par Cinci » lun. 02 avr. 2018, 17:39
Un héros
C'est le titre d'une des dernières chroniques de Christian Rioux.
Ici :
https://www.ledevoir.com/opinion/chroni ... 5/un-heros
Et pourtant, il n’y a guère de doute. On a beau retourner l’histoire d’Arnaud Beltrame dans tous les sens, ce soldat est un héros. Il n’aura fallu que vingt minutes à l’escouade de la gendarmerie qu’il commandait pour arriver au supermarché de Trèbes où se déroulaient une prise d’otages et une fusillade qui avait déjà fait plusieurs victimes. Sans attendre, disent les témoins, Beltrame tenta de négocier avec le terroriste qui utilisait une femme comme bouclier humain. Sans plus, il leva les mains, déposa son arme au sol et proposa de prendre sa place. La femme fut libérée quelques minutes plus tard.
Interrogé au hasard, un passant a décrit Arnaud Beltrame comme « un homme tombé au front […] qui nous fait renouer avec la France des chevaliers, des résistants, des combattants.
Mais qu’est-ce qu’un héros depuis l’Antiquité sinon un intermédiaire entre les hommes et les dieux ? Ou pour le dire avec les mots d’aujourd’hui, entre l’humble condition de chacun et ce qui nous dépasse tous. Le héros est issu des rangs des mortels. Mais il a touché du doigt quelque chose de plus grand que lui. Samedi dernier, un observateur ira même jusqu’à évoquer une forme de « sainteté ».
Rappelons au passage que le monde des chevaliers fut aussi celui de l’amour courtois. En ces temps où les hommes ont si mauvaise presse, peut-être vaut-il la peine de rappeler qu’à Trèbes, le 23 mars dernier, un homme qui se faisait une certaine idée du courage a sauvé la vie d’une femme.
À cause des cataclysmes du siècle dernier, où des peuples entiers ont été envoyés à l’abattoir, l’héroïsme est devenu suspect. Faut-il pour autant le caricaturer ? Ou se contenter de superhéros taillés sur mesure pour le box-office ? Imaginez quel « réac » fini était cet homme qui croyait dans la patrie et la nation.
Mais notre détestation des héros a une autre origine. Dans une école égalitariste où le premier gribouillage d’un enfant est qualifié d’oeuvre d’art, on se tient loin des chefs-d’oeuvre qui risquent de forcer l’admiration. Dans un monde où rien n’est plus valorisé que l’expression du moi intérieur, les temps sont durs pour ces héros qui nous obligent au silence et à l’humilité.
Nous préférons le culte narcissique des victimes dans lequel chacun peut reconnaître ses propres souffrances sans se sentir redevable à quiconque. Ce culte est même devenu un vaste marché où la concurrence est rude.
Quelle bonne idée d'évoquer la chevalerie d'une autre époque !
Voyons ...
Le comportement d'Arnaud Beltrame paraîtrait-il facilement nous renvoyer à Don Quichotte ?
Pour mémoire : Don Quichotte se désolait de n'être pas né à la bonne époque. Car, déjà, de son temps, l' on ne trouvait plus d'Amadis de Gaule, ni Lancelot ni les autres. Il avait donc résolu tout seul de faire revivre la grande tradition des chevaliers. Dans tout le roman, c'est Quichotte qui passera pour fou. Au moment de sa mort l'on s'aperçoit qu'il était plus lucide que beaucoup d'autres. Avec lui, on regretterait la disparition de sa folie. Parce que cette dernière qui était finalement une noble folie, permettait peut-être d'avoir un regard plus juste sur le mystérieux fond des choses.
En choisissant délibérément de ne pas s'arrêter aux plates apparences de la réalité la plus crue, c'est tout le présent qui s'en trouvait magnifié et sa Dulcinée avec lui pareillement; enfin la pauvresse qu'il avait pu prendre pour telle et qui avait fini par se prendre au jeu. C'est le regard de Quichotte qui pouvait le mieux concrétiser les aspirations légitimes du coeur humain.,
Le thème de "la noblesse ou de l'ancienne chevalerie avec ses codes mais ne pouvant hélas que lancer ses derniers feux", par exemple, représenté dans la mentalité et la personne de l'officier supérieur allemand et du capitaine français, était aussi celui de
La grande illusion, le film de Jean Renoir.
Un héros
C'est le titre d'une des dernières chroniques de Christian Rioux.
Ici :
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/524135/un-heros
[quote] Et pourtant, il n’y a guère de doute. On a beau retourner l’histoire d’Arnaud Beltrame dans tous les sens, ce soldat est un héros. Il n’aura fallu que vingt minutes à l’escouade de la gendarmerie qu’il commandait pour arriver au supermarché de Trèbes où se déroulaient une prise d’otages et une fusillade qui avait déjà fait plusieurs victimes. Sans attendre, disent les témoins, Beltrame tenta de négocier avec le terroriste qui utilisait une femme comme bouclier humain. Sans plus, il leva les mains, déposa son arme au sol et proposa de prendre sa place. La femme fut libérée quelques minutes plus tard.
Interrogé au hasard, [b]un passant a décrit Arnaud Beltrame [/b] comme « un homme tombé au front […] [b]qui nous fait renouer avec la France des chevaliers[/b], des résistants, des combattants.
Mais qu’est-ce qu’un héros depuis l’Antiquité sinon un intermédiaire entre les hommes et les dieux ? Ou pour le dire avec les mots d’aujourd’hui, entre l’humble condition de chacun et ce qui nous dépasse tous. Le héros est issu des rangs des mortels. Mais il a touché du doigt quelque chose de plus grand que lui. Samedi dernier, un observateur ira même jusqu’à évoquer une forme de « sainteté ».
Rappelons au passage que le monde des chevaliers fut aussi celui de l’amour courtois. En ces temps où les hommes ont si mauvaise presse, peut-être vaut-il la peine de rappeler qu’à Trèbes, le 23 mars dernier, un homme qui se faisait une certaine idée du courage a sauvé la vie d’une femme.
À cause des cataclysmes du siècle dernier, où des peuples entiers ont été envoyés à l’abattoir, l’héroïsme est devenu suspect. Faut-il pour autant le caricaturer ? Ou se contenter de superhéros taillés sur mesure pour le box-office ? Imaginez quel « réac » fini était cet homme qui croyait dans la patrie et la nation.
Mais notre détestation des héros a une autre origine. Dans une école égalitariste où le premier gribouillage d’un enfant est qualifié d’oeuvre d’art, on se tient loin des chefs-d’oeuvre qui risquent de forcer l’admiration. Dans un monde où rien n’est plus valorisé que l’expression du moi intérieur, les temps sont durs pour ces héros qui nous obligent au silence et à l’humilité.
Nous préférons le culte narcissique des victimes dans lequel chacun peut reconnaître ses propres souffrances sans se sentir redevable à quiconque. Ce culte est même devenu un vaste marché où la concurrence est rude. [/quote]
Quelle bonne idée d'évoquer la chevalerie d'une autre époque !
[i]Voyons ...
[/i]
Le comportement d'Arnaud Beltrame paraîtrait-il facilement nous renvoyer à Don Quichotte ?
Pour mémoire : Don Quichotte se désolait de n'être pas né à la bonne époque. Car, déjà, de son temps, l' on ne trouvait plus d'Amadis de Gaule, ni Lancelot ni les autres. Il avait donc résolu tout seul de faire revivre la grande tradition des chevaliers. Dans tout le roman, c'est Quichotte qui passera pour fou. Au moment de sa mort l'on s'aperçoit qu'il était plus lucide que beaucoup d'autres. Avec lui, on regretterait la disparition de sa folie. Parce que cette dernière qui était finalement une noble folie, permettait peut-être d'avoir un regard plus juste sur le mystérieux fond des choses.
En choisissant délibérément de ne pas s'arrêter aux plates apparences de la réalité la plus crue, c'est tout le présent qui s'en trouvait magnifié et sa Dulcinée avec lui pareillement; enfin la pauvresse qu'il avait pu prendre pour telle et qui avait fini par se prendre au jeu. C'est le regard de Quichotte qui pouvait le mieux concrétiser les aspirations légitimes du coeur humain.,
Le thème de "la noblesse ou de l'ancienne chevalerie avec ses codes mais ne pouvant hélas que lancer ses derniers feux", par exemple, représenté dans la mentalité et la personne de l'officier supérieur allemand et du capitaine français, était aussi celui de [i]La grande illusion[/i], le film de Jean Renoir.