Catholicisme et pratiques... théurgiques ?

« J'enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36.26)
Règles du forum
Forum d'échanges et de partage sur la spiritualité chrétienne
Avatar de l’utilisateur
jerome
Quæstor
Quæstor
Messages : 361
Inscription : sam. 09 janv. 2016, 17:05
Conviction : Catholique

Catholicisme et pratiques... théurgiques ?

Message non lu par jerome » sam. 20 août 2016, 13:23

Bonjour à toutes et à tous :ciao:

Bon, je vous le concède, le titre de ce fil est un brin provocateur ;) Il s'agit pourtant d'une vraie question.

Qu'est ce que la théurgie ? Selon Wikipedia :
La théurgie (du grec ancien theos, dieu et ergon, travail) est une forme de magie, qui permettrait à l'homme de communiquer avec les « bons esprits » et d'invoquer les puissances surnaturelles aux fins louables d'atteindre Dieu.
Et je me demande si l'Eglise ne propose pas, finalement, des rituels théurgiques.

Par exemple, Saint Michel promet, à quiconque prie le chapelet angélique, approuvé par l'Eglise au XIXème siècle, "que quiconque lui rendrait ce culte aurait, en se rendant à la sainte Table, un cortège de neuf Anges choisis dans les neuf chœurs. De plus, pour la récitation quotidienne de ce chapelet, il promit son assistance et celle des saints Anges durant tout le cours de la vie, et, après la mort, la délivrance du purgatoire pour soi et pour ses parents."

Ne s'agit-il pas, ici, de Théurgie ?

Et il y en a plein d'autres : prier les Saints et la Très Sainte Vierge pour qu'ils/elle intercèdent en notre faveur auprès du Seigneur... N'est-ce pas, là encore, une pratique théurgique ?

A vous lire :fleur:
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

Avatar de l’utilisateur
prodigal
Amicus Civitatis
Amicus Civitatis
Messages : 2291
Inscription : mar. 09 juil. 2013, 10:32

Re: Catholicisme et pratiques... théurgiques ?

Message non lu par prodigal » sam. 20 août 2016, 13:56

Si j'ai bien compris, vous nous demandez quelle est la différence entre la théurgie et la prière par intercession?
Je vais risquer une hypothèse.
Je pense que la théurgie relève de la magie, c'est-à-dire d'une technique qui veut dominer les forces dites surnaturelles afin de les contraindre à exaucer le désir du mage. En revanche, prier, même quand il s'agit de demander quelque chose par l'intercession des saints ou des anges, c'est accepter par avance que soit faite la volonté de Dieu. L'esprit d'obéissance et d'humilité de l'orant s'oppose à l'appétit de puissance du théurge.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

Avatar de l’utilisateur
Fi Lumen
Barbarus
Barbarus

Re: Catholicisme et pratiques... théurgiques ?

Message non lu par Fi Lumen » dim. 08 déc. 2019, 2:33

@prodigal:
Superbe réponse ! 😊

Avatar de l’utilisateur
Carhaix
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1782
Inscription : mer. 21 mars 2018, 1:33
Conviction : Catholique

Re: Catholicisme et pratiques... théurgiques ?

Message non lu par Carhaix » dim. 08 déc. 2019, 12:52

prodigal a écrit :
sam. 20 août 2016, 13:56
Si j'ai bien compris, vous nous demandez quelle est la différence entre la théurgie et la prière par intercession?
Je vais risquer une hypothèse.
Je pense que la théurgie relève de la magie, c'est-à-dire d'une technique qui veut dominer les forces dites surnaturelles afin de les contraindre à exaucer le désir du mage. En revanche, prier, même quand il s'agit de demander quelque chose par l'intercession des saints ou des anges, c'est accepter par avance que soit faite la volonté de Dieu. L'esprit d'obéissance et d'humilité de l'orant s'oppose à l'appétit de puissance du théurge.
Remarquable réponse.

Avatar de l’utilisateur
zelie
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1656
Inscription : mar. 27 déc. 2011, 20:45

Re: Catholicisme et pratiques... théurgiques ?

Message non lu par zelie » dim. 08 déc. 2019, 18:00

Superbe réponse, qui en plus nous permet d'accéder au questionnement profond derrière le questionnement apparent: qu'est-ce que prier? Est-ce que prier, c'est à dire obéir à la volonté de Dieu, c'est suffisant pour que Dieu "bouge"? Est-ce qu'à simplement prier, nous ne prenons pas le risque de ne jamais voir se réaliser ce qui nous a poussé à prier et qui nous tient tellement à coeur?
On rejoint le doute, la remise en question, compagnons de la foi à certains moments de notre vie de croyant...
Et derrière cet attrait pour arracher un fil à la tunique divine, n'y aurait-il pas en fait un refus de grandir spirituellement? Se rendre compte que prier c'est aussi (selon le cas) se détacher de toute chose matérielle, et que s'unir à la volonté de Dieu, c'est aussi renoncer à nous-même?

En parallèle, combien de frères, qui en sont à ce questionnement, gagneraient à recevoir l'éclairage et l'accompagnement d'un prêtre, et combien les âmes qui connaissent peu Dieu, notre Père du Ciel, ont en fait soif de Le connaître à leur propre insu...
Alors que vous répondre, sinon de vous rapprocher d'une catéchèse, ou de lire sur le catholicisme?
L’intégrisme est un refuge pour la misère parce qu’il offre un sursaut d’espérance à ceux qui n’ont rien.
Que leur mal disparaisse, et l’intégrisme perdra ses troupes. L'Abbé Pierre
Vis vraiment chaque instant. Fais-le meilleur. Aime-le. Chéris-le. Fais-le beau, bon pour toi-même et pour Ton DIEU. Ne néglige pas les petites choses. Fais-les avec Moi, doucement. Fais de ta maison un Carmel où Je puisse Me reposer. Jésus, Premier Cahier d'Amour

Avatar de l’utilisateur
Olivier JC
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1088
Inscription : mer. 16 avr. 2008, 23:57
Localisation : Bordeaux

Re: Catholicisme et pratiques... théurgiques ?

Message non lu par Olivier JC » mer. 15 févr. 2023, 11:13

Bonjour,

Je relance cet antique fil de discussion parce qu'il me semble que les choses sont peut être un peu plus subtiles.

On sait que le terme liturgie vient du grec λειτουργία / leitourgía, de l'adjectif λήιτον / lêiton, « mairie, maison du peuple », dérivé de λαός, ληός / laós, lêós, « peuple » et du nom commun ἔργον / érgon, « travail, action, œuvre, service ».
D'un point de vue étymologique, il y a donc une indéniable parenté entre la liturgie et la théurgie puisque ce n'est que le sujet qui change.

Un prêtre orthodoxe, Serge Boulgakov (fondateur de l'Institut Saint-Serge à Paris) écrivait ainsi dans La lumière sans déclin :
La théurgie est une action de Dieu, une effusion sur l'homme de sa grâce miséricordieuse et salutaire. En tant que telle elle dépend de la volonté de Dieu, et non pas des hommes. Elle est substantiellement liée à l'incarnation divine, elle en est la continuation permanente dans le temps. Le Christ a posé le fondement absolu et inébranlable de la théurgie chrétienne, et il a conféré à l'Eglise un pouvoir théurgique par la grâce de succession, communiquée aux apôtres. « Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui descendra sur vous » (Act.I,8). C'est ce qui s'est produit à la Pentecôte, fondement absolu de la théurgie chrétienne. Celle-ci est opérée au moyen de la liturgie, dont les sacrements, culminés par l'Eucharistie, constituent le centre même. D'ailleurs la liturgie entière doit être considérée comme un sacrement au sens large car la grâce divine y ruisselle de toute part [...]
Un pouvoir théurgique est donné par Dieu à l'homme, mais celui-ci ne peut d'aucune manière se l'approprier par sa volonté, par un rapt ou par quelque tentative de création personnelle. Ainsi, comme but d'un effort humain la théurgie est impossible, ce n'est qu'un malentendu ou une révolte contre Dieu. Bien que la grâce des sacrements agisse sans contraindre la liberté de l'homme, elle le féconde et le nourrit religieusement par des moyens mystérieux et insaisissables, en même temps qu'elle régénère le monde. Elle imprègne l'homme du Corps et du Sang du Christ, elle l'emplit de la substance spirituelle des sacrements et des rites ecclésiaux, de leur énergie théurgique.
Ainsi, la théurgie correctement comprise n'a rien à voir avec la magie. Il s'agit d'une action divine dont l'homme est l'instrument et le bénéficiaire, qui implique la mise en œuvre d'un signe sensible qui effectue ce qu'il symbolise, ex opere operato. Elle n'implique qu'une disponibilité minimale de celui qui opère pour être efficace, c'est-à-dire pour que l'effet soit donné par Dieu. Qu'il soit ensuite reçu avec fruit, c'est certes autre chose... Dans la magie, au contraire, tout repose sur la volonté de celui qui opère et sur sa capacité de concentration (dans sa forme pure, naturellement, et non dans sa forme faisant appel à l'assistante d'entités diverses et variées telles que les Guides, les Maîtres Ascensionnés ou autres 'divinités' païennes revenues à la mode comme Hécate par exemple).

Ainsi, le chapelet angélique évoqué précédemment peut bien être analysé comme une théurgie, puisque l'effet attaché à cette dévotion (à ce signe) ne dépend pas de la volonté humaine mais de la Volonté divine révélée par l'Archange. Il y en a bien d'autres : le scapulaire, la médaille miraculeuse, le chapelet de la Miséricorde, etc.

La prière d'intercession est encore autre chose, qui n'a rien à voir avec la théurgie puisqu'il n'y a aucun effet ex opere operato, et qui n'a rien à voir avec la magie car elle n'est véritablement chrétienne que si elle s'achève invariablement par Que ta Volonté soit faite.

+
MOTUS IN FINE VELOCITOR

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 67 invités