Ancien et Nouvel Israël

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Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » lun. 01 avr. 2024, 20:11

Bonsoir Xavi,
Il m ' a semblé que la position extrême du pasteur en question risquait d'être partagée à quelques nuances près par bien des catholiques (encore aujourd'hui,bien que je n'ai pas voulu creuser,une personne de ma connaissance ,tradi-lefebvriste, m'a paru avoir ce genre d'attitude...).
La question (comme bien d'autres actuellement) transcende dons les séparations confessionnelles à l'intérieur du christianisme et ne me parait pas relever d'une apologétique face au protestantisme spécifiquement.
Pour le reste, d'accord avec vous .

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavid » lun. 01 avr. 2024, 14:37

En effet, l'Ancien Testament, avec ses prophéties et ses enseignements, éclaire notre compréhension de l'âme et de son lien avec le divin. Tout comme Jésus et ses apôtres se sont appuyés sur ces écritures pour transmettre des vérités spirituelles, nous pouvons aussi puiser dans ces textes pour nourrir notre propre cheminement intérieur et comprendre notre relation avec Dieu et notre propre âme.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » lun. 01 avr. 2024, 12:23

@Xavid

Bonjour Xavid,

Vous exprimez bien les différences qui peuvent se cacher dans les mots que chacun utilise.

Il est en effet indéniable, parce que manifeste, que les pratiques religieuses du judaïsme et du christianisme sont différentes, de même que l’enseignement de la foi chrétienne en ce que, comme vous l’écrivez, « Le Christ occupe une place centrale dans la foi chrétienne, comme étant le chemin, la vérité et la vie ».

Vous insistez aussi de manière justifiée sur le fait qu’il est important « de respecter les convictions et les enseignements propres à chaque tradition religieuse, tout en favorisant le dialogue interreligieux et la compréhension mutuelle ».

Mais, par contre, lorsque vous utilisez le mot « distinctes » pour distinguer ces deux religions que sont le judaïsme et le christianisme, ce mot laisse dans l’ombre une partie du réel à laquelle nous réfléchissons ici : le fait que la religion juive est le berceau ou la racine du christianisme.

À cet égard, vous pensez que « certains estiment qu'il existe des éléments dans l'Ancien Testament qui pourraient permettre aux Juifs de reconnaître le Christ et de dépasser certaines divergences doctrinales ».

Jésus et ses apôtres se référaient en effet aux Écritures de l’Ancien Testament et à la religion juive qu’ils pratiquaient. Après sa résurrection, c’est bien au moyen des écritures de l’Ancien Testament que Jésus s’est fait reconnaître aux disciples juifs d’Emmaüs. C’est toujours vrai aujourd’hui. L’Ancien Testament n’a rien perdu de sa pertinence. Bien au contraire du fait de la lumière du Christ.

@Gaudens

Bonjour Gaudens,

Il me semble que l’avis du pasteur protestant que vous partagez aurait davantage sa place en apologétique tant il se fonde sur un point de vue différent de celui de l’Église.

Pour lui, la révélation, les prophéties et l’incarnation sont figées dans le temps et déjà accomplies entièrement dans un passé révolu. Alors qu’au contraire, par le Christ, il nous est révélé que Dieu se rend présent dans sa création. Par Jésus, avec Lui et en Lui, Dieu se rend présent pleinement, à 100 % et cette présence incarnée demeure avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps.

C’est une terrible perte pour ce pasteur de ne pas s’en rendre compte. Dieu n’a pas fait qu’un petit passage de quelques dizaines d’années.

Pour l’Église, l’action de Dieu s’exerce sans cesse à travers le temps et il n’y a pas de division entre son action hier, aujourd’hui et demain. Il est toujours celui qui est, qui était et qui vient. L’Incarnation se prolonge dans le corps du Christ qu’est l’Église universelle conduite par le successeur de Pierre et par l’Eucharistie. L’Alliance conclue avec les patriarches juifs se prolonge sans rupture dans le temps présent.

Hélas, ce pasteur ne renvoie les Juifs qu’à des « églises locales » puisqu’il ne reconnaît pas la réalité concrète de l’Église conduite par le successeur de Pierre.

Toute la compréhension de ce pasteur est un point de vue personnel construit sans attention au point de vue de l’Église et les mots qu’il utilise en ont dès lors un sens modifié qui peut embrouiller le lecteur.

Dans ces conditions, il est très difficile de dialoguer parce que le sens donné aux mots est différent et c’est particulièrement le cas pour cette déclaration en 15 points d’un protestant dont le point de vue est très différent de celui de l’Église.

Nous pouvons certes, comme le fait ce pasteur, tout lire avec des lunettes infrarouges chrétiennes, depuis le premier verset de la Genèse jusqu’au jugement dernier, et y voir partout et en tout l’action du Christ, Celui par lequel seul nous pouvons être sauvés et qui n’a qu’un seul peuple dans la vie éternelle comme dans toutes les générations se succédant sur la terre.

Tout le mal sera extirpé et aucun mensonge ne subsistera dans la pleine lumière du Christ.

On peut tout confondre avec un tel point de vue et déclarer qu’Abraham et Moïse étaient des « chrétiens » et que le peuple d’Israël sortant d’Égypte est « l’Église », ou considérer de même qu’il n’y a « aucune » bénédiction en dehors du Christ et que les chrétiens sont les descendants spirituels d’Abraham. C’est vrai, mais ce n’est qu’un point de vue partiel sur le réel.

Mais, n’est-ce pas là notre regard d’aujourd’hui que parfois nous plaquons sur le Christ ? Ne serait-il pas plus vrai de comprendre davantage que Jésus de Nazareth utilisait les mots de l’Ancienne Alliance, ceux qu’ils partageait avec les Juifs de son époque, pharisiens, sadducéens, mais aussi galiléens, voire grecs convertis ?

Même s’ils ont évolué et changé, les Juifs d’aujourd’hui restent des témoins vivants du langage et de la religion de Jésus et des apôtres dont l’Église s’est éloignée pour annoncer l’Évangile jusqu’au bout de la terre.

Faut-il pour autant oublier le rôle persistant des Juifs qui n’ont pas ou pas encore reconnu le Christ dont parle saint Paul aux Romains ? Faut-il pour autant oublier les racines qui nous portent ?

Peut-on déduire d’un manque de foi au Christ que le judaïsme d’aujourd’hui aurait un « dieu » différent que le judaïsme des patriarches bibliques ? L’expression de prétendus « dieux différents » manifeste déjà un manque d’attention à l’inexistence des dieux. Les convictions, les religions ou les appellations humaines ne peuvent en rien changer « Celui qui est, qui était et qui vient ».

Il nous faut, particulièrement, éviter de confondre les mots par lesquels nous exprimons notre foi catholique avec la vérité elle-même dont l’Église est certes le témoin authentique mais dont, individuellement, nous ne sommes que des témoins plus ou moins bons.

N’oublions jamais que le réel échappe largement aux mots humains.

Il nous faut éviter de croire que nous sommes nous-mêmes les « possesseurs » de la vérité et, a fortiori de « toute » la vérité ou que les autres n’y auraient aucun accès et qu'ils ne pourraient en rien nous éclairer.

Il n’y a pas d’un côté les purs et de l’autre les impurs, d’un côté les spirituels et de l’autre les charnels. Il y a partout des hommes pécheurs en marche vers Dieu qu’un jour chacun rencontrera face à face.

Il n’y a pas d’un côté des prophéties matérielles déjà accomplies ou non et de l’autre des prophéties spirituelles. Ce pasteur que vous citez est téméraire lorsqu’il se croit maître de l’interprétation des prophéties, déclarant certaines complètement réalisées et terminées dans le passé. C’est d’autant moins fiable lorsqu’on prétend pouvoir interpréter seul en marge de l’Église.

La vérité nous est partagée de manière authentique par les mots de l’Église dans une continuité que nous assurent la succession apostolique, la Tradition et l’Écriture sainte.

Mais, nous n’aurons jamais fini, sur cette terre, d’avoir besoin d’améliorer notre compréhension personnelle et nos mots pour l’exprimer.

Et c’est en cela que les Juifs, quels que soient leurs défauts ou leurs déviances, nous sont et nous restent indispensables.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavid » lun. 01 avr. 2024, 11:06

Xavi a écrit :
mer. 13 mars 2024, 22:04
Cher Gaudens,

Il n’est en aucun cas question d’une équivalence entre le judaïsme et le christianisme. Le Christ est le chemin, la vérité et la vie. Il n’a ni équivalent, ni alternative.

À cet égard, même si des obstacles demeurent par ailleurs, il y a tout ce qu’il faut dans l’Ancien Testament pour permettre aux Juifs de le reconnaître et de dépasser la pierre d’achoppement de l’idée d’un royaume messianique qui serait seulement ou principalement corporel, terrestre. Pour le reste, il m’est difficile de suivre vos craintes et d’imaginer une prise en charge par les Juifs de « l’aspect terrestre de la rédemption » comme si l’homme était divisible, ce qu’il n’est pas. L’être humain est corporel et spirituel.

Pour le surplus, merci pour votre évocation historique des événements des environs l’an 135 qui cependant ne semblent plus guère influencer l’Église actuelle.
Il est indéniable que le judaïsme et le christianisme sont deux religions distinctes, avec des croyances et des doctrines différentes. Le Christ occupe une place centrale dans la foi chrétienne, comme étant le chemin, la vérité et la vie. Cependant, certains estiment qu'il existe des éléments dans l'Ancien Testament qui pourraient permettre aux Juifs de reconnaître le Christ et de dépasser certaines divergences doctrinales. Néanmoins, il est important de respecter les convictions et les enseignements propres à chaque tradition religieuse, tout en favorisant le dialogue interreligieux et la compréhension mutuelle.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » ven. 29 mars 2024, 17:02

Voici la seconde opinion extrême annoncée sur le sujet qui nous occupe; elle émane du pasteur Bartosik, de l’Eglise Evangélique réformée de Gdansk en Pologne ,qui affirme 15 principes dont plusieurs méritent réflexion (sans doute parfois acceptation ou réfutation d’un point de vue catholique informé par Nostra Aetate) :

https://parlafoi.fr/2023/11/10/15-these ... -du-role-d

Point 4 : « Aucune bénédiction spirituelle en dehors du Christ ». Qu'en dit l'enseignement de l'Eglise?
Point 6 : »La Nouvelle Alliance avec la maison d’Israel et la Maison de Juda est accomplie dans l’Eglise du Christ », principe assorti de la citation d’Hébreux sur « ce qui est ancien est vieilli et sur le point de disparaitre » (que nous avons commenté plus haut) :ce point me semble indéniable. De même, l’idée que « le seul Temple que Dieu agréée est le Christ ».
point 8 :Les prophéties bibliques sur le retour du peuple en Terre Sainte ne concernent pas l’Etat d’Israel . Au sens d’une approbation à l’identité autoproclamée et aux actes de cet Etat,certainement mais faut-il limiter la portée des prophéties au seul rassemblement spirituel des brebis autour de l’Eglise, Nouvel Israel ou lire un retour physique comme, un évènement indéchiffrable mais d’une certaine portée spirituelle ?
point 9 « Les Juifs ne sont pas nos frères ainés, seuls Adam, Noé et Abraham -les patriarches pré-sinaitiques – étant reconnus comme tels." Là c’est pousser les choses trop loin ;cette contradiction évidente des propos de Saint Jean-Paul II renvient quasiment à une version musulmane de la Révélation voire révèle une tentation marcionite,je trouve.
Point 11 ; refus d’une identité particulière pour des Juifs « messianiques » reconnaissant Jésus comme Messie et Fils de Dieu au sein de l’Eglise :c’est ignorer la réalité ecclésiale d’avant 135 AD ,comme déjà évoqué dans des posts précédents,je ne crois pas que cela reflète la doctrine catholique en soi.
Point 12 ; seuls Baptême et Sainte Cène sont reconnus comme sacrements, position évidemment protestante mais nullement catholique.
Point 13 : »Moise était chrétien, père spirituel de l’(Eglise et non du judaisme contemporain « .Là aussi, cette exclusion le semble abusive, Moise étant notre père commun dans la foi , malgré l’errance du judaïsme depuis 2000 ans au sujet du Messie.
Point 14 : « le Dieu du judaisme contemporain (en une seule personne) et le Dieu biblique en trois personnes sont deux dieux différents »(avec citation de Jean VIII, 41/44) :là on est en plein marcionisme ;je trouve.

Cela écrit,je m’interroge :je ne serais pas étonné que ces thèses extrêmes - à l’extrême opposé à celui de Mme Vidal - puissent être approuvées (sauf le point 12) par des orthodoxes intégristes, voire par certaines branches traditionalistes du catholicisme . En tous cas elles révèlent un large arc-en ciel d’opinions au sein de la mouvance évangélique. Ce sujet me semble aussi inflammable et périlleux que de la nitroglycérine. A manipuler comme tel …

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » mar. 26 mars 2024, 9:55

Je doute que l'article de cette dame ,publié dans deux revues, soit un simple instrument de travail.Il me parait clairement exprimer une pensée peut-être "sommaire" mais assez claire.Peut-être aurez vous la possibilité de lire son livre "un juif nommé Jésus" pour vous faire une idée définitive.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » lun. 25 mars 2024, 15:41

Bonjour Gaudens,

Vous écrivez : « Je serais incapable, par exemple, de faire mienne votre phrase suivante : "porteurs de toute la lumière de la pratique de l’alliance... " me parait relever d’aucune réalité ou quasiment… ».

Je ne suis probablement pas parvenu à me faire comprendre sur cette « réalité » en cause qui vous semble absente ou quasiment.

Le mot « lumière » est utilisé ici dans le sens que « la pratique de l’alliance judaïque » (la pratique de la circoncision, des fêtes rituelles, des sabbats, de la lecture de la Torah, etc.) éclaire quelque chose qui, à défaut, serait dans l’obscurité. Qui aide à comprendre.

Jésus pratiquait la religion judaïque. De même que ses apôtres et les premiers chrétiens. Cette pratique imprégnait leur façon de penser, de comprendre, de parler et de vivre.

À cet égard, il y a une réalité dont l’importance me paraît bien réelle et dont les Juifs d’aujourd’hui sont encore des témoins vivants (malgré les profondes évolutions du judaïsme depuis lors), mais il me semble que cette réalité suscite en vous des craintes (tout aussi réelles et justifiées) qui vous incitent à plutôt vous éloigner de ce qui vous semble pouvoir être dommageable alors que je perçois plutôt ce qui peut être bénéfique.

J’ai lu l’article que vous citez de Marie Vidal, mais il me semble très sommaire et me paraît davantage un document de travail qui reste à développer dans une étude plus vaste.

Les textes qu’elle cite ne sont pas extraits de la Parole de Dieu et c’est pour cela qu’elle déclare qu’ils ne sont pas tombés des Cieux mais vous avez raison de critiquer cette expression qui ne me semble guère appropriée alors qu’il ne s’agit que d’exemples sur lesquels elle veut attirer l’attention.

Ce qu’elle écrit me semble cependant trop insuffisant pour y déceler la théorie sous-jacente que vous rejetez à juste titre et, quoi qu’il en soit, nous sommes bien d’accord à cet égard.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » lun. 25 mars 2024, 12:28

Retour sur deux attitudes extrêmes et opposées concernant l’approche chrétienne du judaisme.

Voici la première, très philojudaique, celle de Mme Vidal (présentée dans un post d’il y a quelques jours),ancienne responsable diocésaine des relations avec le judaisme:
Je n’ ai pas lu son livre « Un Juif nommé Jésus » qui se présente comme « la première lecture talmudique des paroles de Jésus » mais bien son article ( « L’Eglise, encore Nouvel Israel » ?) précité dans PARDES ,via Cairn info. Ce n’est pas un article synthétique présentant une thèse construite mais il donne des éclairages sur la thèse sous-jacente :
La lettre aux Hébreux, citée par elle, est supposée motivée par la croyance de son auteur dans la Fin imminente de ce monde, elle doit être contextualisée, écrit-elle, loin des « textes lus dans les offices religieux comme des Paroles absolues tombant des Cieux » (expression étrange qui voudrait relativiser l’Écriture Sainte -inspirée divinement et pas tombée des Cieux , ça ce serait le Coran ! – au nom de l’exégèse historico-critique …
Il ne faudrait pas, continue Mme Vidal, « établir la foi chrétienne sur la disparition de gens actuellement vivants, les Juifs » (autre expression bizarre ) mais par contre, considérer « l’importance du terreau fait à l’évènement Shoah.. » quand on s’adresse « à des gens fragilisés -les catholiques - …au niveau politique de l’Etat d’Israel, par les médias »... « Sion, un nom merveilleux quand il appartient aux catholiques, étiqueté comme politique malsaine, voire raciste,quand les Juifs le disent » (confusion entre Sion et sionisme, bien sûr mais prescience de l’évolution toute récente de l’opinion dans ce texte de 2005…)
Et surtout ceci, grave du point de vue théologique :
« Parmi les diverses attitudes du monde catholique, Mme Vidal repère (à juste titre) « un amour inconsidéré des Juifs qui sont nos racines » ... où « Jésus devient le nouvel Adam, le nouveau Moise,le nouveau Jérémie, le nouveau serviteur souffrants d’Isaie etc… oubliant la Torah, les Prophètes et les Ecrits…nombre de Chrétiens se considérant en propriétaires de toutes les interprétations de l’ Ancien Testament ».

La théorie sous-jacente est claire : en raison de la possible mais indémontrée responsabilité indirecte des catholiques dans la Shoah il faudrait que l’Eglise reconnaisse la légitimité de toutes les interprétations rabbiniques de l’Ecriture, fasse sienne la doctrine sioniste et surtout renonce à voir dans les Prophéties de l’Ancien Testament la figure du Messie Roi et Prêtre, Jésus en qui toute la tradition chrétienne reconnait le nouvel Adam, le nouveau Moise, le Serviteur souffrant, etc…C’est exactement l’attitude d’apologètes rabbiniques actuels, à l’œuvre sur internet. Une reddition en rase campagne !
Mme Vidal fait donc une étrange appréciation de la saine et sainte redécouverte de l’Ecriture Sainte par les catholiques de base depuis le dernier Concile. Il semble qu’elle ne soit plus membre de la Commission diocésaine des relations avec le judaïsme, heureusement mais il est certain que sa position n’est toujours pas répudiée par beaucoup de catholiques impliqués dans la relation avec nos frères ainés (cf la vidéo transmise par Xavi).

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » sam. 23 mars 2024, 13:35

Cher Xavi,il me semble que nous touchons à la fin de notre dialogue et il serait temps d’ouvrir la porte à d’autres commentaires . Nous sommes à la fois d’accord sur à peu près tout et pourtant… pas d’accord tout à fait, question de sensibilité peut-être.
Je serais incapable, par exemple, de faire mienne votre phrase suivante : "porteurs de toute la lumière de la pratique de l’alliance... »me parait relever d’aucune réalité ou quasiment…
.Comme annoncé il y a plusieurs jours,j’aimerais pour ma part, évoquer deux attitudes extrêmes et pas vraiment acceptables d’un point de vue catholique (bien que la première provienne d’une catholique « engagée » dans le dialogue judéo-chrétien),post à venir.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » ven. 22 mars 2024, 17:08

Cher Gaudens,

Vos inquiétudes sont certainement justifiées et rejoignent celles mentionnées dans le message précédent de Cmoi (que je remercie au passage pour ses réflexions). Il convient d’exprimer ces inquiétudes et de les rappeler pour éviter des pièges toujours possibles dans les développements qui suivent des déclarations conciliaires ou papales qui avancent des ouvertures nouvelles. De telles ouvertures restent toujours possibles dans la continuité et la fidélité à l’enseignement de l’Église depuis deux mille ans, mais toujours aussi, hélas, susceptibles de nouvelles déviations erronées ou schismatiques.

Gaudens a écrit :
ven. 22 mars 2024, 11:57
en quoi un penseur, parce qu’étiqueté comme Juif, aurait une sorte de validité particulière à apporter dans la lecture de l’Écriture, en particulier celle du Nouveau Testament.
C’est la question à laquelle il reste important et même essentiel de revenir autant que nécessaire.

Vous avez même raison de pousser la question jusqu’à la prise en compte non seulement des juifs plus ou moins pieux et fidèles à l’ancienne alliance mais aussi de ceux qui sont simplement « étiquetés » juifs.

La notion de juif échappe largement aux définitions et j’ai lu qu’un juif en avait dénombré plus de 8.000 sans en trouver une satisfaisante…

La validité particulière de leur connaissance me semble concerner surtout la pratique de la religion de la Torah mais cette connaissance n’est évidemment pas exclusive des autres connaissances et beaucoup d’auteurs non juifs, comme ceux que vous citez, ont développé des compétences parfois bien supérieures à celles de nombreux juifs dans la connaissance de ce qu’était le milieu juif à l’époque de la vie terrestre de Jésus de Nazareth.

Cette validité particulière de la connaissance juive est et n’est que celle de la pratique de la première alliance dont chaque juif a une connaissance soit par sa propre pratique personnelle, soit par la pratique de juifs qui l’entourent dont il est témoin, soit par sa vie dans un milieu juif qui est imprégné par cette pratique de diverses manières.

Cette connaissance pratique personnelle et expérimentée à l’intérieur du judaïsme, était celle de Jésus et de ses apôtres. Nous ne l’avons pas et nous n’en avons connaissance qu’indirectement.

Il ne s’agit évidemment en rien de chercher chez des Juifs des éclairages en contradiction quelconque avec la foi de l’Église ni d’idéaliser leur connaissance par un a priori positif, mais de croire que des éclairages venant de Juifs peuvent nous enrichir, améliorer notre intelligence de la foi, de notre foi catholique.

Car un surplus de l’intelligence de la foi reste toujours possible.

Rappelons-nous, en effet, l’infaillibilité pontificale, l’Immaculée Conception ou l’Assomption dont les dogmes n’ont été proclamés qu’au cours des deux derniers siècles, plus de 1800 ans après les débuts de l’Église.

N’oublions pas que le Christ s’est incarné dans le milieu juif plus de 1500 ans après l’alliance avec Abraham, après un long processus rempli d’infidélités humaines.

Certes, les Juifs comme les Chrétiens ont beaucoup évolué en deux mille ans, mais la Torah, l’Ancienne Alliance, est inchangée. Au contraire, depuis l’Incarnation, le texte même de la Parole de Dieu s’est fixé alors qu’à l’époque de Jésus, il n’y avait pas encore de canon très précis des livres bibliques formant la Parole de Dieu (aujourd’hui encore, certains de nos livres de l’Ancien Testament ne sont pas reconnus par les Juifs et les protestants) et il existait plusieurs versions différentes des textes des Écritures (aujourd’hui encore, entre la version en grec dite des septante et la version hébraïque des Massorétiques, il subsiste des variantes).

À cet égard, les évolutions du judaïsme devenu rabbinique après la destruction du temple de Jérusalem sont secondaires par rapport à ce qui demeure inchangé : la Parole de Dieu de l’Ancien Testament comprenant l’alliance enseignée par la Torah.

Ce que les humains en ont fait, depuis plus de trois mille ans, avec beaucoup d’infidélités et de déviations erronées, ne supprime jamais leur expérience pratique de l’alliance enseignée par la Torah (les cinq premiers livres de notre Ancien Testament).

Cette expérience pratique, que nous n’avons pas, donne au témoignage des Juifs une validité particulière que les autres n’ont pas.

Sauf rares exceptions, l’Église n’est plus guère composée que de baptisés qui n’ont aucune expérience pratique de l’alliance d’Abraham et Moïse dans laquelle étaient plongés Jésus, ses apôtres et les premiers chrétiens.

L’Évangile a ouvert une porte nouvelle spirituelle pour tous les hommes et, notamment, pour une foule immense de personnes qui n’ont aucune expérience pratique de l’ancienne alliance.

À l’époque de la vie terrestre de Jésus et des débuts de l’Église, les premiers disciples du Christ avaient une connaissance terrestre de Jésus lui-même ou de certains témoins directs de sa vie terrestre et de sa résurrection.

Certains juifs de l’époque, avec toute leur pratique de l’alliance judaïque (de diverses tendances et plus ou moins bonnes ou erronées), ont rejeté Jésus voire voulu le supprimer, mais beaucoup d’autres étaient attirés en foules.

Mais, quelques dizaines d’années plus tard, après l’Ascension puis la disparition successive de tous les témoins directs de la personne terrestre de Jésus de Nazareth, tous, Juifs ou non Juifs, n’ont plus disposé que de la parole, des mots, et des signes pour évoquer Jésus de Nazareth.

Et, à cet égard, il me semble que, par rapport à la conversion au Christ et à l’incorporation dans l’Église, nous pouvons observer une différence entre les Juifs et les non Juifs qui va subsister jusqu’à la fin des temps.

Avant l’incarnation du Christ, les païens n’avaient rien d’autre que le témoignage du peuple élu (y compris la Torah et les autres Écritures) pour leur révéler Dieu de manière intelligible et authentique. Toutes les religions du monde s’égaraient dans des impasses, même si, comme l’a justement relevé le Concile Vatican II, il y avait bien sûr des éléments de vérité dans ces religions comme dans diverses pensées philosophiques ou morales, et que l’Esprit Saint n’a certainement jamais cessé de souffler dans la création en général et dans les humains.

Pour tous ceux qui n’étaient pas ou ne sont pas juifs, l’absence de connaissance de Dieu par la pratique de l’Alliance mosaïque, était et reste aussi, paradoxalement et dans une certaine mesure, comme une terre relativement dégagée pour y recevoir l’Évangile.

Les bases religieuses polythéistes ou autres sont loin de la révélation authentique de Dieu de l’alliance judaïque et, lorsque l’Évangile est annoncé à des non juifs, leur terrain personnel est vide de la connaissance authentique et vraie de Dieu par la chair selon l’alliance judaïque et, dans ce vide (relatif), l’ouverture à la réception de l’Évangile peut s’avérer plus grande.

C’est un point paradoxal mais qu’il me semble important à souligner : la première alliance a été faite dans la chair pour permettre plus tard l’alliance nouvelle par l’Esprit Saint qu’a pu nous envoyer le Christ ressuscité. Mais, pour le juif qui s’est approché de Dieu par la chair, il a certes été plus apte que quiconque d’autre pour reconnaître Jésus venu lui-même dans la chair, durant sa vie terrestre dans le pays de Canaan. Par contre, lorsque Jésus ne lui est plus révélé par la chair, comme Jésus l’a fait il y a deux mille ans, mais seulement par la parole et des signes, le juif se trouve, paradoxalement, dans une situation qui peut être plus difficile que celle du non-juif pour pouvoir reconnaître le Christ.

L’alliance avec ses prescrits dans la chair était le meilleur des pédagogues pour ouvrir l’humain au Christ dans la chair, lors de la vie terrestre de Jésus, et beaucoup de Juifs se sont convertis à cette époque, mais cette même alliance selon la chair a pu, à cet égard, et paradoxalement, se transformer en entrave à la reconnaissance du Christ par l’esprit et non plus par la chair.

Peut-on comprendre, par rapport à une révélation spirituelle, ce que signifie d’être plongé dans le bain de la foi et de la culture juive qui vient ouvrir pour l’humain un chemin dans la chair et qui lui révèle toute l’excellence de ce chemin selon la chair ? N’est-ce pas ce que Jésus considère lorsqu’il leur dit qu’ils ont des yeux pour ne pas voir, des oreilles pour ne pas entendre et une intelligence pour ne pas comprendre ? Comment voir, entendre et comprendre, selon la chair, ce qui vient se révéler selon l’esprit, par l’Esprit Saint, par l’Église, par les sacrements, lorsqu’on a appris et qu’on pratique un chemin selon la chair ?

À cet égard, pour ceux qui ont appris à connaître Dieu par la chair, il peut y avoir un surplus de difficulté à adorer Dieu « ni sur cette montagne, ni à Jérusalem » mais « en esprit » (Jn 4, 23-24).

Mais, même si aujourd’hui la plupart ne parviennent pas à reconnaître le Christ, les Juifs restent porteurs de toute la lumière de la pratique de l’alliance qui est à la racine de notre foi et nous pouvons encore nous en enrichir, même si la validité particulière de leur témoignage reste très mystérieuse.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » ven. 22 mars 2024, 11:57

Merci Xavi, je vois que vous faites droit à mes objections dans votre cheminement.Nous sommes donc d’accord sur presque tout,semble-t-il.

Deux réserves encore de ma part,cependant :
Oui, le document de 2015 va beaucoup plus loin que Nostra Aetate. Et, il est possible que nous puissions même encore avancer un peu davantage.
Là ,je suis un peu inquiet. Les décisions des Conciles sont déjà difficiles à recevoir,chacun générant immanquablement quelques dissidences , et il vaut mieux ne pas aller trop au delà de ce qu’ils demandent. Même la prudente déclaration Nostra Aetate avait été le résultat de débats difficiles entre évêques occidentaux,marqués par la Shoah, et les évêques des Eglises orientales,de culture ou d’environnement arabe et marquées,elles,par la Nakba palestinienne de 1948,certes d’une ampleur bien moindre. Le patriarche Maximos IV des Melkites d’Antioche, avait fortement attiré l’atetntion de ses frères sur le risque de trop en faire. Et ceci,pour ne rien dire des Eglises orthodoxes,très en retrait sur ce sujet,peut-être trop .
Si l’on suivait la pente philojudaique , ne pourrait-on craindre un schisme de ce côté ou d’un autre ou même l’approfondissement de ceux en cours ?

Par ailleurs, votre commentaire ci-dessous fait réfléchir ( n’est-il pas pour cela,d’ailleurs ?)
On est parti du traumatisme de la shoah et de la volonté de cesser de dire du mal des Juifs et de les persécuter pour atteindre une prise de conscience progressive du bien qu’il faut en dire et, plus encore, du bien que nous pouvons en recevoir.

On a accepté qu’ils pouvaient enrichir notre compréhension de l’Ancien Testament, mais aujourd’hui, nous pouvons découvrir qu’ils peuvent aussi nous apporter de la lumière sur la Parole de Dieu qui forme un tout et donc sur notre compréhension du Nouveau Testament.

Certes, c’est par l’Esprit Saint et par l’Église que cette connaissance est authentique, mais l’Esprit Saint peut nous enseigner à travers son action dans le Peuple juif. »
L’exemple d’Armand Abecassis donné par Cmoi ci-dessus appelle à se demander en quoi un penseur,parce qu’étiqueté comme Juif , aurait une sorte de validité particulière à apporter dans la lecture de l’Ecriture, en particulier celle du Nouveau Testament.Sincèrement,il me semble que des chrétiens « natifs » comme Claude Tresmontant,dont j’ai jadis cité avec admiration son ‘Christ hébreu » ,un abbé Carmignac ou tant d’autres ,hébraisants et araméisants, nous apportent tout autant.L’idée d’un recours nécessaire à une lecture juive est peut-être bien un exemple de pensée magique à l’utilité intellectuelle et spirituelle indémontrable. Avec une belle exception au moins : la lecture d’André Chouraqui dont la traduction littérale des Evangiles fut un évènement de grande ampleur,me semble-t-il.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par cmoi » ven. 22 mars 2024, 8:04

Xavi a écrit :
mer. 20 mars 2024, 15:02
Qui, mieux que les Juifs, pourrait nous aider à comprendre le sens et la portée, dans la chair, des paroles et des actes de Jésus de Nazareth ?
En effet, et c’est ce à quoi s’attelle un philosophe et exégète juif comme Armand Abécassis et c’est fort intéressant.
Ainsi, bien des choses que nous considérons comme révolutionnaires ou nouvelles de la part de Jésus, il nous les représente comme seulement des opinions inscrites dans la continuité du pentateuque et qui s’y retrouvent, dignes d’un « maître » pharisien (y compris par exemple sur l’opposition au divorce ou la question du respect du Sabbat).
Le problème, c’est qu’il bute sur la reconnaissance de la résurrection. Mais du coup, si en effet la vocation d’Israël était déjà (depuis Abraham) de faire en sorte que toutes les nations soient bénies à travers lui Israël, comment comprendre son côté belliqueux quand il déborde de la simple légitime défense !?

• Ce qui le conduit à tenir des propos fort étonnants de la part d’un juif, qui remettent en question la possibilité d’un Messie en la destinée duquel un peuple pourrait s’identifier, et qui fait que « nous risquerions selon lui d’adorer ce peuple aussi en lui « quand ils l’identifient à son histoire et à sa spiritualité comme les évangiles le répètent ».
• Il se demande si ce n’est pas « l’âme d’Israël divinisée en Jésus à laquelle nous accordons notre foi » et ajoute « pourquoi la conscience chrétienne -t-elle caché en Jésus divinisé et christianisé cette référence et pourquoi a-t-elle passé son temps à la disqualifier ? »
• Il écrira aussi : « cependant, on ne peut imaginer possible l’avènement d’une perfection survenue soudain dans le monde ou chez les hommes qui ne sont que des hommes. En termes religieux, rien de ce qu’on appelle Dieu, Absolu, Infini, ne peut se réaliser sinon à travers son sens humain, relatif, limité. » Et aussi à propos de Jésus « mais désirait-il réellement fonder une nouvelle religion ou rappeler à son peuple la dimension de l’universalité inscrite dans la vocation que Dieu lui confia ? N’avait-il pas raison de rappeler à ses coreligionnaires que l’éthique et le bien sont destinés à toute l’humanité, hors de quoi ils seraient conduits à l’exclusion et le racisme ? Mais cela ne signifiait pas la perte de l’identité des cultures et de leurs spécificités. »

On voit bien là il me semble comment un juif, pour garder le contrôle, peut refuser la divinité du Christ et donc l'inouï de la résurrection.
Mais tous les chrétiens réalisent-ils bien à quoi ils croient et en tirent-ils les conséquences ? J'en doute...

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Xavi » jeu. 21 mars 2024, 21:14

Bonsoir Gaudens,

Merci pour votre message plein d’attentions et surtout pour vos petits cailloux qui sont autant d’occasions de pouvoir avancer davantage dans ce dialogue fructueux.

Vos observations sont toutes pertinentes et relèvent des nuances qu’il ne faut pas oublier.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Vous citez un document que j’ignorais, écrit en 2015… pour les 50 ans de la Déclaration conciliaire Nostra Aetate. L’ensemble des citations que vous en donnez ne me choquent pas bien que j’ai l’intuition d’une volonté de la part des auteurs de ce document d’en « rajouter » par rapport à la Déclaration, d’aller plus loin, une démarche qui rappelle celle des personnes qui veulent pousser toujours plus loin telle ou telle intention conciliaire réelle ou supposée
Vous voyez juste. Oui, le document de 2015 va beaucoup plus loin que Nostra Aetate. Et, il est possible que nous puissions même encore avancer un peu davantage.

On est parti du traumatisme de la shoah et de la volonté de cesser de dire du mal des Juifs et de les persécuter pour atteindre une prise de conscience progressive du bien qu’il faut en dire et, plus encore, du bien que nous pouvons en recevoir.

On a accepté qu’ils pouvaient enrichir notre compréhension de l’Ancien Testament, mais aujourd’hui, nous pouvons découvrir qu’ils peuvent aussi nous apporter de la lumière sur la Parole de Dieu qui forme un tout et donc sur notre compréhension du Nouveau Testament.

Certes, c’est par l’Esprit Saint et par l’Église que cette connaissance est authentique, mais l’Esprit Saint peut nous enseigner à travers son action dans le Peuple juif.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Faut-il mettre au même plan toutes les traditions « découlant » (terme bizarre) de la Torah,même celles élaborées par le judaïsme rabbinique d’après la mort du Christ,marqué parfois au coin de l’anti-christianisme ?
Votre réserve me semble justifiée. Non seulement ces traditions sont de valeur variable, mais surtout elles ont évolué de diverses manières et, notamment, pour s’adapter au christianisme devenu largement dominant.

Ce qui demeure, c’est ce que nous nommons l’Ancien Testament. Et ce qui reste un phare plein de promesses, c’est la loi donnée par Moïse et les autres Écritures de la Parole de Dieu qui l’éclairent. En se tournant vers cette Parole, le Juif est sur un chemin juste et droit qui lui révèle le Christ même si, sur ce chemin, il reste devant beaucoup d’obscurité.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Une relecture critique du Talmud effectuée en commun par les Juifs et les Chrétiens me paraitrait un exercice vraiment salutaire avant qu’il puisse être admissible par l’Église comme un texte spirituel autorisé (sinon inspiré).
L’exercice pourrait être utile, mais nous ne sommes plus au temps de l’index de sorte qu’il faudrait attendre une autorisation de lecture et personne, pas même les Juifs, n’en fait un équivalent de la Parole de Dieu.

Le Talmud, ce sont des commentaires de valeur variable et, s’ils peuvent être inspirés comme n’importe quel écrit, ce n’est en aucun cas avec une autorité certaine d’une parole de Dieu.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
je m’interroge quand vous dites
« Les Juifs ont l’expérience de la vie juive qui était celle du Christ et des débuts de l’Église. C’est un trésor irremplaçable ».
Jusqu’à quel point ? Les Juifs d’aujourd’hui vivent un judaïsme rabbinique qui est vraisemblablement assez différent de celui qui régnait en Palestine au temps du Christ, quand se mêlaient diverses écoles et des sensibilités sans doute aussi variées.
En effet.

Et il ne s’agit donc pas de donner à cette connaissance que les Juifs peuvent nous apporter une autorité qui modifierait quoi que ce soit à notre foi, mais seulement un surplus de compréhension de notre propre foi dans une parfaite continuité de toute la Tradition de 2.000 ans qui nous porte et donc de tous les enseignements des Pères et du Magistère de l’Église.

La révélation s’est achevée, il y a près de deux mille ans, mais cela ne signifie pas que nous ayons déjà épuisé ses richesses, ni découvert tous ses détails, ni toutes ses significations ou sa portée.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Enfin, vous faites retour à la discussion sur la validité actuelle de l’Alliance sinaïtique d’une façon qui me parait trop dichotomique :
« Néanmoins, deux conclusions possibles et différentes se présentent à nous : soit l’incarnation du Christ et la réalisation de son œuvre, par la mort, la résurrection et l’effusion de l’Esprit, a achevé pleinement l’Ancienne Alliance désormais totalement morte et sans objet, soit cet achèvement ne se réalisera pleinement qu’à l’avènement du Christ à la fin des temps et, entretemps, l’Ancienne Alliance subsiste pour contribuer à l’œuvre du Christ.
Et l’enseignement de l’Église est qu’elle subsiste. Avec et malgré les craintes pertinentes que vous exprimez ».
Vraiment ?
Ce n’est dichotomique qu’en apparence car seule la première hypothèse est absolue et limitée, en ce qu’elle considère que l’Ancienne Alliance est achevée « pleinement ».

Pour qu’elle puisse l’être, il faudrait que la Nouvelle Alliance le soit aussi pleinement, mais le temps de l’Église reste encore un temps de passage et d’attente du retour du Christ. La victoire sur la mort et le péché a été accomplie totalement, mais elle se déploie encore dans l’histoire jusqu’à l’avènement du Christ.

Le rôle de l’Ancienne Alliance en est profondément changé et bouleversé, et il ne faudrait certainement pas lui donner une importance démesurée. Mais, entre « pas trop » et « plus rien », beaucoup de nuances restent à découvrir.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Pourquoi rejeter exclusivement « à la fin des temps » l’union des deux Alliances ? Excluez-vous – et l’Église avec vous – la possibilité que le Vieil Israël reconnaisse le Fils de Dieu entre-temps ?
Bien sûr qu’il faut espérer de nombreuses conversions de juifs au Christ aujourd’hui et avant la fin des temps.

Je viens de lire, par exemple, un article sur la conversion du Grand Rabbin de Rome en 1944 qui vous remplira certainement de la joie que j’en ai ressenti :
https://fr.aleteia.org/2017/08/06/conve ... synagogue/

Ce que j’ai voulu évoquer, c’est seulement le mystère de la persistance du peuple d’Israël de l’ancienne alliance jusqu’à la fin des temps évoquée par l’apôtre Paul : « je ne veux pas vous laisser dans l’ignorance de ce mystère : l’endurcissement d’une partie d’Israël s’est produit pour laisser à l’ensemble des nations le temps d’entrer. C’est ainsi qu’Israël tout entier sera sauvé, comme dit l'Écriture : De Sion viendra le libérateur, il fera disparaître les impiétés du milieu de Jacob.» (Rm 11, 26-31) Tout le chapitre 11 de l’épitre aux Romains me semble annoncer qu’un endurcissement temporaire des Juifs a un rôle qui persiste dans l’histoire.

« Excluez-vous – et l’Église avec vous – la possibilité que le Vieil Israël reconnaisse le Fils de Dieu entre-temps ? » Non, certes, au contraire, puisqu’elle est attendue « avant » le retour du Christ et qu’elle sera un signe de la fin des temps.

Mais, il n’y a pas davantage de précisions dans l’Écriture. Dès lors, rien ne permet d’exclure que ce soit un peu ou beaucoup avant, que ce soit un juif après l’autre ou tous ensemble.

Rien n’exclut que tant les Juifs que les Chrétiens aient été considérés par Jésus lorsqu’il s’est demandé s’il trouverait encore la foi sur la terre à son retour. À cet égard, il pourrait y avoir de moins en moins de chrétiens, mais aussi, simultanément, de moins en moins de juifs. La conversion des Juifs avant la fin des temps pourrait donc être progressive et les générations futures des juifs pourraient se diviser en deux groupes : les uns abandonnant la foi juive dans l’ancienne alliance et les autres adhérant au Christ.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
Surtout, sans que l’Alliance sinaïtique soit « totalement morte » (Dieu étant fidèle malgré les ruptures de l’autre partie), n’est-elle pas au moins grandement affaiblie dans sa réalité par la mise à l’écart du Vieil Israël ?
Il me semble qu’on retrouve toujours la même difficulté. L’alliance sinaïtique n’est en rien « affaiblie » par son accomplissement en Jésus-Christ, mais elle n’a plus du tout la même portée actuelle en ce que le Christ a ouvert un chemin direct de vie dans lequel la pratique des prescrits de cette alliance sinaïtique ne sont pas nécessaires.

La mise à l’écart de ceux qui refusent le Christ est temporaire car, dans la lumière de la loi mosaïque, ils peuvent toujours découvrir le Christ.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
À tort ou à raison, je décèle dans votre position, certainement largement partagée dans les milieux de dialogue avec le judaïsme, une mise au même niveau de l’efficacité actuelle des deux Alliances, et ce, jusqu’à la fin des temps. Je ne suis pas certain que ce soit l’enseignement permanent de l’Église
Non ! En effet. Vous avez parfaitement raison de rejeter une telle position qui n’est ni la mienne, ni celle de l’enseignement de l’Église.

Vous considérez de manière pertinente le « niveau d’efficacité » actuelle. Comment pourrions-nous mettre au même niveau notre incorporation dans le Christ mort et ressuscité et une alliance qui n’en est que la racine. Nous adhérons au Christ, alors qu’ils sont seulement (mais ce n’est pas rien et c’est même très bien) sur un chemin qui peut leur permettre d’y adhérer.

La différence est flagrante. Bien sûr, comme saint Paul l’a décrit dans l’une de ses lettres, lorsque nous avons le Christ, tout le reste nous paraît comme des déchets. Mais, pour les Juifs, qui ne reconnaissent pas le Christ (pour des cause connues de Dieu seul), le chemin devenu pour nous sans objet, ni nécessité, reste pleinement valable.

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 14:06
et,encore une fois, cette attitude « généreuse » risque de flatter dangereusement toute une aile du judaïsme, malheureusement très en faveur dans la période terrible que nous vivons.
Vous avez raison. Toute attitude ou geste d’amour risque toujours d'être exploité abusivement par la personne aimée. Faut-il pour autant y renoncer ? Faut-il pour autant ne plus dire et reconnaître ce qui est vrai ?

Mais, cela doit, au moins, nous inciter à la prudence et à toute mesure adéquate pour prévenir et limiter ce risque. Merci de le rappeler.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par Gaudens » jeu. 21 mars 2024, 14:06

Merci Xavi, pour votre longue réflexion d’hier (15h02) que je n’avais pas vue tout de suite.

Elle mériterait plus encore d’attention que celle que je peux lui consacrer aujourd’hui. En particulier elle prolonge nos échanges, au-delà des questions concernant la validité des Alliances de Dieu avec les hommes, vers un terrain de partage d’expériences spirituelles, un domaine où ma sécheresse d’esprit a bien du mal à aborder. Je subodore donc beaucoup de réalité et de vérité spirituelles dans vos propos sans toujours en comprendre le sens profond, qui dépasse la compréhension intellectuelle.
Mon esprit méfiant - vous l’avez bien perçu - ne peut s’empêcher de buter sur des petits cailloux de votre réflexion, que je vous livre simplement :
Vous citez un document que j’ignorais, écrit en 2015 par la Congrégation pour la doctrine de la Foi pour les 50 ans de la Déclaration conciliaire Nostra Aetate. L’ensemble des citations que vous en donnez ne me choquent pas bien que j’ai l’intuition d’une volonté de la part des auteurs de ce document d’en « rajouter » par rapport à la Déclaration, d’aller plus loin, une démarche qui rappelle celle des personnes qui veulent pousser toujours plus loin telle ou telle intention conciliaire réelle ou supposée (cf Gaudium et Spes) - un autre sujet où je n’entrerai pas aujourd’hui. Je compte livrer plus loin quelques réflexions sur les cas extrêmes où peut mener ce genre de volonté dans la question qui nous occupe.
Spécifiquement,le passage suivant de ce texte attire un peu mon attention :

« Dieu s’étant révélé à travers sa Parole, il peut être compris par l’humanité dans les situations historiques concrètes. Cette parole invite tous les hommes à répondre. Si leur réponse est en accord avec la parole de Dieu, ils ont une relation juste avec lui. Pour les juifs, cette parole peut être apprise grâce à la Torah et aux traditions qui en découlent. La Torah donne des instructions pour une vie réussie dans une relation juste avec Dieu. Celui qui observe la Torah a la plénitude de vie (cf. Pirqe Avot II, 7). Et surtout, en observant la Torah, les juifs prennent part à la communion avec Dieu. » (n° 24) Faut-il mettre au même plan toutes les traditions « découlant » (terme bizarre) de la Torah,même celles élaborées par le judaïsme rabbinique d’après la mort du Christ,marqué parfois au coin de l’anti-christianisme ? Est-ce le cas du traité (ou du chapitre) Pirqe Avot , texte talmudique que je ne saurais dater ? Une relecture critique du Talmud effectuée en commun par les Juifs et les Chrétiens me paraitrait un exercice vraiment salutaire avant qu’il puisse être admissible par l’Église comme un texte spirituel autorisé (sinon inspiré).
Dans le même ordre d’idée, je m’interroge quand vous dites
« Les Juifs ont l’expérience de la vie juive qui était celle du Christ et des débuts de l’Église. C’est un trésor irremplaçable ».
Jusqu’à quel point ? Les Juifs d’aujourd’hui vivent un judaïsme rabbinique qui est vraisemblablement assez différent de celui qui régnait en Palestine au temps du Christ, quand se mêlaient diverses écoles et des sensibilités sans doute aussi variées.
D’où encore un peu de scepticisme quand vous continuez en affirmant que «
la lumière que nous recevons de Lui est incomparable, mais, mystérieusement pour nous, elle continue à passer encore d’une manière particulière par le peuple élu d’Israël, pour le bien de toute l’Église et pour l’avènement de Jésus-Christ, notre Seigneur ».
Enfin, vous faites retour à la discussion sur la validité actuelle de l’Alliance sinaïtique d’une façon qui me parait trop dichotomique :
« Néanmoins, deux conclusions possibles et différentes se présentent à nous : soit l’incarnation du Christ et la réalisation de son œuvre, par la mort, la résurrection et l’effusion de l’Esprit, a achevé pleinement l’Ancienne Alliance désormais totalement morte et sans objet, soit cet achèvement ne se réalisera pleinement qu’à l’avènement du Christ à la fin des temps et, entretemps, l’Ancienne Alliance subsiste pour contribuer à l’œuvre du Christ.
Et l’enseignement de l’Église est qu’elle subsiste. Avec et malgré les craintes pertinentes que vous exprimez ».
Vraiment ? Pourquoi rejeter exclusivement « à la fin des temps » l’union des deux Alliances ? Excluez-vous – et l’Église avec vous – la possibilité que le Vieil Israël reconnaisse le Fils de Dieu entre-temps ? Surtout, sans que l’Alliance sinaïtique soit « totalement morte » (Dieu étant fidèle malgré les ruptures de l’autre partie), n’est-elle pas au moins grandement affaiblie dans sa réalité par la mise à l’écart du Vieil Israël ?
À tort ou à raison, je décèle dans votre position, certainement largement partagée dans les milieux de dialogue avec le judaïsme, une mise au même niveau de l’efficacité actuelle des deux Alliances, et ce, jusqu’à la fin des temps. Je ne suis pas certain que ce soit l’enseignement permanent de l’Église et,encore une fois, cette attitude « généreuse » risque de flatter dangereusement toute une aile du judaïsme, malheureusement très en faveur dans la période terrible que nous vivons.

Re: Ancien et Nouvel Israël

par cmoi » jeu. 21 mars 2024, 7:36

Olivier JC a écrit :
mer. 20 mars 2024, 17:31
Vous évoquez le soutien de Dieu aux guerres menées par Israël ainsi qu'on peut le lire dans l'Ancien testament. Ici aussi ne nous payons pas de mot : quel était le tort des peuples en question sinon uniquement d'être présents en Terre Sainte ? A suivre la Bible, on voit bien que l'on a un peuple qui se trouvait en Egypte, qui en sort pour aller s'installer en Terre Sainte et, Deo juvante, met une branlée aux peuples qui se trouvaient là et auraient bien aimé y rester tranquillement.
Je n'ai pas très envie d'intervenir dans ce fil mais juste sur ce point qui concerne l'Ecriture sainte.

Dieu n'a jamais dit à son peuple d'exterminer ses cousins : moabites, ammonites, édomites, madianites... Autrement dit descendants de Lot, d'Esaü (qui n'a en rien démérité en fin de vie) ou d'Abraham par sa dernière femme. Et J'oublie les descendants d'Agar.
Et les Gabaonites (parfaits étrangers) ont par ruse non seulement obtenu l'immunité, mais une tardive marque de protection divine (dont le peuple de Dieu avait squizé l'assentiment ) après la trop tardive persécution de Saül envers eux.
Donc le motif de Dieu a toujours été le même : pour éviter l'adoration des idoles, et en cela il était susceptible de changements et variations spectaculaires, revirements.

Pour d'autres exemples de confirmation, voir comment Dieu ordonna l'extermination des madianites (après l'affaire de Balaam dont il faut éviter l'amalgame) et quand plus tard le roi Jonathan menacé par les moabites (de mémoire) en force supérieure invoqua cette interdiction et obtint le secours du ciel grâce à sa foi et celle du peuple qui le suivit.
Donc Dieu nous demande parfois de deviner sa volonté et ce n'est que suite à/par un acte de foi de notre part qu'elle se dévoile et devient même parfois opposée à ses instructions préalables.
Ce n'est qu'en suivant ce que nous savons être par notre conscience le bien souhaitable que l'on pourra savoir quel est le Bien qui est le Sien et son souhait, non en s'appuyant sur sa prétendue volonté comme d'un prétexte quand cela nous sert. Et à condition de rester dans une démarche ouverte de foi en autre chose que d'être le préféré - cela ne donnerait sinon que des devoirs et non des droits, et pas celui de commettre ce qui serait sinon un mal.
Abraham n'a eu à sacrifier son fils que parce qu'il avait manqué de foi auparavant et parce qu'il fallait qu'il sache avoir Dieu en face et pour le contrarier ! Il vaut mieux l'anticiper par la foi quand DIeu se cache...

Si Dieu aime et veut que nous prenions des risques pour lui, c'est toujours parce qu'il nous veut libres et qu'il nous fait confiance pour que nous devenions comme Lui grâce à notre foi. Il nous secourera alors autant que de besoin...

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