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par Peccator » lun. 24 mars 2014, 22:06
Je n'ai pas dit qu'elles n'avait de base que dans la Tradition, mais que parfois les bases scripturaires étaient ténues. Ce n'est pas la même chose : ténu, ce n'est pas rien.
Par exemple, il est vraiment étonnant à quel point l'évangile selon St Jean parle très peu de Marie. Mais le peu qu'il en dit est énorme. On n'a que quelques lignes à se mettre sous la dent, mais ces lignes nous apprennent une quantité de choses incroyables.
Par ailleurs, si vous rejetez la Tradition, il vous faut rejeter aussi les Ecritures, impossible de faire autrement : les Ecritures reposent sur la Tradition, qui les précède.
Quand St Paul parcourait l'Anatolie et la Grèce pour prêcher l'Evangile, il n'y avait pas encore grand chose d'écrit. Probablement quelques notes éparses, propre à chaque apôtre, des collections de paroles de Jésus (ce qu'on appelle les logia), mais guère plus. Les plus anciens textes du Nouveau Testament sont des lettres de Paul, justement. Les évangiles ont été écrits après, à partir de la Tradition orale, des récits de ceux qui étaient les témoins des événements. Marc, souvent considéré comme le plus ancien, s'est très probablement basé essentiellement sur la catéchèse de Pierre (Marc lui a servi de secrétaire à Rome), et on y trouve des traces de l'enseignement de Paul (Marc l'a accompagné au début de son premier voyage, puis s'est brouillé avec lui, puis ils se sont réconciliés et semblent avoir été assez proches à la fin). Luc a enquêté, interrogé les apôtres encore vivants, très probablement Marie (comment aurait-il pu connaître l'Annonciation si ce n'est de la bouche de Marie), et bien sûr il était disciple très proche de Paul. Jean était un témoin direct des événements (ou d'une partie d'entre eux, selon qu'on considère que l'évangéliste est Jean de Zébédée ou un disciple "anonyme", appelé Jean aussi, mais un autre qui n'aurait été témoin que de ce qui s'est passé à Jérusalem). Matthieu était très probablement l'apôtre, ou en tout cas l'évangile a été écrit sous sa prédication, probablement à Antioche (une des toutes premières communautés chrétiennes, traditionnellement dite fondée par Pierre).
Bref, quand les évangiles sont mis par écrit, l'Eglise est déjà bien vivante. On parle un peu partout de ce qui s'est passé à Thessalonique. La communauté de Jérusalem a connu ses premières persécutions, ses premiers martyrs. Les ministères commencent à se structurer, et on commence à ressentir le besoin d'harmoniser les différentes communautés, jusque là très hétérogènes.
Oh, et puis quand je parle de bases scripturaires, je veux dire textes canoniques.
Il y a pas mal de choses qui ont été rapportées par des textes anciens, classés comme apocryphes pour diverses raisons, mais qui étaient malgré tout tenus en haute estime.
L'Eglise orthodoxe, plus encore que l'Eglise catholique, appuie une grande partie de sa mariologie (sa théologie concernant la Vierge Marie) sur des récits non retenus au canon des Ecritures, mais écrits très tôt dans l'histoire de l'Eglise, et qui ont donc une certaine valeur historique.
Enfin, pour enfoncer le clou, qu'est-ce donc qui vous fait donner une quelconque valeur de foi aux Ecritures, canoniques ou non d'ailleurs, si ce n'est la Tradition ? Le fait qu'on vous ait transmis que dans ce bouquin qu'on appelle la Bible, se révèle quelqu'un qui s'appelle Dieu, qui a créé le monde et chacun de nous, et qui désire avoir une relation personnelle avec nous ? Si on ne vous dit pas ça, pourquoi lire la Bible autrement qu'une fiction plutôt confuse, avec même des répétitions où on nous dit des choses incompatibles ? Ou même, autrement qu'un livre de sagesse, aussi intéressant à lire que le Sûtra du Lotus, le Livre des Mutations, ou l'histoire de Gilgamesh ? N'est-ce pas la Tradition qui vous dit "attention, celui-là, il n'est pas comme les autres" ?
Ce qui enracine véritablement ma foi, fondamentalement, ce n'est ni la Tradition, ni les Ecritures : c'est le fait qu'il y a 2000 ans, il y a eu en Palestine un homme qui s'appelait Jésus, qui y a enseigné, y a réalisé des prodiges, a été mis à mort pour cela, et que des hommes témoignent qu'il est ressuscité. Il y a suffisamment d'éléments historiques et archéologiques pour savoir que ça, ça c'est réellement passé (notez que je ne dis pas que la résurrection est historiquement prouvée, mais que des hommes en ont témoigné, certains jusqu'à donner leur vie pour ce témoignage).
Plus le fait que je ne cesse de m'émerveiller en contemplant l'univers, et que je ne comprend pas comment il se fait qu'on y trouve du sens plutôt que rien. Ou même simplement qu'il existe tel qu'il est.
Et il se trouve que les Ecritures et la Tradition donnent sens à ces événements, et à bien d'autres choses encore.
Autrement dit, le témoignage de Flavius Josèphe et autres historiens non chrétiens de l'époque et les fouilles archéologiques (notamment de Capharnaüm), ces éléments qui attestent qu'il y a bel et bien eu un événement Jésus, quelle que soit l'explication qu'on lui donne, c'est essentiel à ma foi. Ce n'est pas une foi en une divinité abstraite, en une force plus ou moins perceptible dans l'univers, ou que sais-je encore. C'est une foi ancré dans la réalité historique, dans un événement qui a eu lieu, et qui est unique dans toute l'histoire de l'humanité.
Et je n'ai aucune autre explication rationnelle satisfaisante que celle proposée par la Tradition et les Ecritures. Les interprétations mythiques ne tiennent pas face à la force du témoignage des premiers chrétiens, ni face à l'incroyable croissance de l'Eglise dans les 40 ans qui ont suivi la mort de Jésus.
Par contre, la Tradition et les Ecriture non seulement expliquent tout cela, mais surabondent de sens !
De temps en temps, je m'amuse à comparer avec ce que je connais de la naissance de mouvements religieux ou spirituels au XIXe ou au XXe siècle. Ou à des mouvements non religieux, mais dans lesquels on retrouve l'enseignement d'un maître, avec des disciples formés auprès de lui, puis envoyés dans le monde pour diffuser son enseignement. C'est un exercice intéressant, parce qu'on trouve beaucoup de similitudes, et ça permet de mieux comprendre comment les choses ont pu se passer dans les premiers temps de l'Eglise. Mais on trouve aussi des différences majeures : on découvre quelque chose que pour l'instant je n'ai pu voir que dans l'Eglise, et que je considère être la trace visible de l'action de l'Esprit.
Enfin, il y a une hiérarchie, dans les dogmes. L'immaculée conception, ce n'est pas essentiel. D'ailleurs, ce n'est pas au Credo.
J'y crois, parce qu'un jour j'ai fini par comprendre qu'effectivement, quand on croit au reste, alors l'immaculée conception va avec le lot. Mais ce n'est pas du tout central dans ma foi.
Ce qui est étonnant, en fait, c'est que j'ai fini par comprendre la nécessité de l'Immaculée conception à partir d'une meilleure connaissance de Jésus (de réflexions christologiques, donc). Et quand j'ai compris ça, j'ai commencé à chercher si les écritures venaient étayer cette compréhension, ou au contraire la contredire.
J'ai cru comprendre que beaucoup de gens vont à Jésus par Marie. Personnellement, c'est Jésus qui m'a dit "bonhomme voici ta mère".
Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux. Mc 14, 36