par Cinci » mer. 28 oct. 2015, 1:50
Bonjour,
Qohélet fait partie des écrits (ketoubim) de la Bible. Il a sa place dans le canon.
Juste pour votre agrément, voici quelques commentaires tirés d'un numéro du Cahier Évangile :
«Qohélet ne paraît pas être le fruit d'un génie inattendu. Dans son office d'objecteur, il exprime la résistance d'Isrsaël à toute construction d'un refuge dans un monde parallèle. Il récuse même l'espoir que les acquis de l'homme se développent dans un groupe après sa mort. Ce n'est pas seulement l'individu mais l'histoire qui est enfermée dans un cercle et qui se défait. Ce message agit comme une médecine, en allégeant le sage d'une certaine pompe, en le dégageant des responsabilités d'un agent de l'histoire universelle. Mais aussi quel regard nouveau devant Dieu dont tout continue à dépendre absolument dans un espace aussi réduit ! Il faut s'attendre à trouver souvent Qohélet souvent sur son chemin.»
- P. Beauchamp, L'un et l'autre Testament, Seuil, 1976, p.130
Le Dieu de Qohélet
La vie a conduit Qohélet a envisager le problème global de cette existence, non comme une réalité close, mais débouchant en définitive sur Dieu. «Sache que sur tout cela, Dieu t'amènera en jugement (11,9) Le problème de Dieu n'a pas intéressé ce sage que pour lui-même. Sa théologie est celle des juifs ses contemporains. [...] Mais il a voulu autre chose : affirmer que, selon son expérience très ouverte, très décevante aussi, nul n'avait encore donné d'explication satisfaisante à la vie de l'homme. Il ne demande d'ailleurs pas à Dieu de la lui donner. Il ne frappe jamais à sa porte. Il n'y a chez lui ni prière ni poing tendu. Toutefois, sa plainte, ses doutes, ses amertumes n'ont de sens que perçus comme des appels imprégnés d'une douleur et d'une timidité qui n'osent pas interroger, exiger l'ouverture des dossiers divins. Que Dieu ne dit-il pas à l'homme où il le mène ?
- A, Barucq, dans La notion biblique de Dieu, 1976, p.18
Le bien et le mieux
Ce qui est bon pour l'homme est répertorié par Qohélet dans une série de sentences "mieux vaut que" (tôb min). Nous nous contenterons d'en citer quelques unes.
Et moi de féliciter les morts qui sont déjà morts, plutôt que les vivants qui sont encore en vie, et plus heureux que les deux celui qui n'a pas encore été, puisqu'il n'a pas vu l'oeuvre mauvaise qui se pratique sous le soleil (4,2; cf Jr 20,14; Job 3,1)
Mieux vaut le creux de la main plein de repos, que deux poignées de travail, de poursuite de vent (4,6)
Mieux vaut un gamin indigent mais sage, qu'un roi vieux mais insensé, qui ne sait plus se laisser conseiller (4,13)
Qohélet est à la recherche non pas du mieux, mais du bien, du bonheur possible et concrètement réalisable, au milieu de son existence énigmatique. Car il y a un bonheur possible pour l'homme sous le soleil, un bonheur limité, certes, mais porteur de joie.
Rien de nouveau sous le soleil !
L'emploi que nous faisons de la citation implique l'image d'un monde en évolution dans lequel le futur doit dépasser le passé. «Nouveau» indique une valeur positive, et quelle valeur!
Il en va autrement pour Qohélet. Quelque chose de nouveau et donc quelque chose d'autre ne pourrait être qu'une dégénérescence. A valeur ce qui porte en soi l'éclat de l'ancien et de l'origine. La question de l'homme est de savoir si l'origine peut garder son éclat tout en gagnant en durée.
La jeune génération écologique peut sans doute donner sens à cette vision des choses : avec quel plaisir ne renoncerait-elle pas aux produits plastiques, si on pouvait lui assurer que les bonnes vieilles forêts ne seront plus détruites par la pollution.
Dans le contexte antique, la phrase sonne comme un coup de clairon : «Il n'y a rien de nouveau sous le soleil !» Il s'agit bien d'une victoire philosophique.
Cette phrase montre, par exemple, l'erreur de l'enseignement sur les quatre âges du monde (parmi ceux-ci, seul le premier devrait être d'or) Elle est jubilation devant la constatation : dans la création de Dieu - contre toutes les apparences - la qualité de commencement perdure, et le temps, cet incessant rongeur, n'use ni ne consomme la force de l'être. Rien de mélancolique dans cette phrase. C'est un cri de joie : derrière l'instant qui s'évanouit brille l'éternelle durée.
- N. Lohfink, "Le temps dans le livre de Qohélet", Christus, 125, 1985, p.74
Source : Daniel Doré, Cahiers Évangile. Qohélet et le Siracide, Éditions du Cerf, 1995, numéro 91
Bonjour,
Qohélet fait partie des écrits ([i]ketoubim[/i]) de la Bible. Il a sa place dans le canon.
Juste pour votre agrément, voici quelques commentaires tirés d'un numéro du [i]Cahier Évangile[/i] :
«Qohélet ne paraît pas être le fruit d'un génie inattendu. Dans son office d'objecteur, il exprime la résistance d'Isrsaël à toute construction d'un refuge dans un monde parallèle. Il récuse même l'espoir que les acquis de l'homme se développent dans un groupe après sa mort. Ce n'est pas seulement l'individu mais l'histoire qui est enfermée dans un cercle et qui se défait. Ce message agit comme une médecine, en allégeant le sage d'une certaine pompe, en le dégageant des responsabilités d'un agent de l'histoire universelle. Mais aussi quel regard nouveau devant Dieu dont tout continue à dépendre absolument dans un espace aussi réduit ! Il faut s'attendre à trouver souvent Qohélet souvent sur son chemin.»
- P. Beauchamp,[u] L'un et l'autre Testament[/u], Seuil, 1976, p.130
Le Dieu de Qohélet
La vie a conduit Qohélet a envisager le problème global de cette existence, non comme une réalité close, mais débouchant en définitive sur Dieu. «Sache que sur tout cela, Dieu t'amènera en jugement (11,9) Le problème de Dieu n'a pas intéressé ce sage que pour lui-même. Sa théologie est celle des juifs ses contemporains. [...] Mais il a voulu autre chose : affirmer que, selon son expérience très ouverte, très décevante aussi, nul n'avait encore donné d'explication satisfaisante à la vie de l'homme. Il ne demande d'ailleurs pas à Dieu de la lui donner. Il ne frappe jamais à sa porte. Il n'y a chez lui ni prière ni poing tendu. Toutefois, sa plainte, ses doutes, ses amertumes n'ont de sens que perçus comme des appels imprégnés d'une douleur et d'une timidité qui n'osent pas interroger, exiger l'ouverture des dossiers divins. Que Dieu ne dit-il pas à l'homme où il le mène ?
- A, Barucq, dans [i]La notion biblique de Dieu[/i], 1976, p.18
Le bien et le mieux
Ce qui est bon pour l'homme est répertorié par Qohélet dans une série de sentences "mieux vaut que" (tôb min). Nous nous contenterons d'en citer quelques unes.
Et moi de féliciter les morts qui sont déjà morts, plutôt que les vivants qui sont encore en vie, et plus heureux que les deux celui qui n'a pas encore été, puisqu'il n'a pas vu l'oeuvre mauvaise qui se pratique sous le soleil (4,2; cf Jr 20,14; Job 3,1)
Mieux vaut le creux de la main plein de repos, que deux poignées de travail, de poursuite de vent (4,6)
Mieux vaut un gamin indigent mais sage, qu'un roi vieux mais insensé, qui ne sait plus se laisser conseiller (4,13)
Qohélet est à la recherche non pas du mieux, mais du bien, du bonheur possible et concrètement réalisable, au milieu de son existence énigmatique. Car il y a un bonheur possible pour l'homme sous le soleil, un bonheur limité, certes, mais porteur de joie.
Rien de nouveau sous le soleil !
L'emploi que nous faisons de la citation implique l'image d'un monde en évolution dans lequel le futur doit dépasser le passé. «Nouveau» indique une valeur positive, et quelle valeur!
Il en va autrement pour Qohélet. Quelque chose de nouveau et donc quelque chose d'autre ne pourrait être qu'une dégénérescence. A[i] valeur[/i] ce qui porte en soi l'éclat de l'ancien et de l'origine. La question de l'homme est de savoir si l'origine peut garder son éclat tout en gagnant en durée.
La jeune génération écologique peut sans doute donner sens à cette vision des choses : avec quel plaisir ne renoncerait-elle pas aux produits plastiques, si on pouvait lui assurer que les bonnes vieilles forêts ne seront plus détruites par la pollution.
Dans le contexte antique, la phrase sonne comme un coup de clairon : «Il n'y a rien de nouveau sous le soleil !» Il s'agit bien d'une victoire philosophique.
Cette phrase montre, par exemple, l'erreur de l'enseignement sur les quatre âges du monde (parmi ceux-ci, seul le premier devrait être d'or) Elle est jubilation devant la constatation : dans la création de Dieu - contre toutes les apparences - la qualité de commencement perdure, et le temps, cet incessant rongeur, n'use ni ne consomme la force de l'être. Rien de mélancolique dans cette phrase. C'est un cri de joie : derrière l'instant qui s'évanouit brille l'éternelle durée.
- N. Lohfink, "Le temps dans le livre de Qohélet", [i]Christus[/i], 125, 1985, p.74
Source : Daniel Doré, [u]Cahiers Évangile. Qohélet et le Siracide[/u], Éditions du Cerf, 1995, numéro 91