Bonjour, Gerardh,
gerardh a écrit :
Faut-il le promouvoir de nouveau? pourquoi pas alors l'anglais, le sanscrit ou le chinois, une fois que seraient expurgés les réflexes conservateurs ou traditionalistes?
pour beaucoup de personnes, le latin c'est au mieux un "souvenir de collège" et au pire un "truc pour les intellos" qui ne sert strictement à rien. Pourquoi même en parler?
D'ailleurs, ces personnes ont bien raison. Au fond, le latin c'est une langue pour "spécialistes", pour "philologues" et autres "intellos à lunettes", et certainement pas pour des gens qui ont autre chose à faire que d'y penser...
D'ailleurs, votre question, dans sa formulation même, reflète exactement ce que la plupart des gens pensent, avec raison.
"Et pourquoi faudrait-il le promouvoir de nouveau?"
"Et pourquoi pas alors l'anglais, le sanscrit ou le chinois?"
Le latin, c'est une ''langue morte", et une "langue morte", à quoi ça peut bien servir?
Mais... d'où vient cette expression de "langue morte"?
Si l'on considère qu'elle est morte, il doit être possible de dénicher sa date de naissance dans une littérature latine sans trop de difficulté. Si l'on cherche son certificat de décès, on a du mal à trouver des renseignements...
Il faut partir de cette première considération. Le latin offre dans l'histoire des langues un remarquable exemple d'expansion géographique et de stabilité dans le temps. Cette expansion et cette stabilité n'on été rendues possible que parce qu'elles étaient encouragées par les puissances politiques et administratives sur l'ensemble du territoire européen. Le latin était une "langue vivante"... et puis, quelque part dans l'histoire, on en est venu à affirmer que le latin était une "langue morte". Mais on oublie toujours de préciser la date de cette "mort"...
Pourquoi donc les européens d'autrefois apprenaient-ils le latin?
L'apprenaient-ils pour "avoir de la culture"?
Non, ils l'apprenaient parce que le latin leur était indispensable. Le latin était pour eux une langue de communication, une langue dont l'apprentissage était indispensable et nécessaire.
Comment se fait-il alors que cette langue ait cessé d'être un moyen de communication?
L'évolution politique de l'Europe depuis la Renaissance a fait que les Etats, de plus en plus puissants, ont commencé à fermer les frontières et à "fabriquer" des langues "nationales". Les Européens sont devenus "nationalistes".
Et les classiques du XVIIème siècle ont ainsi "fabriqué" le français, celui que nous parlons toujours, cette langue totalement artificielle qu'il a fallut plusieurs siècles pour imposer aux... Français.
Au XVIIIème siècle, la langue française a même prétendu se substituer au latin comme langue universelle de la culture et du savoir. Et c'est à cette époque qu'est née la fameuse ''question du latin''.
Le français fut donc proclamé langue universelle au XVIIIème siècle (vous pouvez lire le livre de De Maistre intitulé
De l'universalité de la langue française), mais ce grand et très stupide rêve fut de courte durée. Quelques Français y croient encore aujourd'hui... mais après la tragique et sanglante épopée du "barbare" Napoléon, c'est l'anglais qui est devenu la véritable langue internationale. La Révolution et ce qui en a résulté nous aura fait perdre définitivement et le latin et la prédominence linguistique du français...
De surcroît, la Révolution a décrété, toute seule, que le français - uniquement - pouvait suffire à communiquer dans la vie sociale et culturelle. Et avec l'apparation des "détracteurs du latin", sont apparus aussi des "défenseurs du latin". On connaît leurs arguments: ils n'ont pas changé depuis deux siècles... ils sont prodigieusement inintéressants.
Pour résumer, jusqu'à la soi-disante "Renaissance", le latin n'a plus obtenu le soutien de la sphère politique et administrative. Avec les nationalismes européens, sa force d'expansion et de stabilité du latin a diminué. Mais le latin est tout de même resté une "langue vivante" jusqu'à l'orée du XXème siècle.
Pour vous en rendre compte, il suffit d'aller visiter ce site:
http://www.hs-augsburg.de/~harsch/a_chron.html
Les Européens se trouvent aujourd'hui sur un chemin qui ne conduit pas bien loin.
Ils ont le très vague sentiment que pour survivre dans l'univers impitoyable de la mondialisation, il leur faut s'unir, s'accepter et s'organiser. Ils ont trouvé une forme d'unité autour de quelques "traités économiques" et ils pensent sincèrement que ces textes sans âmes résoudront tous leurs problèmes.
Dans les écoles, on explique aux petits enfant qu'il faut apprendre plusieurs langues, avant tout et surtout l'anglais, avec la conséquence inévitable et prévisible qu'aucune n'est vraiment connue, à commencer par la langue maternelle.
Alors, pourquoi rendre au latin son importance? Mais le latin n'a jamais perdu de son importance!
Il est un excellent moyen pour l'Europe de retrouver son âme et son unité. L'Europe est sortie de la nuit barbare du "nationalisme idéologique" et des guerres civiles qui vont avec. La Révolution n'est plus qu'un vieux mythe sans gloire au drapeau troué de toute part, et son horreur se dévoile peu à peu au grand jour.
L'Europe ne peut retrouver son unité qu'en retrouvant aussi sa langue vértiable et sa culture historique. En France, de nombreuses personnes parlent encore une autre langue que le français (le catalan, le castillan, le néerlandais, le français, le provençal, etc.).
Il est tout à fait normal que l'on apprenne le Français à l'école, c'est la langue de notre littérature et de notre administration.
Il est tout à fait normal que l'on puisse apprendre l'anglais, c'est la langue des sciences et de l'économie.
Il est essentiel que l'on apprenne aussi le latin.
Pas du tout le seul latin de Virgile et de César, mais un latin tout simple, enseigné de manière correcte et assurant un bon niveau de communication courante. Le latin, comme symbole vivant de l'appartenance à une grande communauté historique, géographique et
religieuse.
Parce que le latin c'est notre langue!
(et pour un catholique! C'est LA langue de l'Eglise).
Il faut donc apprendre le latin, et il n'est jamais trop tard pour commencer!
Ce n'est pas bien difficile, et c'est très important. C'est important si l'on veut que l'Europe demeure latine.
Et c'est important, parce qu'il est lamentable de voir des jeunes de divers pays baragouiner entre eux en anglo-américain des choses qui pourrait fort bien et mieux se dire en latin...
Amicalement.
Virgile.
PS. Je me souviens avoir lu un livre, il y a de nombreuses années, dont le titre est
Europe, la voie romaine, d'une lecture instructive. Je ne parviens pas à retrouver ce livre, mais l'auteur en était Rémy Brague.