Observateur a écrit :
Je vais peut être paraitre court, mais il me semble que stephen hawkin aborde lui aussi ce problème dans Y a-t-il un grand architecte dans l'univers?, et conclut lui que l'hypothèse Dieu n'était pas nécéssaire pour expliquer la création de l'univers (et pas que Dieu n'éxistait pas attention)
Voilà ce que dit Stephan Hawking :
“Why God Did Not Create the Universe
There is a sound scientific explanation for the making of our world—no gods required
By STEPHEN HAWKING And LEONARD MLODINOW
(…)
Many people would like us to use these coincidences as evidence of the work of God. The idea that the universe was designed to accommodate mankind appears in theologies and mythologies dating from thousands of years ago. In Western culture the Old Testament contains the idea of providential design, but the traditional Christian viewpoint was also greatly influenced by Aristotle, who believed "in an intelligent natural world that functions according to some deliberate design."
That is not the answer of modern science. As recent advances in cosmology suggest, the laws of gravity and quantum theory allow universes to appear spontaneously from nothing. Spontaneous creation is the reason there is something rather than nothing, why the universe exists, why we exist. It is not necessary to invoke God to light the blue touch paper and set the universe going.
(…)
Traduction:
Pourquoi Dieu n’a pas créé l’univers
Par Stephen Hawking et Léonard Mlodinow
(…)
Beaucoup de gens voudraient que nous exploitions ces coïncidences comme preuve d’un travail divin. L’idée que l’univers ait été conçu pour l’humanité apparaît dans des théologies et mythologies datant de plusieurs milliers d’années. Dans la culture occidentale, l’Ancien Testament contient l’idée d’un dessein providentiel, mais le point de vue chrétien traditionnel a été aussi grandement influencé par Aristote, qui croyait en « une nature intelligente régie par des principes posés délibérément ».
Ce n’est pas la réponse de la science moderne. De récents progrès en cosmologie suggère que les lois de la gravité et de la théorie quantique permettent que des univers apparaissent spontanément à partir de rien. La création spontanée est la raison pour laquelle il y a quelque chose plutôt que rien, pourquoi l’univers existe, pourquoi nous existons. Il n’est pas nécessaire d’invoquer Dieu pour communiquer l’impulsion initiale et mettre l’univers en branle.
(…)
D’abord remarquons que la critique de Stephen Hawking cible essentiellement les partisans du principe anthropique (à ne pas confondre avec le second principe thermodynamique, principe entropique), qui stipule que la vie humaine n’aurait pu apparaître si les constantes physiques n’étaient pas exactement ce qu’elles sont. (une petite variation de quelques milliardièmes affectant une constante d’une loi physique et la vie n’apparaissait pas), d’où les anthropistes concluent qu’un agencement d’une telle précision ne peut avoir été qu’intentionnel et avoir eu pour fin l’émergence de la vie humaine.
Nous verrons que ce principe anthropique est effectivement critiquable, mais pour l’heure relevons cette ânerie monumentale proférée par Stephen Hawking et qui consiste à dire : « L’univers apparaît spontanément à partir de rien ».
Ânerie monumentale car ce qu’il est convenu d’appeler le vide quantique, n’est pas rien, mais est au contraire un champ de possibles. D’ailleurs en probabilité on parle de l’univers des possibles pour désigner l’ensemble des évènements susceptibles de se réaliser au cours d’une expérience aléatoire.
Ce qui nous amène à préciser une distinction, qui ne date pas d’hier, que les penseurs de l’antiquité connaissaient déjà, à savoir que l’être possible n’est pas le néant, ce n’est pas non plus l’être actuel (c'est-à-dire l’être réalisé), mais ce n’est pas pour autant un néant, c’est un être virtuel ou être en puissance, c'est-à-dire qui a la puissance de venir réellement à l’existence. Ainsi nous avons tous été des êtres possibles avant d’être des êtres réels, la réalité de notre être commençant dès la conception.
Alors qu’est-ce que le « rien » ou le néant ? Eh bien c’est ce qui n’est même pas un être possible, c’est l’impossible, l’absurde : un cercle carré, un effet sans cause etc…
D’ailleurs Sherlock Holmes avait coutume de dire : «Une fois qu'on a éliminé l'impossible, alors ce qui reste, même le plus improbable, doit être la solution ». L’impossible est le non-être, le néant, alors que l’improbable est encore possible, c’est encore de l’être et on ne peut le balayer d’un revers de main.
Et toute la physique théorique moderne est fondée sur la notion de champ quantique. Or un champ quantique est un champ de possibles : il ne décrit pas une particule au sens classique du terme, mais la possibilité probabilisée de voir émerger une telle particule en un point du champ. Ce n’est donc pas rien !
En revanche lorsqu’en théologie on évoque la création ex nihilo, il s’agit bel et bien d’une création « à partir de l’impossible » et non à partir d’un être possible, c'est-à-dire que nul être possible ne préexiste à la création, la création crée aussi la possibilité.
Donc l’argument de Stephen Hawking n’est pas un argument contre la création ex nihilo, puisqu’il est obligé d’extrapoler à partir d’un champ de possibles (qu’il identifie à tort avec le néant) alors que la création est antérieure logiquement à toute possibilité.
Venons en maintenant à une deuxième faille dans le raisonnement de Stephen Hawking, et d’ailleurs c’est lui-même qui nous la livre :
Each universe has many possible histories and many possible states. Only a very few would allow creatures like us to exist. Although we are puny and insignificant on the scale of the cosmos, this makes us in a sense the lords of creation.
Traduction:
(…)
Chaque univers a plusieurs histoires possibles et plusieurs états. Mais seulement un nombre infime d’entre eux permettent à des créatures comme nous d’exister. Bien que nous soyons insignifiant à l’échelle du cosmos, cela fait de nous en un sens les seigneurs de la création.
(…)
C’est à dire qu’après toutes ces palinodies pour nous expliquer que nous ne sommes que des produits hasardeux parmi d’autres, voilà que le caractère exceptionnel de notre univers refait surface et fait de nous des « seigneurs de la création ». C’est comme si dans un premier temps on relativisait le gagnant au loto : « Oh ma foi c’est un joueur comme un autre, il a simplement eu de la chance » et puis dans un deuxième temps on le mettait sous les spot lights : « Incroyable ! il est le seul à avoir raflé toute la cagnotte ! », bon il faudrait savoir…
Ici le problème se situe au niveau de la définition de l’univers des possibles, définition approximative, qui explique ce flottement entre tantôt une attitude blasée (une possibilité parmi d’autres) et une attitude d’étonnement. (une possibilité fort improbable).
Tous ceux qui ont déjà fait des probabilités savent que la toute première chose qu’il faut faire pour résoudre un problème de probabilité est de définir l’univers des possibles. Or cette définition n’est pas toujours évidente. Ainsi vous pouvez définir l’univers des possibles du jeu pile ou face comme l’ensemble constitué de 2 évènements : {pile, face}. Mais si au cours de l’expérience la pièce tombe sur la tranche, cela veut dire qu’il y avait aussi un troisième évènement possible que vous avez omis de votre définition initiale et qui ne manquera pas de provoquer votre surprise puisque vous l’aviez jugé impossible et qui pourtant s’est réalisé. Inversement vous pouvez jugé possible un évènement qui en fait est impossible.
Par conséquent le problème « Pourquoi y a-t-il de l’être et non pas plutôt rien ? » n’est pas résolu par le paradigme cosmo-quantique comme le croit à tort Stephen Hawking, puisqu’il faut encore expliquer : « Pourquoi est-ce possible et non pas impossible ? ». Le problème n’est donc pas résolu mais reporté sur les possibles.
L’erreur est de prendre le mot être exclusivement dans son acception « être réel » et de rejeter l’être possible dans un pur néant. Alors que le problème ontologique est beaucoup plus vaste que cela et porte également sur l’être possible, que par conséquent Stephen Hawking ne fait que reculer pour mieux sauter.
Précisons d’ailleurs au passage, que contrairement à ce qu’affirmait Leibniz la théologie catholique nous enseigne que Dieu n’a pas été contraint de créer le meilleur des mondes possibles…
Maintenant venons-en aux « anthropistes », les partisans de l’ « anthropisme», car il faut bien voir que dans ce type de dialectique l’adversaire cogne souvent sur le plus faible, sur celui qui dessert le plus sa propre cause. Comme par exemple un journaliste militant athée va bien sûr aller interviewer le catholique le plus ignare et maladroit qui soit et qui renverra une image déplorable auprès du reste de la population, voilà pour l’éthique journalistique…
Le problème de l’anthropisme est que ses partisans s’imaginent que Dieu est une sorte d’horloger qui a réglé de façon déterministe son horloge, détail par détail, engrenage par engrenage avec une précision absolue, et que le moindre grain de sable peut faire s’effondrer la belle mécanique, preuve d’après eux qu’il y a bel et bien eu un réglage extrêmement minutieux, et donc un horloger. Finalement on retrouve le Grand Architecte de Voltaire, celui des déistes et des franc-maçons, qui a très peu à voir avec le vrai Dieu, et qui d’ailleurs une fois qu’il a remonté son horloge la laisse tourner sans ne plus intervenir sur elle.
Effectivement cette façon d’envisager les choses est incompatible avec le paradigme quantique, dont acte.
Mais c’est aussi incompatible avec la théologie catholique, qui nous enseigne que Dieu est la cause principale pouvant agir au travers des causes secondes, de façon adaptée (c'est-à-dire sans leur faire violence), et que ces cause secondes peuvent être libres et contingentes. Même plus l’action divine au travers des causes secondes est le mode d’action divin le plus répandu, le mode direct étant beaucoup plus rare.
Par conséquent Dieu n’a pas eu « à serrer les boulons » et à faire tel et tel réglage comme le ferait un mécano et comme une imagerie naïve pourrait le suggérer, il lui a suffit d’agir au travers des causes secondes pour réaliser son plan.
Là aussi ce n’est pas nouveau : aux inquisiteurs qui cherchaient à prendre Jeanne d’Arc en défaut en lui faisant remarquer que ma foi si Dieu ne voulait pas des Anglais en France il n’avait qu’à user de sa toute puissance pour les rejeter à la mer, la Sainte rétorqua : «Les hommes d'armes combattront et Dieu donnera la victoire », ce qui signifie que Dieu agira au travers des hommes d’armes, sans attenter le moins du monde à leur liberté, pour bouter les Anglais hors de France. Voilà un bel exemple d’action divine par les causes secondes sur la base d’une coopération adaptée à ces mêmes causes, en l’occurrence une libre coopération puisque l’homme est libre.
Pour la théologie catholique il n’y a donc pas de contradiction à ce que Dieu agisse au travers de causes contingentes et hasardeuses (Eh oui le maître du hasard c’est Dieu !), parce qu’elle reconnaît pleinement le rôle des intermédiaires dans la mise en œuvre du plan divin.
Pour la théologie protestante c’est beaucoup plus problématique, parce que les protestants ont toujours protesté (c’est le cas de le dire) contre les intermédiaires : l’église, le clergé, les saints, les philosophes, les docteurs, la raison, la métaphysique etc… revendiquant un contact direct avec Dieu. D’où toutes ces thèses créationnistes farfelues en provenance du monde protestant, et qui desservent beaucoup plus la cause de la foi qu’elles ne la servent. Ceci dit il faut être juste et reconnaître qu’elles ne peuvent pas plus desservir la cause de la foi que ne le fait la théologie musulmane. Enfin bon pour la vraie foi nul problème.
Un Tel verra comme feu Celui qu'il n'a pas connu comme lumière (St Grégoire Le Théologien)