prodigal a écrit : Cher Didyme,
j'avoue que si je trouve votre critique d'une certaine représentation de l'enfer, avec un dieu sadique et des anges tourne-broche, tout à fait fondée, en revanche je ne comprends pas ce que serait "l'espérance universelle" dont vous parlez. A la rigueur ce pourrait être un symbole d'une utopie politique (de la Grande Fraternité Mondiale), mais au-delà je ne vois pas, et comme les utopies ne me séduisent pas plus que cela...
Il me semble qu'un salut automatique a quelque chose de contradictoire, que c'est un oxymore. Et s'il n'est pas automatique, qu'est-ce?
Il n'est évidemment pas question d'un salut automatique, c'est d'ailleurs bien cette approche de l'apocatastase qui a été à juste titre condamnée.
Je vais reprendre l'exemple de l'expérience mystique d'Adrienne Von Speyr. Quand je la lis, il a beau s'y trouver un fond universaliste, je finis toujours par ressentir un immense poids sur le ventre car je mesure l'exigence divine, le fossé qu'il y a entre ce que je suis et ce qu'il faudrait que je sois, l'étendue du chemin à parcourir. Il ne suffit pas de dire "oui d'accord" mais il est question d'un "oui" total à Dieu. Et pour aboutir à ce "oui", que de souffrances en vue. Non ça n'a rien d'automatique.
Mais le péché peut-il avoir le dernier mot ?
Il est souvent question du respect de la liberté pour justifier la damnation.
Mais si Dieu respecte certes la liberté de sa créature, ou plutôt la volonté libre de la créature, en ce qu'il ne contraint pas sa volonté mais en ce qu'il irait plutôt chercher le "oui" enfoui au plus profond de la créature pour provoquer la
conversion , peut-on vraiment dire que Dieu respecte le rejet de sa créature ?
D'une, qu'est-ce que le rejet de Dieu si ce n'est le péché lui-même ? Or, dire que Dieu respecte une liberté consistant en son rejet, et donc synonyme de péché, cela revient à dire que Dieu respecte le péché?!
Mais qu'est-ce que Dieu devrait-il donc au péché ? Et quelle vertue pourrait donc bien avoir le péché pour que Dieu lui doive quoi que ce soit ?!
Comment se pourrait-il que le péché, manifesté à travers la volonté (car la liberté, la volonté est le moyen par lequel l'homme chute mais ce n'est pas la cause de la chute) soit de quelque façon ou sous quelque forme que ce soit respecté par Dieu ?
Ensuite, l'homme en tant que créature de Dieu a Dieu pour fondement. Ce qu'il est originellement, au plus intime de lui, son être n'est que "oui" à Dieu. Si ça n'était pas le cas, si son être même, son fondement même était corrompu alors il ne pourrait subsister. Le péché n'a pas l'être en lui, ne peut donner l'être. Si donc le péché devenait fondement de la personne pour ne faire plus qu'un avec, alors la personne cesserait d'être tout simplement. Sinon, ce serait accorder l'être au péché et on tombe dans un principe du mal face au principe du bien, approche manichéiste. Si la personne subsiste c'est parce que Dieu lui donne l'être à chaque instant et que ce qui vient de Dieu n'a aucune part avec le péché. Il y a un "oui" en chaque homme qui lui vient de Dieu et qui le fonde. Réduire l'homme à un "non" absolue, irrémédiable, ce serait il me semble comme faire du péché le fondement de la personne, ce qui est un non-sens complet. Ce serait comme faire du péché un absolu quand il n'y a que Dieu d'absolu. Et confronter deux absolus nous fait dangereusement tendre vers le manichéisme. Ce serait comme faire du "non" du péché dans la créature quelque chose de supérieur, de plus fondamental que le "oui" de la vie venant de Dieu, comme si ce "oui" était de moindre importance que le "non", comme si le péché avait plus de valeur que la vie. Ce serait comme nier l'œuvre divine qu'est la créature.
Autant de choses qui me heurtent.
Certes, le péché est entré dans le cœur de l'homme mais le péché n'est pas le cœur. Certes la personne a péché mais le péché n'est pas la personne.
Le "non" que peut donner la créature n'est pas une expression de liberté, c'est le péché. Valider ce "non" c'est comme valider le péché.
Valider ce "non" c'est comme réduire la personne, l'œuvre de Dieu au seul péché. C'est comme faire de la personne même le péché.
J'ai souvent l'impression que l'on accorde au péché ce qui est propre à Dieu et ce qui est à Dieu.
La création est-elle à Dieu ou est-elle au péché ?
Rendons donc à Dieu ce qui est à Dieu et au péché ce qui est au péché.