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par chris-ostome » lun. 30 mai 2016, 11:36
Voici quelques éléments de réponses, j'espère qu'ils t'aideront à comprendre la position catholique.
Somme Théologique, Saint Thomas d'Aquin, Docteur de l'Eglise.
"Le troisième précepte du décalogue
Objections :
1. Il semble que ce précepte sur la sanctification du sabbat soit mal formulé. En effet, ce précepte, si on le comprend spirituellement, a une portée générale. En effet sur Luc (13, 14) : " Le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus avait fait une guérison le jour du sabbat... ", S. Ambroise explique : " La loi n'interdit pas de guérir un homme le jour du sabbat, mais d'accomplir des oeuvres serviles, c'est-à-dire de se laisser accabler par les péchés. " Mais selon le sens littéral, c'est un précepte cérémoniel, car il est écrit dans l'Exode (31, 13) : " Veillez à observer mon sabbat, car c'est un signe entre moi et vous pour vos descendants. " Or les préceptes du décalogue sont à la fois spirituels et moraux. Donc ce précepte n'est pas à sa place ici.
2. Les préceptes cérémoniels de la loi englobent les choses sacrées, les sacrifices, les sacrements et les observances, nous l'avons montré. Aux choses sacrées se rattachaient non seulement les jours sacrés, mais aussi les lieux sacrés, en plus du sabbat. Il est donc illogique de faire mention de l'observance du sabbat en omettant tous les autres préceptes cérémoniels.
3. Celui qui transgresse un précepte du décalogue commet un péché. Mais dans la loi ancienne certains transgressaient l'observance du sabbat sans commettre de péché, comme ceux qui circoncisaient les enfants le huitième jour, et les prêtres qui officiaient au Temple le jour du sabbat. Élie, puisqu'il est parvenu en quarante jours à Horeb, la montagne de Dieu, a bien voyagé le sabbat. De même encore les prêtres qui ont porté l'arche du Seigneur pendant sept jours doivent avoir continué leur circuit pendant le sabbat (Jos 6, 14). Et il est dit aussi (Lc 13, 15) : " Est-ce que chacun de vous ne détache pas son boeuf ou son âne pour le conduire à l'abreuvoir ? " Donc cette sanctification du sabbat n'est pas à sa place dans le décalogue.
4. Même dans la loi nouvelle il faut observer les préceptes du décalogue. Mais dans la loi nouvelle on n'observe pas ce précepte-ci ni quant au sabbat ni quant au dimanche, où l'on fait la cuisine, où les gens voyagent, pêchent et ont beaucoup d'autres occupations. Il ne convient donc pas de donner un précepte sur l'observation du sabbat.
Cependant, il y a l'autorité de l'Écriture (Ex 20, 8).
Conclusion :
Une fois enlevés les obstacles à la vraie religion par les deux premiers préceptes du décalogue, comme nous l'avons vu à l'Article précédent, il était logique de donner un troisième précepte qui établirait les hommes dans la vraie religion. Or il revient à celle-ci de rendre un culte à Dieu. De même que l'Écriture sainte nous propose les vérités divines sous les images de certaines réalités corporelles, de même le culte extérieur est rendu à Dieu par un signe sensible. Pour ce qui est du culte intérieur qui consiste dans la prière et la dévotion, l'homme est guidé davantage par l'impulsion intérieure du Saint-Esprit; mais, pour le culte extérieur, il a fallu lui donner dans la loi un précepte portant sur un signe sensible. Et parce que les préceptes du décalogue sont comme les principes premiers et généraux de la loi, dans le troisième précepte du décalogue on prescrit le culte extérieur de Dieu sous le signe de son bienfait universel envers les hommes. C'est-à-dire qu'on rappelle ainsi l'oeuvre de la création du monde, dont on nous dit que Dieu s'est reposé le septième jour. En signe de quoi, il est prescrit de sanctifier le jour du Seigneur, c'est-à-dire de le consacrer à un loisir en l'honneur de Dieu. C'est pourquoi dans l'Exode (20, 11), après avoir énoncé le précepte de sanctifier le sabbat, on donne cette raison : " En six jours Dieu fit le ciel et la terre, et le septième jour il se reposa. "
Solutions :
1. Le précepte de sanctifier le sabbat, entendu littéralement, est en partie moral et en partie cérémoniel. Il est moral en ce que l'homme doit consacrer quelque temps de sa vie à s'occuper des choses divines. Il y a en effet dans l'homme un penchant naturel à consacrer quelque temps à tout ce qui lui est nécessaire, comme les repas, le sommeil, etc. Aussi doit-il encore consacrer quelque temps, selon l'invitation de la raison naturelle, à la réfection de son âme en Dieu. Et c'est ainsi que réserver du temps à s'occuper des choses divines est l'objet d'un précepte moral.
Mais en tant que ce précepte détermine un temps spécial pour symboliser la création du monde, il est un précepte cérémoniel. Il est encore cérémoniel en un sens allégorique, en tant qu'il préfigurait le repos du Christ au tombeau, le septième jour. De même, il a une signification morale en tant qu'il symbolise la cessation de toute activité coupable et le repos de l'âme en Dieu. Et en ce sens c'est un précepte de portée générale. De même encore il est cérémoniel selon une signification analogique, comme figurant le repos procuré par la jouissance de Dieu dans la patrie.
En fait, ce précepte figure dans le décalogue en tant que moral, non en tant que cérémoniel.
2. Les autres cérémonies de la loi symbolisent des oeuvres divines particulières. Mais l'observance du sabbat est le signe d'un bienfait général : la production de toutes les créatures.
Et c'est pourquoi il convenait de l'introduire dans les préceptes généraux du décalogue plutôt qu'un autre précepte cérémoniel.
3. Dans l'observance du sabbat, deux points sont à considérer. Le premier est sa fin : que l'homme s'applique aux choses divines. C'est signifié par cet ordre : " Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat. " Car dans la loi " sanctifier " signifie consacrer au culte divin. L'autre point est l'arrêt de tout travail, ce qui est signifié ensuite : " Le septième jour du Seigneur ton Dieu, tu ne feras aucun travail. " Et de quel travail il faut l'entendre, nous l'apprenons par le Lévitique (23, 35) : " En ce jour-là vous ne ferez aucune oeuvre servile. "
Une oeuvre est dite servile parce qu'elle implique une servitude. Or il y en a trois sortes. Par l'une l'homme est asservi au péché : " Celui qui commet le péché est esclave du péché " (Jn 8, 34). En ce sens, toute oeuvre de péché est une oeuvre servile. Une autre servitude est celle qui asservit un homme à un autre. Mais ce ne peut être que corporellement, non selon l'esprit, comme nous l'avons vu. C'est pourquoi, en ce sens, on appelle oeuvres serviles les travaux corporels qu'un homme accomplit comme esclave d'un autre. La troisième sorte de servitude est envers Dieu. Et en ce sens on peut identifier oeuvre servile et oeuvre de latrie, car celle-ci constitue le service de Dieu.
Si l'on entend " oeuvre servile " en ce sens, elle n'est pas interdite le jour du sabbat. Ce serait contraire à la fin de l'observance sabbatique, car si l'homme s'abstient des autres travaux le jour du sabbat, c'est pour vaquer aux oeuvres qui se rattachent à notre servitude envers Dieu. C'est le sens de cette parole (Jn 7, 23) : " On circoncit le jour du sabbat pour que ne soit pas enfreinte la loi de Moïse. " Et de cet autre (Mt 12, 5) : " Le jour du sabbat, les prêtres dans le Temple violent le sabbat ". c'est-à-dire y travaillent corporellement " sans commettre de péché ". C'est ainsi encore que les prêtres, en portant l'arche autour de Jéricho pendant le sabbat, n'ont pas transgressé le précepte du sabbat. De même encore, l'exercice d'aucune activité spirituelle ne contredit l'observance du sabbat, comme d'enseigner par la parole ou par l'écrit. Aussi la Glose dit-elle (sur Nb 28, 9) : " Les forgerons et autres artisans se reposent le jour du sabbat. Le lecteur de la loi divine ou le docteur ne cesse pas son travail et pourtant il ne souille pas le sabbat, comme les prêtres qui violent le sabbat sans commettre de péché. "
Mais les autres oeuvres serviles, au premier ou au second sens de ce mot, sont contraires à l'observance du sabbat dans la mesure où elles empêchent l'application aux choses divines. Et parce que l'on est détourné plus par une oeuvre de péché que par une oeuvre licite, même si celle-ci est corporelle, celui qui pèche un jour de fête viole le précepte plus que celui qui accomplit une oeuvre corporelle, mais de soi licite. Ce qui fait dire à S. Augustin : " Les Juifs feraient mieux ce jour-là de travailler utilement dans leurs champs que de soulever des séditions au théâtre. Et leurs femmes feraient mieux de filer la laine le sabbat que de danser toute la journée de façon inconvenante aux néoménies. " Mais celui qui pèche véniellement contre le sabbat ne manque pas au précepte, car le péché véniel n'empêche pas la sainteté.
Les travaux corporels qui ne servent pas au culte spirituel sont appelés serviles parce qu'ils reviennent en propre aux serviteurs; mais lorsqu'ils sont communs aux esclaves et aux hommes libres, on ne les appelle pas serviles. Tout homme, esclave ou libre, est tenu dans le domaine des choses nécessaires, de pourvoir non seulement à soi-même mais encore au prochain, et d'abord en ce qui concerne le salut du corps, selon les Proverbes (24, 11) : " Délivre ceux qu'on envoie à la mort. " Ensuite, en leur évitant une perte de leurs biens, selon le Deutéronome (22, 1) : " Si tu vois vagabonder le boeuf ou la brebis de ton frère, tu ne te déroberas pas, mais tu les ramèneras à ton frère. " C'est pourquoi le travail corporel destiné à conserver le salut de son propre corps ne viole pas le sabbat. Manger, comme tout ce qu'on peut faire pour conserver la santé de son corps, ne viole donc pas le sabbat. Et c'est pourquoi les Maccabées n'ont pas souillé le sabbat en combattant pour se défendre un jour de sabbat (1 M 2, 41). Ni pareillement Élie fuyant pour échapper à Jézabel un jour de sabbat. Et c'est pourquoi encore le Seigneur (Mt 12, 4) excuse ses disciples qui cueillaient des épis un jour de sabbat, poussés par la nécessité. Pareillement, le travail corporel ordonné au salut corporel d'autrui n'est pas contraire à l'observance du sabbat. Aussi Jésus dit-il (Jn 7, 23) : " Vous êtes indignés contre moi parce que j'ai guéri un homme tout entier le jour du sabbat ? " Pareillement encore le travail corporel ordonné à éviter un dommage extérieur ne viole pas le sabbat. Aussi le Seigneur dit-il (Mt 12, 11) : " Lequel d'entre vous, s'il n'a qu'une brebis et si elle tombe dans un trou le jour du sabbat, n'ira la prendre et la relever ? "
4. Dans la loi nouvelle, l'observance du dimanche a remplacé l'observance du sabbat, non en vertu d'un précepte de la loi, mais en vertu de la constitution de l'Église et de la coutume du peuple chrétien. Cette observance n'est pas figurative comme celle du sabbat dans l'ancienne loi, et c'est pourquoi l'interdiction de travailler le dimanche n'est pas aussi stricte que celle du sabbat; certains travaux sont permis le dimanche, qui étaient interdits le sabbat, comme la cuisine. En outre dans la loi nouvelle on dispense plus facilement, pour une nécessité, de travaux prohibés qu'on ne le faisait sous la loi ancienne. Parce que ce qui est figuratif sert à professer la vérité, ce qui ne permet aucun relâchement même léger; mais ces travaux considérés en eux-mêmes peuvent varier selon le lieu et le temps. "