par Liberatus » mar. 18 août 2015, 12:36
Jonathan Riley-Smith, éminent historien des croisades, a publié, en 1980, un article intitulé
Crusading as an act of love. Il explique que l’amour de Dieu exprimé à travers les croisés était un thème populaire dans sermons du XIIIème siècle. « Brûlés par l’ardeur de la charité », c’est ainsi que le pape Eugène III décrivait, dans son encyclique
Quantum praedecessores de décembre 1145, ceux qui ont répondu à l’appel de la Première croisade. Voici, en substance, le contenu de cet article :
Selon saint Augustin, les chrétiens peuvent tuer à condition que leur intention soit droite et conduite par la vertu, la justice et le désir de sauver des âmes. On détruit le corps du pécheur, de celui qui offense, par amour pour lui. Il cite l’exemple de saint Paul ordonnant de délivrer un pécheur de Satan en détruisant sa chair afin que son esprit soit sauvé au jour du Jugement (I Cor. 5,5), ainsi que les meurtres ordonnés par les prophètes Moïse (punissant les Israélites non par cruauté mais par amour) et Elie. La pensée augustinienne sur la violence influença grandement la théologie du Moyen Age central. Pierre Lombard, Yves de Chartres, saint Anselme, saint Thomas d’Aquin, Gratien, entre autres, reprirent les idées de l’évêque d’Hippone.
En revanche, en dehors des élites intellectuelles de ce temps, la majeure partie de la littérature de croisade et de propagande ne partageait pas cet amour de l’ennemi. Au contraire la xénophobie était forte. « Ennemis de Dieu », « servants du diable », « servants de l’anti Christ », étaient les expressions couramment utilisées pour désigner les musulmans. La vengeance contre les Infidèles qui avaient oppressé les frères chrétiens et saisis leur patrimoine était un thème de la propagande en faveur de la croisade.
Je vous recommande la lecture de cet article, très riche en références, dont je n'ai relevé que quelques passages. Il permet de mieux appréhender la question de la justification des croisades pour l'époque.
(En anglais)
Dans un autre article,
Present and Past, le même auteur livrait une réflexion historiographique qui me parait des plus justes :
- [+] Texte masqué
- In fact the past in only “real” to us when it accords with our present conceptions of reality : most of the actuality of the past will always elude us because, bred on different circumstances, it is totally outside of our experience.
Jonathan Riley-Smith, éminent historien des croisades, a publié, en 1980, un article intitulé [i]Crusading as an act of love[/i]. Il explique que l’amour de Dieu exprimé à travers les croisés était un thème populaire dans sermons du XIIIème siècle. « Brûlés par l’ardeur de la charité », c’est ainsi que le pape Eugène III décrivait, dans son encyclique [i]Quantum praedecessores[/i] de décembre 1145, ceux qui ont répondu à l’appel de la Première croisade. Voici, en substance, le contenu de cet article :
Selon saint Augustin, les chrétiens peuvent tuer à condition que leur intention soit droite et conduite par la vertu, la justice et le désir de sauver des âmes. On détruit le corps du pécheur, de celui qui offense, par amour pour lui. Il cite l’exemple de saint Paul ordonnant de délivrer un pécheur de Satan en détruisant sa chair afin que son esprit soit sauvé au jour du Jugement (I Cor. 5,5), ainsi que les meurtres ordonnés par les prophètes Moïse (punissant les Israélites non par cruauté mais par amour) et Elie. La pensée augustinienne sur la violence influença grandement la théologie du Moyen Age central. Pierre Lombard, Yves de Chartres, saint Anselme, saint Thomas d’Aquin, Gratien, entre autres, reprirent les idées de l’évêque d’Hippone.
En revanche, en dehors des élites intellectuelles de ce temps, la majeure partie de la littérature de croisade et de propagande ne partageait pas cet amour de l’ennemi. Au contraire la xénophobie était forte. « Ennemis de Dieu », « servants du diable », « servants de l’anti Christ », étaient les expressions couramment utilisées pour désigner les musulmans. La vengeance contre les Infidèles qui avaient oppressé les frères chrétiens et saisis leur patrimoine était un thème de la propagande en faveur de la croisade.
Je vous recommande la lecture de cet article, très riche en références, dont je n'ai relevé que quelques passages. Il permet de mieux appréhender la question de la justification des croisades pour l'époque.
(En anglais)
Dans un autre article, [i]Present and Past[/i], le même auteur livrait une réflexion historiographique qui me parait des plus justes : [spoiler][i]In fact the past in only “real” to us when it accords with our present conceptions of reality : most of the actuality of the past will always elude us because, bred on different circumstances, it is totally outside of our experience.[/i][/spoiler]