La Bible longtemps interdite aux laïcs

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Menthe
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La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Menthe » ven. 14 juin 2013, 19:15

Même l’accès aux textes était verrouillé. L’Eglise a interdit pendant longtemps aux laïcs de lire la Bible de peur qu’ils la comprennent de travers : comme s’ils n’étaient pas capables d’être formés à la lecture de la Bible ! Comme si les laïcs étaient bêtes et les prêtres intelligents ! Et encore ! Songez que même au séminaire la lecture directe de la Bible était prohibée. L’attitude de l’Eglise vis-à-vis de la lecture de la Bible était alors la même que celle qui sera plus tard celle de l’Union soviétique et celle qui est aujourd’hui encore celle de l’Arabie saoudite : c’était prohibé parce que considéré comme subversif. Pas étonnant que les catholiques ne se soient pas nourris de la Parole de Dieu pendant des siècles. Pas étonnant donc que la Parole de Dieu n’ait pas pu les nourrir et les faire grandir en discernement et en intelligence de la Foi.

Aujourd’hui les choses commencent à changer mais on en paie encore le prix. Rappelez-vous la phrase terrible de Charles Péguy : Le juif est un homme qui lit depuis toujours, le protestant est un homme qui lit depuis Calvin, le catholique est un homme qui lit depuis Ferry. Pas étonnant que dans un tel contexte des personnes adultes et douées de discernement dans les choses profanes en soient restées au stade de l’enfance dans le domaine spirituel.


Jean-Marie Elie Setbon : La quête de la vérité a pour corollaire nécessaire la liberté
http://www.letempsdypenser.fr/2013/06/j ... a-liberte/
Je lis tout et son contraire sur ce sujet.
Que penser de cet extrait ? Je ne connais pas l'auteur, j'ai vu passer le texte sur twitter et me suis dit que c'était un bon moyen de lancer la discussion sur un point qui m'intrigue.

Cordialement.

Eurynome
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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Eurynome » ven. 14 juin 2013, 20:46

Menthe a écrit :Même l’accès aux textes était verrouillé. L’Eglise a interdit pendant longtemps aux laïcs de lire la Bible de peur qu’ils la comprennent de travers : comme s’ils n’étaient pas capables d’être formés à la lecture de la Bible ! Comme si les laïcs étaient bêtes et les prêtres intelligents ! Et encore ! Songez que même au séminaire la lecture directe de la Bible était prohibée.
J'ai des doutes sur l'existence de cette interdiction: il y a eu certes l'interdiction de traduire la Bible à une époque reculée mais en empêcher la lecture...
La Bible fut l'un le premier document imprimé, et l'ouvrage s'est répandue rapidement dans l'Europe: les gens y avaient donc accès.
Menthe a écrit : L’attitude de l’Eglise vis-à-vis de la lecture de la Bible était alors la même que celle qui sera plus tard celle de l’Union soviétique et celle qui est aujourd’hui encore celle de l’Arabie saoudite : c’était prohibé parce que considéré comme subversif. Pas étonnant que les catholiques ne se soient pas nourris de la Parole de Dieu pendant des siècles. Pas étonnant donc que la Parole de Dieu n’ait pas pu les nourrir et les faire grandir en discernement et en intelligence de la Foi.
Là, je ne comprend pas tôt ce qu'il évoque: parle t'il de la lecture d'un texte religieux ou de la lecture tout court?
Menthe a écrit : Aujourd’hui les choses commencent à changer mais on en paie encore le prix. Rappelez-vous la phrase terrible de Charles Péguy : Le juif est un homme qui lit depuis toujours, le protestant est un homme qui lit depuis Calvin, le catholique est un homme qui lit depuis Ferry. Pas étonnant que dans un tel contexte des personnes adultes et douées de discernement dans les choses profanes en soient restées au stade de l’enfance dans le domaine spirituel.[/b]
"Aujourd'hui les choses commencent à changer", cela veut donc dire qu'il faisait référence à quelque chose qui agissait il y a peu de temps.
Eurynome, pas plus avancé...

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par archi » sam. 15 juin 2013, 7:45

Menthe a écrit :Je lis tout et son contraire sur ce sujet.
La question m'intéresse aussi.
L'affirmation que vous citez paraît manquer de nuance, mais je pense que ce n'est pas facile de mesurer la nature exacte et la portée des interdictions qui ont effectivement eu lieu. Il faudrait non seulement recenser tous les textes législatifs, ceux à l'échelle de l'Eglise et ceux à l'échelle de tel ou tel diocèse ou de certains diocèses, mais aussi mesurer la façon dont ils étaient appliqués, et les possibilités que laissaient les autorisations (e.g. dans tel cas on a le droit de lire une Bible si c'est d'une traduction approuvée, mais pouvait-on en trouver couramment à l'époque?). Sachant que ça n'a très probablement pas été la même chose en tous lieux et à toutes les époques.
Il est très possible que ce travail de compilation et d'analyse des sources ait réellement été fait, mais par qui et où le trouver?

En ce qui me concerne j'ai trouvé ceci:
http://www.newadvent.org/cathen/03519d.htm
The result was the so-called "Index Tridentinus," which, however, was not published until 1564, by order of the council, along with the brief of Pius IV; wherefore it is also called "Index of Pius IV." Besides a revised catalogue of forbidden books, this index contained, as a most important modification, ten general rules composed by the council, since known as the "Tridentine Rules."

First, these ten rules contain prohibitions
of all heretical and superstitious writings;
of all immoral (obscene) books, the old classics alone excepted, which, however, are not to be used in teaching the young;
of all Latin translations of the New Testament coming from heretics.
(...)
Third, on certain conditions, and after asking special permission, leave is granted for the reading of Latin translations of the Old Testament edited by heretics, and for the use of Bible-versions in the vernacular written by Catholics.
A une époque plus récente:
The highest ecclesiastical authority, Leo XIII himself, has done so in the most solemn way by the aforesaid Bull "Officiorum ac Munerum" (23 Jan., 1897) which obliges very strictly all the faithful. This papal constitution contains the general legal enactments (decreta generalia) arranged under two headings of ten and five chapters respectively, in forty-nine paragraphs or articles. The forty-nine paragraphs exhibit not only the prohibition of certain classes of books, together with the injunction of preventive censorship for other classes, but also detailed regulation concerning the application and sanction of the whole law.
(...)
The third and last group also comprehends several classes of forbidden books. To these belong, in the first place, all editions and versions of Holy Writ not approved by competent ecclesiastical authorities. For by paragraphs 5, 6, and 8, leave to use editions and versions published by non-Catholics, provided they do not attack Catholic dogmas either in the preface or the annotations, is given only to such as are occupied with theological or Biblical studies. And by paragraph 7, all vernacular versions, even those prepared by Catholic authors, are prohibited if they are not, on the one hand, approved by the Apostolic See, or, on the other, are not supplied with annotations taken from the works of the Holy Fathers and learned Catholic writers and accompanied by an episcopal approbation.
Donc il apparaît que juridiquement, depuis Trente et ça n'a pas changé après, il n'était possible de lire même une traduction de la Bible en vernaculaire par un catholique, que sous conditions et en demandant la permission. La bulle de Léon XIII semble avoir mis en place le système dont on retrouve les traces dans les Bibles catholiques, où les traductions autorisés en vernaculaire devaient être accompagnées d'annotations (et qui me semble à 1ere vue être une application de la juridiction tridentine qui facilite les choses, s'il suffit de se procurer une édition approuvée).

Maintenant, dans quelle mesure ces interdictions et contraintes étaient effectivement respectées dans telle ou telle région, dans quelle mesure les évêques facilitaient ou restreignaient la diffusion des éditions autorisées... je n'ai pas de sources.

In Xto,
archi.


Edit: traduction rapide des citations ci-dessus pour les non-anglophones:
Le résultat fut ce qu'on a appelé l'"Index Tridentin" qui, néanmoins, ne fut pas publié avant 1564, par ordre du Concile, en même temps que le bref de Pie IV, raison pour laquelle il est également appelé "Index de Pie IV". En plus d'un catalogue révisé des livres interdits, cet index contenait, modification très importante, dix règles générales composées par le concile, connues depuis comme les "Règles Tridentines".

Premièrement, ces 10 règles comprennent certaines interdictions:
- de tous les écrits hérétiques et superstitieux
- de tous les livres immoraux (obscènes), à la seule exception des anciens classiques qui, néanmoins, ne doivent pas être utilisés dans l'enseignement de la jeunesse
- de toutes les traductions latines du Nouveau Testament venant des hérétiques
(...)
Troisièmement, à certaines conditions, et après demande d'une permission spéciale, la possibilité est laissée de lire des traductions latines de l'Ancien Testament éditées par des hérétiques, et pour l'utilisation de versions vernaculaires de la Bible écrites par des catholiques.
La plus haute autorité ecclésiale, Léon XIII lui-même, l'a fait de la manière la plus solennelle dans la Bulle susmentionnée "Officiorum ac Munerum" (23 Janvier 1897) qui oblige très fermement tous les fidèles. Cette constitution papale contient les actes législatifs généraux (decreta generalia) arangés sous 2 regroupements de 10 et 5 chapitres respectivement, en 49 paragraphes ou articles. Les 49 paragraphes comprennent non seulement l'interdiction de certaines catégories de livres, ainsi que l'injonction de censurer préventivement d'autres catégories, mais aussi une réglementation détaillée concernant l'application et la sanction de toute la loi.
(...)
Le 3e et dernier groupe comprend aussi plusieurs catégories de livres interdits. A ceux-ci appartiennent, en premier lieu, toutes les éditions et versions de l'Ecriture Sainte qui ne sont pas approuvées par les autorités ecclésiales compétentes. Par les §5, 6 et 8, la permission d'utiliser des éditions et des versions publiées par des non-catholiques, sous réserve qu'ils n'attaquent pas les dogmes catholiques que ce soit dans la préface ou les annotations, est donnée uniquement à ceux qui s'occuppent d'études bibliques ou théologiques. Et par le §7, toutes les versions vernaculaires, même celles préparées par des auteurs catholiques, sont interdites si elles ne sont pas, d'une part, approuvées par le Siège Apostolique, ou de l'autre, ne sont pas accompagnées d'annotations extraites des oeuvres des Saints Pères et d'auteurs catholiques érudits, et accompagnés de l'approbation épiscopale.
Dernière modification par archi le sam. 15 juin 2013, 11:17, modifié 1 fois.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par spk » sam. 15 juin 2013, 10:30

Très intéressant quant aux faits.
Qu'en est-il du pourquoi? En ce qui concerne l'index dit, si j'ai bien compris, de Pie IV, il est clair qu'à l'époque il n'existe pas de bible catholique en langue vernaculaire, sauf celle qu'on appelle la Bible de Louvain (d'après les recherches que je viens de mener). On comprend donc que la préoccupation du Saint-Siège soit d'éviter que les laïcs ne lisent de version protestante de la Bible.
Plus surprenant est le texte de 1897, exigeant des annotations. Je me demande si certaines traductions sans annotation circulaient, et si elles étaient visées, ou s'il s'agit bien d'une méfiance de principe quant à tout accès non contrôlé aux Ecritures. Il faudrait voir aussi si les éditions autorisées étaient encouragées, voire quasiment obligatoires, ou seulement permises.
Et puis, bien sûr, on ne peut expliquer cette méfiance par la peur que les laïcs ne s'aperçoivent que l'Eglise leur aurait menti, et que la Bible ne dit pas du tout ce qu'elle enseigne. Le fondement me semble en être que la Bible ne peut pas être lue sans interprétation.

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par jeanbaptiste » sam. 15 juin 2013, 14:45

Oui, car cela est lié au fait que le catholicisme n'est pas une religion du Livre, de l'Écrit.

La Parole de Dieu ne peut être entendue et comprise "qu'en Église". Que dans l'Église dans sa totalité.

Dès lors, couper la lecture de la Bible de son ancrage ecclésial c'est un moyen quasi certain de la lire de travers, et donc de se faire du mal.

Ça n'est pas une mesure de contrôle, cela relève de la charité et du Salut.

Au fond, on trouve quelque chose d'un peu similaire quand les médecins déconseillent aux patients de lire la documentation médicale tout seuls, car ils savent que 90% d'entre eux vont s'appliquer toutes les maladies qu'ils vont trouver répertoriées et s'en faire une maladie.

Une vraie consultation médicale c'est un médecin expérimenté à l'écoute de son patient, qui lui-même écoute et est attentif à son corps (et son esprit).

La lecture de la Bible est un peu similaire. L'Église transporte avec elle, c'est sa mission, le sens de la Parole de Dieu depuis 2000 ans. Il y a une expérience de fait, et une mission donnée par Dieu de fait.

Aujourd'hui il est simplement impossible et impensable d'interdire quoi que ce soit en cette affaire. C'est un bien, c'est un mal, c'est un mal pour un plus grand bien, je n'en sais rien. Il reste que cela pose des problèmes de fait.

Je le sais d'expérience. Ma sœur lit la Bible hors l'Église, et elle sursaute à chaque pages de l'Ancien Testament, et se fait des idées sur la religion juive et chrétienne, car elle lit sans savoir et sans avoir l'apport d'une Tradition multi-millénaire qui connaît déjà toutes ces questions là. Et bien, ça lui cause des questionnement et des souffrances inutiles (et même néfastes pour autrui, puisqu'elle finit par se faire une idée totalement fausse de ma foi propre).

Que reste-t-il alors ?

Les Bibles annotées, autant laisser tomber. L'idée est excellente, mais dans les faits, aujourd'hui c'est mort. La plupart des Bibles annotées sont œcuméniques, consensualo-spirituelles, archéologiques et exégétiques. En soi, c'est intéressant, mais ça ne saurait constituer une "autorité" de bonne lecture de la Bible.

Pour ma part je pense que si on veut s'en tenir à la lecture, le Missel et la Liturgie des Heures sont essentiels. En ancrant la Parole de Dieu dans le temps liturgique, et avec tout l'ornement des prières, des antiennes, des chants, on a pour toute l'année une lecture de la Parole commentée par la Parole elle-même et structurée pour en faire ressortir le sens profond.

Et puis il y a la rencontre de vrais et bons groupes d'études et de prière. Il y a la messe aussi, elle est essentielle.

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par gerardh » dim. 16 juin 2013, 17:41

________

Bonjour,

Il est très heureux que de nos jours (et depuis le début du 20ème siècle), les catholiques encouragent (mais avec quelques élastiques) la lecture de la Bible.

J'ai cependant l'impression que pour certains d'entre eux c'est une sorte d'obligation incompressible, dont on pourrait à la rigueur se passer, mais que l'on se doit de remplir, comme lorsque l'on doit prendre soin d'un vieux parent gênant.

Bien sur, je ne veux pas généraliser.


__________

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par mike.adoo » dim. 16 juin 2013, 19:45

Eurynome a écrit :
Menthe a écrit :Même l’accès aux textes était verrouillé. L’Eglise a interdit pendant longtemps aux laïcs de lire la Bible de peur qu’ils la comprennent de travers : comme s’ils n’étaient pas capables d’être formés à la lecture de la Bible ! Comme si les laïcs étaient bêtes et les prêtres intelligents ! Et encore ! Songez que même au séminaire la lecture directe de la Bible était prohibée.
J'ai des doutes sur l'existence de cette interdiction: il y a eu certes l'interdiction de traduire la Bible à une époque reculée mais en empêcher la lecture...
La Bible fut l'un le premier document imprimé, et l'ouvrage s'est répandue rapidement dans l'Europe: les gens y avaient donc accès.
Menthe a écrit :
Bonsoir

Voici ce que j'ai trouvé :Le pape Grégoire IX (1227-1241) retira complètement la Bible aux fidèles et en interdit la lecture au concile de Toulouse (1229).

« Nous interdisons également qu'on autorise les laïcs à posséder les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. [...] Nous leur défendons avec la plus grande vigueur de posséder les livres précités dans la langue populaire. - Les habitations, les chaumières les plus misérables et même les refuges les mieux cachés de ceux chez qui l'on trouvera de tels écrits doivent être totalement détruits. Ces gens doivent être poursuivis jusque dans les bois et les cavernes, et quiconque les abrite doit s'attendre à être sévèrement châtié. »

Les seuls textes qu'on avait encore le droit de lire étaient les Psaumes, et ce uniquement en latin; en effet, le peuple ne comprenait pas cette langue .

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Raistlin » dim. 16 juin 2013, 20:05

mike.adoo a écrit :Voici ce que j'ai trouvé :Le pape Grégoire IX (1227-1241) retira complètement la Bible aux fidèles et en interdit la lecture au concile de Toulouse (1229).

« Nous interdisons également qu'on autorise les laïcs à posséder les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. [...] Nous leur défendons avec la plus grande vigueur de posséder les livres précités dans la langue populaire. - Les habitations, les chaumières les plus misérables et même les refuges les mieux cachés de ceux chez qui l'on trouvera de tels écrits doivent être totalement détruits. Ces gens doivent être poursuivis jusque dans les bois et les cavernes, et quiconque les abrite doit s'attendre à être sévèrement châtié. »

Les seuls textes qu'on avait encore le droit de lire étaient les Psaumes, et ce uniquement en latin; en effet, le peuple ne comprenait pas cette langue .
Vous avez une référence ? Parce qu'il existe un certain nombre de canulars protestants sur le net et il vaut s'assurer que ce n'en est pas un.

Ceci étant dit, je pense que la Bible n'est pas un livre à manipuler comme un roman de gare. Il suffit de s'intéresser aux hérésies au cours des siècles pour se rendre compte qu'on peut la comprendre de travers. Une simple erreur de traduction, pour ne pas parler des erreurs d'interprétation, peut avoir des conséquences fâcheuses. Je peux tout à fait comprendre que les successeurs des apôtres - ayant reçu la mission d'enseigner et de paître le troupeau - aient pu vouloir contrôler cela.

Lire la Bible, si on a les clés pour le faire, est une belle et bonne chose : le Seigneur peut vraiment nous parler par elle. Mais rappelons-le fermement : pas besoin d'avoir une Bible chez soi pour être un saint. Vivre de la foi de l'Église (et donc la connaître), des sacrements, de la liturgie (où nous lisons la parole de Dieu) et avoir une vie de prière constituent l'essentiel.
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Mac » dim. 16 juin 2013, 20:13

Bonjour :) ,

Et il ne faut pas oublier au désert comment satan essaie de "tordre/manipuler" la parole de Dieu.

Une lecture sous la direction de l'Eglise me semble éclairée car c'est LA PAROLE DE DIEU.

Fraternellement. :coeur: :ciao:

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Teano » dim. 16 juin 2013, 20:34

Bonsoir,

Lire la Bible, est-ce une fin en soi ?
Bien des gens la lisent sans jamais rien y trouver pour leur coeur et n'y voient qu'un patrimoine culturel ou historique.

Un bon lecteur ne fait pas un bon chrétien...

In Christo

Teano
"« Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu. Ne repousse pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers, délivre-nous, Vierge glorieuse et bénie »"


Messages dans cette couleur (ou à peu près...) : modération du forum

Mac
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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Mac » dim. 16 juin 2013, 21:55

Bonjour Claire, :)

Très bonnes remarques. Et dans la continuité de ce que tu dis :

« Si quelqu'un m'aime, il gardera ma Parole » (Jn 14,23).

Et encore :

« Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il est comparable. Il est comparable à un homme qui, bâtissant une maison, a creusé, creusé profond et posé les fondations sur le roc. La crue survenant, le torrent s'est rué sur cette maison, mais il n'a pu l'ébranler, parce qu'elle était bien bâtie. Mais celui au contraire qui a écouté et n'a pas mis en pratique est comparable à un homme qui aurait bâti sa maison à même le sol, sans fondations. Le torrent s'est rué sur elle, et aussitôt elle s'est écroulée ; et le désastre survenu à cette maison a été grand ! » (Lc 6,47-49).
http://catho-jm.over-blog.com/article-- ... 73482.html

Fraternellement en Jésus Christ. :coeur: :ciao:

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par archi » lun. 17 juin 2013, 6:47

Raistlin a écrit :Vous avez une référence ? Parce qu'il existe un certain nombre de canulars protestants sur le net et il vaut s'assurer que ce n'en est pas un.
Voici la citation exacte - il s'agit du canon 14 du Concile de Toulouse tenu en 1229 à l'occasion de la répression de l'hérésie albigeoise:
http://sourcesmedievales.unblog.fr/2008 ... ouse-1229/
14. Que les laïcs n’aient pas de livres de l’Écriture, sauf le psautier et l’office divin, et que ces livres ne soient pas en langue vulgaire : nous interdisons qu’il soit permis aux laïcs de posséder les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, sauf à qui veut avoir par dévotion le psautier, ou le bréviaire des offices divins, ou les heures de Sainte-Marie. Mais nous interdisons absolument qu’ils aient ces livres traduits en langue vulgaire.
D'après le lien (Catholic Encyclopedia) que j'ai indiqué plus haut:
In this period also, the first decrees about the reading of various translations of the Bible were called forth by the abuses of the Waldenses and Albigensians. What these decrees (e.g., of the synod of Toulouse in 1129 [logiquement c'est 1229], Tarragona in 1234, Oxford in 1408) aimed at was the restriction of Bible-reading in the vernacular.
In Xto,
archi.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Suliko » lun. 17 juin 2013, 11:44

la phrase terrible de Charles Péguy : Le juif est un homme qui lit depuis toujours, le protestant est un homme qui lit depuis Calvin, le catholique est un homme qui lit depuis Ferry
Quelqu'un saurait-il me retrouver le contexte de cette phrase de Péguy? J'imaginais mal l'écrivain écrire une telle chose (surtout l'allusion à Ferry!)
De plus, c'est totalement faux, parce que c'est une généralisation: voici que l'on nous parle ici de la lecture en général.

Enfin, il faut quand même rappeler que le judaïsme repose plus sur la notion d'orthopraxie que d'orthodoxie. Le sens premier de la Torah ne peut en effet pas être mis de côté. Dès lors, l'orthopraxie demeure, ce qui permet des interprétations plus symboliques variées sans jamais perdre une certaine cohésion dans le judaïsme. Avec le christianisme, les choses seraient autrement plus risquées...Enfin, c'est mon impression!
Quant au protestantisme, on voit où mène les exégèses multiples qui ne prennent pas en compte la Tradition de l'Eglise...
Et en ce qui concerne Ferry, ce sera sans commentaire de ma part...

De toute façon, on ne peut pas lire la Bible sans l'aide de la Tradition.
Je vois également un certain non-sens dans l'article de ce juif converti au catholicisme. Il écrit en effet que les hérésiarques étaient quasi tous des clercs (donc des gens ayant accès à la Bible, aux écrits des Pères, etc...) et pas des simples fidèles et que donc, il n'y avait pas de raison de restreindre l'accès à la Bible à ces derniers. Le problème de ce raisonnement, c'est qu'avec le protestantisme naît l'obligation de lire la Bible et que parallèlement, certains fidèles se prétendent inspirés par l'Esprit Saint, ce qui entraîne des divisions théologiques sans fin...
Après, il ne faut pas oublier que si aujourd'hui tout le monde sait lire, ce ne fut pas toujours le cas...

Bref, lire la Bible est très intéressant, mais avec la Tradition de l'Eglise!
En plus, je suis sûre qu'il existe plein de saints qui n'avaient jamais lu la Bible...

Suliko
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par archi » lun. 17 juin 2013, 12:13

"Lire la Bible en Eglise", d'accord, mais concrètement, qu'est-ce-que ça veut dire?

Les Apôtres ont mis par écrit (eux-mêmes ou leurs collaborateurs) les Evangiles pour l'enseignement et l'édification des fidèles, là où ils ne pouvaient pas délivrer directement leur enseignement. Ces Evangiles étaient bel et bien destinés à être LUS par les fidèles. Leurs lettres, qui composent le reste du Nouveau Testament (plus l'Apocalypse), s'adressaient directement aux fidèles. Et la Tradition les a retenus comme faisant partie de la Révélation.

Les Pères du désert n'ont demandé la permission de personne pour se retirer au désert et y vivre de la lecture et de la méditation de la Parole de Dieu, celle consignée dans le Nouveau Testament et celle de l'Ancien. Ils étaient souvent loin de toute autorité ecclésiale, et pourtant, c'est au désert, à leur école que bien des Pères de l'Eglise ayant eu énormément d'influence sur le développement du christianisme (Cassien - le père du monachisme occidental, Basile le Grand, Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, Chrysostome...) ont été formés.

Dans la pratique chrétienne traditionnelle, la "lectio divina", la lecture méditée de l'Ecriture Sainte, a une place essentielle, de même que certaines pratiques liées comme la récitation quotidienne du psautier. Quand on lit St Thomas d'Aquin, on se rend compte à quel point, à son époque, les gens étaient encore imprégnés d'Ecriture Sainte, y compris l'histoire d'Israël décrite par l'Ancien Testament, avec toutes les "petites" histoires qu'il contient...

Alors, évidemment, la juste interprétation de l'Ecriture Sainte ne saurait être dissociée de la Tradition orale, celle qui avait cours dans les milieux juifs où s'est formé le christianisme, celle que connaissaient les Pères de l'Eglise - dont l'interprétation est normative quand elle est commune - , celle où s'est formée l'Eglise avec ses traditions et ses coutumes appartenant à la foi catholique - "ce qui a été cru toujours, partout et par tous". On ne peut nier des pratiques ecclésiales traditionnelles, ou des éléments de foi constants qu'on retrouve dans les textes liturgiques de l'époque des Pères, au nom de leur absence dans l'Ecriture ou d'une interprétation particulière de celle-ci. Le monde protestant qui a créé entre l'Ecriture et la Tradition une séparation qui n'a pas lieu d'être, a amplement montré les impasses d'une telle démarche.

Néanmoins, corriger ces dernières erreurs, qu'on a retrouvé à partir de la Réforme (et des mouvements qui l'ont précédée à partir du XIIIe Siècle), est une chose. On peut parfaitement comprendre que l'autorité, qui a reçu la charge des âmes, se soit réservée le droit d'approuver les traductions et les éditions de l'Ecriture, ou d'y apposer des annotations afin d'éviter les erreurs d'interprétation.

De là à interdire complètement aux laïcs de lire l'Ecriture, de la Révélation elle-même, de l'enseignement donné par les Apôtres, il y a un pas énorme. Condamner et prévenir les erreurs est une chose, fermer la source où se sont toujours abreuvés les chrétiens en est une autre, et je ne vois aucun moyen de considérer une telle chose autrement que comme une déviation grave (cf les critères du développement selon Newman: un développement peut développer un modèle existant, mais on doit reconnaître ledit modèle, sinon c'est une déviation). Et malheureusement, les décrets cités dans ce fil montrent bien que ça a été fait. Il ne faut pas se voiler la face.

Et si on retrouve chez St Thomas une référence constante à l'histoire sainte, les auteurs ultérieurs se sont beaucoup référés à St Thomas, mais je n'ai pas l'impression qu'on ait beaucoup retrouvé chez eux la même connaissance intime de l'histoire sainte, A.T. en particulier, et on ne peut plus dire que les épisodes de la Bible fassent partie de la culture profonde des pays latins. Au contraire, à partir de la Renaissance, on a vu les hommes prendre pour modèle non pas l'histoire d'Israël, mais l'Antiquité Gréco-romaine redécouverte dans tout ce qu'elle a de païen (en même temps qu'est apparue la Réforme avec ses interprétations particulières de la Bible). Ce n'est peut-être pas un hasard.

Je me dis vraiment qu'on a là une des racines de la déviation progressive des sociétés "chrétiennes" occidentales en même temps que du sens de la Tradition chrétienne.

Je dois dire que je suis assez inquiet quand je vois des catholiques tenir ouvertement l'Ecriture Sainte pour secondaire.

In Xto,
archi.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
Et chantons l'hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité.
Déposons maintenant tous les soucis de ce monde.

Pour recevoir le Roi de toutes choses, Invisiblement escorté des choeurs angéliques.
Alléluia, alléluia, alléluia.

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Suliko
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Re: La Bible longtemps interdite aux laïcs

Message non lu par Suliko » lun. 17 juin 2013, 15:32

Bonjour archi,

Je dois bien avouer que mon message était excessif. C'est que la citation de Péguy m'a mise de mauvaise humeur, parce que je la trouve fausse et hors de propos dans ce fil. En tout cas, je ne pense évidemment pas que les Ecritures saintes soient secondaires!
"Lire la Bible en Eglise", d'accord, mais concrètement, qu'est-ce-que ça veut dire?
Je voulais dire par là qu'aujourd'hui, beaucoup de gens n'ont pas l'occasion de fréquenter des croyants, connaissent très peu la religion chrétienne et donc qu'il doit être difficile pour eux de lire simplement la Bible dans leur coin, sans aide. Ce serait le contre-exemple de "lire la Bible en Eglise".

Pour le reste, je suis tout à fait d'accord avec vous.

D'ailleurs, il serait intéressant de savoir comment le monde orthodoxe a réfléchi à la question de la lecture de la Bible par les fidèles. Si je me rappelle bien mes quelques lectures, la première Bible en langue russe ne date que du 19ème siècle. Avant, le slavon d'Eglise était la règle. J'avais même lu que les nobles de cette époque qui désiraient lire la Bible prenaient des traductions catholiques ou protestantes (et si je ne me trompe pas, ce fut parfois toujours le cas, même lorsque la première traduction en russe fut effectuée). J'avais en tout cas lu quelque chose de semblable dans "Les voies de la théologie russe" de Florovsky (livre très intéressant!)
Et si on retrouve chez St Thomas une référence constante à l'histoire sainte, les auteurs ultérieurs se sont beaucoup référés à St Thomas, mais je n'ai pas l'impression qu'on ait beaucoup retrouvé chez eux la même connaissance intime de l'histoire sainte, A.T. en particulier, et on ne peut plus dire que les épisodes de la Bible fassent partie de la culture profonde des pays latins.
Je ne sais pas ce que vous entendez par "connaissance intime", mais il suffit d'entrer dans une église baroque italienne pour voir nombre de tableaux représentant des scènes de l'AT et du NT, et je ne pense que si ces scènes y étaient représentées, c'est bien que les fidèles avaient déjà connaissance de ce qu'elles décrivaient, ne serait-ce que dans les grandes lignes.
Et même parmi nos grands-parents : qui ne connait pas l'histoire de Judith, de Salomon, de la tour de Babel, etc...?

Sinon, j'ai peut-être tort, mais j'ai l'impression que c'est surtout la perspective que les fidèles lisent l'AT qui effrayait le clergé. Il faut dire que le lire tout seul dans son coin, sans notes explicatives ou aide, peut être déstabilisant.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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