par GuilhemMaurice » mar. 19 juil. 2011, 10:20
Bonjour, le site internet du journal La Croix propose plusieurs articles sur l'enseignement de la théorie du gender au lycée à partir de la rentrée prochaine. Voici ces articles:
« Théorie du genre » au lycée, la crainte de dérives
#L’introduction par l’éducation nationale d’un nouveau chapitre dans les manuels de biologie sur « l’influence de la société sur l’identité sexuelle » a provoqué un certain émoi dans l’enseignement catholique mais aussi auprès d’enseignants du public.
#Des théologiens et psychanalystes catholiques interrogés par « La Croix » expliquent en quoi une telle introduction peut donner lieu à des dérives idéologiques de la théorie du genre.
Dans quelle mesure cette théorie s’intègre-t-elle aux programmes ?
À la rentrée de septembre, une partie des lycéens devra étudier en cours de biologie l’influence de la société sur l’identité sexuelle. Pour la première fois, le ministère de l’éducation nationale a introduit un chapitre intitulé « Devenir homme et femme » dans le programme de sciences de la vie et de la terre des classes de première ES et L pour l’année 2011-2012.
Certains y voient une référence à la « théorie du genre », qui n’est pas désignée explicitement comme telle. Le manuel édité par Hachette y consacre par exemple une page entière, sous l’intitulé « Le genre, une construction sociale ».
Il est notamment précisé que « la société construit en nous, à notre naissance, une idée des caractéristiques de notre sexe », tandis qu’un texte des universités de Toulouse et de Lyon avance que si « la référence au sexe traduit une réalité universelle, la construction sociale du genre est variable dans le temps et l’espace ». En contrepoint, le manuel se réfère à un texte du site Internet de la Conférence des évêques de France sur la perception de l’homosexualité par l’Église.
Dans le manuel publié par Belin, les auteurs soulignent l’existence de « deux aspects complémentaires de la sexualité : l’identité sexuelle qui correspond au genre masculin ou féminin et relève de l’espace social, et l’orientation sexuelle qui relève de l’intimité de la personne ».
« Hommes et femmes peuvent aussi se distinguer par des caractéristiques comportementales. Notre société a aussi des codes dans ce domaine, et ils peuvent avoir une influence », peut-on aussi lire dans le livre publié par Hatier. « Ces manuels sont sans doute la réponse que l’éducation nationale a cru devoir donner à une inquiétude majeure : l’homophobie », suggère le dominicain Laurent Lemoine, spécialiste des questions d’éthique.
En quoi la polémique consiste-t-elle ?
Fin mai, bien avant que la polémique n’enfle dans les médias, la direction de l’enseignement catholique a adressé une lettre à tous les directeurs diocésains afin d’attirer leur attention sur « le discernement à apporter dans le choix des manuels pour cette discipline ».
Son secrétaire général adjoint, Claude Berruer, a dénoncé une théorie qui « se diffuse dans notre environnement » : « Il est assurément indispensable d’ouvrir un débat avec les lycées sur cette question. » Selon lui, le chapitre incriminé « fait explicitement référence à la théorie du genre, qui privilégie le “genre”, considéré comme une pure construction sociale, sur la différence sexuelle ».
De leur côté, les associations familiales catholiques (AFC), relayées par le Parti chrétien-démocrate (PCD) dirigé par Christine Boutin, se sont alarmées de « la nature des sujets abordés », en appelant à la « liberté de conscience à l’école ».
Par ailleurs, un collectif d’enseignants du public baptisé « L’école déboussolée » a adressé au ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel, une pétition qui a recueilli 33 000 signatures. Ce manifeste exige entre autres que le chapitre « Devenir homme ou femme » ne soit pas au programme des épreuves du bac en 2012, les filières L et ES passant l’épreuve de SVT dès la classe de première.
Une dizaine de parlementaires ont également fait part au gouvernement de leurs inquiétudes au sujet de ces nouveaux programmes.
Ces critiques sont-elles fondées ?
Pour le théologien Xavier Lacroix (1), qui s’est livré à une étude minutieuse du manuel édité par Hachette, « le texte est foncièrement ambigu. D’un côté, ses affirmations prises à la lettre et une à une sont exactes ; de l’autre, ses silences et ses insistances orientent le texte dans une certaine direction. »
D’autant qu’à la lecture de ces manuels, édités par Bordas, Hatier et Hachette, le terme de « théorie » n’apparaît pas explicitement. « Il ne faut pas faire passer pour vérité scientifique ce qui relève avant tout d’un débat anthropologique, souligne le psychanalyste Jacques Arènes (2). Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces manuels manquent de précaution. »
Ainsi, pour Xavier Lacroix, « le minimum serait que le professeur de biologie s’entende avec le professeur de philosophie, de lettres, d’éducation civique pour que soient abordées ces graves questions. Il serait bon, aussi, que le professeur ait présent à l’esprit l’arrière-fond global de ce discours ».
S’il reconnaît une influence de la société sur l’identité sexuelle, Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, qui avait publié une tribune sur le sujet, se dit « gêné » que cette théorie « laisse penser que l’on peut se choisir en dehors de l’identité sexuelle ».
Anthropologie chrétienne
Il est différent de distinguer identité et orientation sexuelles, et d’affirmer que l’on peut faire ce que l’on veut. « Ces discussions devraient nous aider davantage à préciser notre anthropologie chrétienne, fondée sur la personne humaine », conclut-il. « Il est un peu rapide de ramener l’identité sexuelle à une construction sociale, ajoute Jacques Arènes : se sentir homme ou femme est certes lié à la société, mais aussi à ce que nous vivons, personnellement, en famille. »
Comme le relève le P. Lemoine, il y a en effet plusieurs courants chez les théoriciens du genre. Ce dominicain estime que, sans nier les données naturelles, l’environnement social peut influer sur la construction de soi. « La nature humaine n’est pas une donnée à considérer de manière seulement figée et intangible. Elle s’articule avec la construction historique de soi », affirme-t-il, alors que certaines dérives du gender tendent à nier la composante biologique de l’identité sexuelle.
C’est sans doute à cause de cette surenchère que le Vatican affiche la plus grande prudence vis-à-vis de cette théorie. Le Lexique des termes ambigus et controversées sur la famille, la vie et les questions éthiques (3), publié en 2005 par le conseil pontifical pour la famille, consacre pas moins de trois articles au gender, considéré comme une « idéologie dangereuse ».
Quel sera le sort de ces manuels ?
Sollicités par La Croix , les éditeurs refusent de répondre. Auparavant, ils avaient formellement exclu toute réédition des manuels de biologie.
L’utilisation de ces manuels controversés dépendra donc désormais de chaque enseignant. Très hostile à cette théorie, Damien, professeur dans le privé, affiche toutefois un certain pragmatisme. « À la rentrée prochaine, si j’ai des premières, je serai très franc avec eux. Je leur dirai : “Je suis responsable de vous et de la note que vous aurez au bac. Vous devez maîtriser cette théorie et ce que l’on veut entendre de vous. Mais en off, on discutera.” »
Professeur de biologie dans le public, Dominique, la quarantaine, qui se définit comme une « catholique pratiquante », juge pour sa part la polémique « très excessive ». « Étant donné le peu de temps imparti au sujet, dans un programme déjà chargé, il est peu probable que j’utilise ces manuels, qui sont des ressources documentaires. C’est tellement plus riche de discuter avec les élèves de ce qu’ils savent ou croient savoir. »
L’enseignement catholique ne souhaite pas laisser les professeurs démunis face à la complexité de ce débat. En juin, à l’initiative de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, s’est constitué un groupe de travail, réunissant des théologiens et des professeurs. Ils doivent mettre au point des fiches explicatives, destinées aux enseignants. Disponibles début 2012, elles comprendront des outils pour comprendre la théorie du genre, ainsi qu’une étude critique des manuels.
(1) De chair et de parole , Bayard, 2007.
(2) La problématique du « genre » , Documents Épiscopat, n° 12/2006.
(3) Pierre Téqui éditeur, 2005.
FRANCOIS-XAVIER MAIGRE et LOUP BESMOND DE SENNEVILLE
L’Américaine Judith Butler, chef de file de l’éducation « neutre »
#Les partisans de l’éducation « neutre » s’inspirent de la théorie de la philosophe américaine Judith Butler.
#Selon elle, le sexe est lié aux chromosomes et aux organes génitaux alors que le « genre », masculin ou féminin, serait une construction sociale.
À la naissance de Storm en janvier 2011, ses parents canadiens, Kathy Witterick et David Stocker, ont décidé de garder secret le sexe de leur troisième enfant. Son faire-part de naissance est donc « neutre ». « Nous avons décidé de ne pas partager le sexe de Storm pour l’instant – un hommage à la liberté et au choix, une reconnaissance de ce que le monde pourrait devenir au cours de sa vie », ont écrit les parents à leurs proches. Storm a deux grands frères, Kio, deux ans et Jazz, cinq ans.
Après une série d’articles parus dans la presse canadienne, Kathy Witterick a expliqué son désir d’éduquer ses enfants en dehors du moule strict « garçon-fille ». Son fils Jazz, par exemple, a toujours été attiré par les couleurs vives, comme le rose, est sensible aux tissus et voulait porter les cheveux longs.
« En grandissant, il a été confronté à la pression de ses pairs et des adultes pour qu’il ajuste son image et se comporte “comme un garçon”. Jazz est resté fidèle à son propre style », raconte la maman. Poussant plus loin les déclarations, elle a décidé que son cadet ne subirait pas l’influence de la société sur son développement personnel et sa relation au « genre ».
Distinguer « sexe » et « genre »
L’éducation neutre est une tendance encore peu développée outre-Atlantique. Ses partisans puisent dans la théorie de Judith Butler, une philosophe américaine qui a décortiqué les notions de sexe et de genre. Le sexe, homme ou femme, est lié aux chromosomes et aux organes génitaux alors que le « genre », masculin ou féminin, serait plus une construction sociale aux frontières plus floues.
Professeur à l’université de Berkeley, en Californie, Judith Butler est très influencée par les auteurs français comme Michel Foucault, Jacques Lacan, Jacques Derrida et Simone de Beauvoir. « La célèbre formule de celle-ci “On ne naît pas femme, on le devient” pourrait servir de fil rouge à l’ensemble de son œuvre. À condition de remplacer le mot “femme” par tous ceux que vous voulez. »
Critiquée en 2004 par le cardinal Joseph Ratzinger pour ses positions sur cette question, Judith Butler est aujourd’hui l’une des plus ferventes porte-parole du mouvement gay et lesbien. « (…) Une petite fille qui se précipite sur une poupée ou un garçon sur un ballon ne le font pas “naturellement”. Ils jouent un rôle social et obéissent à une logique qui “range” les individus à une “place” sexuelle prédéfinie. C’est ce que Judith Butler appelle la “performativité de genre”. Elle propose de se libérer progressivement de ces “assignations à résidence” sociale ou sexuelle », écrit le magazine Psychologies dans un portrait de la théoricienne.
« Ignorer le genre ne va pas le faire disparaître »
Un débat existe aux États-Unis sur la question du genre et la manière de l’aborder. Pour le psychologue et médecin Leonard Sax, la distinction « fille-garçon » reste importante. « Ignorer le genre ne va pas le faire disparaître. Au contraire, l’ignorer aura pour conséquence ironique d’exacerber les stéréotypes. »
Leonard Sax est l’un des fondateurs d’un autre mouvement, qui prône la réintroduction d’écoles non-mixtes dans le système scolaire public aux États-Unis. En 2010, on comptait 540 écoles publiques de filles ou de garçons aux États-Unis. Avoir des classes séparées permettrait un développement plus harmonieux des enfants, selon les défenseurs de ce mouvement.
Un courant battu en brèche par les propos de Lise Eliot, une neuroscientifique américaine : « Malgré tout ce que l’on peut lire dans les magazines, les neuroscientifiques n’ont pas une idée arrêtée de ce qui est mâle ou femelle dans le cerveau humain. Peu de structures diffèrent. »
Stéphanie Fontenoy, à Washington
Le « gender », une théorie sociologique apparue il y a quarante ans
Apparition dans les années 1970
Nées au début des années 1970, les gender studies sont apparues aux États-Unis pour faire contrepoids aux théories présentant comme naturelles des inégalités ou des différences purement sociales. Dans les années 1990, l’Américaine Judith Butler relate par exemple sa traque de la « présomption d’hétérosexualité » dans la littérature.Déplacement du sens du terme« L’usage commun dans la dernière moitié du XXe siècle a déplacé le sens du mot genre vers une identité sexuelle individuelle. Progressivement, (…) les activistes féministes clamèrent que la sexualité humaine ne se réduit pas au corps, et elles ont adopté le mot genre pour désigner l’aspect non corporel de la sexualité. (…) C’est ainsi que le mot genre est devenu un concept d’identité sexuelle imposé par la société et la culture », écrit Beatriz Vollmer de Coles, spécialiste des questions de genre, dans le Lexique publié en 2005 par le Conseil pontifical pour la famille.
Part grandissante à la construction culturelleEn résumé, il s’agit de distinguer les aspects sociaux de l’identité sexuelle : l’identité sexuelle ne coïncide pas forcément avec la différence biologique mâle-femelle. Les caractéristiques de genre comportent selon cette théorie une part de construction culturelle. Mais certains développements récents des théories du genre donnent une place de plus en plus importante à la construction culturelle de l’identité sexuelle. Cette théorie s’est développée dans la mouvance du féminisme et de la militance des groupes gay.
Diffusion en France
Très présente aux États-Unis, cette théorie commence à venir en France : l’ Institut des sciences politiques de Paris lancera par exemple à la rentrée prochaine une chaire spécifiquement dédiée aux « gender studies ». Un programme consacré aux inégalités de sexe et au genre sera enseigné dans chacune des disciplines de l’école : économie, droit, histoire, sociologie, science politique.Etude l’année prochaine à l’école des « stéréotypes »Cette année, le ministère de l’éducation nationale a inclus dans les programmes de sciences de la vie et de la terre des classes de première L et ES l’obligation d’étudier l’influence des « stéréotypes dans la société » sur l’identité sexuelle
L’objectif affiché est d’offrir une éducation sexuelle de qualité
Le ministère de l’éducation nationale tente d’éteindre la polémique sur le sujet.
Les manuels de sciences et vie de la terre (SVT) de première, Luc Chatel ne veut plus en entendre parler. « Nous voulons arrêter cette polémique, donc nous ne répondons plus sur ce sujet », affirme, gêné, le service de presse du ministère de l’éducation nationale.
Ce dernier a bien enregistré les réactions de l’enseignement catholique qui s’oppose à l’introduction de la théorie du genre dans les manuels scolaires. Il entend maintenant calmer le jeu.
« En classe de première, on aborde la définition homme/femme. Il s’agit principalement d’évoquer la dimension biologique de la détermination sexuelle dès la phase embryonnaire, expliquait au magazine Pèlerin , mi-juin, Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire. En complément, le programme évoque la dimension sociologique de la différenciation sexuelle. »
Exhaustivité
Officiellement, il s’agit donc pour l’éducation nationale d’être exhaustif en parlant du fonctionnement physiologique de la sexualité (chromosomes X et Y, organes reproducteurs, hormones sexuelles) et de la question, sociale, de l’orientation sexuelle (existence de pratiques homosexuelles et hétérosexuelles chez les animaux et les hommes).
Plus globalement, l’objectif est de dispenser une éducation sexuelle et affective à des jeunes en construction. L’enseignement de SVT « sera l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée », indique le ministère dans le descriptif des programmes paru dans le Bulletin officiel spécial n° 9 du 30 septembre 2010.
Il précise encore que cette partie du programme « prépare à l’exercice des responsabilités individuelles, familiales et sociales et constitue un tremplin vers les métiers qui se rapportent à la santé ».
« Procès d’intention »
La polémique soulevée n’a pas lieu d’être, selon Valérie Sipahimalani, représentante du Syndicat national des enseignements de second degré (Snes-FSU) au Conseil supérieur de l’éducation (CSE), qui examine les programmes avant leur entrée en vigueur.
« C’est un procès d’intention qui est fait à l’inspection générale de l’éducation nationale, estime-t-elle. Les manuels introduisent la question de l’orientation sexuelle, en disant que la société nous reconnaît homme ou femme mais que chacun peut avoir des relations avec des personnes de même sexe ou de sexe opposé, affirme-t-elle. Mais ils n’abordent pas la théorie du genre au sens nord-américain. »
Elle rappelle que les multiples présentations des nouveaux programmes, une première fois au printemps 2010, puis peu après en commission spécialisée des lycées et pour finir devant le CSE en juillet 2010, n’ont à l’époque suscité aucune critique.
ESTELLE MAUSSION
Bonjour, le site internet du journal La Croix propose plusieurs articles sur l'enseignement de la théorie du gender au lycée à partir de la rentrée prochaine. Voici ces articles:
[quote] [u][b]« Théorie du genre » au lycée, la crainte de dérives[/b][/u]
#L’introduction par l’éducation nationale d’un nouveau chapitre dans les manuels de biologie sur « l’influence de la société sur l’identité sexuelle » a provoqué un certain émoi dans l’enseignement catholique mais aussi auprès d’enseignants du public.
#Des théologiens et psychanalystes catholiques interrogés par « La Croix » expliquent en quoi une telle introduction peut donner lieu à des dérives idéologiques de la théorie du genre.
[b]Dans quelle mesure cette théorie s’intègre-t-elle aux programmes ?[/b]
À la rentrée de septembre, une partie des lycéens devra étudier en cours de biologie l’influence de la société sur l’identité sexuelle. Pour la première fois, le ministère de l’éducation nationale a introduit un chapitre intitulé « Devenir homme et femme » dans le programme de sciences de la vie et de la terre des classes de première ES et L pour l’année 2011-2012.
Certains y voient une référence à la « théorie du genre », qui n’est pas désignée explicitement comme telle. Le manuel édité par Hachette y consacre par exemple une page entière, sous l’intitulé « Le genre, une construction sociale ».
Il est notamment précisé que « la société construit en nous, à notre naissance, une idée des caractéristiques de notre sexe », tandis qu’un texte des universités de Toulouse et de Lyon avance que si « la référence au sexe traduit une réalité universelle, la construction sociale du genre est variable dans le temps et l’espace ». En contrepoint, le manuel se réfère à un texte du site Internet de la Conférence des évêques de France sur la perception de l’homosexualité par l’Église.
Dans le manuel publié par Belin, les auteurs soulignent l’existence de « deux aspects complémentaires de la sexualité : l’identité sexuelle qui correspond au genre masculin ou féminin et relève de l’espace social, et l’orientation sexuelle qui relève de l’intimité de la personne ».
« Hommes et femmes peuvent aussi se distinguer par des caractéristiques comportementales. Notre société a aussi des codes dans ce domaine, et ils peuvent avoir une influence », peut-on aussi lire dans le livre publié par Hatier. « Ces manuels sont sans doute la réponse que l’éducation nationale a cru devoir donner à une inquiétude majeure : l’homophobie », suggère le dominicain Laurent Lemoine, spécialiste des questions d’éthique.
[b]En quoi la polémique consiste-t-elle ?[/b]
Fin mai, bien avant que la polémique n’enfle dans les médias, la direction de l’enseignement catholique a adressé une lettre à tous les directeurs diocésains afin d’attirer leur attention sur « le discernement à apporter dans le choix des manuels pour cette discipline ».
Son secrétaire général adjoint, Claude Berruer, a dénoncé une théorie qui « se diffuse dans notre environnement » : « Il est assurément indispensable d’ouvrir un débat avec les lycées sur cette question. » Selon lui, le chapitre incriminé « fait explicitement référence à la théorie du genre, qui privilégie le “genre”, considéré comme une pure construction sociale, sur la différence sexuelle ».
De leur côté, les associations familiales catholiques (AFC), relayées par le Parti chrétien-démocrate (PCD) dirigé par Christine Boutin, se sont alarmées de « la nature des sujets abordés », en appelant à la « liberté de conscience à l’école ».
Par ailleurs, un collectif d’enseignants du public baptisé « L’école déboussolée » a adressé au ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel, une pétition qui a recueilli 33 000 signatures. Ce manifeste exige entre autres que le chapitre « Devenir homme ou femme » ne soit pas au programme des épreuves du bac en 2012, les filières L et ES passant l’épreuve de SVT dès la classe de première.
Une dizaine de parlementaires ont également fait part au gouvernement de leurs inquiétudes au sujet de ces nouveaux programmes.
[b]Ces critiques sont-elles fondées ?[/b]
Pour le théologien Xavier Lacroix (1), qui s’est livré à une étude minutieuse du manuel édité par Hachette, « le texte est foncièrement ambigu. D’un côté, ses affirmations prises à la lettre et une à une sont exactes ; de l’autre, ses silences et ses insistances orientent le texte dans une certaine direction. »
D’autant qu’à la lecture de ces manuels, édités par Bordas, Hatier et Hachette, le terme de « théorie » n’apparaît pas explicitement. « Il ne faut pas faire passer pour vérité scientifique ce qui relève avant tout d’un débat anthropologique, souligne le psychanalyste Jacques Arènes (2). Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces manuels manquent de précaution. »
Ainsi, pour Xavier Lacroix, « le minimum serait que le professeur de biologie s’entende avec le professeur de philosophie, de lettres, d’éducation civique pour que soient abordées ces graves questions. Il serait bon, aussi, que le professeur ait présent à l’esprit l’arrière-fond global de ce discours ».
S’il reconnaît une influence de la société sur l’identité sexuelle, Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, qui avait publié une tribune sur le sujet, se dit « gêné » que cette théorie « laisse penser que l’on peut se choisir en dehors de l’identité sexuelle ».
[b]Anthropologie chrétienne[/b]
Il est différent de distinguer identité et orientation sexuelles, et d’affirmer que l’on peut faire ce que l’on veut. « Ces discussions devraient nous aider davantage à préciser notre anthropologie chrétienne, fondée sur la personne humaine », conclut-il. « Il est un peu rapide de ramener l’identité sexuelle à une construction sociale, ajoute Jacques Arènes : se sentir homme ou femme est certes lié à la société, mais aussi à ce que nous vivons, personnellement, en famille. »
Comme le relève le P. Lemoine, il y a en effet plusieurs courants chez les théoriciens du genre. Ce dominicain estime que, sans nier les données naturelles, l’environnement social peut influer sur la construction de soi. « La nature humaine n’est pas une donnée à considérer de manière seulement figée et intangible. Elle s’articule avec la construction historique de soi », affirme-t-il, alors que certaines dérives du gender tendent à nier la composante biologique de l’identité sexuelle.
C’est sans doute à cause de cette surenchère que le Vatican affiche la plus grande prudence vis-à-vis de cette théorie. Le Lexique des termes ambigus et controversées sur la famille, la vie et les questions éthiques (3), publié en 2005 par le conseil pontifical pour la famille, consacre pas moins de trois articles au gender, considéré comme une « idéologie dangereuse ».
[b]Quel sera le sort de ces manuels ?[/b]
Sollicités par La Croix , les éditeurs refusent de répondre. Auparavant, ils avaient formellement exclu toute réédition des manuels de biologie.
L’utilisation de ces manuels controversés dépendra donc désormais de chaque enseignant. Très hostile à cette théorie, Damien, professeur dans le privé, affiche toutefois un certain pragmatisme. « À la rentrée prochaine, si j’ai des premières, je serai très franc avec eux. Je leur dirai : “Je suis responsable de vous et de la note que vous aurez au bac. Vous devez maîtriser cette théorie et ce que l’on veut entendre de vous. Mais en off, on discutera.” »
Professeur de biologie dans le public, Dominique, la quarantaine, qui se définit comme une « catholique pratiquante », juge pour sa part la polémique « très excessive ». « Étant donné le peu de temps imparti au sujet, dans un programme déjà chargé, il est peu probable que j’utilise ces manuels, qui sont des ressources documentaires. C’est tellement plus riche de discuter avec les élèves de ce qu’ils savent ou croient savoir. »
L’enseignement catholique ne souhaite pas laisser les professeurs démunis face à la complexité de ce débat. En juin, à l’initiative de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, s’est constitué un groupe de travail, réunissant des théologiens et des professeurs. Ils doivent mettre au point des fiches explicatives, destinées aux enseignants. Disponibles début 2012, elles comprendront des outils pour comprendre la théorie du genre, ainsi qu’une étude critique des manuels.
(1) De chair et de parole , Bayard, 2007.
(2) La problématique du « genre » , Documents Épiscopat, n° 12/2006.
(3) Pierre Téqui éditeur, 2005.
FRANCOIS-XAVIER MAIGRE et LOUP BESMOND DE SENNEVILLE
[/quote]
[quote] [u][b]L’Américaine Judith Butler, chef de file de l’éducation « neutre »[/b][/u]
#Les partisans de l’éducation « neutre » s’inspirent de la théorie de la philosophe américaine Judith Butler.
#Selon elle, le sexe est lié aux chromosomes et aux organes génitaux alors que le « genre », masculin ou féminin, serait une construction sociale.
À la naissance de Storm en janvier 2011, ses parents canadiens, Kathy Witterick et David Stocker, ont décidé de garder secret le sexe de leur troisième enfant. Son faire-part de naissance est donc « neutre ». « Nous avons décidé de ne pas partager le sexe de Storm pour l’instant – un hommage à la liberté et au choix, une reconnaissance de ce que le monde pourrait devenir au cours de sa vie », ont écrit les parents à leurs proches. Storm a deux grands frères, Kio, deux ans et Jazz, cinq ans.
Après une série d’articles parus dans la presse canadienne, Kathy Witterick a expliqué son désir d’éduquer ses enfants en dehors du moule strict « garçon-fille ». Son fils Jazz, par exemple, a toujours été attiré par les couleurs vives, comme le rose, est sensible aux tissus et voulait porter les cheveux longs.
« En grandissant, il a été confronté à la pression de ses pairs et des adultes pour qu’il ajuste son image et se comporte “comme un garçon”. Jazz est resté fidèle à son propre style », raconte la maman. Poussant plus loin les déclarations, elle a décidé que son cadet ne subirait pas l’influence de la société sur son développement personnel et sa relation au « genre ».
[b]Distinguer « sexe » et « genre »[/b]
L’éducation neutre est une tendance encore peu développée outre-Atlantique. Ses partisans puisent dans la théorie de Judith Butler, une philosophe américaine qui a décortiqué les notions de sexe et de genre. Le sexe, homme ou femme, est lié aux chromosomes et aux organes génitaux alors que le « genre », masculin ou féminin, serait plus une construction sociale aux frontières plus floues.
Professeur à l’université de Berkeley, en Californie, Judith Butler est très influencée par les auteurs français comme Michel Foucault, Jacques Lacan, Jacques Derrida et Simone de Beauvoir. « La célèbre formule de celle-ci “On ne naît pas femme, on le devient” pourrait servir de fil rouge à l’ensemble de son œuvre. À condition de remplacer le mot “femme” par tous ceux que vous voulez. »
Critiquée en 2004 par le cardinal Joseph Ratzinger pour ses positions sur cette question, Judith Butler est aujourd’hui l’une des plus ferventes porte-parole du mouvement gay et lesbien. « (…) Une petite fille qui se précipite sur une poupée ou un garçon sur un ballon ne le font pas “naturellement”. Ils jouent un rôle social et obéissent à une logique qui “range” les individus à une “place” sexuelle prédéfinie. C’est ce que Judith Butler appelle la “performativité de genre”. Elle propose de se libérer progressivement de ces “assignations à résidence” sociale ou sexuelle », écrit le magazine Psychologies dans un portrait de la théoricienne.
[b]« Ignorer le genre ne va pas le faire disparaître »[/b]
Un débat existe aux États-Unis sur la question du genre et la manière de l’aborder. Pour le psychologue et médecin Leonard Sax, la distinction « fille-garçon » reste importante. « Ignorer le genre ne va pas le faire disparaître. Au contraire, l’ignorer aura pour conséquence ironique d’exacerber les stéréotypes. »
Leonard Sax est l’un des fondateurs d’un autre mouvement, qui prône la réintroduction d’écoles non-mixtes dans le système scolaire public aux États-Unis. En 2010, on comptait 540 écoles publiques de filles ou de garçons aux États-Unis. Avoir des classes séparées permettrait un développement plus harmonieux des enfants, selon les défenseurs de ce mouvement.
Un courant battu en brèche par les propos de Lise Eliot, une neuroscientifique américaine : « Malgré tout ce que l’on peut lire dans les magazines, les neuroscientifiques n’ont pas une idée arrêtée de ce qui est mâle ou femelle dans le cerveau humain. Peu de structures diffèrent. »
Stéphanie Fontenoy, à Washington
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[quote] [u][b]Le « gender », une théorie sociologique apparue il y a quarante ans[/b][/u]
[b]Apparition dans les années 1970[/b]
Nées au début des années 1970, les gender studies sont apparues aux États-Unis pour faire contrepoids aux théories présentant comme naturelles des inégalités ou des différences purement sociales. Dans les années 1990, l’Américaine Judith Butler relate par exemple sa traque de la « présomption d’hétérosexualité » dans la littérature.Déplacement du sens du terme« L’usage commun dans la dernière moitié du XXe siècle a déplacé le sens du mot genre vers une identité sexuelle individuelle. Progressivement, (…) les activistes féministes clamèrent que la sexualité humaine ne se réduit pas au corps, et elles ont adopté le mot genre pour désigner l’aspect non corporel de la sexualité. (…) C’est ainsi que le mot genre est devenu un concept d’identité sexuelle imposé par la société et la culture », écrit Beatriz Vollmer de Coles, spécialiste des questions de genre, dans le Lexique publié en 2005 par le Conseil pontifical pour la famille.
[b]Part grandissante à la construction culturelle[/b]En résumé, il s’agit de distinguer les aspects sociaux de l’identité sexuelle : l’identité sexuelle ne coïncide pas forcément avec la différence biologique mâle-femelle. Les caractéristiques de genre comportent selon cette théorie une part de construction culturelle. Mais certains développements récents des théories du genre donnent une place de plus en plus importante à la construction culturelle de l’identité sexuelle. Cette théorie s’est développée dans la mouvance du féminisme et de la militance des groupes gay.
[b]Diffusion en France[/b]
Très présente aux États-Unis, cette théorie commence à venir en France : l’ Institut des sciences politiques de Paris lancera par exemple à la rentrée prochaine une chaire spécifiquement dédiée aux « gender studies ». Un programme consacré aux inégalités de sexe et au genre sera enseigné dans chacune des disciplines de l’école : économie, droit, histoire, sociologie, science politique.Etude l’année prochaine à l’école des « stéréotypes »Cette année, le ministère de l’éducation nationale a inclus dans les programmes de sciences de la vie et de la terre des classes de première L et ES l’obligation d’étudier l’influence des « stéréotypes dans la société » sur l’identité sexuelle
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[quote] [u][b]L’objectif affiché est d’offrir une éducation sexuelle de qualité[/b][/u]
[b]Le ministère de l’éducation nationale tente d’éteindre la polémique sur le sujet. [/b]
Les manuels de sciences et vie de la terre (SVT) de première, Luc Chatel ne veut plus en entendre parler. « Nous voulons arrêter cette polémique, donc nous ne répondons plus sur ce sujet », affirme, gêné, le service de presse du ministère de l’éducation nationale.
Ce dernier a bien enregistré les réactions de l’enseignement catholique qui s’oppose à l’introduction de la théorie du genre dans les manuels scolaires. Il entend maintenant calmer le jeu.
« En classe de première, on aborde la définition homme/femme. Il s’agit principalement d’évoquer la dimension biologique de la détermination sexuelle dès la phase embryonnaire, expliquait au magazine Pèlerin , mi-juin, Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire. En complément, le programme évoque la dimension sociologique de la différenciation sexuelle. »
[b]Exhaustivité[/b]
Officiellement, il s’agit donc pour l’éducation nationale d’être exhaustif en parlant du fonctionnement physiologique de la sexualité (chromosomes X et Y, organes reproducteurs, hormones sexuelles) et de la question, sociale, de l’orientation sexuelle (existence de pratiques homosexuelles et hétérosexuelles chez les animaux et les hommes).
Plus globalement, l’objectif est de dispenser une éducation sexuelle et affective à des jeunes en construction. L’enseignement de SVT « sera l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée », indique le ministère dans le descriptif des programmes paru dans le Bulletin officiel spécial n° 9 du 30 septembre 2010.
Il précise encore que cette partie du programme « prépare à l’exercice des responsabilités individuelles, familiales et sociales et constitue un tremplin vers les métiers qui se rapportent à la santé ».
[b]« Procès d’intention »[/b]
La polémique soulevée n’a pas lieu d’être, selon Valérie Sipahimalani, représentante du Syndicat national des enseignements de second degré (Snes-FSU) au Conseil supérieur de l’éducation (CSE), qui examine les programmes avant leur entrée en vigueur.
« C’est un procès d’intention qui est fait à l’inspection générale de l’éducation nationale, estime-t-elle. Les manuels introduisent la question de l’orientation sexuelle, en disant que la société nous reconnaît homme ou femme mais que chacun peut avoir des relations avec des personnes de même sexe ou de sexe opposé, affirme-t-elle. Mais ils n’abordent pas la théorie du genre au sens nord-américain. »
Elle rappelle que les multiples présentations des nouveaux programmes, une première fois au printemps 2010, puis peu après en commission spécialisée des lycées et pour finir devant le CSE en juillet 2010, n’ont à l’époque suscité aucune critique.
ESTELLE MAUSSION
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