par Cinci » sam. 10 août 2019, 15:36
Bonjour,
Je viens de consulter le dictionnaire du linceul de Turin que j'ai chez moi, un ouvrage de Daniel Raffard de Brienne.
Constantinople (arrivée du Linceul à)
La ville d'Édesse, où l'on conservait le Linceul du Christ replié pour en faire un portrait, l'image d'Édesse ou Mandylion, subit tôt l'invasion arabe et tomba au pouvoir de l'islam dès l'an 639. Les empereurs byzantins ne purent jamais la reprendre. Plus tard, la ville, envahie par les Turcs, reçut un gouverneur arménien. Les croisés s'en emparèrent en 1098 et la gardèrent jusqu'en 1141. A cette occasion, un chroniqueur du XIIe siècle, Orderic Vital, rappelle le souvenir d'Abgar et de "l'image merveilleuse qu'offre aux regards l'apparence et la quantité du corps du Seigneur". Ces mots font penser que le chroniqueur savait que le Mandylion, alors disparu d'Édesse et déplié à Constantinople, portait l'image du corps entier et pas seulement celle du visage.
Si les empereurs byzantins n'ont jamais pu libérer Édesse, l'un d'eux, Romain Lécapène, mena en 943 son armée jusqu'aux murs de la ville. Pour obtenir son départ et la libération de prisonniers musulmans, l'émir d'Édesse remit à l'empereur le portrait "non fait de main d'homme" du Christ, malgré l'opposition des chrétiens de la ville.
L'image d'Édesse fit, le 15 août 944, une entrée triomphale à Constantinople où affluaient toutes les reliques, vraies ou fausses, d'Orient. Une fête anniversaire sera instituée et les textes liturgiques composés à cette occasion font état de guérisons miraculeuses obtenues sur le passage de la relique en Anatolie. Ils rappellent les étapes de l'entrée solennelle dans la capitale byzantine et font allusion au visage visible sur le tissu.
Une homélie attribuée à l'empereur Constantin VII (959), successeur de Romain Lécapène, rappelle la légende d'Abgar, mais suggère une nouvelle explication de l'image visible due "à une sécrétion liquide, sans couleurs ni art de peinture". Le Christ à l'agonie aurait posé son visage ruissellant de sueur comme des gouttes de sang. On s'éloigne donc du Christ triomphant du Mandylion pour se rapprocher à la fois de l'image du Linceul et de la légende de Véronique.
La chronique du pseudo-Syméon rapporte que, sans doute en décembre 944, la famille de l'empereur Romain Lécapène regarda l'image. Les deux fils de l'empereur disaient qu'ils ne voyaient rien qu'un visage seulement. Mais le gendre Constantin disait qu'il voyait des yeux et des oreilles. Le caractère flou et indistinct de l'image du Mandylion ainsi constatée confirme son identification avec le Linceul.
Une oraison de Grégoire le Référendaire, découverte au Vatican par Gino Zaninotto et datant du Xe siècle, traduite par le R. P. Dubarle dont les travaux sont capitaux pour toute cette période, ajoute un argument de poids à cette identification. Grégoire parle de "l'empreinte ramenée d'Édesse" dont il dit qu'elle a été "embellie par des gouttes de sang jaillies de son flanc". Il avait donc vu la plaie du côté et, d'après lui, "le sang et l'eau qui en avaient coulé". Cette plaie n'était pas visible sur le Mandylion : on avait donc, très tôt à Constantinople, enlevé le treillage d'or, déplié le tissu et reconnu le Linceul.
En 958, l'empereur Constantin VII annonce à ses armées l'envoi d'une eau consacrée par le contact de plusieurs reliques, "dont le Linceul qui a porté Dieu". En 1151-1154, Nicolas Soemundarson, abbé d'un monastère irlandais, contemple à Constantinople des "bandelettes avec le suaire et le sang du Christ"; la mention du sang fait l'intérêt de la citation. Guillaume de Tyr, un chroniqueur du XIIe siècle, raconte qu'en 1171 Amaury, roi franc de Jérusalem, de passage dans la capitale byzantine, y vit "le drap que l'on appelle synne où il (le Christ) fut enveloppé". Vers 1190, un anonyme mentionne "le linge et le suaire de sa sépulture".
En 1201, Nicolas Mésaritès, gardien des reliques conservées dans la chapelle Sainte-Marie du Phare, harangue une troupe de séditieux qui, craint-il, va piller son précieux dépôt. Il cite notamment "les linges sépulcraux du Christ ... ils bravent la corruption parce qu'ils ont enveloppé l'ineffable mort, nu et embaumé après la Passion ... Ici même, il ressuscite et le suaire avec les linges sépulcraux en sont la manifestation". Il voit donc dans ces linges un indice de la Résurrection et note cette nudité visible sur le Linceul de Turin.
Tous les textes ci-dessus, et ceux cités dans d'autres rubriques, démontrent la présence du Linceul du Christ à Constantinople et son identification avec le Mandylion ou image d'Édesse.
p. 32
(D, Raffard de Brienne, Dictionnaire du LInceul de Turin, Éditions de Paris, 1997)
Bonjour,
Je viens de consulter le dictionnaire du linceul de Turin que j'ai chez moi, un ouvrage de Daniel Raffard de Brienne.
[b]Constantinople (arrivée du Linceul à)
[/b]
La ville d'Édesse, où l'on conservait le Linceul du Christ replié pour en faire un portrait, l'image d'Édesse ou Mandylion, subit tôt l'invasion arabe et tomba au pouvoir de l'islam dès l'an 639. Les empereurs byzantins ne purent jamais la reprendre. Plus tard, la ville, envahie par les Turcs, reçut un gouverneur arménien. Les croisés s'en emparèrent en 1098 et la gardèrent jusqu'en 1141. A cette occasion, un chroniqueur du XIIe siècle, Orderic Vital, rappelle le souvenir d'Abgar et de "l'image merveilleuse qu'offre aux regards l'apparence et la quantité du corps du Seigneur". Ces mots font penser que le chroniqueur savait que le Mandylion, alors disparu d'Édesse et déplié à Constantinople, portait l'image du corps entier et pas seulement celle du visage.
Si les empereurs byzantins n'ont jamais pu libérer Édesse, l'un d'eux, Romain Lécapène, mena en 943 son armée jusqu'aux murs de la ville. Pour obtenir son départ et la libération de prisonniers musulmans, l'émir d'Édesse remit à l'empereur le portrait "non fait de main d'homme" du Christ, malgré l'opposition des chrétiens de la ville.
L'image d'Édesse fit, le 15 août 944, une entrée triomphale à Constantinople où affluaient toutes les reliques, vraies ou fausses, d'Orient. Une fête anniversaire sera instituée et les textes liturgiques composés à cette occasion font état de guérisons miraculeuses obtenues sur le passage de la relique en Anatolie. Ils rappellent les étapes de l'entrée solennelle dans la capitale byzantine et font allusion au visage visible sur le tissu.
Une homélie attribuée à l'empereur Constantin VII (959), successeur de Romain Lécapène, rappelle la légende d'Abgar, mais suggère une nouvelle explication de l'image visible due "à une sécrétion liquide, sans couleurs ni art de peinture". Le Christ à l'agonie aurait posé son visage ruissellant de sueur comme des gouttes de sang. On s'éloigne donc du Christ triomphant du Mandylion pour se rapprocher à la fois de l'image du Linceul et de la légende de Véronique.
La chronique du pseudo-Syméon rapporte que, sans doute en décembre 944, la famille de l'empereur Romain Lécapène regarda l'image. Les deux fils de l'empereur disaient qu'ils ne voyaient rien qu'un visage seulement. Mais le gendre Constantin disait qu'il voyait des yeux et des oreilles. Le caractère flou et indistinct de l'image du Mandylion ainsi constatée confirme son identification avec le Linceul.
Une oraison de Grégoire le Référendaire, découverte au Vatican par Gino Zaninotto et datant du Xe siècle, traduite par le R. P. Dubarle dont les travaux sont capitaux pour toute cette période, ajoute un argument de poids à cette identification. Grégoire parle de "l'empreinte ramenée d'Édesse" dont il dit qu'elle a été "embellie par des gouttes de sang jaillies de son flanc". Il avait donc vu la plaie du côté et, d'après lui, "le sang et l'eau qui en avaient coulé". Cette plaie n'était pas visible sur le Mandylion : on avait donc, très tôt à Constantinople, enlevé le treillage d'or, déplié le tissu et reconnu le Linceul.
En 958, l'empereur Constantin VII annonce à ses armées l'envoi d'une eau consacrée par le contact de plusieurs reliques, "dont le Linceul qui a porté Dieu". En 1151-1154, Nicolas Soemundarson, abbé d'un monastère irlandais, contemple à Constantinople des "bandelettes avec le suaire et le sang du Christ"; la mention du sang fait l'intérêt de la citation. Guillaume de Tyr, un chroniqueur du XIIe siècle, raconte qu'en 1171 Amaury, roi franc de Jérusalem, de passage dans la capitale byzantine, y vit "le drap que l'on appelle synne où il (le Christ) fut enveloppé". Vers 1190, un anonyme mentionne "le linge et le suaire de sa sépulture".
En 1201, Nicolas Mésaritès, gardien des reliques conservées dans la chapelle Sainte-Marie du Phare, harangue une troupe de séditieux qui, craint-il, va piller son précieux dépôt. Il cite notamment "les linges sépulcraux du Christ ... ils bravent la corruption parce qu'ils ont enveloppé l'ineffable mort, nu et embaumé après la Passion ... Ici même, il ressuscite et le suaire avec les linges sépulcraux en sont la manifestation". Il voit donc dans ces linges un indice de la Résurrection et note cette nudité visible sur le Linceul de Turin.
Tous les textes ci-dessus, et ceux cités dans d'autres rubriques, démontrent la présence du Linceul du Christ à Constantinople et son identification avec le Mandylion ou image d'Édesse.
p. 32
([b]D, Raffard de Brienne[/b], [i]Dictionnaire du LInceul de Turin[/i], Éditions de Paris, 1997)