Socrate d'Aquin a écrit : ↑jeu. 16 avr. 2020, 19:32
Vous m'avez, je le crains, mal compris. Je ne limite pas l'uniatisme à l'Union de Brest. Je parle de la réunification en bloc des des Eglises orientales avec l'Eglise catholique. Ce phénomène ne peut inclure le passage forcé au rite latin ; par définition, on y fait passer des fidèles d'un rite à un autre rite, d'une Eglise locale à une autre Eglise locale. Ce qui n'est pas, au sens strict, de l'uniatisme.
D'accord, mais en ce qui me concerne, j'emploie le terme d'uniatisme dans une perspective beaucoup plus large ! J'en parle non seulement en tant que célébration de la liturgie byzantine par des catholiques, mais avant tout comme phénomène politique et ecclésial, et j'y inclus pêle-mêle le prosélytisme des jésuites, Josaphat, l'union de Brest, les édits de Casimir IV, Francky Vincent... (non, pas lui...) bref, tout ce que j'ai déjà évoqué précédemment !
Donc voilà, si vous restreignez la définition au simple usage de la liturgie byzantine dans un contexte de communion avec Rome, et que moi je parle de tout autre chose, il est clair que nous n'allons pas nous entendre...
Je pense au contraire que cette union n'a pas été faite facilement et qu'elle a fait couler des flots d'encre. On y a débattu avec ardeur sur tous les points qui faisaient polémique à l'époque. Rien que cela montre que si les évêques grecs avaient des motifs politiques, ils ne voulaient pas d'une union bâclée. Preuve en est que les discussions ont duré plus d'un an. Ne croyez-vous pas que si les évêques grecs n'étaient motivé que par des considérations politiques, ils eussent demandé à aller un peu plus vite en besogne ?
Je vous accorde que c'est un bon argument. Cependant, le futur patriarche Sophrone, participant à la réunion, nuance un peu ce tableau :
Les Grecs savaient que l'oros [= les définitions dogmatiques du concile] était signé par l'empereur, ils ont également signé. Les Latins savaient également qu'il était signé par les Grecs et le pape, et ils l'ont signé. Du reste, la majorité ne savait même pas ce qui y était écrit. En effet, à part quelques-uns des Latins et des Grecs qui avaient étudié l'oros, ou ceux qui étaient à proximité quand ils l'ont écrit, la majorité ne connaissait pas son contenu. Et quand ils allaient signer, l'oros ne fut lu ni avant la signature, ni immédiatement après, ni chez les Grecs, ni chez les Latins. [...] C'est ainsi que l'oros fut conçu, et telle était la connaissance des évêques sur son contenu, et telles étaient les astuces et les intrigues pour parvenir à sa conception.
Source : Sophrone Syropoulos,
Mémoires du concile de Ferrare-Florence (1438-1439), 2010
(Сильвестр Сиропул.
Воспоминания о Ферраро-Флорентийском соборе (1438-1439). В 12 частях. — СПб.: Издательство Олега Абышко, Университетская книга, 2010)
Par ailleurs, n'oubliez pas que le statut du concile de Florence en orthodoxie est discuté. Au moins deux savants (Lina Murr Nehmé et Antoine Arjakovski) ont défendu ce concile.
Je crois pouvoir dire sans prendre de gros risques que c'est une position marginale. Cependant, je suis très favorablement surpris par l'étendue de votre connaissance de l'orthodoxie.
J'attends toujours les excuses du patriarcat de Moscou sur la conduite de son Eglise en Ukraine et en Russie blanche en 1946.
Mais enfin Socrate, il est clair qu'à cette époque, l’Église orthodoxe officielle n'était qu'une marionnette à la merci du pouvoir stalinien...
Soit dit en passant, le déploiement d'une activité prosélyte en terre non-catholique témoigne quand même d'un bon réflexe
Alors là, c'est non ! Non et re-non, que nenni, nein, niet et encore une fois : no, no, no. Que l'on procède ainsi avec des païens ou même des protestants passe encore, bien que cela dépende des méthodes et que celles déployées notamment par les jésuites (cf. l'exemple éthiopien ci-dessus) ne me paraissent pas très inspirées.
Mais avec des chrétiens prétendument aussi proches de la doctrine catholique que le sont les orthodoxes, c'est non ! Cela ne se fait pas, un point c'est tout. C'est un manquement éclatant à l'honneur, c'est très grave, et il faut absolument que les catholiques le comprennent. On n'évangélise pas des orthodoxes comme on évangélise des Papous, enfin !
Cette innovation sans précédent fait violence à la logique du Canon romain, qui n'a jamais connu une telle épiclèse. Vouloir en ajouter une, c'est cracher sur tout l'héritage patristique occidental.
D'autant plus que certains théologiens grecs (et notamment Nicolas Cabasilas) disaient que l'équivalent de l'épiclèse dans le Canon était tout simplement la prière "Supplices te rogamus".
Je m'incline devant cet argument, n'ayant du reste pas les moyens de répondre, même si je le voulais. Et vous citez du Cabasilas... vraiment Socrate, vous êtes étonnant.
Je suis entièrement d'accord, mais ne vois pas le rapport. Où exactement la foi catholique prescrit-elle de tuer ses ennemis et de piller leurs cités ?
Le massacre dont je parle n'était pas un "crime isolé". On parle de près de soixante mille personnes massacrées en quelques jours.
Pour ce qui est de ce massacre de soixante mille Latins, c'est terrible évidemment ; mais ce n'est toujours pas comparable aux sacrilèges commis à Constantinople.
Mais oui, nulle part la foi catholique ne prescrit-elle de tuer qui que ce fût, c'est bien vrai ; mais il y a la foi proprement dite, et il y a l'héritage historique, culturel, ecclésial... et tout doit être assumé ensemble ! Maintenant, encore une fois, il est clair que je ne mentionne pas toutes ces choses pour accuser ou diffamer le catholicisme, c'est plutôt, comme je l'écrivais à AdoramusTe, dans un souci de meilleure compréhension mutuelle, puisque ces événements ont laissé des traces qui ont encore des conséquences visibles aujourd'hui dans les pays orthodoxes. Je veux dire que la mémoire en est incomparablement plus vive qu'ici, en Occident. Il faut en tenir compte dans une perspective œcuménique.