L'Eglise n'a jamais persécuté Galilée

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L'Eglise n'a jamais persécuté Galilée

Message non lu par pajaro » sam. 31 oct. 2009, 15:38

Mgr Angelo Amato, depuis peu Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a révélé que, en accord avec les documents récemment découverts, Galileo Galilei n'a jamais été persécuté ou torturé par le Vatican pour avoir affirmé que la terre tournait autour du soleil.
Mgr Amato a signalé qu'une lettre récemment découverte dans les archives du Vatican, envoyée par le Mandataire du Saint Office au Cardinal Francesco Barberini en 1663, signalait le désir du Pape que le jugement de Galilée soit conclu rapidement, en prenant en considération l'état de santé de celui-ci. L'Archevêque a également ajouté que "L'idée que Galilée fut torturé et incarcéré pour qu'il abjure de sa thèse ne fut ni plus ni moins qu'une légende transmise par une fausse iconographie ”.

En plus de rappeler que Galilée n'a pas été jugé pour sa thèse scientifique, mais pour dire que la Bible était erronée en disant que "le soleil s'est arrêté" -alors que c'est la terre qui a été arrêtée-, Mgr Amato a expliqué que durant le jugement, "les chambres de l'avocat, un des plus hauts offices de la Sainte Inquisition, où il fut assisté par son propre serviteur" ont été accordées à Galilée.

Le Prélat a aussi ajouté que "Durant le reste de son séjour à Rome, il a été l'invité de l'ambassadeur florentin à la Villa Medici".

L'Archevêque a également révélé qu'en 1610, Galilée a publié son oeuvre Sidereus Nuncius, où le savant exposait sa théorie et où il reçut l'appui non seulement du grand astronome Johannes Kepler, mais aussi du jésuite Clavius, auteur du calendrier grégorien, qui régit encore aujourd'hui le monde occidental.

Source: http://www.aciprensa.com/noticia.php?n=1668
Traduit par: El pajaro

PS: C'est un vieil article, mais en somme très intéressant, se reliant à l'article que j'ai posté ce matin.
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Re: L'Eglise n'a jamais pérsécuté Galilée

Message non lu par Wistiti » ven. 06 nov. 2009, 21:37

Quand même, il y a eu pression idéologique sur Galilée. Juste penser à la triste fin de Giordano Bruno prouve qu'il n'y avait rien de chrétien parmi ses accusateurs.
L'occident montre une haine envers lui-même, qui paraît étrange et peut être considérée uniquement comme un phénomène pathologique. L'occident ne s'aime plus, dans son histoire il voit uniquement ce qui est blâmable et destructif, il n'est plus capable de reconnaître ce qui est grand et pur.
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L'affaire Galilée

Message non lu par Anne » jeu. 21 juil. 2011, 3:06

Théo d'Or a écrit :(Galilée a failli se faire cramer avec son histoire de terre qui tourne autour du soleil – on en rigolerait presque mais qui de nous pourrait faire ce genre d’horreur si les conditions sociétales étaient les mêmes qu’à l’époque ?)
Autre information à ce propos:
La vérité sur l'affaire Galilée - Aimé Richardt

Depuis le XIXe siècle, la cause était entendue : l'Église catholique avait condamné, emprisonné et martyrisé Galilée, un astronome génial, qui avait démontré que la Terre tournait autour du Soleil, ce que l'Église refusait d'admettre. Or la réalité est tout autre ! Non seulement Galilée n'a jamais passé un jour en prison, n'a jamais été martyrisé, mais Aimé Richardt démontre, en s'appuyant sur des documents irréfutables, que Galilée n'a jamais prouvé la rotation de la Terre autour du Soleil, et que l'Église était fondée à le condamner. En effet, les plus hautes autorités religieuses lui avaient demandé, en 1616, d'apporter une preuve à sa théorie, qui était d'ailleurs celle de Copernic, ou de parler d'hypothèse et, surtout, de ne pas intervenir dans l'explication des textes de la Bible qui paraissaient soutenir la thèse opposée du géocentrisme. Après l'avoir promis, Galilée est revenu sur sa parole, il a donc été jugé et condamné, avec une mansuétude toute particulière, réclamée par le pape qui était son ami. On est bien loin de l'image d'Épinal du martyr en proie à la persécution de l'Église...
"À tout moment, nous subissons l’épreuve, mais nous ne sommes pas écrasés;
nous sommes désorientés, mais non pas désemparés;
nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés;
terrassés, mais non pas anéantis…
".
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Re: Marie : Mère porteuse ou mère par insémination artificie

Message non lu par Théo d'Or » jeu. 21 juil. 2011, 16:31

Je suis ravie d'apprendre que le pape de l'époque était son ami. Ça met un peu d'air dans l'horreur de ce qui nous a été rapporté de cette époque. Du coup, je suis en train d'explorer la notion de géocentrisme, il y a sans doute des choses intéressantes à découvrir à ce niveau.
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L'affaire Galilée

Message non lu par Enyo32 » mer. 04 avr. 2012, 21:31

Bonjour à tous,

Voici un exposé fait par mes soins sur l'affaire Galilée. Son but est évident : en finir avec les préjugés et fausses opinions véhiculées çà et là sur cette affaire, et rétablir la vérité. Bref, un exposé apologétique.

Il n'est certainement pas parfait, et d'autres informations sont encore sans doute à rajouter, ou à préciser. Les Modérateurs peuvent bien évidement le modifier comme ils le veulent. Je l'ai présenté sous la forme de dix affirmations souvent entendues sur cette affaire, et qui sont fausses, avec leurs réponses. Celles-ci étant souvent très longues, je les ai présentées sous la forme de spoiler.

Je précise que je ne suis pas un spécialiste de cette affaire, loin de là, j'ai seulement réuni sous la forme de cet exposé les informations que j'ai pu récolter çà et là.

Cordialement,

1. Galilée a montré que la Terre est ronde : FAUX
[+] Texte masqué
Cette remarque sur Galilée peut sembler étonnante pour beaucoup de personnes, mais il est surprenant de voir à quel point nombre de nos contemporains, peu informés sur le sujet, croient que c’est ce que Galilée a vraiment découvert.
A l’époque de Galilée, toutes les personnes cultivées et érudites savaient fort bien que la Terre est ronde, et cela nous pouvons le montrer de bien des manières. Nous n’en prendrons que deux :
• Tout d’abord parce que c’est un grec, Eratosthène, qui le premier l’a démontré. Or celui-ci vécut vers -276 à – 194.
• Ensuite parce que c’est justement parce que la Terre est ronde que l’on a découvert l’Amérique, près d’un siècle avant Galilée : Christophe Colomb voulait en effet rejoindre les Indes en passant par l’Océan Atlantique. Il ne l’aurait jamais fait s’il pensait que la Terre était plate !
2. Galilée a inventé le télescope, le microscope, le thermomètre, l’horloge à balancier. Il a découvert le principe d’inertie, le parallélogramme de force ou de mouvements, les taches du soleil : FAUX
[+] Texte masqué
Galilée est souvent auréolé d’un prestige et d’une gloire immense, et nombre d’inventions lui sont attribuées faussement. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause ses talents de scientifique, mais de faire tomber les préjugés qui l’entourent.
Pour montrer que ce qui est annoncé ici est faux, il suffit d’aller chercher leurs véritables inventeurs ou découvreurs. Nous n’en citons ici que quelques uns : il est vrai que Galilée a amélioré la lunette astronomique, mais il ne l’a pas inventée, comme il l'a pourtant lui-même laissé entendre dans son Dialogue.
Ce sont David Fabricius et son fils qui trouvent les premières taches solaires, et non Galilée, comme celui-ci l'a pourtant lui-même laissé entendre dans son Dialogue.
Pour le microscope, c'est pas vraiment clair. Il y a débat s'il s'agit de Galilée ou de Jansen.
Pour le thermomètre, idem, ce n'est d'ailleurs pas vraiment l'invention d'un seul homme mais la contribution de Galilée est cependant claire.
Pour l'horloge à pendule, même si Galilée n'est pas le premier à en avoir conçu une, il est le premier à l'imaginer à partir de ses travaux sur le pendule simple. Le principe d'inertie a été formulé par Jean Buridan et Nicolas de Cues.
Pour finir, voici ce qu’en dit Koestler dans Les somnambules. Essai sur l’histoire des conceptions de l’univers : « la gloire de cet homme de génie [Galilée] repose surtout sur des découvertes qu'il n'a jamais faites, et sur des exploits qu'il n'a jamais accomplis. Contrairement aux affirmations de nombreux manuels, même récents, d'histoire des sciences, Galilée n'a pas inventé le télescope. Ni le microscope. Ni le thermomètre. Ni l'horloge à balancier. Il n'a pas découvert la loi d'inertie, ni le parallélogramme de forces ou de mouvement, ni les taches du Soleil. Il n'a apporté aucune contribution à l'astronomie théorique, il n'a pas laissé tomber de poids du haut de la Tour de Pise. »
3. Galilée a montré que la Terre tourne autour du soleil : FAUX
[+] Texte masqué
Galilée n’a pas lui-même montré que la Terre tourne autour du soleil :
Tout d’abord parce que ce n’est pas lui qui le premier a avancé cette idée, mais Aristarque de Samos. Galilée a simplement repris les travaux de Copernic.
Ensuite, parce que comme Copernic, il n’a jamais pu prouver son hypothèse scientifique (l’héliocentrisme) avec le moindre argument. Ce ne sera qu’au 18ème siècle, avec Bradley, que le premier argument sera donné. Cette théorie sera définitivement admise par les scientifiques avec l’expérience du pendule de Foucault au Panthéon en 1851. A l’époque de Galilée, l’hypothèse de Ptolémée (le géocentrisme) reste encore l’hypothèse la plus vraisemblable (voir le point 9 de cet exposé pour plus de précisions).
L’argument que donne Galilée dans son ouvrage Dialogue sur les deux principaux systèmes du monde se base sur les marées. Il n’a convaincu personne, et s’est révélé par la suite faux : la Terre tourne sur elle-même, affirme-t-il, et ce qui le montre est le mouvement des marées. Si la Terre tourne sur elle-même, alors elle tourne autour du soleil.
Il donnait également celui des phases de Vénus (qui sont bien plus difficiles à expliquer dans le modèle géocentrique pour autant que cela soit possible). Sa découverte des satellites de Jupiter montrait aussi que tous les corps ne tournaient pas autour de la terre. Mais cela ne prouvait pas en soi l'héliocentrisme.

Quelques citations sur ce point :
« La gloire de cet homme de génie repose surtout sur des découvertes qu'il n'a jamais faites, et sur des exploits qu'il n'a jamais accomplis. Contrairement aux affirmations de nombreux manuels, même récents, d'histoire des sciences, Galilée […] n'a pas démontré la vérité du système de Copernic.» Koestler, in Les somnambules. Essai sur l’histoire des conceptions de l’univers
« Ici, à nouveau, il faut éviter l’anachronisme. Le lecteur du XXIème siècle sait que Galilée a raison : la Terre pivote sur elle-même et tourne autour du soleil. Mais la majorité des hommes du XVIIème siècle pense le contraire. Pour leur faire comprendre qu’ils se trompent, immense révolution mentale à accomplir, il faudrait des preuves. Or ces preuves, Copernic n’a pu les fournir et Galilée ne le peut pas non plus. La question, au fond, est épistémologique. Ce qui est reproché à Galilée, ce n’est pas tant de postuler l’héliocentrisme que d’affirmer la véracité de ce système en se dispensant d’en apporter la preuve. Ce que Bellarmin lui conseille, tout comme le cardinal Barberini, c’est d’être prudent, en attendant que l’expérimentation et l’observation scientifiques confirment sa théorie. Et surtout de ne pas y mêler l’Ecriture. (...) Ce qui peut être reproché à Galilée, c'est le fanatisme qu'il emploie pour défendre le mouvement des planètes autour du Soleil en refusant, à une époque où tout le monde croit le contraire, de travailler par hypothèse. Erigeant son raisonnement en vérité absolue, mettant les autres en demeure de le croire, ridiculisant ses contradicteurs, il s'avère dans le même temps incapable de prouver son système. Quand il doit publier ses raisons, elles sont fausses : sa thèse sur le rapport entre le mouvement de la Terre et les marées, dont Urbain VIII a tenté de le détourner, sera réduite à néant par Newton, et sa théorie des vents alizés ruinée, bien plus tard, par les preuves optiques et mécaniques de la rotation terrestre. Bloqué par son impuissance à étayer des démonstrations par des preuves, Galilée joue de l'argument d'autorité en faisant appel, comme ses adversaires, à l'Ecriture sainte, ce qui relève d'une mauvaise conception et de la science, et de la foi.» Jean Sévillia in Historiquement Incorrect
« J’eusse préféré voir Galilée présenter ses preuves avant d’expliquer les passages de l’Ecriture. » Père Cristoforo Griemherger, astronome jésuite, à Mgr Dini.
« La logique était du côté d’Osandier et de Bellarmin, non pas du côté de Kepler et Galilée. Les premiers, seuls, avaient compris toute la portée de la méthode expérimentale… A supposer que les hypothèses de Copernic aient pu expliquer toutes les apparences connues, il fallait en conclure non pas qu’elles étaient nécessairement vraies, mais qu’elles pouvaient l’être. Car pour légitimer cette autre conclusion, il aurait fallu prouver qu’il était impossible de concevoir un autre système d’hypothèses expliquant les apparences d’une façon aussi satisfaisante. » Pierre Duhem, épistémélogue du 19 et 20ème siècle, in Essai sur la théorie physique de Platon à Galilée.
« Mon très révérend Père, (…) il me semble que Votre Révérence et monsieur Galilée agissez prudemment en vous contentant de parler hypothétiquement, et non affirmativement, comme j’ai toujours compris que Copernic le fit. Dire qu’en supposant le mouvement de la Terre et la stabilité du soleil, toutes les apparences célestes s’expliquent mieux que la théorie des excentriques et des épicycles (le système géocentrique, de Ptolémée), c’est parler avec un excellent bon sens, et sans courir aucun risque. Cette manière de parler est suffisante pour un mathématicien.
Mais vouloir affirmer absolument que le soleil est au centre de l’univers et tourne seulement sur son axe sans se déplacer de l’est à l’ouest est une très dangereuse attitude qui est destinée non seulement à irriter les philosophes scolastiques et les théologiens, mais aussi à porter atteinte à la sainte foi, en contredisant l'Écriture. Si l’on avait une preuve vraiment concluante que le soleil est au centre de l’univers, que la Terre est dans le troisième ciel, et que le soleil ne tourne pas autour de la Terre, mais la Terre autour du soleil, dans ce cas nous devrions procéder avec la plus grande circonspection en expliquant les passages de l’Ecriture qui paraissent enseigner le contraire, et admettre que nous ne les comprenons pas, plutôt que de déclarer fausse une opinion qui est prouvée être vraie. Mais pour mon compte je ne croirai pas qu’il y a de telles preuves tant qu’on ne me les fera pas voir. Ce n’est pas une preuve de dire que le soleil supposé être au centre de l’univers et la Terre dans le troisième ciel, toutes les choses apparaîtraient de même. Cette première sorte de preuve peut, je pense, être trouvée, mais j’ai des doutes les plus sérieux sur la seconde sorte, et dans le doute notre devoir est de ne pas abandonner l’interprétation du texte sacré qui nous a été donnée par les saints Pères. » Saint Cardinal Bellarmin, Lettre au P. Foscarini, Rome, le 12 avril 1615.
« On a souvent demandé aux chefs de votre école [copernicienne] s’ils pouvaient donner une démonstration du mouvement de la terre ; ils n’ont jamais osé répondre affirmativement. Rien ne s’oppose donc à ce que l’Eglise prenne et ordonne de prendre dans le sens littéral ces passages de la Sainte Ecriture jusqu’à ce que l’opinion contraire ait été démontrée. Si vous trouvez cette démonstration, chose que j’ai peine à croire, alors l’Eglise ne fera aucune difficulté de reconnaître que ces passages doivent être entendus dans un sens métaphorique comme ces mots du poète [Virgile] : «nous quittons le port, et les terres et les villes s’éloignent. » » Père Honoré Fabri (jésuite, philosophe et théologien du XVIIème siècle) à un copernicien, d’après Pierre Aubanel, Galilée et l’Eglise, 1910, p. 171
4. L’Eglise a condamné Galilée parce qu’il affirmait que la Terre tourne autour du soleil : FAUX
[+] Texte masqué
A strictement parler, l’Eglise n’a pas condamné Galilée parce qu’il défendait l’héliocentrisme. Cette affirmation est pourtant répandue dans nombre de manuels (dont Wikipédia, même si ce n’est pas une référence, c’est lu par beaucoup de monde).
En effet, lors des deux procès qui opposèrent Galilée à l’Eglise, il lui fut reproché d’autres choses :
• Dans le premier procès (celui de 1616) : on lui reproche non pas d’enseigner l’héliocentrisme, mais de l’enseigner comme une vérité absolue, certaine, ce que ne faisait pas Copernic. En effet, à l’époque, cela n’était qu’une hypothèse et n’avait pu être démontré (ce sera fait par Bradley pour la première fois au 18ème). Au contraire, le système de Ptolémée était encore à l’époque le plus probant (voir le point 9 de cet exposé pour plus de précisions).
On lui reprocha également le fait qu’il voulait que l’Eglise proclame l’héliocentrisme comme un dogme. Or l’Eglise ne doit pas proclamer de dogmes en matière scientifique, car ce n’est pas son domaine. Elle le refusa donc. Cela prouve une fois de plus que l’Eglise ne se mêlait pas des questions scientifiques.
Durant ce procès, Galilée n’a été ni torturé, ni condamné à mort. On ne le condamne pas : on lui adresse un « monitum » (un avis) : il peut continuer à enseigner l’héliocentrisme, mais seulement comme hypothèse, et non comme vérité certaine.
• Dans le deuxième procès (celui de 1632) : on lui reproche tout d’abord de ne pas avoir respecté le monitum. Galilée avait en effet, après le premier procès, continué à enseigner l’héliocentrisme comme vérité certaine.
On lui reproche également d’avoir trompé l’Eglise sur un ouvrage : en effet, en 1623, un nouveau pape est élu, Urbain VIII. C’est un bon ami de Galilée, et il accepte de dédicacer l’Essayeur (ouvrage de Galilée). Se sentant en confiance, Galilée pense que c’est le bon moment pour faire passer son hypothèse scientifique. Il rédige donc Dialogue sur les deux principaux systèmes du monde, qui paraît en 1632. Il demande alors, pour que son œuvre ait un plus grand retentissement, l’Imprimatur de l’Eglise. Mais celle-ci refuse, car celui-ci ne peut être donné qu’à des ouvrages traitant de la foi et des mœurs, et non de théories scientifiques, qui ne relèvent pas de son domaine. Galilée s’arrange alors pour que l’Imprimatur soit donné à sa préface, ce qu’il réussit. Durant le procès, on lui reproche donc cette fourberie : l’Eglise a donné son Imprimatur à un ouvrage qu’elle ne garantit pas, et ne peut garantir.
Enfin, on reproche à Galilée le fait qu’il représente dans ce livre les différentes théories de manière non objective : en effet, sous forme de dialogue, le partisan de la thèse de Ptolémée est le pape, représenté par un personnage sous le nom de « Simplet ». Celui-ci, comme son nom l’indique, est simplet, et ne fait pas bonne figure devant son contradicteur.
« Je l’ai traité mieux qu’il m'a traité, car il m’a trompé » a dit Urbain VIII à propos de Galilée.
→ A strictement parler, donc, l’Eglise n’a pas condamné Galilée parce qu’il défendait l’héliocentrisme, mais parce qu’il le défendait comme une vérité certaine, alors qu’il ne le pouvait, n’ayant aucun argument.
5. L’Eglise a longtemps condamné l’héliocentrisme, parce que cela s’opposait à la foi chrétienne et à l’Ecriture, jusqu’à ce qu’elle reconnaisse finalement qu’elle s’était trompée : FAUX
[+] Texte masqué
L’héliocentrisme n’a pas été vu par les intellectuels catholiques antérieurs ou contemporains de Galilée comme un danger pour la foi. De manière générale, la science n’a jamais été vue comme hostile par l’Eglise, bien au contraire elle l’encourageait, et nombre de ses membres étaient scientifiques. Ces extraits le montrent (certains datent d’avant la naissance de Galilée, d’autres sont contemporains, ce qui montre qu’avant lui on n’était pas hostile au fait que la Terre ne soit pas le centre de l’Univers) :

Saint Thomas d’Aquin (philosophe et théologien du XIIIème siècle) :
« En astronomie, on pose l’hypothèse des épicycles et des excentriques [du système géocentrique], parce que, cette hypothèse faite, les apparences sensibles des mouvements célestes peuvent être sauvegardées ; mais ce n’est pas une raison suffisamment probante, car elles pourraient être sauvegardées par une autre hypothèse. », Somme théologique, Ia, q.32, a1, ad2.

Nicolas d’Oresme (professeur d’université, puis précepteur du dauphin, puis secrétaire du roi, puis aumônier et conseiller du roi, économiste, mathématicien, physicien, astronome, philosophe, « psychologue », musicologue, théologien, traducteur, surnommé « l’Einstein du XIVème siècle ») :
« Tous regards, toutes conjonctions, toutes oppositions, constellations et influences du ciel demeureraient inchangées quand bien même on supposerait que le mouvement du ciel n’est qu’apparent et celui de la terre véritable. »
[A propos du miracle de Josué dans la Bible, où il est dit que Dieu « arrête la course du soleil » : ] « De même, lorsque Dieu fait un miracle, on doit supposer qu’il le fait sans changer le cours habituel de la nature, dans la mesure où cela est possible. Donc, l’on peut ainsi maintenir que Dieu fit durer le jour au temps de Josué pour arrêter le mouvement de la Terre ou seulement de cette région d’ici-bas, qui est aussi petite qu’un point vu du ciel, sans supposer que le monde entier – ce si petit point – aurait été sorti de son cours habituel, et surtout pour des corps de nature identique à celle des corps du Ciel : c’est de loin le plus raisonnable (…). L’on pourrait en dire de même du retour du soleil au temps d’Ezéchias. » Traité du Ciel et du Monde, 1377
Ces thèses lui valurent d’être élevé dans la hiérarchie ecclésiale.

Pierre Duhem, épistémologue (à propos de l’affaire Galilée) :
« Au XIVème siècle, l’hypothèse du mouvement de la Terre, défendue par Oresme, trouva de savants adversaires ; mais ils ne songèrent pas à s’appuyer, pour combattre cette supposition, sur les passages de l’Ecriture, dont le chanoine de Rouen n’avait pas voulu tenir compte. (…) Le traité où il regardait comme probable que la Terre tourne lui valut de s’élever dans la hiérarchie ecclésiastique. » in Le Système du Monde, histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic.

Clément VII, pape du XV-XVIème siècle :
« Je remercie mon secrétaire d’avoir exposé devant [moi], dans les jardins du Vatican, la doctrine de Copernic sur le mouvement de la Terre. » Lettre à sa fille, 1533

Nicolas Schönberg, cardinal de Capoue :
« Nicolas Schönberg à Nicolas Copernic, salut ! J’ai appris que non seulement vous connaissez à fond les doctrines des mathématiciens anciens, mais que vous avez créé une nouvelle théorie de l’univers selon laquelle la Terre se meut et le soleil occupe la position fondamentale et donc centrale (…). C’est pourquoi, savant homme, sans vouloir être importun, je vous prie avec insistance de communiquer votre découverte au monde savant, et de m’envoyer aussitôt que possible vos théories sur l’Univers, en même temps que les tables et tout ce que vous avez touchant ce sujet. Si vous me faites ces faveurs, vous verrez que vous traitez avec un homme qui a vos intérêts à cœur et qui souhaite rendre pleinement justice à votre excellence. Adieu. » écrit de Rome à Copernic le 1er novembre 1536.

Juan Caramuel (1606-1682), prélat espagnol :
« Si [une preuve en faveur du mouvement de la Terre] était produite, les cardinaux permettront simplement d’expliquer les paroles du chapitre X de Josué comme des expressions métaphoriques (…). On ne pourra jamais dire que l’église de Rome a fait une erreur, car la doctrine du double mouvement de la Terre n’a jamais été condamnée par le concile œcuménique, ni par le pape parlant ex cathedra. » écrit en 1651.

Saint Cardinal Bellarmin (XVI-XVIIème siècle) :
« Mon très révérend Père, (…) il me semble que Votre Révérence et monsieur Galilée agissez prudemment en vous contentant de parler hypothétiquement, et non affirmativement, comme j’ai toujours compris que Copernic le fit. Dire qu’en supposant le mouvement de la Terre et la stabilité du soleil, toutes les apparences célestes s’expliquent mieux que la théorie des excentriques et des épicycles (le système géocentrique, de Ptolémée), c’est parler avec un excellent bon sens, et sans courir aucun risque. Cette manière de parler est suffisante de parler pour un mathématicien.
Mais vouloir affirmer absolument que le soleil est au centre de l’univers et tourne seulement sur son axe sans se déplacer de l’est à l’ouest est une très dangereuse attitude qui est destinée non seulement à irriter les philosophes scolastiques et les théologiens, mais aussi à porter atteinte à la sainte foi, en contredisant l'Écriture. Si l’on avait une preuve vraiment concluante que le soleil est au centre de l’univers, que la Terre est dans le troisième ciel, et que le soleil ne tourne pas autour de la Terre, mais la Terre autour du soleil, dans ce cas nous devrions procéder avec la plus grande circonspection en expliquant les passages de l’Ecriture qui paraissent enseigner le contraire, et admettre que nous ne les comprenons pas, plutôt que de déclarer fausse une opinion qui a est prouvée être vraie. Mais pour mon compte je ne croirai pas qu’il y a de telles preuves tant qu’on ne me les fera pas voir. Ce n’est pas une preuve de dire que le soleil supposé être au centre de l’univers et la Terre dans le troisième ciel, toutes les choses apparaîtraient de même. Cette première sorte de preuve peut, je pense, être trouve, mais j’ai des doutes les plus sérieux sur la seconde sorte, et dans le doute notre devoir est de ne pas abandonner l’interprétation du texte sacré qui nous a été donnée par les saints Pères. » Lettre au P. Foscarini, Rome, le 12 avril 1615.

Père Honoré Fabri (jésuite, philosophe et théologien du XVIIème siècle) :
« On a souvent demandé aux chefs de votre école [copernicienne] s’ils pouvaient donner une démonstration du mouvement de la terre ; ils n’ont jamais osé répondre affirmativement. Rien ne s’oppose donc à ce que l’Eglise prenne et ordonne de prendre dans le sens littéral ces passages de la Sainte Ecriture jusqu’à ce que l’opinion contraire ait été démontrée. Si vous trouvez cette démonstration, chose que j’ai peine à croire, alors l’Eglise ne fera aucune difficulté de reconnaître que ces passages doivent être entendus dans un sens métaphorique comme ces mots du poète [Virgile] : «nous quittons le port, et les terres et les villes s’éloignent. » » (à un copernicien), d’après Pierre Aubanel, Galilée et l’Eglise, 1910, p. 171

Enfin, le Pape Urbain VIII (1568-1644) était un ami de Galilée. Il se montrait favorable au système de Copernic. Il avait également protégé Campanella, qui s’était déclaré pour la réalité du système copernicien. EN octobre 1623, il accepte la dédicace de l'Essayeur.

Copernic, le premier à proposer le système héliocentrique, était un chanoine. Pour son système, il fut récompensé en 1533 par le Pape Clément VII, qui lui offrit un livre grec (plus haut signe d’estime pour l époque). Son livre De revolutionibus orbus mondi fut dédicacé par le Pape Paul III.
6. Galilée a été torturé, puis condamné à mort par l’Inquisition. Il a alors été brûlé, et s’est écrié « Eppur si muove » (« Et pourtant, elle tourne ») : FAUX
[+] Texte masqué
Galilée, au terme de son premier procès, a pu continuer d’enseigner et d’accomplir son travail de scientifique, à la seule condition qu’il reconnaisse que son hypothèse n’était pour l’instant qu’une hypothèse et non une certitude scientifique. Il n’ a pas été torturé, ni condamné à mort.
Au terme de son second procès (après avoir récidivé), il a été assigné à vie à résidence surveillée. Il pouvait continuer ses travaux de scientifique, et a dû reconnaître ses erreurs, en privé (et non publiquement). Il n’a été dans aucun cachot. Il a d’abord été dans en résidence surveillée dans le palais d’un évêque, puis chez lui.
« La gloire de cet homme de génie repose surtout sur des découvertes qu'il n'a jamais faites, et sur des exploits qu'il n'a jamais accomplis. Contrairement aux affirmations de nombreux manuels, même récents, d'histoire des sciences, Galilée […] n'a pas été torturé par l'Inquisition, il n'a point langui dans ses cachots, il n'a pas dit eppur si muove, il n'a pas été un martyr de la Science »
7. Galilée était un scientifique ouvert (prêt à reconnaître ses erreurs), et a respecté, pour défendre sa thèse de l’héliocentrisme, les méthodes scientifiques : FAUX
[+] Texte masqué
• Galilée a défendue une thèse sans pouvoir l’argumenter :
« Pendant près de cinquante ans, [Galilée] avait tenu sa langue à propos de Copernic, non par crainte du bûcher mais pour s’épargner les mauvaises grâces des milieux universitaires. Quand brusquement saisi par la gloire [du fait de son amélioration du télescope], il en fit aussitôt une question de prestige. Il avait dit que Copernic avait raison, et quiconque serait d’un autre avis ferait injure à l’autorité du plus grand savant de l’époque… Le fait a son importance quand on se demande si le conflit était historiquement évitable. » Koestler, in Les somnambules. Essai sur l’histoire des conceptions de l’univers
« Ici, à nouveau, il faut éviter l’anachronisme. Le lecteur du XXIème siècle sait que Galilée a raison : la Terre pivote sur elle-même et tourne autour du soleil. Mais la majorité des hommes du XVIIème siècle pense le contraire. Pour leur faire comprendre qu’ils se trompent, immense révolution mentale à accomplir, il faudrait des preuves. Or ces preuves, Copernic n’a pu les fournir et Galilée ne le peut pas non plus. La question, au fond, est épistémologique. Ce qui est reproché à Galilée, ce n’est pas tant de postuler l’héliocentrisme que d’affirmer la véracité de ce système en se dispensant d’en apporter la preuve. Ce que Bellarmin lui conseille, tout comme le cardinal Barberini, c’est d’être prudent, en attendant que l’expérimentation et l’observation scientifiques confirment sa théorie. Et surtout de ne pas y mêler l’Ecriture (...) Ce qui peut être reproché à Galilée, c'est le fanatisme qu'il emploie pour défendre le mouvement des planètes autour du Soleil en refusant, à une époque où tout le monde croit le contraire,d e travailler par hypothèse. Erigeant son raisonnement en vérité absolue, mettant les autres en demeure de le croire, ridiculisant ses contradicteurs, il s'avère dans le même temps incapable de prouver son système. Quand il doit publier ses raisons, elles sont fausses : sa thèse sur le rapport entre le mouvement de la Terre et les marrées, dont Urbain VIII a tenté de le détourner, sera réduite à néant par Newton, et sa théorie des vents alizés ruinée, bien plus tard, par les preuves optiques et mécaniques de la rotation de la terrestre. Bloqué par son impuissance à étayer des démonstrations par des preuves, Galilée joue de l'argument d'autorité en faisant appel, comme ses adversaires, à l'Ecriture sainte, ce qui relève d'une mauvaise conception et de la science, et de la foi. » Jean Sévillia in Historiquement Incorrect
« La gloire de cet homme de génie repose surtout sur des découvertes qu'il n'a jamais faites, et sur des exploits qu'il n'a jamais accomplis. Contrairement aux affirmations de nombreux manuels, même récents, d'histoire des sciences, Galilée […] n'a pas démontré la vérité du système de Copernic.» Koestler, in Les somnambules. Essai sur l’histoire des conceptions de l’univers
« J’eusse préféré voir Galilée présenter ses preuves avant d’expliquer les passages de l’Ecriture. » Père Cristoforo Griemherger, astronome jésuite, à Mgr Dini.
« La logique était du côté d’Osandier et de Bellarmin, non pas du côté de Kepler et Galilée. Les premiers, seuls, avaient compris toute la portée de la méthode expérimentale…A supposer que les hypothèses de Copernic aient pu expliquer toutes les apparences connues, il fallait en conclure non pas qu’elles étaient nécessairement vraies, mais qu’elles pouvaient l’être. Car pour légitimer cette autre conclusion, il aurait fallu prouver qu’il était impossible de concevoir un autre système d’hypothèses expliquant les apparences d’une façon aussi satisfaisante. » Pierre Duhem, épistémologue du 19 et 20ème siècle, in Essai sur la théorie physique de Platon à Galilée.
« Mon très révérend Père, (…) il me semble que Votre Révérence et monsieur Galilée agissez prudemment en vous contentant de parler hypothétiquement, et non affirmativement, comme j’ai toujours compris que Copernic le fit. Dire qu’en supposant le mouvement de la Terre et la stabilité du soleil, toutes les apparences célestes s’expliquent mieux que la théorie des excentriques et des épicycles (le système géocentrique, de Ptolémée, ndlr), c’est parler avec un excellent bon sens, et sans courir aucun risque. Cette manière de parler est suffisante de parler pour un mathématicien.
Mais vouloir affirmer absolument que le soleil est au centre de l’univers et tourne seulement sur son axe sans se déplacer de l’est à l’ouest est une très dangereuse attitude qui est destinée non seulement à irriter les philosophes scolastiques et les théologiens, mais aussi à porter atteinte à la sainte foi, en contredisant l'Écriture. Si l’on avait une preuve vraiment concluante que le soleil est au centre de l’univers, que la Terre est dans le troisième ciel, et que le soleil ne tourne pas autour de la Terre, mais la Terre autour du soleil, dans ce cas nous devrions procéder avec la plus grande circonspection en expliquant les passages de l’Ecriture qui paraissent enseigner le contraire, et admettre que nous ne les comprenons pas, plutôt que de déclarer fausse une opinion qui a est prouvée être vraie. Mais pour mon compte je ne croirai pas qu’il y a de telles preuves tant qu’on ne me les fera pas voir. Ce n’est pas une preuve de dire que le soleil supposé être au centre de l’univers et la Terre dans le troisième ciel, toutes les choses apparaîtraient de même. Cette première sorte de preuve peut, je pense, être trouve, mais j’ai des doutes les plus sérieux sur la seconde sorte, et dans le doute notre devoir est de ne pas abandonner l’interprétation du texte sacré qui nous a été donnée par les saints Pères. » Saint Cardinal Bellarmin (XVI-XVIIème siècle), Lettre au P. Foscarini, Rome, le 12 avril 1615.
« On a souvent demandé aux chefs de votre école [copernicienne] s’ils pouvaient donner une démonstration du mouvement de la terre ; ils n’ont jamais osé répondre affirmativement. Rien ne s’oppose donc à ce que l’Eglise prenne et ordonne de prendre dans le sens littéral ces passages de la Sainte Ecriture jusqu’à ce que l’opinion contraire ait été démontrée. Si vous trouvez cette démonstration, chose que j’ai peine à croire, alors l’Eglise ne fera aucune difficulté de reconnaître que ces passages doivent être entendus dans un sens métaphorique comme ces mots du poète [Virgile] : «nous quittons le port, et les terres et les villes s’éloignent. » » Père Honoré Fabri (jésuite, philosophe et théologien du XVIIème siècle) à un copernicien, d’après Pierre Aubanel, Galilée et l’Eglise, 1910, p. 171

• Galilée a voulu que sa thèse soit érigée en dogme par l’Eglise, ce que celle-ci ne peut et ne doit faire, et a refusé.
• Galilée était un scientifique assez vaniteux, comme ces citations le montrent :
« Vous n’y pouvez rien, monsieur Sarsi [= le Père Horatio Grassi], il a été donné à moi seul de découvrir tous les nouveaux phénomènes du ciel, et rien aux autres. Telle est la vérité, que ni la malice ni l’envie ne peuvent étouffer. » L’essayeur, 1623
« L’œuvre de Kepler ne vaut pas même un pour cent de mes pensées. » 1624
« Kepler a prêté l’oreille et donné son assentiment au pouvoir de la lune sur les eaux, aux propriétés occultes et aux sornettes. »
• Voici comment un spécialiste, le Dr Ph. Decourt (1902-1990), membre de l’Académie Internationale de l’Histoire de la Médecine, analyse le comportement de Galilée :
« Ces symptômes, orgueil, méfiance, susceptibilité, jalousie, agressivité, sont caractéristiques des troubles paranoïaques. A la base de tous ces symptômes se trouve une extrême vanité. Chez le paranoïaque, intelligence, logique sont conservées. Mais l’intensité de ses réactions quand sa vanité ou son orgueil entrent en jeu peuvent le conduire à de grandes erreurs de raisonnement. C’est ainsi que l’on peut voir certains paranoïaques aboutir à de véritables délires. »
« Le délire paranoïaque se développe sur le terrain prédisposé que constitue le caractère paranoïaque. Il est caractérisé par un début plus ou moins progressif en continuité avec les traits du caractère paranoïaque ; une idée prévalente (jalousie, revendication d’une invention par un exemple), un mécanisme essentiellement interprétatif qui déchiffre et explique tout en fonction du postulat de l’idée prévalente ; une structuration systématique, logique et cohérente » [selon le dictionnaire] « Chez Galilée, poursuit Decours, l’idée prévalente est sa conviction passionnelle a priori que le système de Copernic est juste et qu’en apportant la preuve que la Terre tourne, il apporte la preuve que le système de Copernic est vrai.
Tant que l’idée prévalente n’entre pas en jeu, le sujet conserve toute son intelligence, raisonne normalement, mais dès qu’elle entre en jeu il perd toute autocritique, la logique disparaît. On le voit dans la fameuse ‘preuve’ de Galilée sur les marées, sa paranoïa prend alors un caractère délirant.» in Les Vérités Indésirables.
8. L’Eglise, du vivant de Galilée, a craint celui-ci et cherchait à le faire taire, car il remettait en cause l’autorité de l’Eglise par ses découvertes : FAUX
[+] Texte masqué
Galilée, de son vivant, était très apprécié de l’Eglise. Voici quelques citations :
« Au mois de mars 1611, Galilée vient à Rome, où l’on mène grand bruit autour de son nom : son arrivée fait sensation : pape, prélats et princes veulent se faire expliquer et montrer les merveilles dont il parle… Dans une lettre du 22 avril, Galilée écrit : ‘Tout le monde ici est très bien disposé pour moi, en particulier les Pères Jésuites’. De fait l’une des premières visites du grand homme est pour le Collège Romain, où il est reçu triomphalement. » Père de Vregille, in Dictionnaire Apologétique de la Foi Catholique, de A. d’Alès, 1911.
« Sa sainteté [le Pape Urbain VIII] m’a accordé de très grands honneurs, et j’ai eu avec elle, jusqu’à six fois, de longues conversations. Hier, elle m’a promis une pension pour mon fils ; trois jours auparavant, j’avais reçu en présent un beau tableau, deux médailles, une d’or et une d’argent. » Galilée, 1624.
« Nous embrassons avec un paternel amour ce grand homme [Galilée] dont la renommée brille dans les cieux et s’étend loin sur la terre. » Pape Urbain VIII
« Je l’ai traité mieux qu’il m'a traité, car il m’a trompé » a dit Urbain VIII à propos de Galilée.
9. Dans l’affaire Galilée, l’Eglise a freiné la marche de la science : FAUX
[+] Texte masqué
Dans l’affaire Galilée, c’est plutôt l’Eglise, et non Galilée, qui a respecté la méthode scientifique. En effet, celle-ci a été formalisée par Karl Popper sous le nom de « falsificationisme » : tant qu’une hypothèse scientifique n’a pas été invalidée, on la garde. De plus, entre deux hypothèses probables, mieux vaut garder la plus probable.
Or à l’époque de Galilée, l’héliocentrisme n’a pas pu être prouvé par le moindre argument, comme nous l’avons dit aux points 3 et 7. Le géocentrisme, lui restait pertinent, et avait de nombreux arguments.
Copernic, en publiant De revolutionibus orbis mundi, proposait le système héliocentrique, mais celui-ci était alors plus complexe que le géocentrique : en effet, le système géocentrique, tel qu’il était expliqué à l’époque, comprenait 40 orbes (cercles sur lesquels les astres se meuvent). Le système copernicien, lui en comprenait 48. Il était donc plus complexe que le géocentrique, donc la logique et la méthode scientifique veulent que l’on garde le système le moins complexe : le système géocentrique.
Ici, à nouveau, il faut éviter l’anachronisme. Le lecteur du XXIème siècle sait que Galilée a raison : la Terre pivote sur elle-même et tourne autour du soleil. Mais la majorité des hommes du XVIIème siècle pense le contraire. Pour leur faire comprendre qu’ils se trompent, immense révolution mentale à accomplir, il faudrait des preuves. Or ces preuves, Copernic n’a pu les fournir et Galilée ne le peut pas non plus. La question, au fond, est épistémologique. Ce qui est reproché à Galilée, ce n’est pas tant de postuler l’héliocentrisme que d’affirmer la véracité de ce système en se dispensant d’en apporter la preuve. Ce que Bellarmin lui conseille, tout comme le cardinal Barberini, c’est d’être prudent, en attendant que l’expérimentation et l’observation scientifiques confirment sa théorie. Et surtout de ne pas y mêler l’Ecriture (...) Ce qui peut être reproché à Galilée, c'est le fanatisme qu'il emploie pour défendre le mouvement des planètes autour du Soleil en refusant, à une époque où tout le monde croit le contraire,d e travailler par hypothèse. Erigeant son raisonnement en vérité absolue, mettant les autres en demeure de le croire, ridiculisant ses contradicteurs, il s'avère dans le même temps incapable de prouver son système. Quand il doit publier ses raisons, elles sont fausses : sa thèse sur le rapport entre le mouvement de la Terre et les marrées, dont Urbain VIII a tenté de le détourner, sera réduite à néant par Newton, et sa théorie des vents alizés ruinée, bien plus tard, par les preuves optiques et mécaniques de la rotation de la terrestre. Bloqué par son impuissance à étayer des démonstrations par des preuves, Galilée joue de l'argument d'autorité en faisant appel, comme ses adversaires, à l'Ecriture sainte, ce qui relève d'une mauvaise conception et de la science, et de la foi.
« La logique était du côté d’Osandier et de Bellarmin, non pas du côté de Kepler et Galilée. Les premiers, seuls, avaient compris toute la portée de la méthode expérimentale…A supposer que les hypothèses de Copernic aient pu expliquer toutes les apparences connues, il fallait en conclure non pas qu’elles étaient nécessairement vraies, mais qu’elles pouvaient l’être. Car pour légitimer cette autre conclusion, il aurait fallu prouver qu’il était impossible de concevoir un autre système d’hypothèses expliquant les apparences d’une façon aussi satisfaisante. » Pierre Duhem, épistémologue du 19 et 20ème siècle, in Essai sur la théorie physique de Platon à Galilée.
10. L’affaire Galilée remet en cause l’infaillibilité de l’Eglise : FAUX
[+] Texte masqué
L’infaillibilité de l’Eglise est en jeu lorsque celle-ci proclame quelque chose en concile ou ex cathedra. Or ce ne fut pas le cas pour l’affaire Galilée.
« Si [une preuve en faveur du mouvement de la Terre] était produite, les cardinaux permettront simplement d’expliquer les paroles du chapitre X de Josué comme des expressions métaphoriques (…). On ne pourra jamais dire que l’église de Rome a fait une erreur, car la doctrine du double mouvement de la Terre n’a jamais été condamnée par le concile œcuménique, ni par le pape parlant ex cathedra. » Juan Caramuel (1606-1682), prélat espagnol, en 1651.
De plus, l’infaillibilité de l’Eglise est en jeu sur les questions des mœurs et de foi, pas sur des questions scientifiques.
Dernière modification par Enyo32 le ven. 06 avr. 2012, 9:41, modifié 4 fois.
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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par ti'hamo » mer. 04 avr. 2012, 23:03

Un rappel salutaire, et fort à propos.

Votre bibliographie m'intéresse au plus haut point... pourriez-vous nous la détailler précisément, s'il vous plaît ?
(enfin, la liste des ouvrages cités et consultés, quoi, juste ça)
“Il serait présomptueux de penser que ce que l'on sait soi-même n'est pas accessible à la majorité des autres hommes.”
[Konrad Lorenz]

Celui qui connaît vraiment les animaux est par là même capable de comprendre pleinement le caractère unique de l'homme.
[Konrad Lorenz]
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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par roll » mer. 04 avr. 2012, 23:17

Enyo32 a écrit :Ce sont Nicolas de Cuze (cardinal et évêque) puis Képler qui trouvent les premières tâches solaires.
C'est faux. C'est plutôt David Fabricius et son fils qui donnent la première bonne interprétation et les premières études sérieuses. Les tâches elles-même ayant été remarquées dès l'antiquité.
Enyo32 a écrit :Pour finir, voici ce qu’en dit Koestler dans Les somnambules. Essai sur l’histoire des conceptions de l’univers : « la gloire de cet homme de génie [Galilée] repose surtout sur des découvertes qu'il n'a jamais faites, et sur des exploits qu'il n'a jamais accomplis. Contrairement aux affirmations de nombreux manuels, même récents, d'histoire des sciences, Galilée n'a pas inventé le télescope. Ni le microscope. Ni le thermomètre. Ni l'horloge à balancier. Il n'a pas découvert la loi d'inertie, ni le parallélogramme de forces ou de mouvement, ni les taches du Soleil. Il n'a apporté aucune contribution à l'astronomie théorique, il n'a pas laissé tomber de poids du haut de la Tour de Pise. »
- Pour le microscope, c'est pas vraiment clair. Il y a débat si il s'agit de Galilée ou des Jansen, mais présenter comme un fait avéré qu'il ne s'agit pas de Galilée n'est pas très correct.

- Pour le thermomètre, idem, ce n'est d'ailleurs pas vraiment l'invention d'un seul homme mais la contribution de Galilée est claire.

- Pour l'horloge à pendule, même si Galilée n'est pas le premier à en avoir conçu une, il est le premier à l'imaginer à partir de ses travaux sur le pendule simple. Il est donc le vrai concepteur sur le plan théorique.

- La loi d'inertie: bien sur que c'est Galilée. On commençait à la deviner plus ou moins auparavant, mais c'était encore flou et en fait très loin de la bonne réponse.

Pour l'astronomie: Galilée à découvert quatre satellites de Jupiter, les phases de Venus, et que la lune n'est pas une sphère parfaite.

De plus, il a découvert les lois du pendule simple dans la limite des faibles oscillations, et a décrit correctement la chute des corps pesants.
Enyo32 a écrit :Galilée n’a pas lui-même montré que la Terre tourne autour du soleil :
Tout d’abord parce que c’est n’est pas lui qui le premier a avancé cette idée, mais Copernic (un chanoine). Il a simplement repris les idées de celui-ci.
Non, c'est Aristarque de Samos, bien avant Copernic.
Enyo32 a écrit :Ensuite, parce que comme Copernic, il n’a jamais pu prouver son hypothèse scientifique (l’héliocentrisme, ndlr) avec le moindre argument. Ce ne sera qu’au 18ème siècle, avec Bradley, que le premier argument sera donné. Cette théorie sera définitivement admise par les scientifiques avec l’expérience du pendule de Foucault au Panthéon en 1851. A l’époque, l’hypothèse de Ptolémée (le géocentrisme) reste encore l’hypothèse la plus vraisemblable (voir le point 9 de cet exposé pour plus de précisions).
En fait, dès que les lois de Kepler ont été énoncées elles constituaient un argument très fort pour l'héliocentrisme. Quant à Galilée, il avait quand même deux arguments au moins: les marées (mais il est vrai que son modèle ne fonctionnait pas) et les phases de Vénus (qui sont bien plus difficiles à expliquer dans le modèles géocentrique pour autant que cela soit possible). Sa découverte des satellites de Jupiter montrait aussi que tout les corps ne tournaient pas autour de la terre.
Enyo32 a écrit :« La logique était du côté d’Osandier et de Bellarmin, non pas du côté de Kepler et Galilée. Les premiers, seuls, avaient compris toute la portée de la méthode expérimentale…[...] » Pierre Duhem, épistmélogue du 19 et 20ème siècle, in Essai sur la théorie physique de Platon à Galilée.
Quand on voit les immenses apports à la science apportés par Galilée et par Kepler (surtout comparé aux deux autres), ceci a vraiment de quoi faire rire.
Enyo32 a écrit :L’héliocentrisme n’a pas été vu par les intellectuels catholiques antérieurs ou contemporains de Galilée comme un danger pour la foi. De manière générale, la science n’a jamais été vue comme hostile par l’Eglise, bien au contraire elle l’encourageait, et nombre de ses membres étaient scientifiques. Ces extraits le montrent (certains datent d’avant la naissance de Galilée, d’autres sont contemporains, ce qui montre qu’avant lui on n’était pas hostile au fait que la Terre ne soit pas le centre de l’Univers) :

Saint Cardinal Bellarmin (XVI-XVIIème siècle) :
« Mon très révérend Père, (…) il me semble que Votre Révérence et monsieur Galilée agissez prudemment en vous contentant de parler hypothétiquement, et non affirmativement, comme j’ai toujours compris que Copernic le fit. Dire qu’en supposant le mouvement de la Terre et la stabilité du soleil, toutes les apparences célestes s’expliquent mieux que la théorie des excentriques et des épicycles (le système géocentrique, de Ptolémée, ndlr), c’est parler avec un excellent bon sens, et sans courir aucun risque. Cette manière de parler est suffisante de parler pour un mathématicien.
Mais vouloir affirmer absolument que le soleil est au centre de l’univers et tourne seulement sur son axe sans se déplacer de l’est à l’ouest est une très dangereuse attitude (…). Si l’on avait une preuve vraiment concluante que le soleil est au centre de l’univers, que la Terre est dans le troisième ciel, et que le soleil ne tourne pas autour de la Terre, mais la Terre autour du soleil, dans ce cas nous devrions procéder avec la plus grande circonspection en expliquant les passages de l’Ecriture qui paraissent enseigner le contraire, et admettre que nous ne les comprenons pas, plutôt que de déclarer fausse une opinion qui a est prouvée être vraie. Mais pour mon compte je ne croirai pas qu’il y a de telles preuves tant qu’on ne me les fera pas voir. Ce n’est pas une preuve de dire que le soleil supposé être au centre de l’univers et la Terre dans le troisième ciel, toutes les choses apparaîtraient de même. Cette première sorte de preuve peut, je pense, être trouve, mais j’ai des doutes les plus sérieux sur la seconde sorte, et dans le doute notre devoir est de ne pas abandonner l’interprétation du texte sacré qui nous a été donnée par les saints Pères. » Lettre au P. Foscarini, Rome, le 12 avril 1615.
Hum, votre manière de couper la citation est particulièrement malhonnête. La phrase complète:
Mais vouloir affirmer absolument que le soleil est au centre de l’univers et tourne seulement sur son axe sans se déplacer de l’est à l’ouest est une très dangereuse attitude qui est destinée non seulement à irriter les philosophes scolastiques et les théologiens, mais aussi à porter atteinte à la sainte foi, en contredisant l'Écriture.
Enyo32 a écrit :Dans l’affaire Galilée, c’est plutôt l’Eglise, et non Galilée, qui a respecté la méthode scientifique. En effet, celle-ci a été formalisée par Karl Popper sous le nom de « falsificationisme » : tant qu’une hypothèse scientifique n’a pas été invalidée, on la garde. De plus, entre deux hypothèses probables, mieux vaut garder la plus probable.
Non, c'est pas vraiment ça, le falsificationisme.
Enyo32 a écrit :Or à l’époque de Galilée, l’héliocentrisme n’a pas pu être prouvé par le moindre argument, comme nous l’avons dit aux points 3 et 7. Le géocentrisme, lui restait pertinent, et avait de nombreux arguments.
C'est faux, comme je l'ai dit, en plus je ne vois pas trop grand quels seraient ces «nombreux arguments».
Enyo32 a écrit :Copernic, en publiant De revolutionibus orbus mondi, proposait le système héliocentrique, mais celui-ci était alors plus complexe que le géocentrique : en effet, le système géocentrique, tel qu’il était expliqué à l’époque, comprenait 40 orbes (cercles sur lesquels les astres se meuvent). Le système copernicien, lui en comprenait 48. Il était donc plus complexe que le géocentrique, donc la logique, et la méthode scientifique veut que l’on garde le système le moins complexe : le système géocentrique.
C'est possible, mais le modèle le plus simple est en fait celui de Kepler...
Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu? Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent.
Veux-tu savoir, homme insensé, que la foi sans les œuvres est stérile?

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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par lmx » jeu. 05 avr. 2012, 0:22

merci pour ces quelques rappels. Cela dit il faut reconnaitre que le système géocentrique était sur le plan scientifique périmé, tout comme peut l'être le modèle galiléo-newtonien aujourd'hui.

Quand j'aurai le temps j'essaierai de compléter ce que vous dites dans un article.
Ce qui est en jeux à cette époque dépasse le champ purement scientifique. Il s'agit de savoir dans quelle monde vit-on : dans un monde mécanisé, homogènes, fait de formes géométriques réifiées ou dans un monde qualitativement ouvert. Or par son platonisme mathématique qui l'a conduit à mathématiser et géométriser le monde Galilée a bien frauduleusement truqué le monde comme l'a si bien expliqué Husserl. Il n'était donc pas question de canoniser une ontologie réductionniste.
Cela n'empêche pas de reconnaître la valeur du travail de Galilée et son apport indéniable à la science.
Quand on voit les immenses apports à la science apportés par Galilée et par Kepler (surtout comparé aux deux autres), ceci a vraiment de quoi faire rire.
il n'empêche que sur le plan épistémologique Osiander et Bellarmin ne font que suivre la grande tradition grecque. D'autre part pour des auteurs comme Poincaré, Duhem, Schrodinger ou Quine la question d'une quelconque corrélation ontologique entre la théorie et la réalité n'a pas de sens : pour eux le choix d'une théorie n'est qu'affaire de pragmatisme et aucun énoncé d'observation ne peut venir la valider ou l'infirmer. Qu'on soit d'accord ou non avec l'instrumentalisme de Duhem et Poincaré (qui a dit qu'il n'y avait aucun sens à demander si la terre tournait absolument parlant autour du soleil), il n'empêche que celui-ci a des arguments pertinents de son côté et que le réalisme naïf qui conduisait Galilée a exiger que l'on canonisât sa théorie n'est plus raisonnablement défendable.

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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par roll » jeu. 05 avr. 2012, 16:13

lmx a écrit :il n'empêche que sur le plan épistémologique Osiander et Bellarmin ne font que suivre la grande tradition grecque.
Je ne comprend pas cette remarque, cela sous-entend-il qu'ils avaient raison de le faire?
lmx a écrit :D'autre part pour des auteurs comme Poincaré, Duhem, Schrodinger ou Quine la question d'une quelconque corrélation ontologique entre la théorie et la réalité n'a pas de sens : pour eux le choix d'une théorie n'est qu'affaire de pragmatisme et aucun énoncé d'observation ne peut venir la valider ou l'infirmer.
J'ai l'impression que vous faites dire à ces auteurs ce qu'ils ne disent pas. Ou peut-être que je ne comprend pas ce que dites: tout le monde est quand même d'accord que pour qu'une théorie soit bonne il faut au minimum qu'elle soit en accord avec les observations. Ça ce n'est pas qu'une affaire de pragmatisme !

Mais vous avez complètement raison qu'il y a derrière cette affaire bien plus qu'un simple désaccord sur le mouvement des planètes. En effet, au géocentrisme était associé des concepts de perfection du monde et du ciel en particuliers. La Terre devait être immobile, au centre de l'univers, et être de nature différente que le ciel. Ainsi, il y avait une distinction radicale entre le monde sublunaire et le monde supralunaire: sur la terre (monde sublunaire) tout est changeant et incertains, les choses sont corruptibles et les êtres vivants naissent et meurent. Le monde supralunaire est tout autre: beau, immuable, parfait et stable pour l'éternité. La distinction va même jusqu'à attribuer une substance différente au ciel.

Le ciel étant parfait, le mouvement des corps ne pouvait être circulaire ou composé de mouvements circulaires. Les astres devaient être parfaitement sphériques et immuables.

La description du mouvement des corps est aussi imprégnée de finalisme. La mécanique d'Aristote survivait encore (et à peine adaptée), elle classait les causes en matérielles, efficientes, formelle et finale et surtout fait la distinction entre mouvement naturel et mouvement violent. Ainsi un caillou tombe parce qu'il rejoint l'endroit «où il est sensé être».

Avec Galilée et Kepler, tout cela va changer. Et l'histoire montrera qu'ils ont eu raison. En découvrant des satellites de Jupiter, Galilée montre que tout ne tourne pas autour de la terre. Par ses observations de la Lune, il montre que les corps célestes ne sont pas de sphères parfaites. Par son étude des taches solaire, il argue que le Soleil n'est pas immuable et parfait. Le coup le plus violent est envoyé par Kepler qui montre que les trajectoires des astres ne sont pas basés des mouvements circulaires.

L'étude de la mécanique et plus particulièrement du principe d'inertie, amène Galilée à faire disparaître les différences entre le mouvement naturel et le mouvement violent, et surtout à postuler que les lois de la physique sont partout les même dans l'Univers, qu'il n'y a pas de distinction ontologique entre le ciel et la terre. Il n'y a plus non plus de «lieu naturel», et on ne préoccupe plus en science que des causes matérielles et efficientes.

Bien sur, j'imagine que vous êtes familier avec tout cela. Mais il est important de bien voir la distinction profonde entre ces deux visions du monde, qui dépasse le simple clivage: la terre tourne autour du soleil ou l'inverse. Et il se fait aussi que Kepler et Galilée avaient vu juste, que leur vision du monde était bien plus proche de la vérité que de celle de leurs opposants.
Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu? Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent.
Veux-tu savoir, homme insensé, que la foi sans les œuvres est stérile?

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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par jeanbaptiste » jeu. 05 avr. 2012, 16:31

La description du mouvement des corps est aussi imprégnée de finalisme. La mécanique d'Aristote survivait encore (et à peine adaptée), elle classait les causes en matérielles, efficientes, formelle et finale et surtout fait la distinction entre mouvement naturel et mouvement violent. Ainsi un caillou tombe parce qu'il rejoint l'endroit «où il est sensé être».

Avec Galilée et Kepler, tout cela va changer. Et l'histoire montrera qu'ils ont eu raison.
Raison sur la remise en cause des mondes sub et supra-lunaire, oui.

Raison sur l'abandon des causalités multiples, c'est beaucoup moins évident. Le mécanisme se définit par la réduction à un seul type de causalité. C'est un "choix" philosophique, ça n'est pas une vérité de fait.

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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par Enyo32 » jeu. 05 avr. 2012, 18:13

Merci à tous pour vos commentaires ! ils permettent d'ajuster et d'affiner cet exposé ! Je me rends compte que j'ai écrit certaines phrases un peu vite, qui prettent à confusion !
ti'hamo a écrit :Votre bibliographie m'intéresse au plus haut point... pourriez-vous nous la détailler précisément, s'il vous plaît ?
Alors là, j'avoue que ça va être difficile et j'ai bien peur de vous décevoir... :oops: Pour les citations, j'ai mis en dessous d'elles leur origine. Pour le reste, on peut le trouver n'importe où en cherchant un peu (comme quand il est question des travaux de Copernic, Kepler, Eratosthène, etc...). Sinon, le reste vient de cours et de conférences... Je vais demander aux professeurs de me donner les livres sur lesquels ils s'appuient. Je reconnais que c'est ce qui fait la faiblesse de l'exposé, l'absence de bibliographie J'espère y remédier par la suite ! La seule source que je peux pour l'instant vous citer : Historiquement Incorrect de Jean Sévillia.

roll a écrit :C'est faux. C'est plutôt David Fabricius et son fils qui donnent la première bonne interprétation et les premières études sérieuses. Les tâches elles-même ayant été remarquées dès l'antiquité.
Ok, c'est corrigé. Mais j'ai lu et entendu plusieurs fois que c'étaient Nicolas de Cues et Kepler. De toutes façon, l'important est ici de montrer que ce n'est pas Galilée, comme lui-même l'a pourtant laissé entendre dans son Dialogue.
roll a écrit :- Pour le microscope, c'est pas vraiment clair. Il y a débat si il s'agit de Galilée ou des Jansen, mais présenter comme un fait avéré qu'il ne s'agit pas de Galilée n'est pas très correct.

- Pour le thermomètre, idem, ce n'est d'ailleurs pas vraiment l'invention d'un seul homme mais la contribution de Galilée est claire.

- Pour l'horloge à pendule, même si Galilée n'est pas le premier à en avoir conçu une, il est le premier à l'imaginer à partir de ses travaux sur le pendule simple. Il est donc le vrai concepteur sur le plan théorique.

- La loi d'inertie: bien sur que c'est Galilée. On commençait à la deviner plus ou moins auparavant, mais c'était encore flou et en fait très loin de la bonne réponse.

Pour l'astronomie: Galilée à découvert quatre satellites de Jupiter, les phases de Venus, et que la lune n'est pas une sphère parfaite.

De plus, il a découvert les lois du pendule simple dans la limite des faibles oscillations, et a décrit correctement la chute des corps pesants.
Ok, merci beaucoup. Visiblement vous semblez mieux vous y connaître que ce que j'ai lu ! Je corrigerai. L'important de ce point était surtout de montrer que l'affaire Galilée ne se résume pas à un savant et inventeur génial et incompris face à une église catholique obscurantiste, voulant cacher à tout pris les vérités qui la dérange. Certaines inventions font débats.
roll a écrit :Non, c'est Aristarque de Samos, bien avant Copernic.
C'est vrai, et je l'avais bien noté. En fait, ma phrase est mal formulée, je la reformulerai : je voulais simplement dire que Galilée a repris les idées de Copernic (qui n'était bien entendu pas le premier à avancer l'héliocentrisme). Que ce n'est pas Galilée l'inventeur de ce système.

roll a écrit :En fait, dès que les lois de Kepler ont été énoncées elles constituaient un argument très fort pour l'héliocentrisme. Quant à Galilée, il avait quand même deux arguments au moins: les marées (mais il est vrai que son modèle ne fonctionnait pas) et les phases de Vénus (qui sont bien plus difficiles à expliquer dans le modèles géocentrique pour autant que cela soit possible). Sa découverte des satellites de Jupiter montrait aussi que tout les corps ne tournaient pas autour de la terre.
Je ne connaissais pas l'argument des satellites de Jupiter. Je le rajouterai dans l'exposé.
Quoiqu'il en soit (et c'est cela qui est important), l'héliocentrisme, à l'époque, n'a pas fait l'unanimité et le géocentrisme restait encore le système le plus pertinent pour expliquer l'univers, même s'il souffrait de quelques difficultés (dont le parcours erratique des planètes). Le système proposé par Copernic était plus complexe. Il était donc logique, pour l'époque, que l'on garde encore le système géocentrique en attendant que l'héliocentrique fasse encore ses preuves : ce n'était encore qu'une hypothèse, non une certitude, démontrée, avérée, comme ce le sera par la suite.
roll a écrit :Quand on voit les immenses apports à la science apportés par Galilée et par Kepler (surtout comparé aux deux autres), ceci a vraiment de quoi faire rire.
Cette phrase ne veut pas abattre les travaux scientifiques de Galilée et Kepler, mais souligner que dans l'affaire Galilée, Galilée n'a pas respecté la méthode scientifique : il déclarait comme certain quelque chose qui ne l'était pas encore à l'époque (mais le sera effectivement par la suite).
roll a écrit :Hum, votre manière de couper la citation est particulièrement malhonnête. La phrase complète:
Mais vouloir affirmer absolument que le soleil est au centre de l’univers et tourne seulement sur son axe sans se déplacer de l’est à l’ouest est une très dangereuse attitude qui est destinée non seulement à irriter les philosophes scolastiques et les théologiens, mais aussi à porter atteinte à la sainte foi, en contredisant l'Écriture.
Ce n'est pas moi qui est coupé la phrase, mais la source d'où je la tient. Et le but de celle-ci n'était pas celui que j'ai cherché dans cet exposé (montrer que les intellectuels catholiques n'étaient pas tous hostiles à l'héliocentrisme). Je reconnais qu'effectivement, il manque un bout important ! je l'ai rajouté : il n'enlève pas l'important de cette citation, qui est de montrer que le Cardinal Bellarmin était près à changer l'interprétation des Ecritures, et non à cacher cette découverte scientifique, il elle était avérée (comme on veut souvent nous le faire croire).
roll a écrit :Non, c'est pas vraiment ça, le falsificationisme.
Je savais qu'on me reprendrai sur ce point. En fait, par falsificationisme, j'entendais la méthode hypothético-déductive de contrôle, c'est-à-dire celle qui consiste à faire des "conjectures audacieuses et des tentatives ingénieuses et rigoureuses pour les réfuter" selon Karl Popper. En gros, insister sur le caractère "conservateur" de la science, qui conserve une théorie tant qu'elle n'a pas été réfutée par une autre plus efficace. ce qui a été fait durant l'affaire Galilée.
roll a écrit :C'est faux, comme je l'ai dit, en plus je ne vois pas trop grand quels seraient ces «nombreux arguments».
En tout cas, à l'époque de Galilée, l'héliocentrisme était expliqué par le système de Copernic, qui lui était plus complexe que le géocentrique de l'époque. L'héliocentrisme n'avait donc pas de raisons particulières d'être plus accepté que le géocentrisme. Quant aux arguments du géocentrisme, je pense que l'expérience première du réel que nous avons, et qui nous semble évidente, suffit.
roll a écrit :C'est possible, mais le modèle le plus simple est en fait celui de Kepler...
Je ne connais pas celui de Kepler et n'en ai pas entendu parler dans cette affaire. Quoiqu'il en soit, il semblait ne pas faire l'unanimité à l'époque de Galilée, puisque de nombreux intellectuels demandaient aux partisans de l'héliocentrisme leurs preuves, et que ceux-ci avouaient que leur thèse n'était pas certaine, indubitable, mais seulement probable, que c'était juste une hypothèse (comme le reconnaissait l'Eglise). Copernic lui-même le reconnaissait. Voir les citations de Bellarmin, du Père Père Cristoforo Griemherger, ou encore du Père Honoré Fabri.

Merci beaucoup d'avoir apporté ces précisions ! :oui:
" Notre religion est sage et folle. Sage, parce qu'elle est celle qui est la plus confortée par la raison. Folle, parce que ce n'est point d'abord à cause de sa sagesse qu'on en fait partie." d'après une citation de Pascal

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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par lmx » jeu. 05 avr. 2012, 19:07

J'ai l'impression que vous faites dire à ces auteurs ce qu'ils ne disent pas. Ou peut-être que je ne comprend pas ce que dites: tout le monde est quand même d'accord que pour qu'une théorie soit bonne il faut au minimum qu'elle soit en accord avec les observations. Ça ce n'est pas qu'une affaire de pragmatisme !
non tout le monde n'est pas d'accord avec ça et Duhem et Poincaré n'étaient certainement pas d'accord avec l'idée qu'une théorie pût être plus vraie qu'une autre. Une théorie n'atteignant pas la nature des choses, leur essence, mais des aspects extérieurs, sensibles ou quantitatifs, partant, le choix d'une théorie est affaire de pragmatisme.
Ainsi pour Poincaré ça veut dire qu'une géométrie ne dit rien sur la structure de l'espace (au contraire de ce que pensait Enstein) et que le choix d'une géométrie non euclidienne au profit de la géométrie euclidienne n'est qu'une question pratique. Aussi pour ce qui est des théories sur l'éther à l'époque, il disait expressément se moquer de savoir si l'éther existait ou non du moment que cet "éther" permettait de rendre compte des observations. Pragmatisme ne veut pas dire irrationalité, car si une théorie est plus "pragmatique" qu'une autre c'est qu'elle est meilleure qu'une autre, plus robuste, plus efficace, mais pas pour autant plus fondée sur la nature des choses inaccessible à la science. De ce fait pour notre grand savant une vieille théorie conserve son utilité. D'ailleurs, au dire de Thomas Kuhn le système géocentrique est encore utilisé pour donner des calculs sur le mouvement des étoiles.

Maintenant, quel est, à mon sens, l'esprit du conventionalisme ? C'est en réalité le même que celui des grecs : "sauver les phénomènes" (sozein ta phainonema) par des hypothèses a priori qui permettent ensuite de construire une représentation du monde rendant compte des observations.
Mais là où Galilée n'est pas honnête c'est avec cette histoire d'"expériences de pensées", qui étaient des hypothèses invérifiables (ce qu'il ne veut pas admettre) et qu'il concevait pourtant comme plus réelles que les expériences elles-mêmes. D'ailleurs sa loi de l'inertie d'où vient-elle ? Sûrement pas de l'expérience, étant donnée qu'on ne trouve jamais de mouvement rectiligne. On est donc en présence d'une théorie a priori qui permet comme l'a bien résumé Koyré dans ses études galiléennes d'expliquer ce qui est à partir de ce qui n'est pas. Rien d'étonnant car la théorie précède toujours l'expérience comme le reconnaissait bien Popper qui n'était pas un conventionaliste.
La différence entre les grecques et les modernes avant Poincaré, c'est que les grecques étaient parfaitement conscients de ce qu'ils faisaient, ils avaient ce recul réflexif qui fait défaut au scientifique moderne par manque de culture philosophique. Ils avaient ce recul qui les empêchaient d'être dupes des prodiges de la science.
Que pour les grecs la "mécanique" (mèchanè) soit synonyme de ruse est plutôt significatif.

Bref, pour en revenir à notre principe méthodologique ("sauver les phénomènes"), on comprend qu'il admet la cohabitation de systèmes logiquement contradictoires mais empiriquement équivalents. D'ailleurs, à l'époque nombreux étaient les astronomes pour féliciter à la fois Copernic et Brahé sans se soucier de savoir si oui ou non la terre était au centre (centre géométrique et non centre réel) du monde, l'essentiel étant pour eux d'avoir une théorie qui rende compte des phénomènes avec plus de précision. Si tout le monde s'en était tenu à ce principe, si on avait pas fait montre de part et d'autre d'un réalisme naïf, si on avait écouté Bellarmin qui cherchait à calmer le jeu, les choses auraient peut-être pu se passer différemment.
Cela dit il semble bien le Pape amateur de science cherchait plutôt à sauver Galilée en le condamnant pour une broutille qu'autre chose.
Mais vous avez complètement raison qu'il y a derrière cette affaire bien plus qu'un simple désaccord sur le mouvement des planètes. En effet, au géocentrisme était associé des concepts de perfection du monde et du ciel en particuliers. La Terre devait être immobile, au centre de l'univers, et être de nature différente que le ciel. Ainsi, il y avait une distinction radicale entre le monde sublunaire et le monde supralunaire: sur la terre (monde sublunaire) tout est changeant et incertains, les choses sont corruptibles et les êtres vivants naissent et meurent. Le monde supralunaire est tout autre: beau, immuable, parfait et stable pour l'éternité. La distinction va même jusqu'à attribuer une substance différente au ciel.
Les distinctions ontologiques entre les cieux ne tenaient de toute façon plus précisément parce que l'univers était désormais pris comme un tout surplombé par un Dieu transcendant, ce qui allait fatalement entrainer l'affaiblissement des distinctions. Bref par rapport à Dieu, terre et ciel n'était rien. Le christianisme a aidé à faire tomber cette barrière.
C'est ainsi qu'on verra déjà un Nicolas de Cuse concevoir un univers sans limites, indéfini et donc sans centre physique, mais sans pour autant l'homogénéiser sur le plan ontologique. Son monde est encore un monde fait de choses ontologiquement variées, de substances. Son monde garde donc des degrés d'intelligibilités, et dont l'intelligibilité métaphysique prévaut encore sur l'intelligibilité matérielle.
Mais le problème n'était pas là.

La cosmologie de cette époque avait une valeur anthropologique qui faisait que l'homme vivait dans un milieux lui permettant de déployer son essence son humanité. Le monde avait un sens, il était le livre de Dieu, un symbole, non un processus muet où Dieu est réduit à "lui donner une chiquenaude".
D'autre part, ce monde était, quoique fini et limité, qualitativement ouvert, ouvert en profondeur du fait de l'immanence du divin en lui. C'était un monde d'essences et non un monde de figures géométriques réifiées, de res extensa, littéralement enfermé dans une condition spatiale où tout se trouve réduit à un seul type d'intelligibilité et à un seul type de causalité. Ce monde avait une vérité profonde en lui qu'il fallait sauvegarder.
Lais avec Galilée, le physique étouffe le métaphysique, et la physique et les mathématiques remplaçant la philosophie, la possibilité de l'existence d'un être va dépendre de la possibilité de l'appréhender sur le plan quantitatif. Tel est le problème de l'univers de Descartes et de Galilée, univers euclidien plat, géométrique, truqué, où les qualités sensibles soient s'évanouissent, soient sont mathématisées c'est-à-dire quantifiées. Et ce monde là, monde fait d'êtres de raison (certes fondés sur un aspect des choses) et non d'être réelles avec toute leur diversité qualitative (qui va du sensible à l'intelligible pur, soit, à l'être), monde de la barbarie selon Michel Henry, n'est pas le vrai monde, ce n'en est qu'une réduction, et il n'y avait pas à le canoniser.


Raison sur l'abandon des causalités multiples, c'est beaucoup moins évident. Le mécanisme se définit par la réduction à un seul type de causalité. C'est un "choix" philosophique, ça n'est pas une vérité de fait.
D'où la nécessité de garder à l'esprit qu'il y a des degrés d'abstractions, des degrés d'intelligibilités traités par chaque science.
Tout est choix philosophique : penser qu'il y une réalité extérieure, qu'elle est intelligible et saisissable, qu'il y a des mathématiques dans les choses etc. On doit d'ailleurs à Meyerson (encore un épistémologue français précurseur) la mise en évidence que théories physiques comportent des postulats métaphysiques.
Ainsi pour le cas Galilée, la géométrisation du monde en glissant par en dessous le monde réel un monde géométrique, Husserl parlait de "substruction", fut aussi un de ces paris métaphysiques qui s'est révélé fécond. On peut en faire crédit à Galilée. Mais on ne peut accepter de réduction du monde à des figures géométriques ou à quoi que ce soit d'autre autrement que méthodiquement et provisoirement.
Avec Descartes et lui la science s'est débarrassée de ce qui ne l'a concernait pas (essences, finalité, causalité formelle etc) mais ensuite elle a prétendu légiférer sur l'ensemble du réel et c'est cela qui est inacceptable.

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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par roll » jeu. 05 avr. 2012, 19:20

Enyo32 a écrit :Je ne connais pas celui de Kepler et n'en ai pas entendu parler dans cette affaire.
Le modèle de Kepler est presque le modèle actuel, si on exclue certaines corrections infimes à cause de phénomènes comme des perturbations gravitationnelles entre planètes ou des corrections de la relativité générale. Dans le modèle de Kepler, toutes les planètes tournent autour du Soleil, y compris la Terre. Il n'y a aucun épicycle. Les planètes décrivent des ellipses dont le Soleil occupe l'un des foyer (c'est la première loi). Il découvre aussi que les planètes sont plus rapides lorsqu'elles sont plus proches du Soleil, plus précisément que les aires balayés par le rayon Soleil-planète en des temps égaux sont égales (deuxième loi). Avec une image, c'est plus facile à comprendre:
Image
Il découvre enfin que le carré de la période sidérale d'une planète est proportionnel au cube du grand axe de l'orbite (troisième loi). En clair: plus une planète est éloignée du Soleil, moins vite elle se déplace sur son orbite.

Ces trois lois ne sont qu'une conséquence de la loi de gravitation comme le montrera Newton, il est d'ailleurs remarquable que Kepler en avait déjà l'intuition: «Une chose est certaine : du Soleil émane une force qui saisit la planète.»

Ces trois lois, simples et précises, suffisent à mettre le géocentrisme hors-jeux. Toutes les observations s'accordent très précisément au modèle, sans aucun épicycle. Il est d'ailleurs sociologiquement intéressant de constater que le héros de l'héliocentrisme est Galilée dans la tête de l'homme de la rue, alors que Kepler avait les arguments les plus forts. Que Galilée n'est connu que par son opposition avec l'église et non par ses immenses travaux en mécanique (sur le principe d'inertie et de relativité) alors que le nom de Kepler est lui très peu connu.

Kepler fut malmené à cause de ses travaux (ce qui à mon avis montre que l'ouverture d'esprit que vous attribuez aux hommes d'Églises de l'époque est en fait un peu moins grande que vous ne le pensez) mais ce fut bien moins retentissant que l'affaire Galilée. Ceci est bien sur la conséquence du caractère de ce dernier, assez enclin à la polémique. Galilée méprisait Kepler et c'était sa plus grande erreur: avec l'aide de Kepler, je suis presque sur qu'il aurait obtenu gain de cause et aurait pu constituer une défense solide. Kepler avait même eu le génie de comprendre que les marées étaient dues à l'attraction de la Lune, idée que Galilée trouvait ridicule [1]. Et pourtant, adhérer à cela l'aurait empêché de se fourvoyer dans son explication des marées.

C'est un peu triste quelque part, que Galilée ait eu tant de gloire uniquement grâce à cette affaire, et Kepler si peu, et que les travaux les plus important de Galilée ont été éclipsée par toute cette histoire.

[1]: Galilée dit dans les Dialogues: « Mais de tous les grands hommes qui ont philosophé sur cet effet si étonnant de la nature, c’est Kepler qui m’étonne le plus : cet esprit libre et pénétrant avait à sa disposition les mouvements attribués à la Terre, il a pourtant prêté l’oreille et donné son assentiment à un empire de la Lune sur l’eau, des propriétés occultes et autres enfantillages du même genre. »
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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par roll » jeu. 05 avr. 2012, 19:52

lmx a écrit :non tout le monde n'est pas d'accord avec ça et Duhem et Poincaré n'étaient certainement pas d'accord avec l'idée qu'une théorie pût être plus vraie qu'une autre. Une théorie n'atteignant pas la nature des choses, leur essence, mais des aspects extérieurs, sensibles ou quantitatifs, partant, le choix d'une théorie est affaire de pragmatisme.
Si une théorie n'est pas en accord avec les observations (et plus généralement, qu'on ne peut la modifier pour que ce soit le cas), alors on la jette. Ne pas faire cela serait tomber dans le relativisme le plus absurde.
lmx a écrit :Ainsi pour Poincaré ça veut dire qu'une géométrie ne dit rien sur la structure de l'espace (au contraire de ce que pensait Enstein) et que le choix d'une géométrie non euclidienne au profit de la géométrie euclidienne n'est qu'une question pratique. Aussi pour ce qui est des théories sur l'éther à l'époque, il disait expressément se moquer de savoir si l'éther existait ou non du moment que cet "éther" permettait de rendre compte des observations.
Et on voit où a conduit ce mode de pensée: il a échoué à construire la théorie de la relativité là où Einstein a réussit. Cette théorie a d'ailleurs été assez puissante pour faire des tonnes de prédictions.
lmx a écrit :Pragmatisme ne veut pas dire irrationalité, car si une théorie est plus "pragmatique" qu'une autre c'est qu'elle est meilleure qu'une autre, plus robuste, plus efficace, mais pas pour autant plus fondée sur la nature des choses inaccessible à la science. De ce fait pour notre grand savant une vieille théorie conserve son utilité. D'ailleurs, au dire de Thomas Kuhn le système géocentrique est encore utilisé pour donner des calculs sur le mouvement des étoiles.
Ce qui importe, c'est que l'on SAIT que le système géocentrique est faux. On peut l'utiliser en tant qu'«astuce» pour certaine chose, je veux bien le croire, ça ne change rien au fait qu'il est certain qu'il soit faux.
lmx a écrit :Maintenant, quel est, à mon sens, l'esprit du conventionalisme ? C'est en réalité le même que celui des grecs : "sauver les phénomènes" (sozein ta phainonema) par des hypothèses a priori qui permettent ensuite de construire une représentation du monde rendant compte des observations.
Mais là où Galilée n'est pas honnête c'est avec cette histoire d'"expériences de pensées", qui étaient des hypothèses invérifiables (ce qu'il ne veut pas admettre) et qu'il concevait pourtant comme plus réelles que les expériences elles-mêmes. D'ailleurs sa loi de l'inertie d'où vient-elle ? Sûrement pas de l'expérience, étant donnée qu'on ne trouve jamais de mouvement rectiligne. On est donc en présence d'une théorie a priori qui permet comme l'a bien résumé Koyré dans ses études galiléennes d'expliquer ce qui est à partir de ce qui n'est pas. Rien d'étonnant car la théorie précède toujours l'expérience comme le reconnaissait bien Popper qui n'était pas un conventionaliste.
En fait, Galilée faisait des expériences de pensées mais aussi de l'observations, le principe d'inertie n'est quand même pas sorti de nulle part (à vous lire on pourrait presque croire qu'il est tombé juste par chance).
lmx a écrit :La différence entre les grecques et les modernes avant Poincaré, c'est que les grecques étaient parfaitement conscients de ce qu'ils faisaient, ils avaient ce recul réflexif qui fait défaut au scientifique moderne par manque de culture philosophique. Ils avaient ce recul qui les empêchaient d'être dupes des prodiges de la science.
Que pour les grecs la "mécanique" (mèchanè) soit synonyme de ruse est plutôt significatif.
Et ils étaient beaucoup moins efficaces...
lmx a écrit :Bref, pour en revenir à notre principe méthodologique ("sauver les phénomènes"), on comprend qu'il admet la cohabitation de systèmes logiquement contradictoires mais empiriquement équivalents.
En réalité, cela n'arrive pour ainsi dire, jamais. Et quand cela arrive, la bonne méthode épistémologique est d'utiliser le rasoir d'Occam.
lmx a écrit :D'ailleurs, à l'époque nombreux étaient les astronomes pour féliciter à la fois Copernic et Brahé sans se soucier de savoir si oui ou non la terre était au centre (centre géométrique et non centre réel) du monde, l'essentiel étant pour eux d'avoir une théorie qui rende compte des phénomènes avec plus de précision. Si tout le monde s'en était tenu à ce principe, si on avait pas fait montre de part et d'autre d'un réalisme naïf, si on avait écouté Bellarmin qui cherchait à calmer le jeu, les choses auraient peut-être pu se passer différemment.
Ne pas se soucier de savoir si la Terre est au centre ou non est absurde. Le but de la science, c'est de savoir ce qui se passe en réalité, sans cela, faire de la science est tout simplement inutile.
lmx a écrit :La cosmologie de cette époque avait une valeur anthropologique qui faisait que l'homme vivait dans un milieux lui permettant de déployer son essence son humanité. Le monde avait un sens, il était le livre de Dieu, un symbole, non un processus muet où Dieu est réduit à "lui donner une chiquenaude".
D'autre part, ce monde était, quoique fini et limité, qualitativement ouvert, ouvert en profondeur du fait de l'immanence du divin en lui. C'était un monde d'essences et non un monde de figures géométriques réifiées, de res extensa, littéralement enfermé dans une condition spatiale où tout se trouve réduit à un seul type d'intelligibilité et à un seul type de causalité. Ce monde avait une vérité profonde en lui qu'il fallait sauvegarder.
Fallait-il donc le sauvegarder au prix de la vérité?
lmx a écrit :Lais avec Galilée, le physique étouffe le métaphysique, et la physique et les mathématiques remplaçant la philosophie, la possibilité de l'existence d'un être va dépendre de la possibilité de l'appréhender sur le plan quantitatif. Tel est le problème de l'univers de Descartes et de Galilée, univers euclidien plat, géométrique, truqué, où les qualités sensibles soient s'évanouissent, soient sont mathématisées c'est-à-dire quantifiées. Et ce monde là, monde fait d'êtres de raison (certes fondés sur un aspect des choses) et non d'être réelles avec toute leur diversité qualitative (qui va du sensible à l'intelligible pur, soit, à l'être), monde de la barbarie selon Michel Henry, n'est pas le vrai monde, ce n'en est qu'une réduction, et il n'y avait pas à le canoniser.
Le monde de Galilée est plus proche de la réalité que celui de ses contradicteurs. Ceci est prouvé alors je ne comprend pas pourquoi il faut regretter la victoire de cette vision.
lmx a écrit :D'où la nécessité de garder à l'esprit qu'il y a des degrés d'abstractions, des degrés d'intelligibilités traités par chaque science.
Tout est choix philosophique : penser qu'il y une réalité extérieure, qu'elle est intelligible et saisissable, qu'il y a des mathématiques dans les choses etc. On doit d'ailleurs à Meyerson (encore un épistémologue français précurseur) la mise en évidence que théories physiques comportent des postulats métaphysiques.
Je voudrait bien savoir de quel postulat il parle, parce que c'est faux.
lmx a écrit :Ainsi pour le cas Galilée, la géométrisation du monde en glissant par en dessous le monde réel un monde géométrique, Husserl parlait de "substruction", fut aussi un de ces paris métaphysiques qui s'est révélé fécond. On peut en faire crédit à Galilée. Mais on ne peut accepter de réduction du monde à des figures géométriques ou à quoi que ce soit d'autre autrement que méthodiquement et provisoirement.
Avec Descartes et lui la science s'est débarrassée de ce qui ne l'a concernait pas (essences, finalité, causalité formelle etc) mais ensuite elle a prétendu légiférer sur l'ensemble du réel et c'est cela qui est inacceptable.
Dites moi précisément dans quel domaine se trouve la science alors qu'elle ne devrait pas y être?

Tout ceci me fait penser à la question du Temps. La nature du temps est une question qui taraude les philosophes depuis toujours. Qu'on t-il appris de nouveau à ce propos depuis l'Antiquité? Rien du tout. Qu'est ce qu'est les physiciens ont appris sur le temps ? Énormément de chose. Magré cela, c'est les scientifiques que l'on qualifie de «dupes des prodiges de la science»...
Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu? Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent.
Veux-tu savoir, homme insensé, que la foi sans les œuvres est stérile?

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Re: L'affaire Galilée

Message non lu par lmx » jeu. 05 avr. 2012, 21:37

Si une théorie n'est pas en accord avec les observations (et plus généralement, qu'on ne peut la modifier pour que ce soit le cas), alors on la jette. Ne pas faire cela serait tomber dans le relativisme le plus absurde.
Il ne s'agit pas de légiférer sur la méthode scientifique, mais de prendre le recul pour faire la genèse critique d'une théorie et d'une méthode, pour savoir de quoi on parle réellement.
Du reste, ce que vous dites n'est pas historiquement vrai, de grandes théories ont été invalidées mais pourtant conservées et développées. Maintenant, on ne procède peut-être plus de la sorte mais j'en doute.
En fait, Galilée faisait des expériences de pensées mais aussi de l'observations, le principe d'inertie n'est quand même pas sorti de nulle part (à vous lire on pourrait presque croire qu'il est tombé juste par chance).
Mais vous admettez qu'il procédait a priori, qu'il imaginait des conditions expérimentales pour chercher à comprendre comment les corps se comportaient.
En réalité, cela n'arrive pour ainsi dire, jamais. Et quand cela arrive, la bonne méthode épistémologique est d'utiliser le rasoir d'Occam.
La science a son caractère dogmatique n'est ce pas ce que montre Kuhn ? Elle a ses 'dogmes' qui deviennent plus tard des obstacles épistémologiques (Bachelard) qui lui permettent de se surmonter.

Ne pas se soucier de savoir si la Terre est au centre ou non est absurde. Le but de la science, c'est de savoir ce qui se passe en réalité, sans cela, faire de la science est tout simplement inutile.
Oui c'est le but. Mais vous oubliez que la science a aussi son caractère historique et qu'elle n'est pas monolithique.
Fallait-il donc le sauvegarder au prix de la vérité?
Sauvegarder les vérités plus haute dont il était porteur, oui il le fallait.
La théorie n'étant qu'un filet de pêche et ne dégageant qu'un aspect du réel, le passage d'une théorie à une autre implique forcément des pertes.
Je voudrait bien savoir de quel postulat il parle, parce que c'est faux.
L'existence en une réalité extérieure ce que les docteurs du bouddhisme mettent en doute d'une façon extrêmement brillante. Par exemple croyez vous que vous pouvez savoir scientifiquement si la réalité existe ou non ? Le fait même de l'étudier présuppose son existence, et l'existence d'outils propres à l'étudier.
On vit tous sur des "postulats" mais nous n'avons pas conscience qu'il s'agit de postulats indémontrables "scientifiquement".

Maintenant, prenons Newton par exemple : d'où croyez vous que sa théorie sur l'espace absolu vient ? Ne me dites pas que cette théorie est le fruit du triomphe la rationalité, de l'expérience (ou de quelque autre baliverne) comme les manuels l'enseignent probablement.
Il s'agit d'une théorie mystique en vogue en Angleterre où l'espace est conçu comme un attribut de Dieu et à laquelle Newton donnera des fondements scientifiques. Pour cette raison que l'espace était une sorte d'extension divine, Leibniz qui ne voulait pas d'un Dieu immanent, mais d'un Dieu horloger pour ne pas le rendre responsable du mal dans le monde, a longuement polémiqué avec les newtoniens. Tout ceci était habillé d'expériences, de justifications "scientifiques", mais à la base il s'agit d'un postulat métaphysico-mystique qui trouve ses justifications a postériori et cette polémique est une polémique fondamentalement théologique opposant deux visions du monde. Mais une fois que la vision newtonienne de l'espace aura triomphé, on oubliera vite les fondements de sa conception de l'espace pour ne retenir que l'espace-contenant, objectif, infini.

Quand Descartes réduit la réalité à de l'étendue à une matière invisible, l'étendue (la res extensa), c'est un postulat, et quand il fait de la réalité une machine, c'est un postulat, il parie qu'en réduisant la réalité de la sorte il pourra mieux l'étudier, et de cette réduction dépend la possibilité d'un certain type de phénomène. Bref, pour reprendre la métaphore de Popper et de sa théorie-filet de pèche, selon le maillage du filet un certain type de phénomène sera péché.

Autre exemple, sur quoi est fondé le modèle cosmologique du 19è ? Au dire de Heinsenberg, de la croyance que l'atome constitue l'étant ultime, la réalité ultime et inaltérable. Ce modèle est fondé sur le matérialisme antique avec comme matrice implicite Démocrite, Lucrèce (mais aussi Epicure) dont les représentations du monde vont ressurgir à la Renaissance.
Ainsi, comme le dit encore Koyré la matière éternelle dans la nouvelle cosmologie (celle de Laplace où Dieu est une hypothèse superflue) allait se voir conférer tous les attributs de la divinité. Et, c'est finalement d'une part, ce qui fait que, comme l'a encore dit le savant allemand dans sa célèbre conférence, toute révolution cosmologique implique un changement de concept de réalité, et c'est d'autre part précisément ce qui signifie qu'il est absurde de vouloir voir dans les sciences positives des sciences englobant la totalité du réel.

Tout ceci me fait penser à la question du Temps. La nature du temps est une question qui taraude les philosophes depuis toujours. Qu'on t-il appris de nouveau à ce propos depuis l'Antiquité? Rien du tout. Qu'est ce qu'est les physiciens ont appris sur le temps ? Énormément de chose. Magré cela, c'est les scientifiques que l'on qualifie de «dupes des prodiges de la science»...
Quand je lis ce que dit Louis Lavelle (hélas oublié) sur le temps et la mémoire, je comprends pourquoi le souvenir chez Proust est si important, pourquoi le souvenir apparaît parfois plus réel que le présent, pourquoi la mémoire est si importante pour un être humain et qu'il ne peut en être dépossédé sans oublié qui il est.
Quand on lit St Augustin on mesure toute la différence qui sépare sa conception du temps, comme possibilité continue de l'irruption d'une nouveauté, de celle de ses prédécesseurs avec leur temps cyclique. Et c'est avec ce temps, avec cette conception de l'histoire que nous vivons tous en Occident sans nous rendre compte, mais qui n'est en rien une évidence.
Quand je prends connaissances de ce que dit d'Einstein eh bien je n'apprends strictement rien sur moi, et pourtant sa relativité me fascine.
Cela dit si vous êtes athée et matérialiste il est compréhensible que ce que puisse dire la philosophie ne soit que balivernes et que seul l'aspect matériel des choses vous intéresse. Cela je peux le comprendre, mais pour se comprendre il faut savoir quels principes nous avons pour point de départ et desquels dépend toute notre conception du monde et de l'existence.
Dites moi précisément dans quel domaine se trouve la science alors qu'elle ne devrait pas y être?
Quand elle prétend dire ce qu'est un être humain, ou quand elle prétend dire qu'il n'y a aucune finalité dans le monde et que tout est le fruit du hasard ; ou encore, quand elle prétend avec Hawkins pouvoir étudier Dieu comme n'importe quel autre être, c'est qu'elle n'a pas compris ses limites et le domaine sur lequel elle porte.

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