Gérardh a écrit : J'ai, par la grâce de Dieu, la certitude de mon salut éternel. J'aimerais que ce soit le cas de nombreux catholiques.
…
Je préciserais qu'il y a aussi de nombreuses personnes, catholiques ou non, qui se disent chrétiennes mais n'ont pas la vie de Dieu en elles. Elles correspondent à l'ivraie, mélangée à la bonne semence.
Cher Gérardh, vos affirmations concernant votre salut personnel, celui des autres qui ont ou non la certitude de leur salut, à tort ou à raison, est très difficile à comprendre pour ceux qui ne connaissent pas les chrétiens qui s’expriment de cette manière parmi les protestants évangéliques.
Il n’y a pas autant de différence que celle que vous ressentez.
Voyez, tant dans ce forum qu’au dehors : la plupart des catholiques ne vivent pas dans l’angoisse de l’enfer et sont pleinement habités de la grâce de Dieu. Pour la plupart, ils vivent en paix, convaincus par l’amour de Dieu et par sa grâce.
Les catholiques ne sont pas moins convaincus que les protestants évangéliques de la promesse d’un bonheur immense au delà de cette vie et de ses épreuves, du salut que Dieu nous offre.
Mais, les catholiques n’aiment pas affirmer « je suis sûr de mon salut », « je suis né de nouveau » parce que ces paroles détournent dangereusement la pensée de Dieu vers l’homme, vers le moi.
Nous sommes sauvés « par grâce » et « par le moyen de la foi ». Mais, d’abord, par grâce !
Le catholique veut porter son regard sur la grâce de Dieu, sur Dieu lui-même. La grâce est première et c’est Dieu qui sauve.
Le grand danger de se tourner prioritairement vers le moyen (la foi) par lequel Dieu nous sauve est de se tourner vers soi-même plutôt que de se convertir et de se tourner vers le Sauveur.
L’assurance personnelle du salut que vous évoquez présente un risque de tout tourner vers soi. Est-ce que j’ai la foi ? Est-ce que « je » crois ? Et le prédicateur évangélique ajoute : si « tu » crois, tu dois avoir l’assurance du salut.
Mais, il n’y a pas de foi sans les œuvres. Les démons aussi « croient » et ils tremblent.
Le mot foi ne concerne pas qu’une croyance intellectuelle, c’est un attachement à une personne, une confiance, une conviction qui fait vivre. Et là, ce n’est pas bon de tout commencer par un jugement de soi-même. Est-ce que « j’ » ai la foi ?
Au lieu de découvrir la grâce de Dieu, souvent, pour annoncer le salut, les évangéliques invitent chacun à se tourner non vers Dieu, mais vers lui-même. Est-ce que je suis « vraiment » chrétien, est-ce que « je » suis sauvé. Le « je » risque vite d’être d’abord source d’un jugement de soi-même dans lequel je me juge comme « ayant » la foi, puis devient aussitôt un jugement permanent des autres : ont-ils (comme un objet) la foi ?
Et cela devient très subtil, cette question s’accompagne de l’idée que certains croient à tort qu’ils ont la foi …
Et la prière devient trop semblable à celle de cet homme d’une parabole qui s’approche de Dieu en présentant sa propre foi (je te rends grâces de m’avoir sauvé, je ne suis pas comme ceux qui …) et sa « compassion » pour le pauvre pécheur du fond du temple. Je te rends grâces de m’avoir sauvé, viens sauver ce malheureux qui est derrière…
Mais, vous savez ce que le Christ a pensé d’une telle approche.
Ce qui sauve, c’est le Christ mort et ressuscité. Par pure grâce.
La foi n’est pas le mérite que l’homme devrait avoir pour accéder au paradis. La foi n’est pas un « prix » à payer pour entrer au paradis. Ce n’est pas un ticket d’entrée.
L’important dans l’Evangile, ce qui nous sauve, c’est de se convertir, de se tourner vers Dieu, d’accueillir sa grâce qui nous sauve.
Tous les sacrements de l’Eglise sont, d’abord, à recevoir, comme un don gratuit. Ils nous tournent vers Dieu et non vers notre propre foi, vers nous-mêmes.
Cher Gérardh, le catholique n’est pas à l’aise lorsque le salut est abordé d’un point de vue qui tourne vers soi-même. Celui qui aborde le salut que nous offre le Christ en regardant en lui-même, pour examiner en lui s’il a la foi, paraît dans une voie sans issue.
D’ailleurs, celui qui veut emprunter cette approche se heurte immédiatement à la parole de Jésus qui nous dit qu’avec une foi aussi petite qu’un grain de sénévé, il est possible de déplacer une montagne. Faites un petit essai la prochaine fois que vous serez devant le Mont Blanc…
Si votre propre foi, évaluée selon le critère du Christ, sert de base décisive pour l’assurance de votre salut, vous risquez d’être devant un gros problème.
Avoir une « assurance du salut » parce que « j’ai » la foi est une approche qui est redoutable pour pouvoir accueillir le salut, la vie éternelle que le Christ nous offre par sa mort et sa résurrection parce qu’elle ne tourne pas le disciple vers le Christ mais vers lui-même.
Curieusement, les protestants qui reprochent souvent aux catholiques de mettre des conditions ou des mérites pour le salut (ce qui n’est pas une lecture exacte de la foi catholique) se retrouvent dans la contradiction en ce que leur propre foi devient souvent le critère du salut, comme si la condition ou le mérite « d’avoir » la foi ouvrait les portes du paradis.
Il en résulte des prédicateurs qui souvent vendent du salut avec un marketing proche du marketing commercial.
Le don du salut, de la vie éternelle, est une grâce donnée gratuitement à tous. Les sacrements sont des signes et des moyens qui permettent à chacun d’accueillir cette grâce. Il en résulte une paix dans la foi qui n’est certainement pas moindre que « l’assurance du salut » proposée par certains protestants à la seule condition d’une décision personnelle de croire présentée comme un acte personnel volontaire aussi simple que l’achat d’une marchandise.
C’est une approche qui me semble bien éloignée de la conversion que propose l’Evangile.
La foi n’est pas une marchandise qu’on a ou qu’on a pas, mais une communion avec Dieu.
La Bible n’est pas davantage une marchandise qu’on croit ou pas. Ne pas admettre que la Bible ne peut être pleinement accueillie que dans l’Eglise fondée par le Christ, c’est, inévitablement, faire de soi-même (et du groupe des chrétiens auxquels chacun décide soi-même de se rallier) le pape ultime et infaillible de sa compréhension.
Comment départager les innombrables doctrines des innombrables églises protestantes ? Chacun suit sa propre voie ou celle du petite groupe dans lequel il vit. Sans l’Eglise fondée par le Christ et la succession apostolique, chacun n’a plus que lui-même (et ceux qui pensent comme lui) comme critère de la vérité.
Mais, comment croire raisonnablement qu’avec « ma » foi et « ma » compréhension de la Bible, je me trouve sur la bonne route, celle du salut par une conversion qui, par grâce, peut me délivrer, au contraire, de cette tendance à me tourner toujours vers moi-même, à connaître par moi-même le fruit de l’arbre de la connaissance, pour me permettre d’accueillir la grâce de Dieu ?
Tout est grâce.