par Narkotik » mar. 19 févr. 2008, 21:59
La Pâque approchant, Jésus monte à Jérusalem. Il se voit en rêve – en ces temps de sécheresse extrême – s’enfonçant d’une démarche hésitante dans l’entrelacs alambiqué des ruelles sombres, torturées, de la cité majestueusement dressée entre toutes. Il s’imagine aussi empruntant ce bric-à-brac des passerelles ébauchées par temps de pluie, enjambant d’inexistantes mares, des rigoles, des rivières en songe, toutes ces masses liquides sur les miroirs brisés desquelles se réfléchissent les lueurs pâles de bulles soufflées par le simoun.
Il arrive en ville. Cette ébullition de changeurs de monnaies et d’usuriers, de prêteurs sur gages, les marchands de brebis, de bœufs et de colombes, cette kyrielle de commerçants véreux et de négociants à la petite semaine, le répugne. De temps en temps, des femmes aux lourdes tignasses de jais déchirent les rideaux de fumée délimitant les allées, et viennent rôder dans la grand-salle des prêches ou près des bains. Leurs déshabillés laissent entrevoir des peaux brunes en mouvements, des formes voluptueuses, des seins délicats, des jambes cuivrées, des pubis entraperçus furtivement. Jésus semble le seul qu’elles ne narguent pas ostensiblement en ouvrant les cuisses, écartant mollement leurs jambes – elles gardent ça sans doute pour les habitués du Temple, passant la pointe effilée de leur langue sur leurs bouches fardées en se frôlant les pointes des seins tout en rougissant et en baissant les yeux. Jésus ne cille pas. Son regard turquoise erre un long moment sur ces ombres peuplant les lieux sacrés, sa pomme d’Adam saillante transperce la peau nacrée, presque translucide, de son cou. Les femmes s’abattent sur les tables de victuailles et de breuvages en grognant, comme un essaim d’abeilles sur un massif de fleurs gorgées de pollen. Jésus avance d’une souple démarche somnambulique, et les gloussements ou les murmures à la fois étonnés et admiratifs des prostituées officielles du Temple fleurissent dans son sillage. Le silence retombe peu à peu. Certains cerveaux flottent un peu trop dans les vapeurs du vin. Périlleuse entreprise que de nier le doute en soi, la nuit des humains, le vent, les cauchemars causés par le Démon.
Une pulsion de colère, et non de haine froide ni dirigée précisément contre l’un ou l’autre, l’envahit. Son visage est soudain tout en angles et en lames, son cou tendu loin devant les épaules, et son bras délié se déplie hors de la manche de sa tunique, son doigt accusateur se pointe sur la foule, sa voix forte couvre et domine tous les sons, le bruit même des respirations saccadées : «Suppôts du mensonge, la Loi a fait de vous des sans-foi, aussi bas dans l’échelle naturelle que les serpents ! Un tas de bêtes répugnantes, voilà ce que vous êtes, des êtres inférieurs tenus en esclavage par le vice et l’argent ! Tôt ou tard, vous comparaîtrez devant mon père, les temps sont proches, craignez qu’ils n’arrivent enfin !». Et d’une corde nouée sur elle-même, se faisant une sorte de fouet, Jésus les chasse du temple un par un. Il fait même valdinguer un ou deux étals, histoire de bien marquer les esprits, de faire vaciller de leurs socles ancestraux tous ces édifiants guides corrompus, ces détenteurs d’une morale à laquelle ils se cramponnent sans même savoir pourquoi – ou plutôt, au contraire, à des fins très personnelles. Jésus se dit qu’il s’est trop longtemps tenu à distance de la colère pure, de la colère saine portée par des sentiments vrais, et il est désormais tellement lui-même en ce courroux sans aucun orgueil, qu’il ne laisse plus surgir que ça : cette colère, tout autant libératrice pour lui-même, qu’éloquente pour les autres. Puis il disperse aussi les troupeaux de bêtes, trop c’est trop, il n’est rien qu’on ne puisse renverser en toute sincérité, les bœufs si placides dans la blancheur de leur écume moussue, les brebis comme des nénuphars blancs dispersés par le vent à la surface des étangs. Une odeur persistante de suie s’élève, ou de rouille, et puis tout succombe : c’est comme une cascade qui jaillit des cieux, Jérusalem est dans le verger juif comme un sanglant fruit rouge explosé dans l’écorce – dans son écorce propre, née de la pourriture des fruits qui l’ont précédé. Jésus fait ensuite voler la monnaie des changeurs, par de grands moulinets des bras, il essaime tout ça comme de la mauvaise graine, et il renverse aussi les tables, s’en prend à tous les faux fidèles interloqués. Il arrache à leur ancienne peau les professeurs en chaire, jusqu’au repaire caché des financiers, tout prend feu : le doux servant est un colosse furieux, mais jailli de l’absolue brillance de l’amour de Dieu.
Entre ses murs d’acier le Démon marche dans le désert. Ce n’est plus le moment de baigner – en imagination – des angelots rêveurs dans le lait d’ânesse des prudes officiants. Dieu lui-même peut signer, dans le sable chaud de n’importe quelle province du monde, des appels à la révolte ! Et Jésus lui aussi a pour lui de dresser son échine contre les réconciliations de dupes que sont les messes, dans ces endroits voués aux fables et à l’hystérie collective ! Et même aux marchands de colombes il crie ceci : «Vous avez fait de la maison de mon Père une maison de trafic et d’intérêt. Vous êtes sur une route d’où toute trace pieuse a disparu. Enlevez-moi tout ça et rayez-le également de vos cœurs impurs, ainsi que de vos mémoires, moi je me chargerai sans faiblir de vos âmes !». L’atmosphère est criblée d’électrons. Ils sont comme sur un mont de détritus qui se consument, dans la carrière dont les humains dégagent à coups de pioche, directement dans la roche, des métaux inconnus. Pendant cette réaction en chaîne des rayons gamma, vie et résurrection, et repos éternel, dansent en Jésus dans un blanc tourbillon : en plein dans le rayonnement d’or.
Certains juifs prennent néanmoins la parole et osent lui objecter leurs considérations : «De quelle démonstration oses-tu ainsi te prévaloir, et quel signe fort montreras-tu de telle sorte que nous puissions te croire ? Crois-tu que ces actes d’insubordination sont de nature à nous montrer la voie ? Ce n’est pas ainsi que l’on parle au peuple des juifs !». Tout est confus en eux, et dans cette houle furibarde où l’hélium des mots se change en hydrogène des pensées. Car c’est également de chimie qu’il s’agit. Quelque chose de plus fort que la raison rencontrant la sagesse immuable de l’éternel. Les gigantesques assauts de la juste raison, la prétention si humble de la force d’aimer, le désintéressement parfait porté à son comble : Jésus a ce rire explosif et cette confiance aveugle, deux sentiments qui jouent entre eux comme des enfants – comme dans un rêve. Avec lui l’eau et le feu sont voisins, puisqu’il les porte en lui, en proportions égales, jusqu’en cette terre de son Père où flotte comme un drapeau l’étendue vierge du don parfait : et le vent, comme une pensée nouvelle qui traverse l’esprit et passe, sans fin, sans aucune aspérité, c’est l’esprit même de Jésus dressant ses frontières jusqu’au-delà des montagnes, mais aussi s’il le faut rampant au plus bas jusqu’aux pieds du plus modeste et du plus pauvre, parmi tous les hommes ses frères.
Jésus les prend à témoin, pour eux-mêmes, et pour les autres qui les écoutent : «Détruisez ce temple, et en trois jours je le reconstruirai.». Il esquisse tout de suite une subtile petite moue sarcastique. Le plexus de chacun a reçu le puissant impact de sa voix souple et chaude. Il sait tellement, au contraire des grands imprécateurs de l’époque, focaliser cette voix et la moduler, la diriger à la manière d’une onde sonore ultra précise et concentrée. Les juifs lui répondent : «Il nous a fallu quarante-six années pour l’édifier, et toi, oiseau tombé d’on ne sait où, nous menaçant d’aventureux présages, tu saurais le rebâtir en trois jours ? Quel est donc ce blasphème ? Serais-tu fou ou rusé, sombre et inconséquent comme la corneille ?». Mais Jésus voulait parler, bien sûr, du temple de son propre corps. Cette chaude maison où venir s’abreuver tous nos besoins d’amour… Cette voix de tous les temps réunis en une seule, légère comme un souffle apaisé, cheminant comme en rêve dans les pensées obscures, étrange énigme qui guérit mais n’obéit à aucune règle. Sa voix, oui, mais elle suit par nature tous les détours menant au Père, le Seigneur Dieu, cette nonchalante entité où tout commence – et dont notre âme a étrangement faim, souvent sans le savoir, ou qui rafraîchit notre bouche tellement sèche, avec nos soifs de Tantale, et qui sommeille en attendant que s’ouvrent d’autres portes, que d’autres jeux plus silencieux surgisse chaque jour davantage de vérité nue. Jésus est Jésus parce qu’il est là pour ça – et il est comme la vie, en son pouls bien réel, qui se montre quand nul n’y croit plus, quand l’âme est seulement effleurée, que nos jours fragiles sont impitoyablement comptés.
Et plus tard, quand Jésus ressuscitera des morts, ses disciples, mais aussi plusieurs des témoins de cette présente scène qui vient de se dérouler, se souviendront de ces mots-là qui ne voulaient pas, en définitive, se priver de leur sens, ne voulaient pas à proprement parler «rien dire». Et derrière ce scandale, cette remise en question radicale, se dessine déjà le partage de nouvelles règles du jeu. Peut-être tout cela s’est-il échafaudé – par le dessein indécis du gouvernement des forces célestes – à seule fin de prouver, a priori et a fortiori, le contenu des écritures, la force de la parole sainte tombée en Jésus comme l’enfant en Marie, le Verbe qu’il a incarné par lui-même en chair vive, dans les atomes et dans le temps.
La Pâque approchant, Jésus monte à Jérusalem. Il se voit en rêve – en ces temps de sécheresse extrême – s’enfonçant d’une démarche hésitante dans l’entrelacs alambiqué des ruelles sombres, torturées, de la cité majestueusement dressée entre toutes. Il s’imagine aussi empruntant ce bric-à-brac des passerelles ébauchées par temps de pluie, enjambant d’inexistantes mares, des rigoles, des rivières en songe, toutes ces masses liquides sur les miroirs brisés desquelles se réfléchissent les lueurs pâles de bulles soufflées par le simoun.
Il arrive en ville. Cette ébullition de changeurs de monnaies et d’usuriers, de prêteurs sur gages, les marchands de brebis, de bœufs et de colombes, cette kyrielle de commerçants véreux et de négociants à la petite semaine, le répugne. De temps en temps, des femmes aux lourdes tignasses de jais déchirent les rideaux de fumée délimitant les allées, et viennent rôder dans la grand-salle des prêches ou près des bains. Leurs déshabillés laissent entrevoir des peaux brunes en mouvements, des formes voluptueuses, des seins délicats, des jambes cuivrées, des pubis entraperçus furtivement. Jésus semble le seul qu’elles ne narguent pas ostensiblement en ouvrant les cuisses, écartant mollement leurs jambes – elles gardent ça sans doute pour les habitués du Temple, passant la pointe effilée de leur langue sur leurs bouches fardées en se frôlant les pointes des seins tout en rougissant et en baissant les yeux. Jésus ne cille pas. Son regard turquoise erre un long moment sur ces ombres peuplant les lieux sacrés, sa pomme d’Adam saillante transperce la peau nacrée, presque translucide, de son cou. Les femmes s’abattent sur les tables de victuailles et de breuvages en grognant, comme un essaim d’abeilles sur un massif de fleurs gorgées de pollen. Jésus avance d’une souple démarche somnambulique, et les gloussements ou les murmures à la fois étonnés et admiratifs des prostituées officielles du Temple fleurissent dans son sillage. Le silence retombe peu à peu. Certains cerveaux flottent un peu trop dans les vapeurs du vin. Périlleuse entreprise que de nier le doute en soi, la nuit des humains, le vent, les cauchemars causés par le Démon.
Une pulsion de colère, et non de haine froide ni dirigée précisément contre l’un ou l’autre, l’envahit. Son visage est soudain tout en angles et en lames, son cou tendu loin devant les épaules, et son bras délié se déplie hors de la manche de sa tunique, son doigt accusateur se pointe sur la foule, sa voix forte couvre et domine tous les sons, le bruit même des respirations saccadées : «Suppôts du mensonge, la Loi a fait de vous des sans-foi, aussi bas dans l’échelle naturelle que les serpents ! Un tas de bêtes répugnantes, voilà ce que vous êtes, des êtres inférieurs tenus en esclavage par le vice et l’argent ! Tôt ou tard, vous comparaîtrez devant mon père, les temps sont proches, craignez qu’ils n’arrivent enfin !». Et d’une corde nouée sur elle-même, se faisant une sorte de fouet, Jésus les chasse du temple un par un. Il fait même valdinguer un ou deux étals, histoire de bien marquer les esprits, de faire vaciller de leurs socles ancestraux tous ces édifiants guides corrompus, ces détenteurs d’une morale à laquelle ils se cramponnent sans même savoir pourquoi – ou plutôt, au contraire, à des fins très personnelles. Jésus se dit qu’il s’est trop longtemps tenu à distance de la colère pure, de la colère saine portée par des sentiments vrais, et il est désormais tellement lui-même en ce courroux sans aucun orgueil, qu’il ne laisse plus surgir que ça : cette colère, tout autant libératrice pour lui-même, qu’éloquente pour les autres. Puis il disperse aussi les troupeaux de bêtes, trop c’est trop, il n’est rien qu’on ne puisse renverser en toute sincérité, les bœufs si placides dans la blancheur de leur écume moussue, les brebis comme des nénuphars blancs dispersés par le vent à la surface des étangs. Une odeur persistante de suie s’élève, ou de rouille, et puis tout succombe : c’est comme une cascade qui jaillit des cieux, Jérusalem est dans le verger juif comme un sanglant fruit rouge explosé dans l’écorce – dans son écorce propre, née de la pourriture des fruits qui l’ont précédé. Jésus fait ensuite voler la monnaie des changeurs, par de grands moulinets des bras, il essaime tout ça comme de la mauvaise graine, et il renverse aussi les tables, s’en prend à tous les faux fidèles interloqués. Il arrache à leur ancienne peau les professeurs en chaire, jusqu’au repaire caché des financiers, tout prend feu : le doux servant est un colosse furieux, mais jailli de l’absolue brillance de l’amour de Dieu.
Entre ses murs d’acier le Démon marche dans le désert. Ce n’est plus le moment de baigner – en imagination – des angelots rêveurs dans le lait d’ânesse des prudes officiants. Dieu lui-même peut signer, dans le sable chaud de n’importe quelle province du monde, des appels à la révolte ! Et Jésus lui aussi a pour lui de dresser son échine contre les réconciliations de dupes que sont les messes, dans ces endroits voués aux fables et à l’hystérie collective ! Et même aux marchands de colombes il crie ceci : «Vous avez fait de la maison de mon Père une maison de trafic et d’intérêt. Vous êtes sur une route d’où toute trace pieuse a disparu. Enlevez-moi tout ça et rayez-le également de vos cœurs impurs, ainsi que de vos mémoires, moi je me chargerai sans faiblir de vos âmes !». L’atmosphère est criblée d’électrons. Ils sont comme sur un mont de détritus qui se consument, dans la carrière dont les humains dégagent à coups de pioche, directement dans la roche, des métaux inconnus. Pendant cette réaction en chaîne des rayons gamma, vie et résurrection, et repos éternel, dansent en Jésus dans un blanc tourbillon : en plein dans le rayonnement d’or.
Certains juifs prennent néanmoins la parole et osent lui objecter leurs considérations : «De quelle démonstration oses-tu ainsi te prévaloir, et quel signe fort montreras-tu de telle sorte que nous puissions te croire ? Crois-tu que ces actes d’insubordination sont de nature à nous montrer la voie ? Ce n’est pas ainsi que l’on parle au peuple des juifs !». Tout est confus en eux, et dans cette houle furibarde où l’hélium des mots se change en hydrogène des pensées. Car c’est également de chimie qu’il s’agit. Quelque chose de plus fort que la raison rencontrant la sagesse immuable de l’éternel. Les gigantesques assauts de la juste raison, la prétention si humble de la force d’aimer, le désintéressement parfait porté à son comble : Jésus a ce rire explosif et cette confiance aveugle, deux sentiments qui jouent entre eux comme des enfants – comme dans un rêve. Avec lui l’eau et le feu sont voisins, puisqu’il les porte en lui, en proportions égales, jusqu’en cette terre de son Père où flotte comme un drapeau l’étendue vierge du don parfait : et le vent, comme une pensée nouvelle qui traverse l’esprit et passe, sans fin, sans aucune aspérité, c’est l’esprit même de Jésus dressant ses frontières jusqu’au-delà des montagnes, mais aussi s’il le faut rampant au plus bas jusqu’aux pieds du plus modeste et du plus pauvre, parmi tous les hommes ses frères.
Jésus les prend à témoin, pour eux-mêmes, et pour les autres qui les écoutent : «Détruisez ce temple, et en trois jours je le reconstruirai.». Il esquisse tout de suite une subtile petite moue sarcastique. Le plexus de chacun a reçu le puissant impact de sa voix souple et chaude. Il sait tellement, au contraire des grands imprécateurs de l’époque, focaliser cette voix et la moduler, la diriger à la manière d’une onde sonore ultra précise et concentrée. Les juifs lui répondent : «Il nous a fallu quarante-six années pour l’édifier, et toi, oiseau tombé d’on ne sait où, nous menaçant d’aventureux présages, tu saurais le rebâtir en trois jours ? Quel est donc ce blasphème ? Serais-tu fou ou rusé, sombre et inconséquent comme la corneille ?». Mais Jésus voulait parler, bien sûr, du temple de son propre corps. Cette chaude maison où venir s’abreuver tous nos besoins d’amour… Cette voix de tous les temps réunis en une seule, légère comme un souffle apaisé, cheminant comme en rêve dans les pensées obscures, étrange énigme qui guérit mais n’obéit à aucune règle. Sa voix, oui, mais elle suit par nature tous les détours menant au Père, le Seigneur Dieu, cette nonchalante entité où tout commence – et dont notre âme a étrangement faim, souvent sans le savoir, ou qui rafraîchit notre bouche tellement sèche, avec nos soifs de Tantale, et qui sommeille en attendant que s’ouvrent d’autres portes, que d’autres jeux plus silencieux surgisse chaque jour davantage de vérité nue. Jésus est Jésus parce qu’il est là pour ça – et il est comme la vie, en son pouls bien réel, qui se montre quand nul n’y croit plus, quand l’âme est seulement effleurée, que nos jours fragiles sont impitoyablement comptés.
Et plus tard, quand Jésus ressuscitera des morts, ses disciples, mais aussi plusieurs des témoins de cette présente scène qui vient de se dérouler, se souviendront de ces mots-là qui ne voulaient pas, en définitive, se priver de leur sens, ne voulaient pas à proprement parler «rien dire». Et derrière ce scandale, cette remise en question radicale, se dessine déjà le partage de nouvelles règles du jeu. Peut-être tout cela s’est-il échafaudé – par le dessein indécis du gouvernement des forces célestes – à seule fin de prouver, a priori et a fortiori, le contenu des écritures, la force de la parole sainte tombée en Jésus comme l’enfant en Marie, le Verbe qu’il a incarné par lui-même en chair vive, dans les atomes et dans le temps.