans cette catégorie la théorie de Pierre Perrier sur l’évangélisation de la Chine par l’Apôtre Thomas, et j’explique d’abord pourquoi j’utilise ces qualificatifs :
- La révélation est plausible : il n’est pas impossible que l’Apôtre Thomas ait évangélisé la Chine et en tout cas il est vraisemblablement impossible de démontrer le contraire,
- La révélation n’est pas étayée : voir mon argumentation dans mes messages précédents,
- Le sujet n’est pas porteur. De culture chrétienne et historique, je pensais que ce sujet était porteur, aussi bien pour les chrétiens que pour les historiens intéressés par l’histoire des premiers chrétiens ou / et l’histoire antique. En fait, curieusement, il n’en est rien, car le « grand public » n’est pas suffisamment connaisseur de ces deux sujets d’histoire (et puis… cela se passe très loin de nous : différence essentielle avec l’exemple précédent, qui porte sur un sujet cependant beaucoup moins intéressant).
- La révélation fait appel au rêve. Je serai peut-être critiqué sur ce qualificatif, mais je m’explique sur ce point. Tout chrétien devrait être sensible au fait que cette théorie apporte un début de preuve que le Christ a demandé aux apôtres d'aller prêcher la bonne nouvelle aux quatre coins du monde (voir réponse du Père Gallez), et éventuellement au fait que le bouddhisme s’inspire du christianisme (théorie de P. Perrier).
« J’ai tellement envie d’y croire !» (A. Brassié).
Quant à la communication internet, nous sommes en fait dans le cas du sujet précédent avant la relance récente, où il existe quelques pages relayant le sujet, toutes « pro-Perrier », sans aucune discussion, sauf les forums sur lequel je suis intervenu. Mais le sujet est « mort » : plus personne ne s’exprime sur ce sujet, y compris P. Perrier et l’association EECho.
Résultat : pour le lecteur moyen d’internet qui s’intéresse à ce sujet, la révélation est, au moins, probablement vraie (un lecteur non passionné n’ira vraisemblablement pas lire les longs développements, assez fastidieux et faisant appel à des connaissance relativement pointues, que j’ai notamment publiés sur ce forum).
Si le sujet n’est pas relancé, ce qui est probable, cette révélation deviendra sur internet une quasi-vérité pour ceux qui ont envie d’y croire et pour ceux qui ne s’intéressent pas vraiment au sujet.