Savoir et croire s'opposent-ils ?

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prodigal
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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par prodigal » mar. 07 janv. 2020, 11:38

Cher Cinci,
je crois que je comprends mieux. La foi est au fond ce que saint Paul appelle gnose, mais qui n'a pas grand chose à voir avec ceux qu'on appelle les gnostiques. N'est-ce pas cela?
J'entends par là d'abord quelque chose qui touche l'intelligence et la nourrit, mais aussi quelque chose qui illumine, comme vous dites, et transforme.
Mais je trouve le mot "savoir" inadapté. Ce n'est pas un savoir au sens ordinaire, mais le reconnaître ne retire rien à la foi. Souvent quand on parle de la foi et de la raison on cherche à hiérarchiser, et ceci semble mettre la raison à la première place sous le prétexte que le savoir serait supérieur à la croyance. Je crois qu'il entre là beaucoup de préjugés, et d'abord celui qui voudrait qu'une pensée vaut proportionnellement à son degré de certitude. La certitude est souvent illusoire, la croyance ne l'est pas toujours.
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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par aldebaran » mar. 07 janv. 2020, 13:16

à Prodigal,
Pour beaucoup de personnes la distinction sera la suivante : le savoir est vérifiable et par conséquent réfutable * (soit par expérimentation, observation, traces ou dans une autre sens prédictions), la foi non.
Ensuite pour nous chrétien la foi est révélée, et non le seul fruit de l'intelligence humaine. "Heureux celui qui croit sans voir". Ainsi la foi est une adhésion de son fort intérieur et spirituel, et non uniquement ordonnée par sa raison.
Les deux sont foncièrement différents, mais non opposables. Ainsi on peut être savant croyant, savant non croyant, non savant croyant, non savant non croyant. Nous avons des exemples partout.

* Ainsi Karl Popper qui fait référence définit ce qui est scientifique de ce qui ne l'est pas.

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par Cinci » mar. 07 janv. 2020, 14:38

aldebaran :
Les deux sont foncièrement différents, mais non opposables
Le savoir et la foi ne s'opposent pas.

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par Cinci » mar. 07 janv. 2020, 14:42

Prodigal :
La foi est au fond ce que saint Paul appelle gnose, mais qui n'a pas grand chose à voir avec ceux qu'on appelle les gnostiques. N'est-ce pas cela? J'entends par là d'abord quelque chose qui touche l'intelligence et la nourrit, mais aussi quelque chose qui illumine, comme vous dites, et transforme.
En effet.

:)

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par Cinci » mar. 07 janv. 2020, 15:35

Riou :
Le mot évidence vient du latin "videre", "voir". En science, ce mot peut aussi désigner une vue de l'esprit, une vue intellectuelle, et pas seulement une vue d'un fait empirique à l'aide des yeux du corps. Je peux voir avec évidence, par les yeux de l'esprit, que le triangle a nécessairement pour propriété que la somme de ses trois angles est égale à 180 degrés
Je suis d'accord. Je m'en tenais au cas de l'évidence visuelle la plus primaire afin de simplifier ce qui pouvait déjà apparaître un peu compliqué. C'est plus facile de discuter avec le cas primaire car en général aussi c'est celui-là que les incroyants vont réclamer à cor et à cri. "Je veux voir de mes propres yeux !" Le cas de l'apôtre Thomas ...

Mais, ce que je veux dire, dans le cas de la foi en vérité : c'est que ni les yeux ni une quelconque vision intellectuelle ne suffiront à "emporter le morceau" dans le fond, s'il n'y a pas également ce contact, ce toucher divin. On dit "la grâce". C'est une intervention divine. Ce qui n'enlève rien à la vue primaire des choses par le moyen des yeux ou comme secondairement de façon plus subtile par l'abstraction intellectuelle. Tout peut être utile. Il n'est rien à jeter.

Par contre, s'il n'y a pas la grâce, toutes les autres formes de visions demeureront comme "sans force". C'est comme le pharisien qui peut parfaitement voir la réalité du miracle qui s'opère devant lui. La vision du phénomène ne lui profitera pas. Il ne pourra pas en tirer rien de bien concluant, dans le sens de ce que Jésus aura pu dire de lui-même. Il n'y aura pas d'adhésion à sa personne.

[...]

Nous pourrions transposer cela dans le cas du sympatisant chrétien de l'an 2000. Un sujet pourrait être parfaitement convaincu intellectuellement de la valeur du christianisme, trouver "très beau" tout ce que le Christ aurait ou faire, moralement irréprochable, et alors on dirait que ce sujet "voit" par le moyen de son intelligence la vérité des choses. Sauf qu'il s'en trouve être lui-même comme sans force par rapport à tout cela. On dirait alors que sa foi est faible, faible, faible ... Il a beau "voir", il lui resterait comme un doute (*) à quelque part.


(*) Pas une tentation. Un doute. Parlons bel et bien d'une réelle incertitude qui ne procède pas d'un mauvais désir. Genre : "Je ne suis vraiment pas capable de déterminer ou discerner réellement si c'est moi qui ferait fausse route avec mon intelligence ou bien si je suis dans le vrai."

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par Carolus » mer. 08 janv. 2020, 20:28

prodigal a écrit :
mar. 07 janv. 2020, 11:38
prodigal :
[...]
je crois que je comprends mieux. La foi est au fond ce que saint Paul appelle gnose, mais qui n'a pas grand chose à voir avec ceux qu'on appelle les gnostiques. N'est-ce pas cela?
J'entends par là d'abord quelque chose qui touche l'intelligence et la nourrit, mais aussi quelque chose qui illumine, comme vous dites, et transforme.
Merci de votre réflexion, cher prodigal. :)

Considérons la parole suivante de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, selon S. Luc.
Lc 11, 52 Quel malheur pour vous, docteurs de la Loi, parce que vous avez enlevé la clé de la connaissance [γνῶσις = gnósis] ; vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés.
Vous avez raison, cette connaissance [γνῶσις = gnósis] " n'a pas grand chose à voir avec ceux qu'on appelle les gnostiques ".

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par Cinci » jeu. 09 janv. 2020, 14:37

Prodigal :

Mais je trouve le mot "savoir" inadapté. Ce n'est pas un savoir au sens ordinaire.
C'est une bonne question. Le mot "savoir" est-il adapté ou pas à la réalité suggérée ? Je penserais que le mot est adapté quand même. Je ne vois pas bien par quoi le remplacer.

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par prodigal » jeu. 09 janv. 2020, 16:16

Je trouve que "connaissance" convient mieux, même s'il n'est pas parfait.
Quand j'entends "savoir" je me représente quelque chose dont le détenteur peut rendre compte dans un exposé objectif. "Connaissance " intègre mieux, selon moi, la dimension subjective de ce dont il est question.
Je ne vois pas d'inconvénient à accorder que la foi est une forme de connaissance. Dans la tradition philosophique, il me semble que "connaissance" a souvent été employé pour désigner quelque chose qui ne pouvait se démontrer, je pense en particulier à Platon ou à Spinoza, qui ont distingué les différents genres de connaissance (traduction que je crois unanime), un peu comme le père Bro, et intégré la croyance parmi eux.
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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par Carolus » jeu. 09 janv. 2020, 21:41

prodigal a écrit :
jeu. 09 janv. 2020, 16:16
prodigal :

Je trouve que "connaissance" convient mieux, même s'il n'est pas parfait.
Quand j'entends "savoir" je me représente quelque chose dont le détenteur peut rendre compte dans un exposé objectif. "Connaissance " intègre mieux, selon moi, la dimension subjective de ce dont il est question.
Merci de votre réflexion, cher prodigal. :)

Ne considérons pas seulement l'idée "connaissance". Considérons également la personne "connaisseur", le verbe "connaître" et l'adjectif "connu".

Concernant la personne :
Ac 26, 2-3 Sur tous les points dont je suis accusé par les Juifs, je m’estime heureux, roi Agrippa, d’avoir à présenter ma défense aujourd’hui devant toi, d’autant plus que tu es un connaisseur [γνώστης = gnóstés] de toutes les coutumes des Juifs et de tous leurs débats.
La version Crampon nous dit que le roi Agrippa "connaît mieux que personne " les coutumes des Juifs. Il est donc expert en ce qui concerne leurs coutumes, n'est-ce pas ? :oui:

Concernant le verbe :
Mt 16, 3 Et le matin, vous dites : “Aujourd’hui, il fera mauvais, car le ciel est d’un rouge menaçant.” Ainsi l’aspect du ciel, vous savez [γινώσκω = ginóskó] en juger ; mais pour les signes des temps, vous n’en êtes pas capables.
La version Crampon se lit ainsi : " vous savez donc discerner les aspects du ciel". Cela veut dire qu'ils sont experts ou compétents dans la météorologie, n'est-ce pas ? :oui:

Concernant l'adjectif :
Jn 18, 15 Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu [γνωστός = gnóstos] du grand prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand prêtre.
Selon la version Crampon, "étant connu du grand-prêtre", implique donc une connaissance personnelle, n'est-ce pas ? :oui:

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par Cinci » ven. 10 janv. 2020, 2:35

Prodigal :

Je trouve que "connaissance" convient mieux, même s'il n'est pas parfait. Quand j'entends "savoir" je me représente quelque chose dont le détenteur peut rendre compte dans un exposé objectif. "Connaissance " intègre mieux, selon moi, la dimension subjective de ce dont il est question.
Il se peut que vous ayez raison. Sans doute. Alors, je m'inclinerai.

Oui, en admettant bien sûr, si vous voulez, que le sujet connaissant se trouverait en même temps à connaître quelque chose d'objectif et vrai, par opposition à une projection purement chimérique, une hallucination pure et simple.

C'est un peu comme si nous parlions d'un général français au temps de Napoléon qui dirait avoir rencontré Napoléon et lui avoir serré la main. Le général ne serait peut-être pas en mesure de prouver absolument qu'il aurait bien rencontrer Napoléon. Le fait serait quand même réel et vrai, le général connaîtrait très bien la valeur d'événementialité réelle de ce dont il parle.

Dans cette optique, la savoir correspondrait plutôt à une somme de connaissances extérieures (la distance de la terre à la lune, le poids des objets, etc.), et des connaissances transmissibles, des connaissances à la portée de chacun et que chacun serait toujours apte, au moins théoriquement, à pouvoir les vérifier lui-même - mieux ! - à pouvoir même apporter un correctif à ce qui est dit. Ex : cet objet est sensé peser 1,25 kilo. J'ai vérifier et j'obtiens 1.5 kilo.

La connaissance d'ordre religieuse et expérimentale personnelle, échapperait à cette emprise collective. En admettant bien ici que l'expérience est vraie (l'apôtre a vraiment vu le Christ ressuscité ...), les autres n'auront pas accès à cette expérience intime et vraie. Il n'y ont pas accès en le sens qu'ils ne peuvent rien faire pour vérifier ça matériellement par eux-mêmes, pour corriger la chose voire. Cela ne veut pas dire que l'expérience elle-même ne peut pas être validé objectivement par le sujet connaissant lui-même.



De mon côté

Que l'on parle de savoir ou de connaissances, en rapport à l'expérience religieuse chrétienne : je tiens à conserver l'aspect de réalité objective de ce dont on causera. Dans le cas de l'apparition de Marie à Fatima, bien que tous ne peuvent pas voir, les enfants quant à eux auront bel et bien vu quelque chose. Les enfants ont une connaissance de ce qu'ils ont vu. Nous, nous pourrons savoir qu'il se serait passé un événement dans la vie de ces enfants à telle date. Nous pourrions savoir des tas de trucs en rapport à l'événement lui-même, comme nous pourrions savoir si les témoins présentent toutes les caractéristiques des gens honnêtes et intègres, sains mentalement, etc.

Et donc ...

Le savoir ou la connaissance ne s'opposent pas au fait de croire le credo de l'Église. Les jeunes enfants qui auraient vu la Vierge Marie à Beauraing, en Belgique, en 1932/33, ont une connaissance de ce qu'ils ont vécu. Cette connaissance ne représente pas une contradiction d'avec la foi chrétienne.

https://www.youtube.com/watch?v=G_79_X_9MdU

(un autre témoignage qui transpire la vérité et la franchise)


Quand un athée associe la connaissance intime dans le domaine religieux avec l'irréalité, l'imagination ou les hallucinations, nous les catholiques nous diront que cette connaissance intime est pourtant bien objective et réelle.

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Re: Savoir et croire s'opposent-ils ?

Message non lu par prodigal » ven. 10 janv. 2020, 10:43

Cher Cinci,
je crois que nous sommes d'accord. Je partage votre préoccupation de ne pas créer une fracture entre la foi et la connaissance. Si l'on commence à dire que la foi est garantie par une sorte de sentiment, d'intuition, trop belle pour ne pas être vraie (et j'avoue que c'est ce que j'ai cru lire dans la citation du père Bro qui a nourri notre discussion), alors on en vient à croire au père Noël parce que ce serait trop triste si ce n'était pas vrai.
Je traduirai pour ma part cette préoccupation de vérité ainsi : croire vraiment, c'est croire que c'est vrai. Pas (ou pas seulement) que c'est beau ou que ça fait du bien, mais que c'est vrai.
Si donc l'on doute d'une vérité de foi, l'on ne sortira pas du doute en se disant que ce serait tellement dommageable si c'était faux qu'on va faire effort pour se faire croire que c'est vrai. S'il apparaît qu'une vérité de foi est fausse, parce qu'elle entre en contradiction avec la raison, l'attitude du croyant est, me semble-t-il, de se dire qu'il y a un des termes de la contradiction qu'il a mal compris. Soit ce qu'il a pris pour le discours de la raison est faux, et donc devrait être invalidé par une démarche critique rationnelle, soit ce qu'il a pris pour une vérité de foi a été mal compris.
Le fidèle a donc besoin à la fois de tout son esprit critique pour ne pas être dupe d'une fausse raison, et à la fois de l'autorité ecclésiale pour corriger les éventuelles erreurs d'interprétation des vérités de foi.
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