Crise avant tout musicale ?

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Re: Crise avant tout musicale ?

par saperlipopette » lun. 04 juin 2018, 18:28

Aimer la musique classique dans la société contemporaine passe pour une preuve de mauvais goût, et trahit la médiocrité des origines sociales. Le bourgeois moderne s'affiche branché, il aime l'art contemporain et le jazz.
Si vous parliez d'une époque antérieure, peut-être. Mais de nos jours aimer la musique classique est signe de luxe. Voir le groupe "radio classique" qui appartient à ... Louis Vuitton.

Sinon, en général, je suis plutôt d'accord, après la lecture de l'ouvrage: "l'Esprit de la musique" de Benoît XVI qui regroupe des textes du pape sur le sujet.
Par exemple:
B 16 remarque que la profession de musicien sacré, depuis le début du XXe siècle, s’est différencié de la profession de liturgiste (ex : les chantres étaient avant acteurs de liturgie et aussi transmetteurs d’un savoir musical). Il s'en suit, depuis, un amateurisme aux « fluctuation en général peu éclairé de subjectivités personnelles ». D’où une perte de la musique sacré. (tiré de la Préface)
Quant au rapport avec la crise de l’Église, si on considère qu'elle a un lien avec Vatican 2, Benoit 16 explique que, pour la plus grande unanimité, « le texte (du Concile) a gardé un équilibre difficile » du fait de la tension musique-liturgie : les pasteurs réclament une musique utilitaire qui souhaite qu'on évacue musique sacrée et gratuite=> ennui de la liturgie postconciliaire.

« [On n’approuve] pas le rationalisme banal postconciliaire, qui ne considère comme digne d’être liturgique que ce qui peut être accompli rationnellement par tout un chacun, et qui en arrive ainsi à proscrire l’art, comme à banaliser de plus en plus la parole. »
« Le pluralisme postconciliaire s’est montré (...) favorable à l’uniformisation : il ne veut plus permettre une certaine hauteur d’expression. »

Ces deux phrases ne proviennent pas du dernier tradi un peu échauffé mais... de l'ancien pape lui-même. :coeur: :coeur:

Re: Crise avant tout musicale ?

par PaxetBonum » lun. 04 juin 2018, 17:29

Carhaix a écrit :
jeu. 24 mai 2018, 0:25
un lieu comme un autre où l'on brailla dans l'église des rigaudons."
Merci Carhaix pour cette analyse et particulièrement cette phrase si juste.
Je ne pense pas que la crise soit avant tout musicale mais elle est aussi musicale.
Combien de cantiques aux paroles creuses ou mièvres pour faire douter au fidèle de l'utilité de sa présence à la messe ?

Crise avant tout musicale ?

par Carhaix » jeu. 24 mai 2018, 0:25

C'est un sujet qui me turlupine et m'étonne depuis bien longtemps. Au fond, la crise liturgique n'est-elle pas fondamentalement musicale ? Je sais bien qu'il y a foule de choses qui posent question comme l'orientation, la réforme de telle ou telle partie de la messe, les ornements, etc. Mais tout cela n'est rien, aux yeux de l'homme de la foule, et affaire de spécialiste, en comparaison avec ce qui saute tout de suite aux yeux, ou plutôt aux oreilles : la musique liturgique !

À votre avis, pourquoi ? N'est ce pas surprenant et fascinant ? Pourquoi la musique est elle un sujet si sensible dans la société contemporaine ? Car j'ai l'impression que ça dépasse le cadre de l'Église. Ne serait ce pas une conséquence de l'évolution des goûts musicaux depuis le développement du disque ? Je me suis intéressé ces derniers temps à la sociologie de la musique, et je trouve que cela donne un angle, peut-être encore inexploré, pour comprendre la réforme liturgique.

En résumé :
Au 19e siècle, la musique classique était un marqueur bourgeois. Le peuple entendait des chants élevés uniquement aux offices religieux. Mais tout change avec l'apparition du disque, de la radio puis du cinéma. Après 1945, la bourgeoisie se défie de la connotation sociale qui se dégage des beaux arts et de la musique classique, alors que les compositeurs se convertissent au sérialisme, et que les classes moyennes, désirant s'élever socialement s'emparent de la culture de musée. Aimer la musique classique dans la société contemporaine passe pour une preuve de mauvais goût, et trahit la médiocrité des origines sociales. Le bourgeois moderne s'affiche branché, il aime l'art contemporain et le jazz.

Et à propos du sérialisme, et du basculement massif de la composition musicale dans l'atonalité, et le rejet catégorique de tout retour à la tonalité, on sait très bien que le contexte de 1945 y est pour beaucoup.

On sait également que la réforme liturgique est l'œuvre de la bourgeoisie et que les classes moyennes et populaires ont massivement fui l'Église dès le lendemain de la réforme. Et le courant traditionaliste représente la frange la plus conservatrice de la bourgeoisie.

Bon, voilà, c'est un peu brouillon et il y a beaucoup à dire sur le sujet. Mais au moins, cela permet de dire que la réforme liturgique est en grande partie le fruit d'une révolution sociologique culturelle bourgeoise.

Pour finir, je ne résiste pas à l'envie de vous transcrire ces lignes prémonitoires écrites en 1903 : ça se passe dans le contexte de la loi de 1901. Les autorités veulent nuire à une communauté bénédictine installée dans un village et décide de lui imposer un curé hostile (peu avant de chasser les moines après le vote de la loi) :

"Il se savait soutenu par les hobereaux qu'il avait visités, presque sympathique au Maire qui, bien que socialiste et libre penseur, était, en haine des religieux, enclin à lui accorder son appui. Aussi, à peine fut il installé au Val des Saints qu'il engagea la lutte. Et il débuta par un grand coup. Dès le premier dimanche, il voulut faire table rase, détruire, en un jour l'œuvre patiemment poursuivie depuis quelques années par les moines. Il déclara aux jeunes paysannes qui connaissaient le plain chant que l'on chanterait désormais des cantiques et il en distribua dont les airs de guinguette plurent d'ailleurs aux filles. Poussé par les noblaillons du cru, il enleva de ce village cette senteur de hameau Moyen Âge qu'il exhalait, le dimanche aux offices, et il transforma ce pays, unique en son genre, en un lieu comme un autre où l'on brailla dans l'église des rigaudons."

On croirait lire un compte rendu des expériences menées dans les années soixante ! L'auteur est un vrai visionnaire.

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