(pour ce qui me concerne, il n'y a rien de blessant dans vos propos, au contraire ! J'espère que ce n'est pas mon cas non plus!)
En recherchant ici et là des références aux textes du Magistère catholique, il semble bien, en effet, qu'il y a, entre catholiques et orthodoxes, à tout le moins une expression différente sur la participation à la Nature divine . Le problème est que des manières de dire différentes peuvent éventuellement induire des idées incompatibles.
Il apparaît que l'expression catholique parle de cette participation, comme étant le "but" de la Grâce :
Il apparaît aussi que cette participation est l'effet des sacrements :1996 Notre justification vient de la grâce de Dieu. La grâce est la faveur, le secours gratuit que Dieu nous donne pour répondre à son appel : devenir enfants de Dieu (cf. Jn 1, 12-18), fils adoptifs (cf. Rm 8, 14-17), participants de la divine nature (cf. 2 P 1, 3-4), de la vie éternelle (cf. Jn 17, 3). (catéchisme de l'Eglise catholique)
La participation est enfin l'effet des vertus théologales :1692Le Symbole de la foi a professé la grandeur des dons de Dieu à l’homme dans l’œuvre de sa création, et plus encore par la rédemption et la sanctification. Ce que la foi confesse, les sacrements le communiquent : par " les sacrements qui les ont fait renaître ", les chrétiens sont devenus " enfants de Dieu " (Jn 1, 12 ; 1 Jn 3, 1), " participants de la nature divine " (2 P 1, 4). En reconnaissant dans la foi leur dignité nouvelle, les chrétiens sont appelés à mener désormais une " vie digne de l’Evangile du Christ " (Ph 1, 27). Par les sacrements et la prière, ils reçoivent la grâce du Christ et les dons de son Esprit qui les en rendent capables.
Le Magistère catholique affirme volontiers la participation de l'homme à la Nature divine par grâce, c'est à dire par le "don de Sa vie" :1812Les vertus humaines s’enracinent dans les vertus théologales qui adaptent les facultés de l’homme à la participation de la nature divine (cf. 2 P 1, 4). Car les vertus théologales se réfèrent directement à Dieu. Elles disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu Un et Trine pour origine, pour motif et pour objet.
Mais par ailleurs, elle est définie comme le don que Dieu fait de Lui-même :1997 La grâce est une participation à la vie de Dieu, elle nous introduit dans l’intimité de la vie trinitaire :...
1999 La grâce du Christ est le don gratuit que Dieu nous fait de sa vie infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier : C’est la grâce sanctifiante ou déifiante, reçue dans le Baptême.
Il semblerait que, pour les catholiques, la grâce "déifiante" soit envisagée comme toute surnaturelle, et donc fondamentalement incréée, même si ce mot n'est jamais employé. Bien sûr, comme vous le disiez, il existerait des "grâces créées", mais elles sont autres. En tout cas, je ne vois pas vraiment d'évocation de la grâce comme des "actes" divins (elle est qualifiée d'"oeuvre"). Bien qu'il ne soit pas question non plus de procession de l'essence divine, le silence à ce sujet me semble aller dans le sens d'une acception irréductible à quelque chose de temporel.1998 Cette vocation à la vie éternelle est surnaturelle. Elle dépend entièrement de l’initiative gratuite de Dieu, car Lui seul peut se révéler et se donner Lui-même.
2003 La grâce est d’abord et principalement le don de l’Esprit qui nous justifie et nous sanctifie.
Il m'est venu une idée sur l'expérience spirituelle sur ce sujet que vous dites être à l'origine de la théologie des Energies divines.
Cette expérience n'est-elle pas une non-expérience, si j'ose dire, c'est à dire l'expérience qu'il nous est impossible de partager la Nature de Dieu? Or, pour les catholiques, une telle participation est absolument inaccessible à l'expérience :
2005 Étant d’ordre surnaturel, la grâce échappe à notre expérience et ne peut être connue que par la foi. Nous ne pouvons donc nous fonder sur nos sentiments ou nos œuvres pour en déduire que nous sommes justifiés et sauvés (cf. Cc. Trente : DS 1533-1534). Cependant, selon la parole du Seigneur : " C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez " (Mt 7, 20), la considération des bienfaits de Dieu dans notre vie et dans la vie des saints, nous offre une garantie que la grâce est à l’œuvre en nous et nous incite à une foi toujours plus grande et à une attitude de pauvreté confiante :
On trouve une des plus belles illustrations de cette attitude dans la réponse de Sainte Jeanne d’Arc à une question piège de ses juges ecclésiastiques : " Interrogée, si elle sait qu’elle soit en la grâce de Dieu ; répond : ‘Si je n’y suis, Dieu m’y veuille mettre ; si j’y suis, Dieu m’y veuille garder’ " (Jeanne d’Arc, proc.).
Il y a donc là un déplacement de la question, qui devient : Dieu peut-Il être connu par l'expérience spirituelle? Peut-Il être connu par la foi ?
Il me semble important de remarquer que l'usage même de l'expression "participer à la Nature divine" est révélatrice d'un abîme infranchissable entre le divin et l'humain. Si tel n'était pas le cas, on parlerait sans embage de "devenir divin", d' "être divin", d'être des dieux, de nous "fondre en Dieu", ou tout ce genre d'expression beaucoup plus directe. L'expression "être comme des dieux" est celle du serpent dans la Genèse, on voit bien que dans cette idée se tapit la tentation suprême, en même temps qu'elle caricature la suprême grâce de Dieu faite à l'homme.
Jésus d'ailleurs, en parlant de la résurrection aux sadducéens disait que nous serions "comme des anges", et non "comme des dieux".
Les anges ont peut-être quelque chose à nous apprendre de la Grâce et des Energies divines...