Merci à
Cinci pour cette vidéo qu’il nous propose et qui donne quelques indications sur l’usage de l’alphabet au temps de Moïse permettant de comprendre pourquoi Moïse a pu écrire les cinq premiers livres de l’Ancien Testament et comment leur transmission a pu être possible.
Diviacus nous annonce une Xième tentative de démontrer que les cinq livres du Pentateuque (de la Genèse au Deutéronome) auraient été inventés durant le premier millénaire avant Jésus-Christ, voire à l’époque de l’exil à Babylone, contrairement à l’enseignement de l’Église qui les attribue à Moïse. Ce n’est pas la première fois dans ce forum.
Il nie (logiquement) tant l’existence même de Moïse que la réalité historique de l’Exode en s’appuyant sur l’affirmation que la pratique de l’écriture dans le royaume d’Israël ne serait apparue qu’à partir du Xe siècle avant Jésus-Christ.
Petit rappel à cet égard : les territoires des douze tribus d’Israël s’étendaient en Canaan à de grandes villes, dont, notamment, plusieurs villes portuaires au bord de la Mer Méditerranée où l’écriture a connu des développements majeurs durant la seconde moitié du deuxième millénaire avant Jésus-Christ.
Le titre de ce fil invite à rechercher dans la Bible les traces de l’invention de l’écriture.
Cela demande de se rappeler d’abord que l’écriture est une inscription volontaire dans de la matière d’une image de la pensée de l’écrivain.
La toute première écriture humaine, chez les Sumériens, environ 3500 ans avant Jésus-Christ, c’était un acte par lequel, avec un morceau de roseau taillé, un peu de poussière était retiré d’une tablette d’argile pour y graver des images de choses ou de nombres.
À cet égard, il me semble que nous pouvons d’abord observer que, dans la Bible,
le premier qui « écrit », c’est Dieu Lui-même.
Le premier acte d’écriture dans la Bible, c’est, en effet, la création de l’homme. Comme un écrivain sumérien dessinant une image dans de l'argile, Dieu a façonné, pendant des milliards d’année, la matière qui constitue notre corps. Il y a insufflé un souffle spirituel comme la pensée d’un écrivain insufflée dans un support matériel par une écriture. Le produit de la fusion entre de la matière (par exemple, du papier et de l’encre) et une pensée (par exemple, celle de l’écrivain) crée une réalité nouvelle indivisible (par exemple, une lettre ou un livre). Cela nous montre ce qu’est un humain produit indivisiblement par de la matière et un souffle spirituel de sorte qu’il a une nature unique corporelle et spirituelle. L’âme spirituelle que nous sommes vient d’une telle fusion de matière et d'esprit.
Et, la révélation de la Genèse va plus loin car, par son acte créateur,
Dieu fait de l’humain un être qui lui « ressemble » et à qui il donne donc le pouvoir d'écrire à son tour comme son créateur, le pouvoir d’exprimer une pensée dans de la matière.
À cet égard, l’invention de l’écriture fut une manifestation de la singularité de l’humain. Lui seul, parmi toutes les créatures, est capable d’une pensée libre en lui-même qu’il peut représenter dans la matière.
La Bible nous révèle que cette capacité de l’humain créé est telle que l’écriture humaine va pouvoir, avec l’inspiration de l’Esprit-Saint, écrire la Parole de Dieu, et, aussi, que Dieu Lui-même va pouvoir se faire homme par un acte semblable, une incarnation telle que la Parole de Dieu elle-même s’est fait chair, avec un corps matériel tel que le nôtre.
Mais, de même que Dieu a mis des milliards d’années pour façonner dans la nature matérielle un corps apte à être celui d’un humain qui lui ressemble, l’humain, à son tour, va avoir besoin de temps pour développer sa propre capacité humaine d’écrire. Il a fallu du temps pour que Dieu puisse donner Sa parole par une écriture humaine et pour que Dieu puisse s’incarner lui-même, incarner sa propre parole.
Comme chaque individu humain, l’humanité elle-même a dû apprendre à écrire.
L’humain a façonné progressivement cette aptitude singulière de telle sorte que ce n’est qu’à une époque concrète de l’histoire, qu’elle est devenue apte à donner à l’humanité, avec l’inspiration et l’assistance de l’Esprit-Saint, la Parole de Dieu sous la forme de la Bible, ensemble de textes 100% humains, mais aussi 100 % d’inspiration divine. La Bible n’est pas tombée du Ciel, mais fut précédée d’un long mûrissement de la capacité humaine d’écrire.
À cet égard, la Bible ne nous parle pas directement des progrès de l’écriture au cours de l’histoire, mais nous savons que cette évolution historique de l’écriture humaine a commencé par de la gravure d’images dans de l’argile, puis que ces images gravées ont été remplacées par des signes représentant des sons (ce fut l’époque de l’écriture cunéiforme sumérienne). Plus tard, sont apparus les premières écritures alphabétiques faites de lettres consonnes suivies ensuite d’alphabets complets grec puis latin.
De même que la Bible a été précédée d’une maturation historique nécessaire de l’écriture humaine, il a aussi fallu du temps pour que la Parole de Dieu puisse se faire chair et habiter corporellement parmi nous, dans l’humanité créée.
Le Christ, Parole de Dieu faite chair, ne s’est pas incarné au temps de Noé, ni au temps d’Abraham, ni au temps de Moïse ou au temps de Salomon ou de Josias. C’est seulement il y a environ deux mille ans qu’il s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie.
Il peut être constaté que, même si les cinq premiers livres de la Bible sont attribués à Moïse, le texte actuel de la Parole de Dieu qu’est l’écriture de la Bible n’a pas été achevé avant l’époque de l’incarnation du Christ. Il ne faut pas s’étonner du fait que ni l’Ancien testament, ni même la loi de Moïse n’ont acquis leur forme finale avant le temps de l’incarnation du Christ.
La Torah (littéralement : l’enseignement) de Moïse (les cinq premiers livres de la Bible) ce n’est pas le texte matériel de ses écrits aujourd’hui disparus, c’est l’enseignement dont ses écrits matériels étaient un aide-mémoire encore imparfait. L’Esprit-Saint n’a pas veillé à leur conservation matérielle. L’enseignement de Moïse ne contient d’ailleurs pas de prescrit ayant permis de veiller à cette conservation.
L’histoire de l’écriture en était encore à ses balbutiements.
Avant Moïse, on ne trouve aucune trace d’une activité humaine d’écriture dans le récit biblique. On peut y percevoir un point de vue défavorable à l’égard de la vie sédentaire dans les villes (fondées par Caïn, le meurtrier) basée sur l’agriculture (le sacrifice d’un animal d’élevage de Abel est préféré à l’offrande d’un produit de l’agriculture) et où l’écriture, y compris religieuse, a permis de développer des discours polythéistes.
Il est possible que l’interdit des images («
Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre » selon Ex. 20, 4) ait été, pour les Hébreux, un obstacle à la pratique de l’écriture qui, pendant longtemps, ne fut faite que d’images, d’abord réalistes puis symboliques par des signes cunéiformes qui représentaient toutes choses par les sons du langage oral qui les nommaient et que ces signes écrits signifiaient.
En Égypte, des premiers alphabets composés uniquement de consonnes (qui n’étaient plus des êtres ou des choses représentées par des images ou des signes phonétiques) sont apparus dans les populations cananéennes vers 1800 avant Jésus-Christ. Ces premiers alphabets ont utilisé des images des hiéroglyphes égyptiens, mais on a vu apparaître aussi des signes abstraits qui ont pu permettre de dépasser l’interdit des images. Certains pensent que Moïse a pu être lui-même l’inventeur d’un alphabet de consonnes composé de signes complètement abstraits qui serait à l’origine de l’alphabet hébreu.
Après Moïse, son enseignement a été copié, traduit, interprété et expliqué à de multiples reprises, par de multiples personnes et de multiples manières, pendant plusieurs siècles sans qu’aucune autorité ne fixe un texte. Durant la seconde moitié du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, à l’époque biblique des Juges (environ de 1400 à 1000 avant Jésus-Christ), les lévites gardiens de la loi étaient dispersés dans de multiples villes du pays de Canaan où, du fait des nombreux échanges commerciaux sur les routes internationales tant maritimes que terrestres très fréquentées dans cette région en bordure de la Mer Méditerranée, la pratique de l’écriture alphabétique s’est beaucoup développée de sorte que les écrits de l’enseignement de Moïse ont pu y être copiés et traduits dans de multiples langues et écritures.
S’il ne reste quasi aucune trace de cette pratique qui utilisait des papyri d’origine végétale, il y a eu cependant, au moins, une exception notoire dans la ville d’Ougarit (à environ 200 km au nord des territoires des tribus d’Israël après l’exode) où l’écriture a continué à se faire sur des tablettes d’argile après être devenue alphabétique, ce qui a permis de retrouver des milliers de documents attestant de la réalité de la pratique de l’écriture dans toute la région et certainement, notamment, dans des villes comme Meggido (dans le territoire attribué à la tribu de Manassé), ou à Tyr et Sidon (dans le territoire attribué à la tribu d’Aser).
Dans les documents retrouvés à Ougarit et écrits avant sa destruction en 1185 avant Jésus-Christ, on a constaté la pratique de huit langues et de cinq systèmes d’écritures. Mais, la Bible ne nous dit rien du travail d’écriture des scribes d’Israël à cette époque.
Après le début de la royauté en Israël, les écrits de l’enseignement de Moïse n’ont plus guère été connus que de quelques spécialistes pendant des siècles jusqu’à leur redécouverte par le roi Josias en 620 avant Jésus-Christ. Il faudra encore des siècles pour fixer le texte hébreu avec une langue et une écriture permettant une lecture universelle fidèle des enseignements de Moïse et des prophètes.
L’alphabet fait de consonnes utilisé par les Cananéens (nommés phéniciens par les Grecs) a connu en Grèce une évolution majeure par l’introduction des voyelles. Cette qualité nouvelle de l’alphabet grec autant que la grammaire grecque ont permis de nouveaux développements de la pensée et de l’écriture.
Vers 200 avant Jésus-Christ, des Grecs ont réalisé une traduction en grec des écritures juives sacrées dont le canon précis restait encore incertain. Ce fut la version dite des Septante.
Lors de la conception du Christ, la Parole faite chair, l’écriture humaine a atteint un niveau de maturité suffisant pour que tant l’Ancien Testament (tel que finalisé progressivement au cours des derniers siècles avant Jésus-Christ) que le Nouveau Testament (écrit durant le premier siècle après Jésus-Christ) soient reconnus comme Parole de Dieu.
La Bible ne nous raconte pas l’histoire humaine de l’écriture, mais elle nous révèle toute sa valeur (comme image de la création de l’homme et comme moyen d’expression de la Parole de Dieu Lui-même)
autant que sa fragilité (du fait des risques d’idolâtrie des mots dont la compréhension ne peut être enfermée dans celle du lecteur qui peut en faire une caricature fausse et trompeuse du réel).
Moïse n’hésite pas à briser les tables écrites par Dieu Lui-même lorsqu’il constate le cœur idolâtre de ceux à qui elles étaient destinées. Le récit biblique n’accorde aucun intérêt au sort qui fut réservé aux débris de ces tables divines.
Moïse n’a pris quasiment aucune mesure pour la conservation et la copie de ses propres écrits. On ignore la langue et le mode d’écriture qui ont été utilisés. Son enseignement (la Torah) n’a pu nous parvenir qu’au travers d’innombrables copies, traductions et explications apportant de multiples points de vue dont le concours a abouti au texte actuel.
Les tables de la loi, placées dans l’arche de l’alliance, ont-elles-mêmes disparu. Aucun miracle n’a veillé à leur conservation. Pas de lecture fondamentaliste possible des mots même écrits par Moïse.
Jésus n’a rien écrit et le Nouveau Testament a été écrit dans une langue différente de celle que parlait le Christ, imposant ainsi au lecteur une distance par rapport aux mots que Jésus a exprimé en araméen.
La Bible semble ainsi nous enseigner une réalité essentielle : L’écriture est toujours une communication entre un écrivain et son lecteur dont la compréhension authentique ne peut jamais être assurée pleinement par un individu seul. Aussi, l’Église prêche inlassablement que la Parole de Dieu que nous lisons dans la Bible est inséparable de la Tradition de l’Église qui en éclaire la compréhension d’une manière qui peut inclure des points de vue différents et qui n’est authentique que dans la communion de l’Église qui est le corps du Christ, la Parole faite chair.