par etienne lorant » lun. 16 sept. 2013, 17:26
Long article sur le célibat sacerdotal, aujourd'hui, sur Zenit :
L’interview, dans la presse du Venezuela, de Mgr Pietro Parolin, secrétaire d’État nommé, du pape François, a donné lieu à diverses interprétations. Pour les lecteurs de Zenit, Mgr Tony Anatrella apporte des repères pour savoir comment situer cette explosion médiatique.
Mgr Tony Anatrella, psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale, consulteur des Conseils pontificaux pour la famille et pour la santé, enseigne et consulte également à Paris. Il intervient dans les séminaires et dans le cadre de journées de formation sacerdotale sur les divers aspects du célibat sacerdotal. Il donne régulièrement un cours sur ce thème lors du Cours international des formateurs de séminaristes qui a lieu tous les ans pendant tout le mois de juillet à Rome depuis plus de 20 ans.
Zenit - Comment avez-vous réagi à l’interview de Mgr Parolin ?
Mgr Tony Anatrella - Il faut lire intégralement l’interview qui a été donnée par Mgr Parolin au journal vénézuélien El Universal le 8 septembre 2013 dans laquelle le Secrétaire d’État répond plus largement aux questions du journaliste sur la situation de l’Église. Puis il doit réfuter une distinction introduite par le journaliste qui pose problème quand il s’interroge sur deux types de « dogmes » : certains qui seraient « amovibles » pendant que d’autres seraient « changeants ». Or ces deux types de « dogmes » n’existent pas. Mgr Parolin répond très logiquement et avec raison que le célibat des prêtres n’est pas un « dogme ». L’Église ne l’a jamais présenté de cette façon. De ce fait, la presse s’embrase sur une seule phrase pour faire toutes sortes hypothèses largement infondées. Une fois de plus, une phrase est sortie de son contexte pour lui faire dire tout et son contraire. Il devient de plus en plus difficile de parler sans que la pensée soit détournée à des fins partisanes. Les journalistes ont ainsi pensé et parlé à la place de Mgr Parolin. Certains sont même allés jusqu’à affirmer que cette réponse était concertée entre le Pape et son Secrétaire d’État, et que, sans doute, on assisterait dans les prochains mois à des remises en question. Ce qui est bien sûr injustifié. Mais le journaliste, comme l’ensemble de l’opinion publique, savent-ils encore ce qu’est un « dogme » ?
Le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC) au n. 88 et suiv., rappelle que le « dogme » est une vérité de foi reçue du Christ qui engage le peuple chrétien à une adhésion irrévocable, comme le Mystère de la Sainte Trinité. Il revient au Magistère de l’Église, qui agit et s’engage sous l’autorité du Christ, de définir les dogmes contenus dans la Révélation divine et d’en montrer les conséquences pour la vie de l’Église, la vie spirituelle et le comportement moral.
Comment se forment les « dogmes » ?
Leur formation est liée à la découverte du contenu de la Révélation divine. Ainsi, dans les premiers siècles de la vie de l’Église, les divers conciles qui rassemblaient les évêques sous le Magistère de Pierre, ont précisé progressivement le contenu rationnel de la foi chrétienne en méditant, en priant et en vivant la Parole de Dieu. Ce ne fut pas toujours facile, ni sans conflits puisqu’il fallait déjà faire la part des choses entre les idées, voire les idéologies d’une époque, et les vérités de foi au Christ découvertes au sein de son Église. Certains ne se privèrent pas de fabriquer leur propre doctrine et de fonder des sectes ce qui donna souvent lieu à des schismes, à des hérésies et à des apostasies qui réapparaissent régulièrement dans l’histoire. Nous sommes ainsi actuellement en pleine hérésie pélagienne (seule compte la volonté humaine pour ne pas dire le désir) et montaniste (négation de toute hiérarchie ecclésiastique). Le Pape François, après le Pape Benoît XVI, rappelle sans cesse que le Christ est indissociable de l’Église. Croire au Christ tout en négligeant l’Enseignement de l’Église est une contradiction intellectuelle et morale, et une attitude anti-chrétienne.
Bref les dogmes, entendus comme vérités de la foi au Christ et résumés dans le Credo, ne changent pas, ils s’approfondissent, comme nous ne cessons pas d’explorer le sens de l’Incarnation du Christ et du Mystère de l’Église.
Si l’héritage de la foi est confié à l’Église, qu’en est-il du célibat sacerdotal qui ne serait pas un « dogme »?
Dans son interview Mgr Parolin rappelle précisément que « l’Église ne peut jamais changer au point de s’adapter totalement au monde. … L’Église a une constitution, une structure, un contenu qui sont ceux de la foi, et personne ne peut les changer ». Autrement dit, si le célibat des prêtres n’est pas un « dogme », au sens de ceux contenus dans le Credo, il demeure une exigence théologique dépendant de la conception du sacerdoce que l’Église a reçue du Christ. Elle appartient à la Tradition qui structure l’Église, c’est-à-dire qu’elle est l’une des conséquences des vérités de la foi au Christ-Prêtre. Elles ont été découvertes et vécues dès le début de la vie ecclésiale. Il y a donc un lien et une distinction entre Dogme et Tradition pour définir les réalités chrétiennes. Cette différence, sans qu’elle soit une opposition, est une subtilité de la pensée difficile à saisir par des médias parfois prisonniers des idées courtes et de leurs interprétations projectives et qui ne cherchent pas à comprendre l’originalité et la profondeur d’une pensée religieuse. Nous sommes ainsi conditionnés par une excitation médiatique qui tourne en boucle et à des clichés qui ne sont pas raison. Il faut donc laisser passer la tempête médiatique pour retrouver le sens des choses, et ici du célibat sacerdotal.
Comment situer la Tradition dans l’Église ?
Dans la question posée par le journaliste vénézuélien et dans tous les commentaires qui ont pu être faits dans les médias, il y a une confusion entre la notion de Dogme et celle de la Tradition. C’est ce que laissait entendre Mgr Parolin en disant qu’il s’agit « d’une Tradition ecclésiastique », mais cela ne veut pas dire qu’elle est amovible et à la libre disposition de chacun en dehors de « la constitution de l’Église ». L’origine de la pensée de l’Église, afin de formuler les dogmes et leurs conséquences pratiques et morales pour le peuple chrétien, est dans « l’Ecriture Sainte et dans la Sainte Tradition ». L’une et l’autre sont normatives et servent de références au seul Magistère de l’Église à qui a été confiée « la charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu » (CEC, n. 84 à 87).
La Tradition ecclésiale transmise au cours des siècles n’est pas négligeable puisqu’elle est le résultat de la mise en perspective et en acte, par exemple pour la question qui nous occupe, du sens du sacerdoce dont le mode de vie s’incarne à l’image du Christ-Prêtre de façon nuptiale dans le don total de soi à Dieu et à son Église. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Secrétaire d’État affirme avec force : « l’effort qu’a fait l’Église pour instaurer le célibat des prêtres doit être considéré. On ne peut pas dire qu’il appartient simplement au passé. » Puis il ajoute pour rendre compte de l’existence d’un certain nombre de problèmes de comportement chez des prêtres : « C’est un grand défi pour le Pape, qui est à la tête du ministère de l’unité, et toutes les décisions doivent être prises dans le but d’unir l’Église, pas de diviser ».
Mgr Parolin est un homme de dialogue. Une attitude qui permet de voir la réalité en face, de discerner et d’approfondir les choses. En ce sens, il dit : « Aussi nous pouvons parler, réfléchir et approfondir ces sujets et songer à des modifications, mais toujours en tenant compte de l’unité, de la volonté de Dieu (…) et de l’ouverture aux signes des temps ». Que faut-il entendre ici ? Que la question est ouverte à la réflexion, mais certainement pas pour remettre en question l’engagement dans le célibat pour les prêtres qui est fortement structuré dans la Tradition ecclésiale. En revanche des aménagements sont possibles, comme par exemple ce que Benoît XVI a permis pour l’accueil des prêtres anglicans qui embrassent la foi catholique.
Les propos de Mgr Parolin ont donc été interprétés bien au-delà de ce qu’il voulait dire ?
Sans aucun doute. Certains médias ont affirmé rapidement, et souvent dans la méconnaissance de l’histoire du célibat, que la question du mariage des prêtres était relancée. Or rien n’est relancé et la réflexion continue comme toujours en dehors des caméras et des micros.
On s’est livré à une surenchère de reportages en allant souvent chercher d’anciens prêtres qui se sont mariés, ou des femmes qui vivent en concubinage avec des prêtres. Ils sont souvent présentés et « starisés » comme des « héros » alors que les prêtres qui sont fidèles à leur engagement seraient des gens qui ne connaissent pas l’amour. Ce sont pourtant eux qui sont les « héros » de Dieu. Il n’y a rien d’héroïque à être transgressif, c’est même le contraire ! Les gens qui sont parfois dans ce cas, le savent bien et sont envahis d’interrogations quand ils se sont laissé dépasser par leurs sentiments.
Les slogans partent vite et le public apprécie que soit mis en lumière et valorisés des situations anti-institutionnelles et transgressives. « L’Église est contre le mariage des prêtres et contre l’amour d’une femme ». L’Église n’interdit à personne de se marier ! Libre à chacun de choisir sa vie. Mais le sacerdoce ne dépend pas des idées que chacun se fait sur lui et encore moins de l’évolution de ses affects. D’ailleurs lorsque le célibat sacerdotal est accepté passivement, sans qu’une véritable réflexion psychologique sur sa vie affective et sexuelle ait été engagée pendant la formation initiale au Séminaire, on risque parfois d’assister à des éveils douloureux et à des implications affectives incontrôlées.
On annonce des chiffres importants de prêtres qui ne respecteraient pas le célibat ?
En vérité, on ignore complétement le nombre de personnes dans cette situation. Certains annoncent des chiffres fantaisistes et invérifiables de 25 à 30% de prêtres en délicatesse avec leur engagement. Il s’agit plus d’une construction que d’une réelle information. Cette surinterprétation de chiffres flirte avec une volonté idéologique de laïcs qui veulent marier les prêtres, alors que la grande majorité d’entre eux sont heureux de leur don et ne demandent rien. Ces revendications sont toujours extra-marginales. N’est-il pas curieux de constater cette volonté de vouloir marier les prêtres et les homosexuels à une époque où l’on passe son temps à dénoncer et à dévaloriser le mariage ?
De plus, là où le clergé est marié cela ne va pas sans poser divers problèmes. La naïveté contemporaine consiste à croire que le mariage résout les questions actuelles : déficit des vocations, solitude du prêtre, pédophilie, voire homosexualité dans le clergé. Le mariage n’a jamais été un accélérateur des vocations, une thérapie ou un antidote contre la pédophilie et un évitement de l’homosexualité. La pédophilie est pratiquée pour 80 à 90% dans les familles et des hommes mariés peuvent avoir des pratiques homosexuelles. Quant aux vocations, elles naissent dans des communautés où la foi est réelle et active. Ces affirmations sont des visions à courte-vue sur lesquelles, évidemment, l’Église ne peut pas s’aligner.
La seule question qui pourrait éventuellement se poser avec beaucoup de réflexion et de prudence, est de savoir s’il ne conviendrait pas d’ordonner des hommes d’âge mûr, mariés, dans des régions marquées de façon durable par l’absence de prêtres ? La réponse ne pourra « pas être universelle » et restera un problème pour l’unité et la cohérence de l’Église. Car là encore d’autres obstacles risquent d’apparaître et de faire reculer la pastorale des vocations basée sur un clergé célibataire. Il n’est pas évident de faire coexister deux systèmes qui ne serviraient pas « l’unité de l’Église ». Ce qui veut dire qu’avant de se précipiter sur des solutions séduisantes aux yeux des médias, il est indispensable d’analyser des situations particulières là où le clergé dans son ensemble vit dans la cohérence du célibat consacré.
(A suivre ici :
http://www.zenit.org/fr/articles/le-cel ... -tradition
Long article sur le célibat sacerdotal, aujourd'hui, sur Zenit :
L’interview, dans la presse du Venezuela, de Mgr Pietro Parolin, secrétaire d’État nommé, du pape François, a donné lieu à diverses interprétations. Pour les lecteurs de Zenit, Mgr Tony Anatrella apporte des repères pour savoir comment situer cette explosion médiatique.
Mgr Tony Anatrella, psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale, consulteur des Conseils pontificaux pour la famille et pour la santé, enseigne et consulte également à Paris. Il intervient dans les séminaires et dans le cadre de journées de formation sacerdotale sur les divers aspects du célibat sacerdotal. Il donne régulièrement un cours sur ce thème lors du Cours international des formateurs de séminaristes qui a lieu tous les ans pendant tout le mois de juillet à Rome depuis plus de 20 ans.
Zenit - Comment avez-vous réagi à l’interview de Mgr Parolin ?
Mgr Tony Anatrella - Il faut lire intégralement l’interview qui a été donnée par Mgr Parolin au journal vénézuélien El Universal le 8 septembre 2013 dans laquelle le Secrétaire d’État répond plus largement aux questions du journaliste sur la situation de l’Église. Puis il doit réfuter une distinction introduite par le journaliste qui pose problème quand il s’interroge sur deux types de « dogmes » : certains qui seraient « amovibles » pendant que d’autres seraient « changeants ». Or ces deux types de « dogmes » n’existent pas. Mgr Parolin répond très logiquement et avec raison que le célibat des prêtres n’est pas un « dogme ». L’Église ne l’a jamais présenté de cette façon. De ce fait, la presse s’embrase sur une seule phrase pour faire toutes sortes hypothèses largement infondées. Une fois de plus, une phrase est sortie de son contexte pour lui faire dire tout et son contraire. Il devient de plus en plus difficile de parler sans que la pensée soit détournée à des fins partisanes. Les journalistes ont ainsi pensé et parlé à la place de Mgr Parolin. Certains sont même allés jusqu’à affirmer que cette réponse était concertée entre le Pape et son Secrétaire d’État, et que, sans doute, on assisterait dans les prochains mois à des remises en question. Ce qui est bien sûr injustifié. Mais le journaliste, comme l’ensemble de l’opinion publique, savent-ils encore ce qu’est un « dogme » ?
Le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC) au n. 88 et suiv., rappelle que le « dogme » est une vérité de foi reçue du Christ qui engage le peuple chrétien à une adhésion irrévocable, comme le Mystère de la Sainte Trinité. Il revient au Magistère de l’Église, qui agit et s’engage sous l’autorité du Christ, de définir les dogmes contenus dans la Révélation divine et d’en montrer les conséquences pour la vie de l’Église, la vie spirituelle et le comportement moral.
Comment se forment les « dogmes » ?
Leur formation est liée à la découverte du contenu de la Révélation divine. Ainsi, dans les premiers siècles de la vie de l’Église, les divers conciles qui rassemblaient les évêques sous le Magistère de Pierre, ont précisé progressivement le contenu rationnel de la foi chrétienne en méditant, en priant et en vivant la Parole de Dieu. Ce ne fut pas toujours facile, ni sans conflits puisqu’il fallait déjà faire la part des choses entre les idées, voire les idéologies d’une époque, et les vérités de foi au Christ découvertes au sein de son Église. Certains ne se privèrent pas de fabriquer leur propre doctrine et de fonder des sectes ce qui donna souvent lieu à des schismes, à des hérésies et à des apostasies qui réapparaissent régulièrement dans l’histoire. Nous sommes ainsi actuellement en pleine hérésie pélagienne (seule compte la volonté humaine pour ne pas dire le désir) et montaniste (négation de toute hiérarchie ecclésiastique). Le Pape François, après le Pape Benoît XVI, rappelle sans cesse que le Christ est indissociable de l’Église. Croire au Christ tout en négligeant l’Enseignement de l’Église est une contradiction intellectuelle et morale, et une attitude anti-chrétienne.
Bref les dogmes, entendus comme vérités de la foi au Christ et résumés dans le Credo, ne changent pas, ils s’approfondissent, comme nous ne cessons pas d’explorer le sens de l’Incarnation du Christ et du Mystère de l’Église.
Si l’héritage de la foi est confié à l’Église, qu’en est-il du célibat sacerdotal qui ne serait pas un « dogme »?
Dans son interview Mgr Parolin rappelle précisément que « l’Église ne peut jamais changer au point de s’adapter totalement au monde. … L’Église a une constitution, une structure, un contenu qui sont ceux de la foi, et personne ne peut les changer ». Autrement dit, si le célibat des prêtres n’est pas un « dogme », au sens de ceux contenus dans le Credo, il demeure une exigence théologique dépendant de la conception du sacerdoce que l’Église a reçue du Christ. Elle appartient à la Tradition qui structure l’Église, c’est-à-dire qu’elle est l’une des conséquences des vérités de la foi au Christ-Prêtre. Elles ont été découvertes et vécues dès le début de la vie ecclésiale. Il y a donc un lien et une distinction entre Dogme et Tradition pour définir les réalités chrétiennes. Cette différence, sans qu’elle soit une opposition, est une subtilité de la pensée difficile à saisir par des médias parfois prisonniers des idées courtes et de leurs interprétations projectives et qui ne cherchent pas à comprendre l’originalité et la profondeur d’une pensée religieuse. Nous sommes ainsi conditionnés par une excitation médiatique qui tourne en boucle et à des clichés qui ne sont pas raison. Il faut donc laisser passer la tempête médiatique pour retrouver le sens des choses, et ici du célibat sacerdotal.
Comment situer la Tradition dans l’Église ?
Dans la question posée par le journaliste vénézuélien et dans tous les commentaires qui ont pu être faits dans les médias, il y a une confusion entre la notion de Dogme et celle de la Tradition. C’est ce que laissait entendre Mgr Parolin en disant qu’il s’agit « d’une Tradition ecclésiastique », mais cela ne veut pas dire qu’elle est amovible et à la libre disposition de chacun en dehors de « la constitution de l’Église ». L’origine de la pensée de l’Église, afin de formuler les dogmes et leurs conséquences pratiques et morales pour le peuple chrétien, est dans « l’Ecriture Sainte et dans la Sainte Tradition ». L’une et l’autre sont normatives et servent de références au seul Magistère de l’Église à qui a été confiée « la charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu » (CEC, n. 84 à 87).
La Tradition ecclésiale transmise au cours des siècles n’est pas négligeable puisqu’elle est le résultat de la mise en perspective et en acte, par exemple pour la question qui nous occupe, du sens du sacerdoce dont le mode de vie s’incarne à l’image du Christ-Prêtre de façon nuptiale dans le don total de soi à Dieu et à son Église. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Secrétaire d’État affirme avec force : « l’effort qu’a fait l’Église pour instaurer le célibat des prêtres doit être considéré. On ne peut pas dire qu’il appartient simplement au passé. » Puis il ajoute pour rendre compte de l’existence d’un certain nombre de problèmes de comportement chez des prêtres : « C’est un grand défi pour le Pape, qui est à la tête du ministère de l’unité, et toutes les décisions doivent être prises dans le but d’unir l’Église, pas de diviser ».
Mgr Parolin est un homme de dialogue. Une attitude qui permet de voir la réalité en face, de discerner et d’approfondir les choses. En ce sens, il dit : « Aussi nous pouvons parler, réfléchir et approfondir ces sujets et songer à des modifications, mais toujours en tenant compte de l’unité, de la volonté de Dieu (…) et de l’ouverture aux signes des temps ». Que faut-il entendre ici ? Que la question est ouverte à la réflexion, mais certainement pas pour remettre en question l’engagement dans le célibat pour les prêtres qui est fortement structuré dans la Tradition ecclésiale. En revanche des aménagements sont possibles, comme par exemple ce que Benoît XVI a permis pour l’accueil des prêtres anglicans qui embrassent la foi catholique.
Les propos de Mgr Parolin ont donc été interprétés bien au-delà de ce qu’il voulait dire ?
Sans aucun doute. Certains médias ont affirmé rapidement, et souvent dans la méconnaissance de l’histoire du célibat, que la question du mariage des prêtres était relancée. Or rien n’est relancé et la réflexion continue comme toujours en dehors des caméras et des micros.
On s’est livré à une surenchère de reportages en allant souvent chercher d’anciens prêtres qui se sont mariés, ou des femmes qui vivent en concubinage avec des prêtres. Ils sont souvent présentés et « starisés » comme des « héros » alors que les prêtres qui sont fidèles à leur engagement seraient des gens qui ne connaissent pas l’amour. Ce sont pourtant eux qui sont les « héros » de Dieu. Il n’y a rien d’héroïque à être transgressif, c’est même le contraire ! Les gens qui sont parfois dans ce cas, le savent bien et sont envahis d’interrogations quand ils se sont laissé dépasser par leurs sentiments.
Les slogans partent vite et le public apprécie que soit mis en lumière et valorisés des situations anti-institutionnelles et transgressives. « L’Église est contre le mariage des prêtres et contre l’amour d’une femme ». L’Église n’interdit à personne de se marier ! Libre à chacun de choisir sa vie. Mais le sacerdoce ne dépend pas des idées que chacun se fait sur lui et encore moins de l’évolution de ses affects. D’ailleurs lorsque le célibat sacerdotal est accepté passivement, sans qu’une véritable réflexion psychologique sur sa vie affective et sexuelle ait été engagée pendant la formation initiale au Séminaire, on risque parfois d’assister à des éveils douloureux et à des implications affectives incontrôlées.
On annonce des chiffres importants de prêtres qui ne respecteraient pas le célibat ?
En vérité, on ignore complétement le nombre de personnes dans cette situation. Certains annoncent des chiffres fantaisistes et invérifiables de 25 à 30% de prêtres en délicatesse avec leur engagement. Il s’agit plus d’une construction que d’une réelle information. Cette surinterprétation de chiffres flirte avec une volonté idéologique de laïcs qui veulent marier les prêtres, alors que la grande majorité d’entre eux sont heureux de leur don et ne demandent rien. Ces revendications sont toujours extra-marginales. N’est-il pas curieux de constater cette volonté de vouloir marier les prêtres et les homosexuels à une époque où l’on passe son temps à dénoncer et à dévaloriser le mariage ?
De plus, là où le clergé est marié cela ne va pas sans poser divers problèmes. La naïveté contemporaine consiste à croire que le mariage résout les questions actuelles : déficit des vocations, solitude du prêtre, pédophilie, voire homosexualité dans le clergé. Le mariage n’a jamais été un accélérateur des vocations, une thérapie ou un antidote contre la pédophilie et un évitement de l’homosexualité. La pédophilie est pratiquée pour 80 à 90% dans les familles et des hommes mariés peuvent avoir des pratiques homosexuelles. Quant aux vocations, elles naissent dans des communautés où la foi est réelle et active. Ces affirmations sont des visions à courte-vue sur lesquelles, évidemment, l’Église ne peut pas s’aligner.
La seule question qui pourrait éventuellement se poser avec beaucoup de réflexion et de prudence, est de savoir s’il ne conviendrait pas d’ordonner des hommes d’âge mûr, mariés, dans des régions marquées de façon durable par l’absence de prêtres ? La réponse ne pourra « pas être universelle » et restera un problème pour l’unité et la cohérence de l’Église. Car là encore d’autres obstacles risquent d’apparaître et de faire reculer la pastorale des vocations basée sur un clergé célibataire. Il n’est pas évident de faire coexister deux systèmes qui ne serviraient pas « l’unité de l’Église ». Ce qui veut dire qu’avant de se précipiter sur des solutions séduisantes aux yeux des médias, il est indispensable d’analyser des situations particulières là où le clergé dans son ensemble vit dans la cohérence du célibat consacré.
(A suivre ici : [url]http://www.zenit.org/fr/articles/le-celibat-sacerdotal-entre-dogme-et-tradition[/url]