Bonjour ledisciple,
Examinons votre thèse, et voyons où elle peut nous mener.
ledisciple a écrit :Cgs a écrit :Vous avez raison de dire que l'enseignement de l'Eglise n'a jamais changé concernant la religion mahométane.
Vous dites cela, pas moi. Je dis qu'avec l'encyclique Nostra Ætate, si courte et pourtant si révolutionnaire dans l'Eglise catholique, une grande partie du patrimoine catholique est balayé pour reconnaitre l'Islam en tant que religion monothéiste abrahmique. Vous dites encore que je me réfère à Jean-Paul II, et non! Le Bienheureux Jean-Paul II, vient bien après. L'encyclique Nostra Ætate qui est 1789 dans l'Eglise, date du 28 octobre 1965 par le pape Paul VI.
La déclaration Nostra Aetate fait partie des documents du concile oecuménique Vatican II, et à ce titre, c'est un document issu de l'autorité d'un concile, inspiré par l'Esprit Saint. Il faut bien comprendre cette notion d'autorité d'un concile. Un document pour vous y aider :
http://www.vatican.va/roman_curia/ponti ... na_fr.html
15. Dans l’Église, l’autorité est fondée sur la Parole de Dieu, présente et vivante dans la communauté des disciples. L’Écriture est la Parole de Dieu révélée, telle que l’Église, par l'Esprit Saint présent et actif en elle, l’a discernée dans la Tradition vivante reçue des apôtres. L’Eucharistie est au cœur de cette Tradition (cf. 1 Co 10,16-17 ; 11,23-26). L’autorité de l’Écriture découle du fait que la Parole de Dieu, lue dans l’Église et par l’Église, transmet l’Évangile de salut. À travers l’Écriture, le Christ parle à la communauté rassemblée et au cœur de chaque croyant. L’Église, par l'Esprit Saint présent en elle, interprète l’Écriture de manière authentique, en réponse aux besoins des temps et des lieux. La coutume constante des Conciles d’introniser les Évangiles au centre des assemblées atteste la présence du Christ dans sa Parole, qui est la référence nécessaire pour toutes leurs discussions et leurs décisions, et en même temps elle affirme l’autorité de l’Église dans l’interprétation de cette Parole de Dieu.
Il est fondamental de comprendre que l'autorité dans l'Eglise vient de Jésus-Christ, autorité qu'il a déléguée aux apôtres, au collège des évêques, et ainsi à toute l'Eglise (au sens communauté des croyants). Mais le Christ reste présent parmi nous comme il l'a promis, et ce jusqu'à la fin des temps. L'Esprit Saint assiste en permanence l'Eglise, y compris lors d'un concile.
En conséquence, si la déclaration Nostra Aetate est qualifiée de 1789 dans l'Eglise, cela pose un gros problème :
soit l'Eglise se trompe sur les autres religions depuis 20 siècles, Nostra Aetate étant inspiré du Saint Esprit, mais étant contradictoire avec les enseignements précédents de l'Eglise. Mais si l'Eglise se trompe sur ce point depuis 20 siècles, cela signifie que Dieu a abandonné son Eglise et l'a laissé dans l'erreur. Impossible, à moins de faire de Jésus-Christ un menteur, et l'Esprit Saint un lâcheur...
soit, et j'ai l'impression que c'est l'idée que vous défendez, l'Eglise a enseigné sans faillir pendant 20 siècles, et une rupture a eu lieu avec le concile Vatican II et en particulier cette déclaration Nostra Aetate. Ceci pose également problème, car cela signifie que Dieu a abandonné l'Eglise a ses erreurs depuis les années 60. On retombe dans le paradoxe d'un Dieu menteur.
Permettez-moi une troisième possibilité, tant je ne peux pas concevoir les deux premières. Et si les fidèles n'avaient pas bien compris la déclaration Nostra Aetate ? Après tout, ce même concile Vatican II, dans la constitution dogmatique Dei Verbum, dit qu'il se rattache à tous les conciles précédents.
1. Le but de la Constitution sur l’Église
Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16, 15). L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de mettre dans une plus vive lumière, pour ses fidèles et pour le monde entier, en se rattachant à l’enseignement des précédents Conciles, sa propre nature et sa mission universelle. À ce devoir qui est celui de l’Église, les conditions présentes ajoutent une nouvelle urgence : il faut que tous les hommes, désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques, culturels, réalisent également leur pleine unité dans le Christ.
De plus, seule la pleine vérité subsiste dans l'Eglise catholique, et c'est affirmé très claire au paragraphe 8 de la constitution dogmatique Lumen gentium :
C’est là l’unique Église du Christ, dont nous professons dans le symbole l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité [12], cette Église que notre Sauveur, après sa résurrection, remit à Pierre pour qu’il en soit le pasteur (Jn 21, 17), qu’il lui confia, à lui et aux autres Apôtres, pour la répandre et la diriger (cf. Mt 28, 18, etc.) et dont il a fait pour toujours la « colonne et le fondement de la vérité » (1 Tm 3, 15). Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui [13], bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique.
On peut donc difficilement imaginer un concile dire à la fois que seule la pleine vérité est dans l'Eglise, et reconnaître les autres religions comme complètement vraies.
Le concile ne dit pas cela. Il dit, et c'est nouveau, mais non contradictoire avec l'enseignement de l'Eglise dans l'Histoire, que les croyants d'autres religions peuvent approcher, par leur foi, des parcelles de la vérité. En cela, il n'est pas contradictoire avec l'encyclique de Pie XI, qui affirme sans détour la primauté de la foi catholique.
Nostra Aetate :
L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes.
Concernant l'islam, le concile ne parle que des musulmans, pas de la doctrine islamique. cette dernière est contradictoire, et tombe d'elle même face à la raison (comme vous l'avez brillamment montré dans le fil de discussion idoine). En revanche, le concile affirme que la foi sincère des musulmans en un dieu unique, qui a parlé aux hommes par les prophètes, peut être un chemin vers la vérité pleine et entière. C'est pour cela que la déclaration Nostra Aetate insiste sur les rares points de convergence avec les musulmans, pour susciter la recherche, et espérer leur conversion.
Encore une fois, il ne faut pas confondre l'islam (doctrine politico-religieuse autocratique qui enferme l'individu) avec les musulmans, qui sont des hommes, et qui sont donc appelés à connaître Jésus-Christ, comme le rappelle très justement l'Eglise. Eux aussi ont droit à la vérité, et il est un devoir pour nous de témoigner pour les amener à la conversion et à les détourner de la fausse religion qu'est l'islam.
En bref, il ne faut pas voir dans Nostra Aetate une apologie de l'islam, mais la reconnaissance de la sincérité des musulmans dans leur foi. Cette sincérité permet au chrétien de leur faire découvrir l'amour de Dieu pour chacun des hommes, et par là même à les amener à la conversion.
ledisciple a écrit :
C'est bien. Le XX siècle selon Amnesty International a vu le catholicisme, première religion au monde martyr! Comme "compromission", c'est réussi. Jamais il n'a existé un siècle comme est le XXI siècle, où les chrétiens sont persécutés par les pays musulmans! C'est du jamais vu en Histoire.
Vous oubliez les premiers chrétiens, qui étaient persécutés par l'empire romain, et où l'Eglise n'avait même pas la possibilité de construire le moindre édifice religieux... Voir une compromission au XXème siècle est tout simplement de l'idéologie.
le disciple a écrit :
Le retour de la Tradition? Malheur pour les modernistes. Ils sont pour le dialogue œcuménique et inter-religieux (Unitatis Redintegratio & Nostra Ætate). Ils sont pour une pleine communion avec les autres églises chrétiennes. L'Islam devient pour eux une religion abrahmique. Cela veut dire, que c'est accepter 2 sens distincts, celui de la Bible et celui du Coran, qui sont pourtant bien en totale contradiction. Eh oui, dans le Coran, Abraham est musulman, Isa (que les modernistes considèrent être Jésus-Christ, ce qui est un mensonge éhonté) est musulman, Moïse est musulman. L'Ibrahim, إبراهيم, Abraham musulman, n'a rien à voir avec d'Abraham de la Bible!
Nous sommes d'accord que le Coran falsifie la foi. Il décrit un faux Jésus, un faux Abraham, entretient la confusion entre les prophètes et les personnages, etc. Il ne s'agit aucunement d'accréditer cela. En revanche, dans notre monde ouvert et international, existent de nombreux musulmans qui croient que Dieu a parlé à Abraham (ce qui est vrai), que Marie mère de Jésus est parfaitement Sainte et Immaculée (ce qui est vrai), et d'autres points du même genre. C'est sur ces points que l'on peut amorcer leur conversion pleine et entière au catholicisme, seule religion pleinement vraie.
C'est à cela que vise le dialogue oecuménique et inter-religieux. Permettez-moi de citer quelques fruits du dialogue oecuménique et du dialogue inter-religieux au XXème siècle :
les chrétiens orthodoxes sont finalement d'accord avec le catholicisme sur tous les points de la foi. Le dialogue oecuménique du XXème siècle a permis de voir que la querelle du Filioque n'en est en fait pas une. Seule l'autorité de l'évêque de Rome leur pose encore souci. Avec le temps, espérons que cela se dissipe pour avoir pleine unité entre les églises !
avec les luthériens, on s'est rendu compte que le catholicisme et les réformés ont les mêmes idées sur la justification. Voir la déclaration commune à ce sujet :
http://www.vatican.va/roman_curia/ponti ... on_fr.html. La vieille querelle avec Luther n'a donc plus lieu d'être, les réformés ont compris la position catholique (qui elle n'a pas changé).
le dialogue inter-religieux (beaucoup plus difficile) a néanmoins donné des résultats avec les juifs. Le mythe du peuple "déicide" a été désamorcé, et cela évite aux juifs de passer pour des martyres des chrétiens. Ceci peut donner des discussions de ce type, très intéressantes :
http://www.ktotv.com/videos-chretiennes ... e/00065311
Bien-sûr, rien n'est gagné dans le dialogue oecuménique ou inter-religieux, mais ce sont des avancés capitales pour annoncer le Christ, témoigner, et susciter les conversions. Tout cela dans l'affirmation avec force mais charité de la Vérité Unique qu'est la foi de l'Eglise catholique.
ledisciple a écrit :
Comment établissez-vous le dialogue pour évangéliser avec une religion non unifiée qui combat la Bible? Pourquoi combattez-vous les traditionalistes que, sous le précédent pape, vous appeliez si gentiment "intégristes", sans aucun dialogue, ni conservation du patrimoine deux fois millénaire?
Combien de portes nous sont fermées encore, combien de prêtres nous méprisent encore quand nous faisons la génuflexion pour recevoir l'hostie? Votre "volonté d'évangéliser différemment" est à contre-sens de l'Eglise de toujours.
Je crois que vous vous méprenez sur mon discours. Je reprends point par point en essayant de clarifier les choses :
pour établir le dialogue avec une religion par nature anti-chrétienne, comme l'islam, il faut à mon sens parler au coeur des hommes. Parler de doctrine ne mène pas loin, tant les docteurs musulmans ont réponse à tout, quitte à s'enfoncer dans l'absurde ou la contradiction. Parler au coeur permet au musulman de comprendre qu'il est aimé infiniment par Dieu, lui en particulier. S'il a compris cela, tout ce qu'il aura appris de l'Islam, la vision en Allah d'un Dieu lointain qui dicte ses lois sans se préoccuper du bien des hommes, va tomber de lui-même.
Parler au coeur des hommes peut être fait auprès de n'importe quel musulman, quel que soit son courant.
Les traditionnalistes, et les intégristes ont un grand mérite : avoir gardé la visibilité de l'Eglise catholique, à travers notamment le port de la soutane, et aller dans les banlieues défavorisées pour évangéliser. Ils ont une force de témoignage extraordinaire. Quand des musulmans voient un prêtre aussi visible, qui donne sa vie pour les autres, ils expérimentent l'amour de Dieu, et le sens du sacré chez eux se réveille pour se tourner vers la vérité. Aucun ne connaît bien le Coran, donc on peut facilement les amener à la relation à Dieu Amour.
Je ne sais pas où vous avez lu de ma part des critiques concernant les "tradis". On peut regretter que les intégristes ne soient pas en pleine communion avec Rome, mais pour le reste, ils font un travail extraordinaire dans l'Eglise. Il est vrai qu'ils ne sont pas forcément bien accueillis dans les diocèses, et que les évêques ne font pas souvent appel à eux, mais j'ai l'impression que c'est en train de changer avec la nouvelle génération de prêtres (qui se remettent à porter le col romain, à se former à célébrer en latin, ou ad orientem, ou encore en forme extraordinaire du rite romain). La génuflexion revient, avec tout son sens, l'adoration eucharistique aussi (à Bordeaux, nous avons adoration perpétuelle dans une paroisse). Bref, l'Eglise se relève de son sommeil passé, même s'il y a beaucoup à faire !
le disciple a écrit :
Jamais un traditionaliste ne fonctionne comme selon
Nostra Ætate, mais selon l'encyclique
Quas primas du pape Pie XI.
Je veux bien que vous nous expliquiez comment vous évangéliseriez concrètement dans une banlieue française. Je vous ai donné ma vision des choses, que je crois juste et non contradictoire avec ce qu'a toujours fait l'Eglise (relire à ce sujet le bienheureux Charles de Foucault). Je suis intéressé de voir comment vous feriez, et s'il y a vraiment des différences.
Bien à vous,