Le christianisme et l'armée

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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par cmoi » jeu. 19 mars 2020, 19:59

D'accord avec Trinité...

Il me semble qu'il ne s'agit pas tant de démission ou de désertion, mais d'un refus d'obéissance. Comme le sous entend si bien Kerygme, il n'y a plus d'armée si on accepte cela au front. J'attends donc impatiemment sa réponse.

Ceci dit, qu'importe la motivation et l'efficacité d'une armée, d'un point de vue spirituel qui est ici celui prôné : évitons les amalgames !

Par ailleurs les vertus humaines ou philosophiques ne passent pas avant celles de la foi, elles doivent y être soumises pour en avoir la valeur.

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Re: La christianisme et l'armée

Message non lu par Kerygme » ven. 20 mars 2020, 15:39

Bonjour Nebularis,

A la base je ne pensais pas que ce simple fil prendrait cette ampleur.
Les exemples que vous citez risquent de nous faire dévier largement, car on ne peut généraliser sur des spécificités, je vais me contenter de répondre à certains.
Nebularis a écrit :
jeu. 19 mars 2020, 14:09
Mais comment concilier ici l’obéissance et la morale (la conscience) chrétienne ? Si je suis votre logique jusqu’au bout, les soldats de la Wehrmacht ne faisaient rien de répréhensible lorsqu’ils exterminaient des civils juifs par familles entières. Ils obéissaient simplement aux ordres. Ils faisaient donc leur devoir.
Alors historiquement la Wehrmacht, l'armée régulière allemande, n'a pas accomplie ces crimes puisque c'était la SS et dans des actes et un déterminisme purement idéologique. C'est juste le correctif pour ne pas mélanger les uns et les autres.
Elle a pu collaborer en procédant aux arrestations, sur ordres bien entendu, mais je trouve que vous posez un jugement facile car a posteriori : en connaissant les faits historiques. Ce qui n'était pas leur cas.

D'ailleurs au procès de Nuremberg ce sont les dirigeants nazis qui étaient sur les bancs, pas les chefs d'état-major. Ils avaient beau aimer les uniformes, ils étaient loin de l'éthique des militaires professionnels.
N’y a-t-il pas ici une faille dans votre raisonnement ? En tant que chrétien catholique, le soldat allemand dans mon exemple n’a-t-il pas plutôt le devoir de refuser les ordres de ses supérieurs ?
Bien entendu que je serais d'accord à la condition qu'il sache ce qui se tramait. En l'absence de cette réalité le soldat devait avoir le sentiment de faire son devoir. Un système dictatorial cloisonne tout, je pense que le IIIéme Reich n'était pas dupe et qu'il n'aurait pas tenu si longtemps en rendant ses actions génocidaires publiques.

Alors un soldat doit-il obéir selon son jugement propre ou en chrétien catholique ? Doit-il démissionner alors que depuis des années ses amis, ses voisins, sa famille payent un impôt pour qu'il s'entraîne à les défendre le jour venu ? Démissionner le jour où on attend de lui le respect et la cohérence de son engagement ? Tout compte fait, ne vaut-il mieux pas mourir bêtement que lui proposer une mort plus lente : celle du déshonneur ?

Car vous n'avez pas mentionné ce point concernant ce soldat, je sais que cela fait très suranné à notre époque : l'honneur.
L'honneur de respecter sa parole dans un acte contractuel, l'honneur d'aller au bout de son engagement mais surtout l'honneur d'y aller car un peuple lui fait confiance pour défendre ses familles, ses valeurs, son territoire, sa souveraineté, ses intérêts. Non ce n'est pas pour le politique que ce soldat part mais pour des millions de personnes, nationaux de souche ou pas.

Par contre, et c'est là où je vous rejoins, si on lui donne un ordre inique alors il se doit moralement de ne pas obéir à cet ordre; s'il est dans l'impossibilité d'influencer cet ordre. Je reprends l'exemple de Joab qui perce de 3 lances Absalom accroché par les cheveux à un arbre, les soldats ont refusé de le faire. Par morale ? Non, parce qu'ils avaient reçu l'ordre du roi David, donc supérieur à celui de Joab, de ne pas le tuer. Autrement, il y a fort à parier qu'ils l'auraient fait.
Par contre peut on appliquer ceci au pilote de drone qui va lancer lancer un missile sur un quartier pour tuer un chef de Daesh ? Une frappe chirurgicale n'est pas non plus de la micro chirurgie. Là se pose une question plus pointue : faut-il verser dans le conséquentialisme en acceptant des dommages collatéraux ou laisser partir cette cible au risque qu'il y ait plus de victimes par la suite ? Vous savez le fameux dilemme du tramway. Est-ce au soldat d'en décider ? Comment résolvez vous ce problème ?
Je vais peut-être vous étonner mais : oui, j’aurais confiance en une telle armée.
Remettons les choses en perspective, je crois que vous avez une vision très idéaliste ou conceptuelle qui vous éloigne de la réalité.

Une armée, régulière ou pas, menace votre vie et celle de votre famille et vous comptez sur ce soldat pour l'en empêcher. Il décide de son propre chef que finalement cette armée à une raison valable, qu'une politique indigne l'a mené là, ou que cela ne vaut pas la peine de mourir bêtement alors qu'il ne vous connait même pas. Et il pose son arme ou vous laisse à votre sort pour trouver une cause plus idéaliste ou plus honorable pour lui. Vous auriez confiance dans une armée comme celle-là ? Pas moi je vous le garanti, il faudrait la renouveler immédiatement avant le jour J.
Les insurgés djihadistes, au contraire, ont bel et bien choisi leur cause librement, selon leur volonté propre : combattre l’envahisseur.
Le résistant, celui de la première heure, a fait ce même choix. Sauf qu'il l'a fait pour son pays, non pour une idéologie.
J'imagine que les Khmers rouges ont aussi fait ce choix, mais leur idéologie a abouti à un génocide de 25% de leur propre population.
Je suis dans l'incompréhension concernant vos références, le militaire n'agit pas dans une idéologie c'est aussi cela être professionnel.
Ce libre choix n’est-il pas ici un avantage ?
Je ne crois pas qu'il y ait réellement un libre choix. Daesh a tellement voulu un libre choix qu'il a drogué ses combattants pour en faire des tueurs désinhibés. Puisque j'aborde ceci, savez-vous que la blitzkrieg a été possible car les "junkies d'Adolf Hitler" étaient sous une drogue leur permettant des performances physiques exceptionnelles et donnait un sentiment de toute puissance : la pervitine, forme ultra-puissante de méthamphétamine ? Où est la volonté propre, le libre choix de ces soldats - qui sont altérés - alors qu'elle était en vente libre en Allemagne et proposée pour lutter contre la fatigue et favoriser la concentration à toute la population ? Il y a eu manipulation, pas libre choix.
Le djihadiste et le talib, eux, se battent pour leur pays et leur Dieu.
Demain je prends les armes en fondant un groupe "Alsace libre" et je perpétue des razzias, des exécutions, des menaces sur des citoyens Français et je dis que je fais tout cela pour restaurer la foi chrétienne dans notre pays. Cela ne me rendrait pas légitime pour autant.
Je crois que selon la morale naturelle, certains hommes ont besoin d'habiller leurs méfaits par une autre raison supposée plus hautement morale. Soit pour soulager leur conscience, soit celle de ceux qui les suivent. Je dirais que le Taliban que vous citez se bat dans son pays mais contre lui. Non pour le servir mais pour renverser, imposer. Vous ne pouvez mettre notre soldat au même niveau, obéir ne veut pas dire être décérébré.
Le second, pardonnez-moi, mais à mon sens il n’y a pas droit. Personne ne l’empêche de démissionner s’il se rend compte que la cause qu’il sert est absurde, vaine ou ignoble.
Votre remarque s'applique dans une situation de paix, pensez-vous que le soldat de la Wehrmacht avait cette possibilité s'il était au courant de quoi que ce soit ? J'imagine aisément que pour lui c'était le front de l'Est assuré, un peu comme Urie le Hittite mais sans la convoitise de Bethsabée.

J'ai été bien assez long, je vais stopper là.

PS: désolé pour les fautes, j'ai modifié tant de choses que je n'ai pas tout accordé.
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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Kerygme » ven. 20 mars 2020, 17:25

Re Nebularis,
Nebularis a écrit :
jeu. 19 mars 2020, 15:21
Mais cette désertion fût-elle punie de mort, je maintiens fermement que la désertion peut être préférable à l'obéissance dans certains cas, notamment si des vies innocentes sont en jeu ou s'il s'agit de risquer sa propre vie au service d’intérêts bassement politiques ou économiques.
La désertion en temps de guerre, c'est tribunal militaire et peloton. Sinon beaucoup seraient tentés de faire dix années de prison plutôt que mourir sur un champ de bataille. Son rôle est plus dissuasif que légaliste , la finalité étant la même : la mort. Mais pour la famille qui reste il vaut mieux la reconnaissance de la Nation que son opprobre.
Si on y réfléchit en grossissant le trait, la moitié de l'armée finirait par garder l'autre ce serait ubuesque.
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Re: La christianisme et l'armée

Message non lu par Nebularis » ven. 20 mars 2020, 20:14

Bonjour Kerygme,

Croyez bien que si le sujet vous ennuie, je ne voudrais pas que vous vous sentiez obligé de répondre. Je vois d’ailleurs sur votre profil que vous exercez dans le domaine hospitalier. Vous avez sans doute bien d’autres idées en tête en ce moment.

Mais en ce qui me concerne, je trouve que nous abordons ici des thèmes très importants et même essentiels. Je poursuis donc la discussion, libre à vous de continuer de votre côté.
Kerygme a écrit :
ven. 20 mars 2020, 15:39
Alors historiquement la Wehrmacht, l'armée régulière allemande, n'a pas accomplie ces crimes (...).
Elle a pu collaborer en procédant aux arrestations, sur ordres bien entendu, mais je trouve que vous posez un jugement facile car a posteriori : en connaissant les faits historiques. Ce qui n'était pas leur cas.
Je m’excuse de devoir développer un petit peu, mais je ne peux pas vous laisser affirmer de telles contre-vérités.

Non seulement la Wehrmacht a collaboré avec les Einsatzgruppen de la SS, en leur livrant des fonctionnaires soviétiques et des juifs (les deux désignations étant synonymes dans l’idéologie nazie), mais elle a aussi participé activement, et à de nombreuses reprises, aux meurtres de masse et exécutions sommaires. La liste des crimes de guerre commis sur le front de l’Est (mais pas seulement) est longue. Il suffit de penser aux 3,3 millions de prisonniers de guerre soviétiques (sur un total de 5,7 millions) sciemment et intentionnellement exterminés par la faim, le froid et les mauvais traitements.
Ces faits et ces chiffres sont bien établis et démontrés depuis un certain temps par les meilleurs spécialistes de la période. Le mythe de la « Wehrmacht aux mains propres » a vécu.

Vous me reprochez ensuite mon « jugement facile a posteriori ». Mais comment imaginer que l’armée régulière ignorait le sort réservé aux juifs et aux Soviétiques capturés qu’ils livraient aux SS ? Même sans parler des nombreux crimes perpétrés par la Wehrmacht elle-même, il ne fait aucun doute que la grande majorité des soldats allemands étaient parfaitement au courant des meurtres de masse et du génocide. De nombreuses lettres de soldats l’attestent, et d’ailleurs les ordres et décrets (ordre relatif aux commissaires politiques de 1941, décret « Nuit et brouillard » de la même année) ne laissent, là encore, aucune place au doute. Hélas.

Aucun historien sérieux ne conteste aujourd’hui la pleine intelligence de l’armée allemande et sa collaboration active au génocide. La guerre contre l’Union soviétique était une guerre d’extermination : les Slaves, les juifs et les bolchéviques devaient être éliminés pour faire de la place à un « repeuplement » allemand de l’Eurasie.

Tout ce que j’affirme ici peut être vérifié dans n’importe quel livre d’histoire récent consacré à ce sujet. Si vous avez besoin de références, je peux vous conseiller en particulier l’excellent livre de Timothy Snyder, Terres de sang : L'Europe entre Hitler et Staline (Gallimard, 2010) ou encore (si vous lisez l’allemand, puisque je vois que vous résidez en Alsace) Verfolgung und Massenmord in der NS-Zeit 1933–1945 de Dieter Pohl (Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2003).
Bien entendu que je serais d'accord à la condition qu'il sache ce qui se tramait. En l'absence de cette réalité le soldat devait avoir le sentiment de faire son devoir. Un système dictatorial cloisonne tout, je pense que le IIIéme Reich n'était pas dupe et qu'il n'aurait pas tenu si longtemps en rendant ses actions génocidaires publiques.
Comme je l’ai écrit plus haut, l’armée régulière et même une partie de la population devaient nécessairement être au courant du génocide.

Mais soit, prenons un autre exemple, démocratique cette fois : le massacre de Mỹ Lai. Là encore, les soldats impliqués ne font rien d’autre que d’obéir à leurs supérieurs. Les trois militaires ayant (vainement) tenté de faire cesser le massacre ont même été désignés comme traîtres par des députés américains, lorsque l’affaire fut rendue publique.
Alors un soldat doit-il obéir selon son jugement propre ou en chrétien catholique ? Doit-il démissionner alors que depuis des années ses amis, ses voisins, sa famille payent un impôt pour qu'il s'entraîne à les défendre le jour venu ? Démissionner le jour où on attend de lui le respect et la cohérence de son engagement ? Tout compte fait, ne vaut-il mieux pas mourir bêtement que lui proposer une mort plus lente : celle du déshonneur ?
Il ne s’agit évidemment pas de démissionner pour un motif futile.

Vous défendez ici une conception homérique du serment, de l’obéissance. Ou plutôt devrais-je dire : une conception biblique. Les passages de la Sainte Bible mettant en garde contre la rupture du serment sont nombreux. Encore une fois, j’admets de bon cœur qu’il est pratiquement impossible de vous réfuter, un serment pouvant être rompu n’ayant aucune valeur si l’on se place, comme vous le faites, du point de vue de l’obéissance.

Mon objectif ici est de souligner le caractère tragique de cette conception, ou du moins, les possibles conséquences tragiques d’un serment pris au sérieux (et oui, un serment doit être pris au sérieux). Tolkien, catholique et grand lecteur d’Homère, l’avait bien senti lorsqu’il décrivit, dans le Silmarillion, le sort funeste des fils de Fëanor : ceux-ci, ayant juré de poursuivre de leur haine quiconque posséderait les joyaux dérobés à leur père, et ces joyaux passant de main en main au fil des événements, finalement ne reculèrent pas devant le meurtre de parents et de frères. Le malheur découlant du serment rompu n’eût-il pas été préférable à celui issu du serment tenu ?

Question insoluble ? Peut-être.

Mais comme le dit cmoi, les vertus humaines ou philosophiques ne passent pas avant celles de la foi. Elles en découlent, elles en dépendent.
Car vous n'avez pas mentionné ce point concernant ce soldat, je sais que cela fait très suranné à notre époque : l'honneur.
L'honneur de respecter sa parole dans un acte contractuel, l'honneur d'aller au bout de son engagement mais surtout l'honneur d'y aller car un peuple lui fait confiance pour défendre ses familles, ses valeurs, son territoire, sa souveraineté, ses intérêts.
Vous admettiez vous même un peu plus haut que la France servait davantage les intérêts américains que les siens propres. Or, quel honneur peut-il y avoir à mourir pour les intérêts d’un État étranger ? Les Russes se moquent des Français et des Allemands, considérant qu’ils ne sont que les supplétifs de l’armée américaine. Et ils ont raison.

Vous parlez du respect de la parole donnée : je suis d’accord avec vous, la parole est sacrée. Toute autre définition est un abus et conduirait au relativisme.
Mais tout dépend de ce que celui qui prête serment jure de défendre : si le soldat jure de défendre les intérêts de la France, et que dans les faits, il se retrouve à servir ceux de Washington, ne peut-on pas considérer que la France a trahi le soldat ?

La trahison fonctionne dans les deux sens, il me semble ! Sinon, comment pourrions-nous justifier la Résistance au régime de Vichy ?
Dernière modification par Nebularis le sam. 21 mars 2020, 10:01, modifié 1 fois.

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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Nebularis » ven. 20 mars 2020, 21:04

(À l'attention de la modération : je me permets de fractionner mon message afin d'améliorer la lisibilité.)

Poursuivons...
Kerygme a écrit :
ven. 20 mars 2020, 15:39
Je ne crois pas qu'il y ait réellement un libre choix. Daesh a tellement voulu un libre choix qu'il a drogué ses combattants pour en faire des tueurs désinhibés. Puisque j'aborde ceci, savez-vous que la blitzkrieg a été possible car les "junkies d'Adolf Hitler" étaient sous une drogue leur permettant des performances physiques exceptionnelles et donnait un sentiment de toute puissance : la pervitine, forme ultra-puissante de méthamphétamine ?
Voilà une explication bien simpliste des succès militaires de l’armée allemande. Cette drogue a sans doute joué un rôle, mais de là à dire qu’elle seule a rendu possible la conquête de la France... une façon bien commode de dédouaner la nullité du commandement français et l’esprit de Munich de son gouvernement face à Hitler.

D’ailleurs je lis ici que cette drogue était utilisée aussi sur le front de l’Est ; curieusement, les Allemands n’y ont pas vaincu... il y aurait même eu des effets secondaires assez ennuyeux :

« Les commandants se plaignaient du fait que les soldats avaient besoin de dormir trois fois plus longtemps lorsque l'effet de la pervitine se dissipait. Beaucoup d'entre eux devinrent dépressifs. D'autres souffraient de graves psychoses. »

Il est permis de penser que dans cet état-là, les soldats allemands n’étaient pas tout à fait « invincibles »...

Les Américains, quant à eux, avaient recours aux amphétamines pendant la guerre de Corée : ça ne les a pas beaucoup aidés non plus.

Je serais également plus prudent que vous quant à l’importance de la drogue dans le combat djihadiste. Des dizaines de milliers d’hommes sont venus du monde entier pour rejoindre le « califat » : rien ni personne ne les y forçait, et il est douteux qu’ils aient tous été drogués.
Une armée, régulière ou pas, menace votre vie et celle de votre famille et vous comptez sur ce soldat pour l'en empêcher. Il décide de son propre chef que finalement cette armée à une raison valable, qu'une politique indigne l'a mené là, ou que cela ne vaut pas la peine de mourir bêtement alors qu'il ne vous connait même pas. Et il pose son arme ou vous laisse à votre sort pour trouver une cause plus idéaliste ou plus honorable pour lui. Vous auriez confiance dans une armée comme celle-là ?
Je vais encore vous faire une réponse de dialecticien cher Kerygme, j’espère que vous m’excuserez.

Tout d’abord, pardonnez-moi, mais il me semble que c’est vous qui défendez ici une vision « idéaliste » (dans le sens où la situation que vous décrivez n'est pas réaliste) et qui plus est, passablement obsolète.
À l’âge des armes nucléaires, aucune armée au monde ne peut sérieusement envisager de s’attaquer à la France.
L’armée française n’a donc plus ce rôle vital de défense de la nation qu’elle avait jadis : notre assurance-vie, ce n’est plus l’armée (au sens large), c’est les sous-marins nucléaires.

(C’est d’ailleurs, entre parenthèses, toute la raison d’être de ce débat : car l’armée française est aujourd’hui utilisée, au moins en partie, à des fins qui ne concernent pas directement la défense de la vie des Français. Or, comme vous le savez, toute guerre non-défensive est condamnée par l’Église.)

Mais admettons que les armes nucléaires n’existent pas et que disons, le Groënland attaque la France (il faut du contexte pour pouvoir répondre à votre question).
Premièrement, il convient en effet de connaître les raisons de cette agression. Si le Groënland attaque sans faute de la part de la France, dans un but de conquête territoriale et pour réduire les Français en esclavage, vous m’accorderez qu’il ne se trouvera pas beaucoup de Français pour refuser de prendre les armes. (Je parle des honnêtes hommes bien entendu.)

Mais si le Groënland réagit à la confiscation par la France de ses navires de pêche ? N’est-ce pas là un motif légitime ? Bien sûr que c'en est un.
En revanche, que la politique française soit fautive et que le Groënland soit dans son bon droit n'est pas une raison suffisante pour déserter, puisque vous écrivez que l'armée ennemie réagit de manière quelque peu disproportionnée : elle menace en effet [ma] vie et celle de [ma] famille. Même si je réprouve les raisons ayant conduit à ce conflit, il est donc dans mon intérêt immédiat de combattre l'armée ennemie.

J'ajoute que ce raisonnement reste valide dans l'hypothèse où ma famille et ma personne ne seraient pas directement menacés : à partir du moment où une armée ennemie s'attaque à la France, que des compatriotes meurent ou sont blessés, que l'indépendance ou l'intégrité de la Nation sont menacées, les torts ou les mérites de la politique et des dirigeants importent fort peu. En temps de guerre, c'est le devoir de chacun que de défendre son pays... à condition, dirions-nous, que cette guerre soit défensive, qu'elle se déroule sur le territoire ou à la frontière.

Entendons-nous bien : je ne remets pas en cause ni l'honneur du métier de soldat, qui est le plus noble qui soit après celui du prêtre, ni le devoir d'obéissance du citoyen lorsque son pays est attaqué.

En revanche, pour ce qui est de l'armée française actuelle, qui est rappelons-le employée exclusivement à l'étranger, je plaide la lucidité contre l'aveuglement, cette lucidité dût-elle conduire à désobéir ; je plaide l'honneur de la Croix contre l'honneur du drapeau.

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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Nebularis » ven. 20 mars 2020, 21:07

Kerygme a écrit :
ven. 20 mars 2020, 17:25
La désertion en temps de guerre, c'est tribunal militaire et peloton.
Non, c'est faux. La peine de mort est abolie depuis 1981, y compris pour motif de désertion.

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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Kerygme » sam. 21 mars 2020, 6:24

Bonsoir Nebularis,

Je ne connais pas toute l'histoire de l'armée Allemande, c'est un fait. Et je vous avoue que je n'ai pas le temps de tout vérifier alors je vous fais confiance en considérant que nous sommes dans un échange sincère. Cela n'annihile pas pour autant l'argument historique de la pervitine.

Mais je connais l'armée pour lui avoir consacré plusieurs années de ma vie et avoir participé à des OpEx mais aussi à un conflit armé en 1991. Je ne dis pas cela pour tenter d'influencer quiconque mais entre théoriser et la réalité du terrain il y a une marge énorme. Une situation de stress extrême peut faire ressortir le meilleur de l'homme comme le pire. Argumenter sur l'un ou l'autre de ces côtés ne peut mener qu'à des discours diamétralement opposés. J'y ai été confronté il y a quelques semaines en rubrique apologétique alors j'évite de reproduire cette expérience; l'utilisation d'arguments épars est trop chronophage.
Vous me reprochez une vision biblique mais j'y suis presque tenu, le sujet étant "le christianisme et l'armée", et non "l'éthique des armées au travers de conflits" et je pense avoir répondu en ce sens; à tort ou à raison.

Je ne mets pas fin à nos échanges, mais il faut juste s'en tenir au sujet. Et si vous souhaitez approfondir sur des événements spécifiques, ouvrez un nouveau fil avec le titre approprié, alors je serais libre d'y participer ou pas. Là j'avoue me sentir un peu pris en otage pour répondre sur du hors-sujet et m'éparpiller par la même occasion.

Mais je vais tout de même intervenir sur une assertion :
Vous admettiez vous même un peu plus haut que la France servait davantage les intérêts américains que les siens propres.
Je n'ai pas dit cela, c'est votre interprétation. Relisez.


Je trouve - sans vouloir vous faire un mauvais procès et si je me trompe j'en suis désolé - que vous avez un discours assez anti-militariste qui se mêle à des positions d'objecteur de conscience, le tout cependant contradictoire avec un certain soutien à des combattants armés auxquels vous accordez une certaine légitimité et diamétralement opposés à toute valeur chrétienne. Au point que je me suis demandé si nous n'avions pas une définition différente du "soldat" aboutissant à une certaine incompréhension mutuelle. La votre me semble englober tout combattant armé - légitime ou illégitime, institutionnel ou pas - alors que la mienne ne concerne qu'un combattant avec un statut précis dans le cadre d'une institution légitime, reconnu par son état et soumis au politique légalement élu. Pour moi, le taliban et le djihadiste n'entrent pas dans cette catégorie, ils sont peut être une armée par le nombre mais pas institutionnellement et ni subordonnés aux objectifs politiques d'un état capable d'entrer en relations avec d'autres états.

Comme je suis encore plus prolixe que prévu, je ne développerai pas sur votre certitude de la dissuasion nucléaire que je trouve utopique face à une agression conventionnelle, d'autant si l'agresseur dispose du soutien d'une puissance nucléaire qui nous dissuadera d'utiliser la notre. Je vous invite simplement à vous informer sur la politique future de l'arsenal nucléaire stratégique mondial au profit des munitions nucléaires tactiques, utilisables au niveau d'un champ de bataille.
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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Kerygme » sam. 21 mars 2020, 6:50

Nebularis a écrit :
ven. 20 mars 2020, 21:07
Non, c'est faux. La peine de mort est abolie depuis 1981, y compris pour motif de désertion.
C'est exact la peine pour désertion est perpétuité depuis 1981. Qu'en sera t'il quand nécessité fera loi ? Je doute que le déserteur s'en tire à si bon compte, car il ne sera pas jugé au pénal.
La même loi autorise la création d'un tribunal militaire, la cour martiale, lequel peut très bien respecter la loi et prononcer un emprisonnement sur le front, commuer la peine en TIG dans les tranchées ou comme brancardier sur le champ de bataille ;).

Il parait qu'il ne faut pas obéir à ce qui est injuste, et comme pour moi l'injustice est envers celui qui fait son devoir, c'est fou ce que ça rend imaginatif.
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Re: La christianisme et l'armée

Message non lu par PaxetBonum » sam. 21 mars 2020, 9:09

Nebularis a écrit :
jeu. 19 mars 2020, 14:09
Les insurgés djihadistes, au contraire, ont bel et bien choisi leur cause librement, selon leur volonté propre : combattre l’envahisseur.

Ce libre choix n’est-il pas ici un avantage ? De la même manière, les Talibans n’ont-ils pas vaincu en Afghanistan ? Eux aussi ont choisi leur cause librement, me semble-t-il.
Bonjour Nebularis

Vous dites que les talibans ont vaincu en Afghanistan ? Vaincu quoi ? Ils continuent à se battre et à se tuer entre eux car leur idéologie leur demande de tuer ceux qui ne pensent pas comme eux. Ils sont plus comparables aux derniers bastions SS défendant Berlin. Certes ils défendent leur pays, mais à l'instar des talibans, si la SS avait repoussé l'armée rouge et la IIIème armée de Patton, que pensez-vous qui serait advenu ?
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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Nebularis » sam. 21 mars 2020, 9:35

Cher Kerygme,
Kerygme a écrit :
sam. 21 mars 2020, 6:24
Mais je connais l'armée pour lui avoir consacré plusieurs années de ma vie et avoir participé à des OpEx mais aussi à un conflit armé en 1991. Je ne dis pas cela pour tenter d'influencer quiconque mais entre théoriser et la réalité du terrain il y a une marge énorme.
C'est justement pour cela que je vous embête :) pour confronter votre vision pratique à la mienne, qui est théorique.
Je respecte votre expérience, et je suis bien d'accord avec vous : la théorie ne suffit pas, pour juger d'une matière en pleine conscience, il faut mettre les deux mains dedans.

Néanmoins, ce sont les idées et concepts qui guident toute action humaine. Avant d'agir, il faut donc (idéalement) comparer différentes idées et philosophies, et soupeser leurs qualités.
Vous me reprochez une vision biblique
Nous nous sommes mal compris. Ce n'était pas du tout un reproche.
Je trouve - sans vouloir vous faire un mauvais procès et si je me trompe j'en suis désolé - que vous avez un discours assez anti-militariste qui se mêle à des positions d'objecteur de conscience, le tout cependant contradictoire avec un certain soutien à des combattants armés auxquels vous accordez une certaine légitimité et diamétralement opposés à toute valeur chrétienne.
Je ne suis pas anti-militariste. Et je ne soutiens d'aucune façon le djihadisme ou les Talibans. Pourtant, il faut bien reconnaître qu'ils ont une certaine légitimité, puisqu'ils se battent contre la présence étrangère sur leur sol. N'importe quel patriote français en ferait autant.
Comme je suis encore plus prolixe que prévu, je ne développerai pas sur votre certitude de la dissuasion nucléaire que je trouve utopique face à une agression conventionnelle, d'autant si l'agresseur dispose du soutien d'une puissance nucléaire qui nous dissuadera d'utiliser la notre.
En cas d'utilisation de notre arsenal nucléaire, n'importe quel agresseur verrait son pays souffrir des dégâts incommensurables - dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, le pays agresseur serait entièrement détruit. C'est donc en réalité le scénario que vous décrivez qui relève de l'utopie : quelle puissance nucléaire aurait un intérêt à prendre un tel risque en lançant une attaque conventionnelle contre la France ?

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Re: La christianisme et l'armée

Message non lu par Nebularis » sam. 21 mars 2020, 9:49

Bonjour PaxetBonum,
PaxetBonum a écrit :
sam. 21 mars 2020, 9:09
Vous dites que les talibans ont vaincu en Afghanistan ?
Vaincu quoi ?
Ils ont vaincu l'armée américaine, comme leurs pères avaient vaincu les Soviétiques.
Certes ils défendent leur pays, mais à l'instar des talibans, si la SS avait repoussé l'armée rouge et la IIIème armée de Patton, que pensez-vous qui serait advenu ?
Je n'ai aucune sympathie pour l'une ou l'autre de ces idéologies. Et il ne me semble pas que les Talibans aient décidé d'exterminer systématiquement un groupe en raison de sa race ou de sa religion. Ce n'est donc pas tout à fait comparable.

De manière plus générale, est-il permis de reconnaître des qualités à ses ennemis ? Je pense que oui. La Wehrmacht par exemple, était une excellente machine militaire, et les nazis en général ont fait preuve de courage physique et d'adresse tactique dans la bataille. Ils étaient prêts à mourir pour leurs idées, ce qui, vous en conviendrez, est devenu assez rare en Occident.

Suis-je pour autant un sympathisant nazi ? Certes non.

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Re: La christianisme et l'armée

Message non lu par PaxetBonum » sam. 21 mars 2020, 11:53

Nebularis a écrit :
sam. 21 mars 2020, 9:49

Je n'ai aucune sympathie pour l'une ou l'autre de ces idéologies. Et il ne me semble pas que les Talibans aient décidé d'exterminer systématiquement un groupe en raison de sa race ou de sa religion. Ce n'est donc pas tout à fait comparable.
Totalement comparable les sunnites tuent les chiites… (reproductible pour toutes les tribus entre elles)
Nebularis a écrit :
sam. 21 mars 2020, 9:49
De manière plus générale, est-il permis de reconnaître des qualités à ses ennemis ?
Je suis le premier à le faire et je suis ainsi traité à longueur de temps de nazi…
Mais l'image des talibans comme libérateurs de leur pays est aussi bien choisie que Mao libérateur de la Chine, les khmers rouges libérateurs du Cambodge…
Ces gens ne libèrent rien, ils suivent leur idéologie et une fois l'ennemi extérieur chassé, ils massacrent ceux qui ne pensent pas comme eux.
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Re: La christianisme et l'armée

Message non lu par Nebularis » sam. 21 mars 2020, 11:59

PaxetBonum a écrit :
sam. 21 mars 2020, 11:53
Totalement comparable les sunnites tuent les chiites… (reproductible pour toutes les tribus entre elles)
Pas de façon systématique...
Ces gens ne libèrent rien, ils suivent leur idéologie et une fois l'ennemi extérieur chassé, ils massacrent ceux qui ne pensent pas comme eux.
Vous avez raison, ce sont des criminels. D'ailleurs je n'ai jamais parlé de libérateurs à leur égard.

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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Kerygme » sam. 21 mars 2020, 14:18

Bonjour Nebularis,

Je vais essayer d'être concis ce matin et ne pas m'éparpiller trop.
Nebularis a écrit :
sam. 21 mars 2020, 9:35
... la théorie ne suffit pas, pour juger d'une matière en pleine conscience, il faut mettre les deux mains dedans.
Tout à fait, ainsi l'entrainement théorique et les combats simulés permettent l'acquisition de ce qu'on nomme des actes réflexes mais comme dans tout domaine la réalité pratique en font des bases.
il faut bien reconnaître qu'ils ont une certaine légitimité, puisqu'ils se battent contre la présence étrangère sur leur sol.
Présence étrangère sollicitée par un gouvernement dans l'incapacité de résoudre ce problème militairement.
Je crois que votre vision est là très partisane et erronée car les Talibans ne sont pas majoritairement Afghans (ils sont eux mêmes une présence étrangère) car composés de tas de nationalités dont le but n'est pas de défendre la terre Afghane contre l'oppresseur - comme les moudjahidines - mais de renverser le gouvernement pour instaurer la loi islamique et disposer des moyens d'un état, puis de plusieurs dans 'objectif du Califat. Si je résume très très rapidement les Talibans prennent Kaboul, Massoud chasse les Talibans, la communauté internationale le laisse tomber, les Talibans reprennent Kaboul après l'assassinat de Massoud, les Américains les chassent à nouveau à la demande officielle des Afghans (c'est à dire des chefs tribaux plus que du gouvernement). Le scénario est presque similaire avec Daesh.
Les véritables résistants et héros de l'Afghanistan sont le commandant Massoud (pour qui j'ai de l'admiration) et ses moudjahidines, pas les Talibans. C'est un groupe terroriste religieux composé de mercenaires fanatisés qui se feront un plaisir de venir vous imposer leur vision de l'islam rigoriste sans notre soldat de référence.
En cas d'utilisation de notre arsenal nucléaire, n'importe quel agresseur verrait son pays souffrir des dégâts incommensurables - dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, le pays agresseur serait entièrement détruit. C'est donc en réalité le scénario que vous décrivez qui relève de l'utopie : quelle puissance nucléaire aurait un intérêt à prendre un tel risque en lançant une attaque conventionnelle contre la France ?
La dissuasion nucléaire n'a une efficacité que contre une autre menace nucléaire, c'est à dire stratégique et non tactique. Si elle avait le rôle que vous lui attribuez alors avoir une armée serait totalement inutile.
J'avais un cas concret à vous proposer mais j'essaie d'être concis. Je vais juste vous inviter à faire des recherches sur la politique nucléaire occidentale concernant la réduction de l'arsenal nucléaire stratégique au profit de munitions nucléaires tactiques utilisables au niveau du champ de bataille : missile sol-sol/air-sol/mer-sol, et qui sait peut être même un obus, une roquette puisque le terme munitions est avancé. Ce choix correspond aux prévisions des spécialistes en stratégie, si 3ème guerre mondiale il y a, elle se déroulera très certainement en Europe et sera conventionnelle (ce qui n'exclus pas l'utilisation du nucléaire sur des points nucléaires stratégiques comme Paris-île de France : 20% de la population, 30% de l'économie en un tir); il s'agit donc de pouvoir répondre plus conventionnellement et de façon très localisée.
Vous pouvez ne pas avoir le même avis, mais j'ai tendance à croire les spécialistes.
« N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1Jean 3,18)

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Re: Le christianisme et l'armée

Message non lu par Nebularis » sam. 21 mars 2020, 15:55

Je crains que nous ne nous écartions du sujet, Kerygme, mais je veux quand même vous répondre.
Kerygme a écrit :
sam. 21 mars 2020, 14:18
Je crois que votre vision est là très partisane et erronée car les Talibans ne sont pas majoritairement Afghans
Si vous le permettez, je vous demanderais de bien vouloir étayer vos affirmations. Je m’étonne de vous voir clamer que les Talibans ne sont pas majoritairement afghans. Cela m’étonnerait beaucoup. Certains, il est vrai, viennent du Pakistan voisin, mais si vous avez un minimum de connaissance de la région, vous devez savoir que les frontières étatiques ne correspondent en rien aux frontières ethniques. Les Talibans, qu’ils soient pakistanais ou afghans, sont des Pachtounes parlant une langue iranienne, le pachto. Massoud, quant à lui, était tadjik, une ethnie minoritaire en Afghanistan.
Quelles sont vos sources ?

Il est curieux également de vous voir employer un vocabulaire romantique pour désigner les « moudjahidines » défendant « la terre afghane contre l’oppresseur » (soviétique en l’occurrence). Ignorez-vous que l’un de ces moudjahidines fut un certain Oussama bin Laden (soutenu par les États-Unis, faut-il le rappeler) ?

En ce qui me concerne, ce lexique ne me gêne pas, car je reconnais volontiers le bien-fondé du combat afghan contre l’Union soviétique.
Mais pourquoi ce deux poids, deux mesures, cher Kerygme ? Les moudjahidines (pas tous certes, mais la plupart d’entre-eux) étaient tout aussi islamistes que les Talibans.

Vous avez une vision « gentils/ méchants » qui me gêne car la réalité est évidemment plus complexe.
Si je résume très très rapidement (...)
Voici ce que je lis sur Encyclopædia universalis, à l’article Afghanistan :

« En août 1994, un nouvel acteur apparaît soudainement, les talibans. Ceux-ci s'emparent de la ville de Kandahar en novembre et rétablissent l'ordre dans tout le Sud afghan, ouvrant les routes, éliminant les petits chefs de guerre devenus bandits de grand chemin et imposant partout la charia. Leur image de moines guerriers, intègres et intégristes, est faite. Les talibans exigent la reddition et le désarmement immédiat de tous les groupes armés, qu'ils obtiennent en général sans combat. Leur progression ne rencontre aucune opposition dans toutes les zones pachtounes. En septembre 1995, ils prennent tout l'Ouest afghan, avec la ville de Herat, et, le 25 septembre 1996, ils entrent dans Kaboul, évacué par les troupes de Massoud, qui se replie dans son fief de la haute vallée du Panjshir. Le 24 mai 1997, ils s'emparent brièvement de la dernière grande ville qui échappait à leur contrôle, Mazar-i-Charif, dans le Nord afghan : le général Dostom est trahi par son adjoint, Abdul Malik, qui leur livre la ville. C'est l'apogée du pouvoir des talibans. Mais ceux-ci commettent l'erreur de vouloir désarmer leur nouvel allié et s'attaquent en même temps à la mosquée chiite de la ville. Les chiites, qui n'ont rien à attendre des talibans, contre-attaquent, aussitôt rejoints par Malik. Les talibans subissent une sévère défaite la semaine suivante et se replient sur la ville de Kunduz, tandis que Massoud contre-attaque en juillet sur Kaboul. En septembre, les talibans lancent une seconde offensive sur Mazar-i-Charif (ils prendront finalement la ville lors de leur troisième tentative, en août 1998). À la guerre civile statique, centrée jusqu'en 1995 autour de Kaboul, fait suite une guerre mobile faite d'avancées et de replis brutaux, de retournements, de trahisons et de ralliements motivés tantôt par l'argent, tantôt par la solidarité ethnique. 

Les opposants aux talibans – Tadjiks du Nord-Est avec Massoud, Ouzbeks du Nord sous la direction du général Dostom, Hazaras chiites du centre du pays – s'unissent dans une coalition qui est, en théorie, dirigée par le président Rabbani, garant d'une continuité étatique, mais dont le pouvoir est quasi nul. Le véritable homme fort de la coalition est le commandant Massoud, bien que chaque groupe conserve sa totale autonomie. L'Iran, la Russie, l'Ouzbékistan et l'Inde, inquiets de la montée d'un fondamentalisme sunnite à leurs frontières, soutiennent, sans trop s'investir, la coalition du Nord, tandis que le Pakistan et l'Arabie Saoudite se rangent ouvertement derrière les talibans, discrètement approuvés en cela par les Américains.

(...)

La deuxième raison du succès des talibans est qu'ils incarnent la revanche de l'ethnie pachtoune, à laquelle ils appartiennent tous. Les Pachtoun, majoritaires dans le pays, dominent traditionnellement la vie politique afghane, à l'exception d'un bref épisode en 1928. Or la guerre contre les Soviétiques, menée surtout dans le Nord, a entraîné une baisse de leur influence et leur dispersion dans de multiples partis politiques, alors que chacune des trois autres grandes ethnies se regroupait derrière un parti relativement homogène. Kaboul a été pris, en avril 1992, par une coalition de Tadjiks et d'Ouzbeks, sous le commandement de Massoud. Face à l'éclatement du monde pachtoun en une multitude de petits fronts locaux, les talibans peuvent faire l'unité, car ils se situent au-dessus des clivages tribaux propres à leur ethnie. Leurs madrasas recrutent sans considération d'affiliations tribales et en dehors des grandes familles aristocratiques. Elles fournissent donc un encadrement qui permet, en période de crise, d'unifier les tribus, selon une vieille tradition pachtoune. La double légitimité des talibans, religieuse et ethnique, leur a donc permis d'être l'instrument de la revanche des Pachtoun, et d'occuper rapidement la ceinture pachtoune. »


Nous voilà bien loin de votre exposé simpliste.
La dissuasion nucléaire n'a une efficacité que contre une autre menace nucléaire, c'est à dire stratégique et non tactique. Si elle avait le rôle que vous lui attribuez alors avoir une armée serait totalement inutile.
En effet. D’un point de vue défensif, elle est inutile.
L’armée française est utile dans le sens où elle sert de force d’appui à Washington dans leurs aventures militaires et qu’elle sert, accessoirement, à maintenir l’influence française en Afrique de l’Ouest. On sait d’ailleurs à quel prix : l’année dernière encore, l’armée française éliminait diligemment des opposants (certes peu recommandables) au dictateur tchadien Idriss Déby. Je me fais décidément une autre idée de l’honneur.
Vous pouvez ne pas avoir le même avis, mais j'ai tendance à croire les spécialistes.
N’ayant aucune compétence en théorie militaire, je m’appuie également sur l’avis de spécialistes. À ma connaissance, personne parmi eux ne prédit dans un avenir proche une attaque de la Russie ou de la Chine sur notre sol, de quelque façon que ce soit.

La raison, encore une fois, est fort simple : même si le pays agresseur n’avait pas à craindre une riposte immédiate de l’Otan (beaucoup plus puissante que la Chine et la Russie réunies), le seul arsenal nucléaire français (environ 300 ogives) suffirait à infliger des dégâts énormes, irréparables à n’importe quel agresseur.

Alors je vous redemande, qui serait assez stupide pour prendre ce risque ?

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