Avé
coeurderoy a écrit :Je crois à l'enfer, à la peine du dam et à celle du feu, en revanche les révélations, visions et représentations à la Jérôme Bosch me laissent dubitatif et embarrassé : c'est à la fin du Moyen-Age, je crois (avec le retour en force des juristes) que s'élabore cette doctrine où les pécheurs subissent des maux exactement proportionnels à leurs délits : sur les fresques et enluminures le gourmand est alors gavé de poix, le luxurieux est dévoré là où l'on pense par scorpions et crapauds, le sodomite est empalé par des démons au membre rougi au feu, etc, etc...Franchement je ne peux m'empêcher de trouver ces punitions cruelles aussi ridicules qu'infantiles et perverses ...
Il est clair que l'âme choisit son enfer en refusant son Dieu, de là à prendre pour vérité catholique les rêvasseries ou cauchemars inspirés par l'iconographie traditionnelle de l'enfer...
Même chose pour moi. Parler de punitions dans le genre "cour de récré", mais en plus fort, c'est vraiment prendre les gens pour des crétins. Voyez une assemblée, dans une soirée, d'hommes et de femmes : ils discutent, sont aimables et courtois les uns envers les autres, parfois s'échauffent un peu, mais ne se tapent pas dessus ; ils sont civilisés en un sens. Pourtant ce sont tous des pécheurs, et peut-être ont-ils commis des péchés mortels. Les envoyer tous dans un "Auschwitz éternel", comme cela a été dit, c'est être moins civilisé qu'eux.
Je pense aux images du portail de Conques, où l'on trouve ce genre de petits supplices ; c'est vraiment n'importe quoi. Croire qu'on va torturer un homme parce qu'il n'a pas cru, ou parce qu'il s'est paluché, ou offert à un autre homme, etc., c'est vraiment bon pour les musulmans. Dieu n'est pas Pinochet, que je sache. Ou alors Pinochet est mille fois plus aimable que Lui, ce qui me paraît assez bizarre.
En lisant l'Ecriture, en lisant les mystiques, les philosophes, les théologiens, on voit apparaître de grandes choses, l'Amour, l'éternité, le mystère de la création, etc. et on voit les trésors d'intelligence qui ont été révélés et employés. Alors quand, après cela, on entend parler d'usuriers qui en enfer se font étouffer pour l'éternité avec de grosses pièces d'or, on se dit : tout ça pour ça.
Cela ne signifie pas que je ne croie pas à l'existence de l'Enfer. L'homme peut choisir de refuser Dieu, et le choix du non-être - alors que Dieu nous donne l'être en permanence - conduit en effet à une souffrance incommensurable, à laquelle on acquiesce pourtant. La peine de l'éloignement de Dieu est déjà assez forte pour rendre toutes les autres dérisoires. S'imaginer des supplices physiques peut être un moyen de symboliser l'intensité de cette souffrance, certes. Mais croire qu'il y a effectivement "des fers, des supplices, des bourreaux", c'est vraiment n'importe quoi.
Au fond, du reste, il faut se cantonner à la position qui était, me semble-t-il, celle de K. Barth (à moins que je ne confonde avec H. Urs von Balthasar) : peu importe de savoir ce qu'il y a vraiment dans la situation infernale, qui y est, etc., puisque de toute façon nous n'avons aucune prise là-dessus. Ce qui compte, c'est de faire du mieux qu'on peut.
Amicalement
MB