par Suliko » sam. 08 août 2020, 13:22
Bonjour Jean-Mic,
Merci pour votre réponse.
- 1 - Il est possible de rendre compte des actes et des faits religieux d'un lieu ou d'une époque, mais il est impossible de juger de la foi des masses. Nous pouvons au mieux saisir les lumières de la foi chez quelques-uns, qui ont laissé des traces marquantes dans leurs écrits ou dans les récits de leurs contemporains.
[...]
La pratique et la vie religieuse y étaient certes intenses, mais y avaient-ils autant de saints et de justes ? Là est toute la question !
Cette critique m'est familière. En vérité, il me semble qu'à chaque fois que le sujet est abordé, elle revient. Néanmoins, elle ne me satisfait pas. Je m'explique. Pour qu'il y ait des saints, il faut déjà à la base qu'il y ait des catholiques. Parce qu'à suivre votre raisonnement, on ne pourrait pas juger de la foi islamique des Irakiens ou de la foi juive rabbinique des habitants de Mea Shéarim. Tout porte au contraire à déduire qu'une forte pratique religieuse et des lois en conformité minimale avec la foi d'un peuple sont des signes que les masses étudiées sont sincèrement pieuses. N'est-ce pas une question de bon sens ? Et donc, pour en revenir à la vraie foi, pour qu'il y ait des catholiques, il vaut mieux avoir une société catholique, avec un enseignement et des lois catholiques. Penser qu'il puisse y avoir autant de saints dans une société déchristianisée avec 4% de pratiquants, dont la majorité sont âgés, que dans une société très majoritairement catholique pratiquante me paraît défier tout bon sens. Pour ce faire, il faudrait que ces 4 % soient incroyablement plus pieux que leurs ancêtres, ce que je n'ai aucune raison de croire, bien au contraire. Un discours était assez populaire jusqu'à une période récente (et on la lit toujours de temps à autre, surtout dans la vieille génération) : ceux qui sont restés pratiquants après le concile étaient le levain dans la pâte, les vrais convaincus, tandis que ceux qui ont abandonné la pratique religieuse n'avaient jamais vraiment eu la foi et n'agissaient autrefois que par conformisme social. La réalité dément un tel discours, qui me semble qui plus est manquer totalement de charité et de mesure.
Donc, puisque la petite minorité de catholiques actuels n'est pas spécialement plus pieuse que les générations précédentes, et l'est même bien moins sous bien des égards, j'en déduis qu'il ne saurait y avoir plus de saints dans notre société que dans la société catholique d'autrefois. Le penser, ce serait minorer totalement le rôle de la foi et des sacrements. Ce serait supposer qu'au final, il n'est pas plus difficile d'être un saint dans une société non catholique ou post-catholique que dans une société dans laquelle le règne social de Notre Seigneur est pris un tant soit peu au sérieux. Une telle vision des choses me paraît être un véritable frein à l'évangélisation et mine la foi catholique de l'intérieur. Je la trouve très décourageante et théologiquement bancale.
Je préfère de loin le pari de ses contemporains, Érasme et Thomas More: "Cette Église est imparfaite. Restons-y et rendons-la parfaite !".
Au delà de ces deux-là (Érasme n'est pas un saint, et More est un saint bien discutable par certains de ces écrits), les saints de cette époque ont mis cette conviction en pratique : ils ont pour nom Jean de Dieu, Charles Borromée, Jean de la Croix et Thérèse d'Avila. Ignace et ses compagnons, ... La liste est longue, et compte ... une foule immense [d'anonymes] que nul pourrait dénombrer (Ap. 7,9).
Je suis évidemment d'accord avec vous, mais vous semblez hélas supposer que j'ai fait le pari de transformer l'Eglise depuis le dehors, tel un Luther ou un Zwingli... Ce n'est pas le cas. Mais essayez de me comprendre : je sais bien que l'Eglise, en tant qu'institution réunissant tous les catholiques, n'a jamais été totalement parfaite et que ce ne saurait être une raison pour la quitter. Cependant, mon problème est bien plus grave que cela : je ne reconnais plus l'Eglise dans l'enseignement doctrinal et moral qui est donné actuellement dans les structures ecclésiastiques conciliaires. Je veux dire par là que je n'y vois plus la vraie foi proclamée dans son intégralité. Non pas que tout soit erroné et qu'aucune bonne chose ne s'y produise, loin de là ! Mais j'y vois des difficultés doctrinales majeures. Je ne vais pas reprendre l'exemple de la liberté religieuse, car je ne veux pas devenir Suliko l'agaçante, mais je pourrais citer par exemple la question des fins du mariage. Encore dans les années 1950, Pie XII avertissait avec gravité qu'il n'était pas permis de mettre les fins secondaires au même niveau que la fin première (la procréation). L'enseignement conciliaire dit le contraire... Tous ces changements me heurtent profondément. Je me sens comme quelqu'un qui, en tant que baptisé, aurait eu droit à une éducation véritablement catholique, mais en a été partiellement privée.
Je finis pas une petite question que je crois que vous n'avez jamais abordée (mais je peux me tromper) : comment voyez-vous cet intérêt pour la liturgie traditionnelle de la part de la jeune génération de catholiques ? C'est une véritable tendance, et sur ce forum, je pourrais citer des noms aussi divers qu'Héraclius, Toto, Théodore, moi-même, etc...
Bonjour Jean-Mic,
Merci pour votre réponse.
[quote][list=]1 - Il est possible de rendre compte des actes et des faits religieux d'un lieu ou d'une époque, mais i[b]l est impossible de juger de la foi des masses[/b]. Nous pouvons au mieux saisir les lumières de la foi chez quelques-uns, qui ont laissé des traces marquantes dans leurs écrits ou dans les récits de leurs contemporains.[/list]
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La pratique et la vie religieuse y étaient certes intenses, mais y avaient-ils autant de saints et de justes ? Là est toute la question ![/quote]Cette critique m'est familière. En vérité, il me semble qu'à chaque fois que le sujet est abordé, elle revient. Néanmoins, elle ne me satisfait pas. Je m'explique. Pour qu'il y ait des saints, il faut déjà à la base qu'il y ait des catholiques. Parce qu'à suivre votre raisonnement, on ne pourrait pas juger de la foi islamique des Irakiens ou de la foi juive rabbinique des habitants de Mea Shéarim. Tout porte au contraire à déduire qu'une forte pratique religieuse et des lois en conformité minimale avec la foi d'un peuple sont des signes que les masses étudiées sont sincèrement pieuses. N'est-ce pas une question de bon sens ? Et donc, pour en revenir à la vraie foi, pour qu'il y ait des catholiques, il vaut mieux avoir une société catholique, avec un enseignement et des lois catholiques. Penser qu'il puisse y avoir autant de saints dans une société déchristianisée avec 4% de pratiquants, dont la majorité sont âgés, que dans une société très majoritairement catholique pratiquante me paraît défier tout bon sens. Pour ce faire, il faudrait que ces 4 % soient incroyablement plus pieux que leurs ancêtres, ce que je n'ai aucune raison de croire, bien au contraire. Un discours était assez populaire jusqu'à une période récente (et on la lit toujours de temps à autre, surtout dans la vieille génération) : ceux qui sont restés pratiquants après le concile étaient le levain dans la pâte, les vrais convaincus, tandis que ceux qui ont abandonné la pratique religieuse n'avaient jamais vraiment eu la foi et n'agissaient autrefois que par conformisme social. La réalité dément un tel discours, qui me semble qui plus est manquer totalement de charité et de mesure.
Donc, puisque la petite minorité de catholiques actuels n'est pas spécialement plus pieuse que les générations précédentes, et l'est même bien moins sous bien des égards, j'en déduis qu'il ne saurait y avoir plus de saints dans notre société que dans la société catholique d'autrefois. Le penser, ce serait minorer totalement le rôle de la foi et des sacrements. Ce serait supposer qu'au final, il n'est pas plus difficile d'être un saint dans une société non catholique ou post-catholique que dans une société dans laquelle le règne social de Notre Seigneur est pris un tant soit peu au sérieux. Une telle vision des choses me paraît être un véritable frein à l'évangélisation et mine la foi catholique de l'intérieur. Je la trouve très décourageante et théologiquement bancale.
[quote]Je préfère de loin le pari de ses contemporains, Érasme et Thomas More: "Cette Église est imparfaite. Restons-y et rendons-la parfaite !".
Au delà de ces deux-là [size=85](Érasme n'est pas un saint, et More est un saint bien discutable par certains de ces écrits)[/size], les saints de cette époque ont mis cette conviction en pratique : ils ont pour nom Jean de Dieu, Charles Borromée, Jean de la Croix et Thérèse d'Avila. Ignace et ses compagnons, ... La liste est longue, et compte ... [i]une foule immense[/i] [d'anonymes] [i]que nul pourrait dénombrer[/i] (Ap. 7,9).[/quote]Je suis évidemment d'accord avec vous, mais vous semblez hélas supposer que j'ai fait le pari de transformer l'Eglise depuis le dehors, tel un Luther ou un Zwingli... Ce n'est pas le cas. Mais essayez de me comprendre : je sais bien que l'Eglise, en tant qu'institution réunissant tous les catholiques, n'a jamais été totalement parfaite et que ce ne saurait être une raison pour la quitter. Cependant, mon problème est bien plus grave que cela : je ne reconnais plus l'Eglise dans l'enseignement doctrinal et moral qui est donné actuellement dans les structures ecclésiastiques conciliaires. Je veux dire par là que je n'y vois plus la vraie foi proclamée dans son intégralité. Non pas que tout soit erroné et qu'aucune bonne chose ne s'y produise, loin de là ! Mais j'y vois des difficultés doctrinales majeures. Je ne vais pas reprendre l'exemple de la liberté religieuse, car je ne veux pas devenir Suliko l'agaçante, mais je pourrais citer par exemple la question des fins du mariage. Encore dans les années 1950, Pie XII avertissait avec gravité qu'il n'était pas permis de mettre les fins secondaires au même niveau que la fin première (la procréation). L'enseignement conciliaire dit le contraire... Tous ces changements me heurtent profondément. Je me sens comme quelqu'un qui, en tant que baptisé, aurait eu droit à une éducation véritablement catholique, mais en a été partiellement privée.
Je finis pas une petite question que je crois que vous n'avez jamais abordée (mais je peux me tromper) : comment voyez-vous cet intérêt pour la liturgie traditionnelle de la part de la jeune génération de catholiques ? C'est une véritable tendance, et sur ce forum, je pourrais citer des noms aussi divers qu'Héraclius, Toto, Théodore, moi-même, etc...