par Xavi » mar. 02 avr. 2013, 18:59
Il y avait des néphilims tout au début de l’humanité, lorsque les descendants d’Adam et Eve commençaient à se multiplier (Gn 6,4).
Il y en avait encore du temps de Moïse. En effet, lorsque le peuple d’Israël se trouvait dans le désert, après avoir quitté l’Egypte et franchi la mer rouge, Moïse envoya une avant garde dans la terre promise et ils y virent des gens de grande taille, des néphilims, enfants d’Anak, de la race des néphilims (Nb, 13, 32-33).
A cause de la grande taille de ces néphilims qui vivaient dans la terre promise du temps de Moïse, on traduit généralement le mot « néphilims » par « géants ».
Mais, le mot hébreu « néphilim » n’a aucun rapport avec la taille ou la grandeur.
Bien au contraire, il vient du mot hébreu « naphal » qui évoque l’abattement. Après sa fuite, le visage de Caïn était « naphal » (abattu) (Gn 4, 5-6), les gens de Sodome et Gomorrhe furent « naphal » (tombèrent) dans leur fuite (Gn , 14, 10), et Abraham « naphal » (tomba) en face de Dieu (Gn 17, 3 et 17).
Le mot Nephyil ou Néphilim paraît se rattacher au mot néphel (avorton), l’être qui meurt sans être né.
Les néphilims, n’est-ce pas un peuple de néphels ?
Job nous dit que le néphel (l’avorton) est celui qui n’a pas existé, qui ne voit pas le jour (Job 3,16).
David nous dit que le néphel (l’avorton) ne voit pas le soleil (Ps 58, 9).
La traduction du texte de la Genèse concernant les néphilims est extraordinairement difficile tant elle touche au plus profond.
Certains y ont vu des enfants issus d’anges déchus s’unissant à des femmes humaines, une race étrange lors des débuts de l’humanité. D’autres y ont vu des croisements des enfants de Seth restés fidèles à Dieu avec des descendants de Caïn. Le texte nous expliquerait la provenance d’une race de géants dans l’antiquité.
A notre époque, les découvertes de la science et la conviction que la création des premiers humains à l’image de Dieu, d’Adam et Eve, a pu se produire dans l’histoire avec un corps façonné par une évolution biologique, ouvre une lecture nouvelle qui prend en compte l’existence d’une espèce humaine (ou préhumaine, si l’on définit l’humain comme étant uniquement un homo capax Dei) au sein de laquelle ils ont été créés.
Les néphilims, n’est-ce pas une expression particulièrement adaptée pour nous parler des humains (ou préhumains) non encore créés immortels à l’image de Dieu ? qui meurent sans être nés à la vie de Dieu ?
N’y a-t-il pas déjà ici comme un parfum d’Evangile ?
Sans le Christ, ne resterions-nous pas des néphilims, des avortons, mourant dans les douleurs d’un enfantement sans naître à la vie nouvelle à laquelle Jésus seul nous permet d’accéder ?
Aujourd’hui, il y a parmi tous les humains un peuple de créatures nouvelles qui reçoivent la vie du Christ, du nouvel Adam, parmi beaucoup d’autres semblables qui refusent de naître à cette vie.
Autour de nous encore, ils sont tellement nombreux ceux qui ont tout pour naître à une vie nouvelle, pour devenir des créatures nouvelles, par le nouvel Adam qui nous annonce des cieux tout proches, et qui se laissent mourir sans naître dans cette vie offerte.
Aujourd’hui, nous avons le peuple de Dieu formé de créatures nouvelles qui sont passées par une nouvelle naissance qui les a incorporés dans le Christ par le baptême dans sa mort et sa résurrection, mais aussi un peuple de ceux qui restent dans les douleurs de l’enfantement, dans l’attente de naître à la vie nouvelle.
Il en était de même du temps du premier Adam.
Il y a eu aussi une double naissance. Une naissance biologique dans le monde matériel et une naissance spirituelle. Une naissance dans la chair et un baptême qui incorporait dans le monde de Dieu.
Avant la création d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden, Dieu a façonné lentement à travers des milliards d’années un être vivant qui s’est transformé par des mutations génétiques diverses qui ont fait vivre des primates, puis des australopithèques, des homo habilis, des homo erectus, des homo sapiens, jusqu’à l’apparition de l’humain de notre espèce, avec un ADN semblable au nôtre, il y a quelques dizaines de milliers d’années ou peut-être un peu plus.
Ce sont des humains, au sens terrestre du mot, des gens de notre espèce terrestre.
Mais, ce n’est pas encore nécessairement l’homme créé à l’image de Dieu, celui qui, selon la définition du catéchisme, est « capable de connaître et d’aimer son créateur » et « capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes » (CEC 356), qui est à l’image de Dieu parce que « dans sa propre nature il unit le monde spirituel et le monde matériel » (CEC 355), parce qu’il est « un être à la fois corporel et spirituel » (CEC 362).
Avant la création d’Adam et Eve à l’image de Dieu, il y a eu six « jours » durant lesquels le corps de l’espèce humaine a été façonné et, tout au long de cette histoire de milliards d’années, des êtres se sont succédés dans des états de développement de plus en plus perfectionnés mais ces êtres tirés de la poussière du sol n’étaient pas encore participants au monde spirituel de Dieu. Leur nature n’était encore que terrestre.
Il n’y avait pas encore de naissance dans un monde nouveau, dans le monde spirituel, dans l’Eden de Dieu. Ils avaient déjà un corps, mais ils mourraient comme les plantes et les animaux. Comme un embryon, un fœtus ou un petit enfant dans le sein de sa mère, ils ont vécu, à des stades divers de développement, de plus en plus proches de l’état dans lequel Dieu a fait naître des humains à son image dans un monde autre, son monde spirituel.
Lorsque cette création des premiers humains à l’image de Dieu s’est produite, ils étaient nombreux sur la terre à vivre dans un corps terrestre semblable au leur, tout proches, physiquement, de l’état de l’homme créé à l’image de Dieu, né dans le monde spirituel de Dieu.
A tous ces êtres qui vivaient lors de la création d’Adam et Eve, le premier Adam, qui a été mis dans le jardin planté dans l’Eden de Dieu, aurait pu annoncer, après le péché originel et sa sortie de l’Eden, que « Le royaume des cieux, le royaume de Dieu est tout proche » comme l’annoncera un jour un autre Adam, un nouvel Adam.
Après le péché originel, Adam et Eve, qui n’avaient certainement rien oublié de leur passage inouï dans le jardin d’Eden, auraient pu annoncer à tous ces êtres qui mourraient sans être nés dans le monde spirituel de Dieu, cette nouvelle naissance qui s’était produite dans ce monde spirituel, qui avait fait d’eux des créatures nouvelles, par un baptême dans le monde de Dieu.
Probablement que, s’ils en avait été capables, tous ces êtres de leur espèce auraient dû leur répondre : c’est impossible, nous ne sommes pas créés à l’image de Dieu, notre nature n’est que terrestre, elle n’est pas capable d’entrer en communion avec Dieu, elle ne participe pas au royaume de Dieu !
Et Dieu aurait pu répondre : pour les humains, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. Il peut prendre un terrestre et le mettre dans son Eden. Des pierres que voici, des éléments matériels les plus durs et les plus morts de la terre, Dieu peut susciter des enfants à Adam (cf. Mt 3,9).
Les parents biologiques d’Adam et Eve, leurs frères et sœurs, leurs cousins et leurs semblables, étaient des humains de la même espèce terrestre, mais ce n’étaient pas des humains créés à l’image de Dieu, des âmes immortelles, mais seulement des êtres semblables à un enfant dans le sein de sa mère juste avant sa naissance, ayant atteint un développement physique parfait pour naître à une vie dans un monde autre mais pas encore né.
Ils mourraient comme des avortons, sans avoir connu le monde spirituel dans lequel ils étaient cependant physiquement aussi prêts à naître que le couple d’êtres semblables de leur espèce lorsque celui-ci a été créé à l’image de Dieu, mis dans l’Eden de Dieu.
Après que des humains aient été créés à l’image de Dieu, il y a eu une cohabitation entre ces êtres nouveaux et les autres humains (ou préhumains) de l’époque « qui mourraient sans être nés ».
Lorsque les humains créés à l’image de Dieu ont commencé à se multiplier sur la terre, il y avait les enfants de Dieu, créés à son image, baptisés dans son Eden en Adam et Eve dont ils étaient les descendants, qui participaient non seulement au monde matériel comme tous les autres humains de leur espèce terrestre mais étaient aussi capables de participer au monde spirituel de Dieu, et il y avait, en même temps, tous ceux qui mourraient sans être nés à cette vie nouvelle à l’image de Dieu.
Ceux qui mourraient sans être nés à cette vie nouvelle étaient comme des avortons, des néphels. N’est-ce pas eux que la Genèse appelle des néphilims, des gens qui sont comme des néphels ? C’étaient des humains, d’un point de vue terrestre, mais ils mourraient sans être nés à cette vie nouvelle créée par Dieu sur la terre.
Entre les descendants d’Adam et Eve créés à l’image de Dieu dans le jardin d’Eden et les néphilims dont ils étaient issus physiquement, il n’y avait aucune incompatibilité physique.
Lorsque les descendants d’Adam et Eve ont commencé à se multiplier et que des filles leur étaient nées, elles ont enfanté de multiples descendants. La Genèse nous donne de longues listes des descendants d’Adam et Eve qui ont engendré des fils et des filles.
A chaque conception humaine par des enfants de Dieu, la création divine s’est reproduite pour susciter une âme immortelle nouvelle.
Mais, aux débuts de l’humanité créée à l’image de Dieu, quand cette humanité a commencé à se multiplier, il n’y avait pas que des femmes descendant d’Adam et Eve, mais il y avait sur la terre de nombreuses femmes de l’espèce dont Adam et Eve provenaient physiquement. Celle que Caïn a rencontré au loin et tant d’autres.
En ce temps là, vivent les néphilims, les humains (ou préhumains) qui ne sont pas créés à l’image de Dieu, qui sont comme des avortons de l’humanité à naître, qui mourraient sans être nés dans la vie spirituelle. Au même moment, vivent aussi des humains qui étaient enfants de Dieu, nés dans la vie spirituelle, même s’ils n’étaient pas restés dans le monde spirituel du jardin d’Eden, s’ils vivaient privés de la communion d’amour en Dieu.
Et il y avait des femmes humaines des deux espèces. Et c’est parmi toutes ces femmes que les hommes enfants de Dieu vont choisir leurs épouses. Pas seulement parmi des femmes enfants de Dieu provenant de la descendance d’Adam et Eve, mais aussi parmi les autres.
Le regard de la Genèse est porté sur les mères qui enfantent. Les fils de Dieu prennent des épouses parmi les filles des humains et pas uniquement parmi les filles de Dieu. Les fils et les filles de Dieu ne restent pas entre eux, mais des fils de Dieu se reproduisent avec des filles des humains qui sont des filles de néphilims.
Et le texte précise : ces néphilims étaient là avant et ils sont encore là après que ces enfantements se produisent. Ils seront encore là jusqu’à l’époque de Moïse.
Selon la Genèse, « Lorsque les hommes eurent commencé à être nombreux sur la surface de la terre, et qu'il leur fut né des filles, les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qui leur plurent » (Gn 6, 1-2).
Pourquoi ? Le récit de la Genèse nous dit qu’ils les trouvaient « belles ». Le mot est faible. En réalité, dans le texte hébreu, ils les trouvaient « towb » et ce mot est extrêmement fort. Il est même divin car c’est le mot par lequel Dieu lui-même qualifie sa création à la fin de chacun des six jours des origines. A la fin de chaque jour, Dieu dit que c’était « bon », et c’est le mot hébreu « towb » qui est utilisé. Plus fort encore, au milieu du jardin d’Eden, c’est ce mot qui est utilisé pour nous parler de l’arbre de la connaissance du bien (en hébreu : towb) et du mal.
Toutes les femmes humaines de l’époque, tant les néphilims que les enfants de Dieu, étaient « towb ». Cela résonne bien en français : elles étaient top ! Elles étaient bien. Toutes.
Et leurs descendants, tous leurs descendants, furent, selon nos traductions françaises habituelles de la Genèse, des « héros fameux dans l’antiquité » ou « des héros renommés dès les temps anciens ». Les termes hébreux nous font découvrir beaucoup de richesses dans ces quelques mots particulièrement difficiles à traduire. Selon la traduction strong, il s’agit de « gibbowr » (des héros, des puissants) qui furent des « enowsh » (des gens) « e-shem » (de nom ou renommés) dans « l’owlam » (dans les temps).
Le texte dit qu’il s’agit d’enowsh , c’est-à-dire, de gens, de gens mortels. Le mot est assez banal et est souvent utilisé dans la Genèse.
Le texte nous parle aussi de leur shem, c’est-à-dire de leur nom. C’est le mot utilisé au début de la Genèse, lorsqu’il nous est dit qu’Adam donna un nom à toutes les créatures. C’est aussi un mot assez courant dans la Genèse. Le nom, c’est l’être.
Que nous dit-on du nom de ces gens ? de leur être ? S’agit-il de néphilims, de gens qui meurent sans être nés à la vie nouvelle d’enfants de Dieu ? de gens abattus ? Pas du tout.
Le texte nous parle de gibbowr, c’est-à-dire de forts, de puissants. Le mot est utilisé dans l’Ecriture Sainte pour Dieu lui-même : c’est Lui-même qui est « gibbowr » (Dt 10, 17 ; Néh. 9, 32 ; Ps 24, 8 ; Is. 10, 21). On l’appellera admirable, conseiller, Dieu gibbowr (puissant), Père éternel, prince de la paix (Is. 9, 6). Le Seigneur est au milieu de toi comme un gibbowr qui sauve (Soph. 3, 17).
Le texte nous parle surtout de l’owlam. Ce mot est utilisé par Dieu lors de la création du monde. Lorsque Dieu dit que la vie de l’humain sera limitée à 120 ans dans la chair, c’est pour qu’il ne demeure pas « à toujours » (en hébreu : owlam) (Gn 6, 3) comme Il l’avait dit lorsque l’humain a du quitter l’Eden après le péché originel : Empêchons-le de vivre éternellement (en hébreu : owlam) (Gn 3, 22). L’arc en ciel est le signe d’une alliance « owlam » (perpétuelle) (Gn 9, 12 et 16).
Le mot « owlam » évoque l’éternité, ce que la traduction française ne fait guère ressortir en nous parlant d’antiquité ou de temps anciens.
Dans la traduction de Chouraqui, il nous est proposé de traduire l’expression « héros renommés dans les temps anciens » par « Ce sont les champions de toute perpétuité, les hommes du Nom ».
Dans l’Ecriture, Dieu lui-même est « gibbowr ». C’est Lui qui donne la vie à perpétuité « owlam » à des gens mortels « enowsh ». Il en fait des êtres capables de la puissance de Dieu (gibbowr), des gens (enowsh) de l’éternel (owlam). Bref : des homo capax Dei.
En résumé, ne convient-il pas de comprendre que les Néphilims étaient les humains (ou préhumains) de la race d’Adam et Eve, que Adam et Eve étaient eux-mêmes issus physiquement des Néphilims, que ces humains (non encore nés à la vie de Dieu) étaient sur la terre lors des débuts de l’humanité créée à l’image de Dieu, que les descendants d’Adam et Eve ont connu des filles d’humains, y compris des filles de néphilims, et que de toutes ces unions sont nés des forts dont le nom est pour toujours, des homo capax Dei ?
Le petit texte du début du sixième chapitre de la Genèse peut fonder ainsi toute la transmission de la création à l’image de Dieu. Tous les descendants d’Adam et Eve sont enfants de Dieu, créés à son image, capables d’une vie éternelle d’amour avec Lui.
Les mères de leurs descendants ne sont pas distinguées : ce sont des filles de l’adame, des filles terrestres. Qu’elles soient elles-mêmes filles de Dieu, parce que descendantes d’Adam et Eve, ou filles de néphilims épouses de descendants d’Adam et Eve, toutes vont transmettre un nom pour toujours à ces gens issus de ces filles qui seront « forts », de la force venant de Dieu.
Ne peut-on, dès lors, comprendre de manière nouvelle le récit de Gn 6, versets 1 à 4 ?
Ne peut-on comprendre ceci ? : Lorsque les descendants d’Adam et Eve ont commencé à se multiplier sur la terre, les hommes créés à l’image de Dieu virent que les femmes de l’espèce humaine étaient belles. Ils choisirent pour épouses celles qui leur plaisaient parmi toutes ces femmes. Or, à cette époque, il y avait des humains qui mourraient sans être nés dans la vie nouvelle créée par Dieu, et il y en avait même encore après que les hommes créés par Dieu se soient unis aux femmes de l’espèce humaine et qu’elles leur eurent donné des enfants : ce sont des gens dont le nom vit pour toujours.
Un nom qui demeure pour toujours : voici ce que tous les descendants d’Adam et Eve ont reçu.
Le récit des néphilims est au centre du récit de la Genèse d’Adam et Eve à Abraham.
Mais il est aussi une clé pour la compréhension de la création nouvelle, de sa transmission. D’un néphilim est issu un fils de Dieu. Hier, la transmission était biologique. Dans le Christ, la transmission est spirituelle.
Les néphilims meurent avant de naître.
Depuis la création d’Adam et Eve jusqu’à Moïse, il y avait des néphilims de la première création.
Aujourd’hui, il y a de nouveaux néphilims de la nouvelle création dans le Christ.
Tous les enfants d’Adam perdus depuis la chute sont aussi comme des avortons par rapport à la vie nouvelle qui est dans le Christ. Ils sont de nouveaux néphilims.
Les néphilims de la Genèse au sein desquels ont été créés des humains à l’image de Dieu sont une image de notre salut car nous étions tous comme des néphilims sans notre baptême dans la mort et la résurrection du Christ qui nous fait naître dans et par le Christ.
Sans le Christ, les fils d’Adam restent dans les douleurs d’un enfantement encore à venir, d’un enfantement à une vie éternelle que le Christ a ouvert pour nous par sa mort et sa résurrection, nous permettant de naître à une vie nouvelle.
Notre vie spirituelle a avorté par le péché originel d’Adam et Eve. Il nous faut désormais renaître, passer par un nouveau baptême dans le Christ. Nous étions comme des avortons voués à la mort. Il nous a fait naître à une vie d’amour pour l’éternité.
Il y avait des néphilims tout au début de l’humanité, lorsque les descendants d’Adam et Eve commençaient à se multiplier (Gn 6,4).
Il y en avait encore du temps de Moïse. En effet, lorsque le peuple d’Israël se trouvait dans le désert, après avoir quitté l’Egypte et franchi la mer rouge, Moïse envoya une avant garde dans la terre promise et ils y virent des gens de grande taille, des néphilims, enfants d’Anak, de la race des néphilims (Nb, 13, 32-33).
A cause de la grande taille de ces néphilims qui vivaient dans la terre promise du temps de Moïse, on traduit généralement le mot « néphilims » par « géants ».
Mais, le mot hébreu « néphilim » n’a aucun rapport avec la taille ou la grandeur.
Bien au contraire, il vient du mot hébreu « naphal » qui évoque l’abattement. Après sa fuite, le visage de Caïn était « naphal » (abattu) (Gn 4, 5-6), les gens de Sodome et Gomorrhe furent « naphal » (tombèrent) dans leur fuite (Gn , 14, 10), et Abraham « naphal » (tomba) en face de Dieu (Gn 17, 3 et 17).
Le mot Nephyil ou Néphilim paraît se rattacher au mot néphel (avorton), l’être qui meurt sans être né.
Les néphilims, n’est-ce pas un peuple de néphels ?
Job nous dit que le néphel (l’avorton) est celui qui n’a pas existé, qui ne voit pas le jour (Job 3,16).
David nous dit que le néphel (l’avorton) ne voit pas le soleil (Ps 58, 9).
La traduction du texte de la Genèse concernant les néphilims est extraordinairement difficile tant elle touche au plus profond.
Certains y ont vu des enfants issus d’anges déchus s’unissant à des femmes humaines, une race étrange lors des débuts de l’humanité. D’autres y ont vu des croisements des enfants de Seth restés fidèles à Dieu avec des descendants de Caïn. Le texte nous expliquerait la provenance d’une race de géants dans l’antiquité.
A notre époque, les découvertes de la science et la conviction que la création des premiers humains à l’image de Dieu, d’Adam et Eve, a pu se produire dans l’histoire avec un corps façonné par une évolution biologique, ouvre une lecture nouvelle qui prend en compte l’existence d’une espèce humaine (ou préhumaine, si l’on définit l’humain comme étant uniquement un homo capax Dei) au sein de laquelle ils ont été créés.
Les néphilims, n’est-ce pas une expression particulièrement adaptée pour nous parler des humains (ou préhumains) non encore créés immortels à l’image de Dieu ? qui meurent sans être nés à la vie de Dieu ?
N’y a-t-il pas déjà ici comme un parfum d’Evangile ?
Sans le Christ, ne resterions-nous pas des néphilims, des avortons, mourant dans les douleurs d’un enfantement sans naître à la vie nouvelle à laquelle Jésus seul nous permet d’accéder ?
Aujourd’hui, il y a parmi tous les humains un peuple de créatures nouvelles qui reçoivent la vie du Christ, du nouvel Adam, parmi beaucoup d’autres semblables qui refusent de naître à cette vie.
Autour de nous encore, ils sont tellement nombreux ceux qui ont tout pour naître à une vie nouvelle, pour devenir des créatures nouvelles, par le nouvel Adam qui nous annonce des cieux tout proches, et qui se laissent mourir sans naître dans cette vie offerte.
Aujourd’hui, nous avons le peuple de Dieu formé de créatures nouvelles qui sont passées par une nouvelle naissance qui les a incorporés dans le Christ par le baptême dans sa mort et sa résurrection, mais aussi un peuple de ceux qui restent dans les douleurs de l’enfantement, dans l’attente de naître à la vie nouvelle.
Il en était de même du temps du premier Adam.
Il y a eu aussi une double naissance. Une naissance biologique dans le monde matériel et une naissance spirituelle. Une naissance dans la chair et un baptême qui incorporait dans le monde de Dieu.
Avant la création d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden, Dieu a façonné lentement à travers des milliards d’années un être vivant qui s’est transformé par des mutations génétiques diverses qui ont fait vivre des primates, puis des australopithèques, des homo habilis, des homo erectus, des homo sapiens, jusqu’à l’apparition de l’humain de notre espèce, avec un ADN semblable au nôtre, il y a quelques dizaines de milliers d’années ou peut-être un peu plus.
Ce sont des humains, au sens terrestre du mot, des gens de notre espèce terrestre.
Mais, ce n’est pas encore nécessairement l’homme créé à l’image de Dieu, celui qui, selon la définition du catéchisme, est « capable de connaître et d’aimer son créateur » et « capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes » (CEC 356), qui est à l’image de Dieu parce que « dans sa propre nature il unit le monde spirituel et le monde matériel » (CEC 355), parce qu’il est « un être à la fois corporel et spirituel » (CEC 362).
Avant la création d’Adam et Eve à l’image de Dieu, il y a eu six « jours » durant lesquels le corps de l’espèce humaine a été façonné et, tout au long de cette histoire de milliards d’années, des êtres se sont succédés dans des états de développement de plus en plus perfectionnés mais ces êtres tirés de la poussière du sol n’étaient pas encore participants au monde spirituel de Dieu. Leur nature n’était encore que terrestre.
Il n’y avait pas encore de naissance dans un monde nouveau, dans le monde spirituel, dans l’Eden de Dieu. Ils avaient déjà un corps, mais ils mourraient comme les plantes et les animaux. Comme un embryon, un fœtus ou un petit enfant dans le sein de sa mère, ils ont vécu, à des stades divers de développement, de plus en plus proches de l’état dans lequel Dieu a fait naître des humains à son image dans un monde autre, son monde spirituel.
Lorsque cette création des premiers humains à l’image de Dieu s’est produite, ils étaient nombreux sur la terre à vivre dans un corps terrestre semblable au leur, tout proches, physiquement, de l’état de l’homme créé à l’image de Dieu, né dans le monde spirituel de Dieu.
A tous ces êtres qui vivaient lors de la création d’Adam et Eve, le premier Adam, qui a été mis dans le jardin planté dans l’Eden de Dieu, aurait pu annoncer, après le péché originel et sa sortie de l’Eden, que « Le royaume des cieux, le royaume de Dieu est tout proche » comme l’annoncera un jour un autre Adam, un nouvel Adam.
Après le péché originel, Adam et Eve, qui n’avaient certainement rien oublié de leur passage inouï dans le jardin d’Eden, auraient pu annoncer à tous ces êtres qui mourraient sans être nés dans le monde spirituel de Dieu, cette nouvelle naissance qui s’était produite dans ce monde spirituel, qui avait fait d’eux des créatures nouvelles, par un baptême dans le monde de Dieu.
Probablement que, s’ils en avait été capables, tous ces êtres de leur espèce auraient dû leur répondre : c’est impossible, nous ne sommes pas créés à l’image de Dieu, notre nature n’est que terrestre, elle n’est pas capable d’entrer en communion avec Dieu, elle ne participe pas au royaume de Dieu !
Et Dieu aurait pu répondre : pour les humains, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. Il peut prendre un terrestre et le mettre dans son Eden. Des pierres que voici, des éléments matériels les plus durs et les plus morts de la terre, Dieu peut susciter des enfants à Adam (cf. Mt 3,9).
Les parents biologiques d’Adam et Eve, leurs frères et sœurs, leurs cousins et leurs semblables, étaient des humains de la même espèce terrestre, mais ce n’étaient pas des humains créés à l’image de Dieu, des âmes immortelles, mais seulement des êtres semblables à un enfant dans le sein de sa mère juste avant sa naissance, ayant atteint un développement physique parfait pour naître à une vie dans un monde autre mais pas encore né.
Ils mourraient comme des avortons, sans avoir connu le monde spirituel dans lequel ils étaient cependant physiquement aussi prêts à naître que le couple d’êtres semblables de leur espèce lorsque celui-ci a été créé à l’image de Dieu, mis dans l’Eden de Dieu.
Après que des humains aient été créés à l’image de Dieu, il y a eu une cohabitation entre ces êtres nouveaux et les autres humains (ou préhumains) de l’époque « qui mourraient sans être nés ».
Lorsque les humains créés à l’image de Dieu ont commencé à se multiplier sur la terre, il y avait les enfants de Dieu, créés à son image, baptisés dans son Eden en Adam et Eve dont ils étaient les descendants, qui participaient non seulement au monde matériel comme tous les autres humains de leur espèce terrestre mais étaient aussi capables de participer au monde spirituel de Dieu, et il y avait, en même temps, tous ceux qui mourraient sans être nés à cette vie nouvelle à l’image de Dieu.
Ceux qui mourraient sans être nés à cette vie nouvelle étaient comme des avortons, des néphels. N’est-ce pas eux que la Genèse appelle des néphilims, des gens qui sont comme des néphels ? C’étaient des humains, d’un point de vue terrestre, mais ils mourraient sans être nés à cette vie nouvelle créée par Dieu sur la terre.
Entre les descendants d’Adam et Eve créés à l’image de Dieu dans le jardin d’Eden et les néphilims dont ils étaient issus physiquement, il n’y avait aucune incompatibilité physique.
Lorsque les descendants d’Adam et Eve ont commencé à se multiplier et que des filles leur étaient nées, elles ont enfanté de multiples descendants. La Genèse nous donne de longues listes des descendants d’Adam et Eve qui ont engendré des fils et des filles.
A chaque conception humaine par des enfants de Dieu, la création divine s’est reproduite pour susciter une âme immortelle nouvelle.
Mais, aux débuts de l’humanité créée à l’image de Dieu, quand cette humanité a commencé à se multiplier, il n’y avait pas que des femmes descendant d’Adam et Eve, mais il y avait sur la terre de nombreuses femmes de l’espèce dont Adam et Eve provenaient physiquement. Celle que Caïn a rencontré au loin et tant d’autres.
En ce temps là, vivent les néphilims, les humains (ou préhumains) qui ne sont pas créés à l’image de Dieu, qui sont comme des avortons de l’humanité à naître, qui mourraient sans être nés dans la vie spirituelle. Au même moment, vivent aussi des humains qui étaient enfants de Dieu, nés dans la vie spirituelle, même s’ils n’étaient pas restés dans le monde spirituel du jardin d’Eden, s’ils vivaient privés de la communion d’amour en Dieu.
Et il y avait des femmes humaines des deux espèces. Et c’est parmi toutes ces femmes que les hommes enfants de Dieu vont choisir leurs épouses. Pas seulement parmi des femmes enfants de Dieu provenant de la descendance d’Adam et Eve, mais aussi parmi les autres.
Le regard de la Genèse est porté sur les mères qui enfantent. Les fils de Dieu prennent des épouses parmi les filles des humains et pas uniquement parmi les filles de Dieu. Les fils et les filles de Dieu ne restent pas entre eux, mais des fils de Dieu se reproduisent avec des filles des humains qui sont des filles de néphilims.
Et le texte précise : ces néphilims étaient là avant et ils sont encore là après que ces enfantements se produisent. Ils seront encore là jusqu’à l’époque de Moïse.
Selon la Genèse, « Lorsque les hommes eurent commencé à être nombreux sur la surface de la terre, et qu'il leur fut né des filles, les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qui leur plurent » (Gn 6, 1-2).
Pourquoi ? Le récit de la Genèse nous dit qu’ils les trouvaient « belles ». Le mot est faible. En réalité, dans le texte hébreu, ils les trouvaient « towb » et ce mot est extrêmement fort. Il est même divin car c’est le mot par lequel Dieu lui-même qualifie sa création à la fin de chacun des six jours des origines. A la fin de chaque jour, Dieu dit que c’était « bon », et c’est le mot hébreu « towb » qui est utilisé. Plus fort encore, au milieu du jardin d’Eden, c’est ce mot qui est utilisé pour nous parler de l’arbre de la connaissance du bien (en hébreu : towb) et du mal.
Toutes les femmes humaines de l’époque, tant les néphilims que les enfants de Dieu, étaient « towb ». Cela résonne bien en français : elles étaient top ! Elles étaient bien. Toutes.
Et leurs descendants, tous leurs descendants, furent, selon nos traductions françaises habituelles de la Genèse, des « héros fameux dans l’antiquité » ou « des héros renommés dès les temps anciens ». Les termes hébreux nous font découvrir beaucoup de richesses dans ces quelques mots particulièrement difficiles à traduire. Selon la traduction strong, il s’agit de « gibbowr » (des héros, des puissants) qui furent des « enowsh » (des gens) « e-shem » (de nom ou renommés) dans « l’owlam » (dans les temps).
Le texte dit qu’il s’agit d’enowsh , c’est-à-dire, de gens, de gens mortels. Le mot est assez banal et est souvent utilisé dans la Genèse.
Le texte nous parle aussi de leur shem, c’est-à-dire de leur nom. C’est le mot utilisé au début de la Genèse, lorsqu’il nous est dit qu’Adam donna un nom à toutes les créatures. C’est aussi un mot assez courant dans la Genèse. Le nom, c’est l’être.
Que nous dit-on du nom de ces gens ? de leur être ? S’agit-il de néphilims, de gens qui meurent sans être nés à la vie nouvelle d’enfants de Dieu ? de gens abattus ? Pas du tout.
Le texte nous parle de gibbowr, c’est-à-dire de forts, de puissants. Le mot est utilisé dans l’Ecriture Sainte pour Dieu lui-même : c’est Lui-même qui est « gibbowr » (Dt 10, 17 ; Néh. 9, 32 ; Ps 24, 8 ; Is. 10, 21). On l’appellera admirable, conseiller, Dieu gibbowr (puissant), Père éternel, prince de la paix (Is. 9, 6). Le Seigneur est au milieu de toi comme un gibbowr qui sauve (Soph. 3, 17).
Le texte nous parle surtout de l’owlam. Ce mot est utilisé par Dieu lors de la création du monde. Lorsque Dieu dit que la vie de l’humain sera limitée à 120 ans dans la chair, c’est pour qu’il ne demeure pas « à toujours » (en hébreu : owlam) (Gn 6, 3) comme Il l’avait dit lorsque l’humain a du quitter l’Eden après le péché originel : Empêchons-le de vivre éternellement (en hébreu : owlam) (Gn 3, 22). L’arc en ciel est le signe d’une alliance « owlam » (perpétuelle) (Gn 9, 12 et 16).
Le mot « owlam » évoque l’éternité, ce que la traduction française ne fait guère ressortir en nous parlant d’antiquité ou de temps anciens.
Dans la traduction de Chouraqui, il nous est proposé de traduire l’expression « héros renommés dans les temps anciens » par « Ce sont les champions de toute perpétuité, les hommes du Nom ».
Dans l’Ecriture, Dieu lui-même est « gibbowr ». C’est Lui qui donne la vie à perpétuité « owlam » à des gens mortels « enowsh ». Il en fait des êtres capables de la puissance de Dieu (gibbowr), des gens (enowsh) de l’éternel (owlam). Bref : des homo capax Dei.
En résumé, ne convient-il pas de comprendre que les Néphilims étaient les humains (ou préhumains) de la race d’Adam et Eve, que Adam et Eve étaient eux-mêmes issus physiquement des Néphilims, que ces humains (non encore nés à la vie de Dieu) étaient sur la terre lors des débuts de l’humanité créée à l’image de Dieu, que les descendants d’Adam et Eve ont connu des filles d’humains, y compris des filles de néphilims, et que de toutes ces unions sont nés des forts dont le nom est pour toujours, des homo capax Dei ?
Le petit texte du début du sixième chapitre de la Genèse peut fonder ainsi toute la transmission de la création à l’image de Dieu. Tous les descendants d’Adam et Eve sont enfants de Dieu, créés à son image, capables d’une vie éternelle d’amour avec Lui.
Les mères de leurs descendants ne sont pas distinguées : ce sont des filles de l’adame, des filles terrestres. Qu’elles soient elles-mêmes filles de Dieu, parce que descendantes d’Adam et Eve, ou filles de néphilims épouses de descendants d’Adam et Eve, toutes vont transmettre un nom pour toujours à ces gens issus de ces filles qui seront « forts », de la force venant de Dieu.
Ne peut-on, dès lors, comprendre de manière nouvelle le récit de Gn 6, versets 1 à 4 ?
Ne peut-on comprendre ceci ? : Lorsque les descendants d’Adam et Eve ont commencé à se multiplier sur la terre, les hommes créés à l’image de Dieu virent que les femmes de l’espèce humaine étaient belles. Ils choisirent pour épouses celles qui leur plaisaient parmi toutes ces femmes. Or, à cette époque, il y avait des humains qui mourraient sans être nés dans la vie nouvelle créée par Dieu, et il y en avait même encore après que les hommes créés par Dieu se soient unis aux femmes de l’espèce humaine et qu’elles leur eurent donné des enfants : ce sont des gens dont le nom vit pour toujours.
Un nom qui demeure pour toujours : voici ce que tous les descendants d’Adam et Eve ont reçu.
Le récit des néphilims est au centre du récit de la Genèse d’Adam et Eve à Abraham.
Mais il est aussi une clé pour la compréhension de la création nouvelle, de sa transmission. D’un néphilim est issu un fils de Dieu. Hier, la transmission était biologique. Dans le Christ, la transmission est spirituelle.
Les néphilims meurent avant de naître.
Depuis la création d’Adam et Eve jusqu’à Moïse, il y avait des néphilims de la première création.
Aujourd’hui, il y a de nouveaux néphilims de la nouvelle création dans le Christ.
Tous les enfants d’Adam perdus depuis la chute sont aussi comme des avortons par rapport à la vie nouvelle qui est dans le Christ. Ils sont de nouveaux néphilims.
Les néphilims de la Genèse au sein desquels ont été créés des humains à l’image de Dieu sont une image de notre salut car nous étions tous comme des néphilims sans notre baptême dans la mort et la résurrection du Christ qui nous fait naître dans et par le Christ.
Sans le Christ, les fils d’Adam restent dans les douleurs d’un enfantement encore à venir, d’un enfantement à une vie éternelle que le Christ a ouvert pour nous par sa mort et sa résurrection, nous permettant de naître à une vie nouvelle.
Notre vie spirituelle a avorté par le péché originel d’Adam et Eve. Il nous faut désormais renaître, passer par un nouveau baptême dans le Christ. Nous étions comme des avortons voués à la mort. Il nous a fait naître à une vie d’amour pour l’éternité.