Vie contemplative et Naturalisme

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Le naturalisme

Message non lu par Cinci » jeu. 03 oct. 2019, 15:09

Bonjour,

J'écoutais le Père Verlinde que nous connaissons

https://sosdiscernement.org/j-m-verlind ... onscience/

Parce que je n'étais pas "très" au fait de ce que devrait être cette méditation de pleine conscience.



Le terme "mindfulness" m'était resté dans l'esprit parce que connais un jeune prêtre catholique qui fut longtemps chez les Pères carmes, qui a désormais quitté la prêtrise et qui fait maintenant office d'accompagnateur spirituel laïc. Dans une entrevue qu'il donnait à la radio récemment, il racontait justement qu'il était devenu formateur de méditation pleine conscience. Une sorte de coaching qu'il pouvait offrir à des particuliers ou en entreprise, etc. Il disait aussi qu'il était demeuré chrétien rassurez vous, qu'il n'avait pas renié ses anciennes convictions, Jésus et tout.

Mais le Père Verlinde ne semblerait pas être du même avis. Ce dernier nous explique plus haut qu'il n'y a rien de plus contraire au christianisme que cette histoire de méditation d'inspiration bouddhiste.




Puis ...

Avec tout cela, j'aurais une question qui me taraude depuis un moment, et c'est à propos de la compréhension de ce que devrait être le naturalisme. Parce que le Père Verlinde évoque la chose en passant dans son vidéo. Le naturalisme, le naturalisme ? Il ne semblerait pas que ce soit une bonne chose en tout cas.

J'ai déjà entendu notre fameux feu Mgr Lefebvre que plusieurs aiment détester nous parler lui aussi du naturalisme (mais trop brièvement hélas !), pour accuser de son côté ( à tort possiblement) nombre de nos prêtres d'aujourd'hui, en tant qu'ils devraient pour la plupart avoir sombré dans cette ornière nuisible pour la foi catholique.

Quoi qu'il en soit, avec mon ex-Père carme devenu coach laïc en méditation de pleine conscience, il semblerait bien que la vieille critique du fondateur de l'Institut saint Pie X se révélerait juste, - oui, au moins dans son cas -, et puis si j'en crois ce que dit le Père Verlinde.

Mais qu'est-ce que le naturalisme au juste ?

Je ne sais pas si quelqu'un par ici aura pu s'être déjà penché sur la question ou si quelqu'un connaît des ressources à consulter sur le sujet. Ce serait apprécié le cas échéant. Merci.
Dernière modification par Cinci le ven. 04 oct. 2019, 17:34, modifié 1 fois.

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Fernand Poisson
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Re: Méditation pleine conscience

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 04 oct. 2019, 9:52

Bonjour Cinci,

Je définirais le naturalisme comme étant la doctrine qui rejette toute référence au surnaturel et à la transcendance, dans l'explication des phénomènes (naturalisme scientifique) et/ou dans la recherche du bonheur et de l'accomplissement humain (naturalisme moral).

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Re: Méditation pleine conscience

Message non lu par Cinci » ven. 04 oct. 2019, 13:13

Bonjour Fernand Poisson,

Merci.

Donc, le matérialisme ou le scientisme procéderaient d'une sorte de fascination pour la nature par opposition à une fascination pour le surnaturel. Je ne sais pas si je pourrais exprimer de cette façon la compréhension que je pourrais avoir du naturalisme. Peut-être dans un premier temps, pourrais-je m'exprimer ainsi. Je ne sais pas. Le naturaliste souhaite s'arrêter à la considération de ce qui se trouve à notre portée et pour laisser le surnaturel au placard.

Ce qui m'étonne, maintenant, c'est bien le fait qu'il pourrait y avoir une communication entre le naturalisme et une spiritualité que certains qualifieraient de chrétienne.

Comme dans mon exemple d'un sujet qui quitte l'ordre sacerdotal pour retrouver sa qualité de simple croyant laïc; le Père Verlinde dira que ce dernier donnerait maintenant dans le naturalisme avec sa pratique méditative. Pourtant, j'imagine bien que mon sujet - appelons-le Yvan - ne cherche, ni consciemment ni volontairement, à fuir le surnaturel, à fuir, nier ou à mépriser le fait que notre univers serait plus profond que l'on ne pourrait l'imaginer. Je penserais qu'Yvan ne dirait pas autre chose en son fors intérieur que le personnage d'Hamlet dans la pièce de Shakespeare : "Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie."

Je ne pourrais pas imaginer qu'Yvan serait un bête matérialiste obtus, refusant de penser qu'il puisse exister une autre réalité outrepassant nos seuls sens matériels. Mais un feu monseigneur Marcel Lefebvre n'avait cesse de dire que le protestantisme serait un naturalisme, de même que le Père Verlinde peut qualifier ensuite de pratique naturaliste la méthode de méditation issue du bouddhisme.

C'est surprenant a priori comme de devoir mêler du naturalisme - disons comme je viendrais d'en esquisser le contour si j'ai bien compris (cf. "priorité aux forces de la nature, et laissons le merveilleux au placard mais oublions ça voulez-vous !") à une forme de religiosité. L'usage du terme "naturaliste" par l'un ou l'autre est assez déroutant.

Oui, si je songe que les protestants donnent bien dans le religieux au départ : dans une revendication de la grâce, du Saint Esprit, sans contester le fait que du miraculeux soit possible. Et le bouddhisme évoque bien "autre chose" que la nature, avec cette recherche d'une sortie de l'illusion, pour retrouver l'Être, la véritable réalité au-delà de nos sens ou de notre emprise mentale projectionniste et trompeuse et génératrice de souffrance. Je ne vois pas bien de quelle façon le naturalisme devrait faire le lit de certaines religiosités différentes du catholicisme. Ne serait-on pas en droit de penser plutôt que le naturalisme fait le lit de l'incroyance ? de l'indifférentisme ? d'une simple recherche de distraction comme on le voit chez les joueurs de billard évoqués par Pascal ?

Par l'usage du terme "naturalisme", mais se peut-il que nos bons pères veuillent signifier, par là, une voie charnelle d'appréhension de la vérité avec un grand "V" ? Le naturalisme serait ce qui nous enferme en nous-mêmes ? C'est ce qui nous incurverait, nous retournerait sans cesse sur nous ? Un empêchement de communion surnaturelle au Dieu et père de Jésus-Christ ?

Vous me direz ce que vous en pensez.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 04 oct. 2019, 23:06

Bonjour Cinci,

Je suis tout à fait d'accord avec votre dernier paragraphe.

La méditation de pleine conscience est une méthode impliquée dans le développement de soi, la recherche du bonheur, une forme de "spiritualité"... Mais sans aucune référence à Dieu. Cela n'exclut pas que l'usager soit croyant par ailleurs. Mais le P. Verlinde pointe à mon avis le danger de dérive qui existe lorsque des chrétiens promeuvent cette méthode : il y a un risque de laisser penser qu'une forme de bonheur puisse être trouvée là et qu'il manquerait quelque chose à celui qui ne la pratique pas.
L'idée de pleine conscience est aussi naturaliste en ce qu'elle cherche à nous reconnecter à notre corps, à nos sens, à l'instant présent... Donc au monde, à ce qui est "immanent". C'est l'inverse de l'oraison chrétienne qui vise au contraire à mettre ses facultés naturelles au repos pour mieux se mettre à l'écoute de la voix divine. Il s'agit de se décentrer, de se dépasser, là où la méditation de pleine conscience nous centre sur nous-mêmes. Ça rejoint ce que vous dites.

Le bouddhisme est un naturalisme, dans la mesure où il ignore l'idée de transcendance, et s'appuie sur une philosophie supposée rendre raison de tout (même si elle aboutit, dans un effort paradoxal, à se nier elle-même).

Le protestantisme peut aussi être considéré comme un naturalisme mais en un sens plus faible : parce qu'en niant la réalité des sacrements (surtout le calvinisme), en considérant cette donnée de foi comme une superstition dépassée, il fait de l'Incarnation un événement passé et empêche d'identifier la présence de Dieu dans des réalités concrètes et bien identifiables (au premier chef l'Eucharistie). Le Ciel et la Terre sont aussi éloignés que sous l'Ancien Testament puisque nous ne disposons pas de signes visibles de leur union.
Je ne sais pas si je suis très clair...

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Re: Le naturalisme

Message non lu par apatride » dim. 06 oct. 2019, 2:47

Au risque de répéter en partie ce que Fernand Poisson a déjà très bien dit, le naturalisme tel que je l'ai croisé dans diverses lectures peut avoir deux sens plus ou moins péjoratifs selon comment on l'emploie.

Il y a un naturalisme qui s'oppose, par définition, au surnaturalisme que seules les religions abrahamiques professent, tout du moins à ma connaissance. Le naturalisme en ce sens est une métaphysique qui postule que seul l'Univers immanent existe, et qui réfute tout existence d'une entité hors du monde manifesté, et toute économie du surnaturel qui interviendrait au sein de la nature. On y retrouve les métaphysiques matérialistes ou panthéistes, qui ne sont finalement que les revers d'une même médaille, l'un excluant toute notion de divin, l'autre voyant toutes choses comme participant de la substance divine. Ces métaphysiques finissent par s'auto-contredire mais ce n'est pas ici le sujet. Ce naturalisme est en contradiction avec la métaphysique chrétienne, qui suppose que Dieu est différent et en dehors de Sa création.

Il y a aussi le naturalisme pris dans un sens plus positif, qui serait à associer à toute démarche cherchant à appuyer un raisonnement théorique sur les faits naturels observables. En ce sens, Aristote ou St Thomas d'Aquin sont des naturalistes puisque leurs raisonnements sont sans cesse vérifiés au filtre de la nature. Ce sens du mot naturalisme a parfois été utilisé pour dénoncer les philosophies de type cartésiennes ou kantiennes, accusées de "construire des châteaux dans le ciel".

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » mar. 08 oct. 2019, 1:32

Salut apatride,

Vous écrivez :
apatride :
Il y a un naturalisme qui s'oppose, par définition, au surnaturalisme que seules les religions abrahamiques professent [...]
Oui, alors je pense ici au vieux positivisme du temps de Renan. Comme ce genre de naturalisme qui fait tenir que le miraculeux serait bien le genre de phénomène qui, en principe, n'arrive pas, et ne pourra jamais survenir non plus.


On imagine mal qu'il devrait bien s'agir d'un naturalisme semblable, pas quand il devrait être question du protestantisme comme celui de Luther pour commencer ou comme dans mon exemple parfaitement anecdotique, encore une fois, comme celui d'Yvan qui se met à la méditation de pleine conscience. A ma connaissance, je n'aurais jamais vu Yvan aller nier que les miracles de l'Évangile seraient des miracles comme on en parlerait dans l'Église. Le Père Verlinde ne fait pas allusion à une volonté consciente de vouloir nier l'extraordinaire ou le merveilleux, s'il use de cette expression pour parler de ce dont il parle.

Mais je comprendrais qu'une sorte de rationalisme à la Renan pourrait découler secondairement de cette racine de naturalisme pressentie; là, oui, ce serait probablement correct de le dire

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » mar. 08 oct. 2019, 3:02

apatride :

Il y a aussi le naturalisme pris dans un sens plus positif, qui serait à associer à toute démarche cherchant à appuyer un raisonnement théorique sur les faits naturels observables. En ce sens, Aristote ou St Thomas d'Aquin sont des naturalistes puisque leurs raisonnements sont sans cesse vérifiés au filtre de la nature.
Mais comment transposer cela dans l'expérience qui aurait pu être celle de Luther ? Si l'on veut qualifier le système de pensée de ce dernier de naturalisme ?

Un Luther balayait comme superfétatoire toute la scolastique médiévale et par conséquent Thomas d'Aquin aussi. Et Aristote ne pouvait pas compter non plus. Les raisonnements mentaux ne tenant aucun compte de la Bible n'auraient été que du verbiage significatif de rien. Pour Luther la nature était totalement corrompue. La nature n'aurait pas pu lui servir de filtre pour discriminer le vrai du faux. Reste la Bible. Une Bible surnaturelle et échappant comme à elle seule à l'universelle corruption ?

Il apparaît quand même étrange de devoir ranger l'expérience de Luther dans le naturalisme, si l'on tient compte que la nature aurait dû plutôt lui servir de repoussoir, non pas de révélateur. Apparaissant comme un bonhomme ayant voulu contourner la nature ou cet handicap que la nature représente(la sienne pour commencer, de nature; son intelligence non fiable, sa rationalité humaine bien faite pour s'égarer) pour atteindre au vrai, il paraît contre- intuitif de vouloir attacher son expérience à la nature ! Il paraîtrait plus normal d'évoquer sa dynamique de fidéiste par exemple, peut-être pour nous rappeler qu'il aurait toujours voulu nier la raison, la valeur de la rationalité humaine.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » mar. 08 oct. 2019, 21:01

Fernand Poisson :
Le protestantisme peut aussi être considéré comme un naturalisme mais en un sens plus faible : parce qu'en niant la réalité des sacrements (surtout le calvinisme), en considérant cette donnée de foi comme une superstition dépassée, il fait de l'Incarnation un événement passé et empêche d'identifier la présence de Dieu dans des réalités concrètes et bien identifiables (au premier chef l'Eucharistie). Le Ciel et la Terre sont aussi éloignés que sous l'Ancien Testament puisque nous ne disposons pas de signes visibles de leur union.
Je ne sais pas si je suis très clair..
.

Oui, j'essaie de voir ...

La pensée de Luther entrerait donc dans une sorte de naturalisme malgré tout. Parce que lui-même se révélerait comme incapable de voir autrement que ressortant du "naturel déchu" le donné à croire de l'Église ? Parce qu'il ratatine les mystères de la foi catholique à une réalité terrestre ne présentant rien de transcendant ?

- Et l'Église ?
- Qu'un rassemblement d'hommes. Non pas le corps du Christ mystique.
- Le baptême ?
-Une déclaration humaine. Voyez comment je déclare que j'ai la foi. J'annonce devant vous tous que j'ai la foi et que je veux faire comme dis dans la Bible. Il m'est rien d'un mystérieux caractère que le sujet devrait avoir reçu au plus intime de façon surnaturelle.
- Et le repas du Seigneur ?
- Non, ni mystérieuse ni réelle transmutation du pain en tout cas, et puis même si le Christ pourrait venir se donner lui-même par ce moyen au fidèle ayant bien la foi. Le pain reste du pain. Le Christ s'y trouve à contourner lui-même la nature. Parce qu'il n'y a rien à faire de bon avec la nature terrestre.
- Et la sainte mère de Jésus ?
- Qu'une femme comme les autres.

Ce serait vouloir faire de la nature un domaine tout à fait autonome. Que ce domaine y soit bon ou mauvais n'y important jamais autant, par la suite, que le fait de devoir être réellement très distinct du sacré ? De là cette volonté de désacraliser l'Église peut-être ... réduire le prêtre consacré au rang du profane. Une volonté de trouver une licence personnelle plus grande dans la manipulation des choses de notre monde terrestre. Faire sauter d'anciens tabous. Qu'une volonté de séparer franchement tout ce qui serait de l'homme et, par conséquent, les traditions, les vénérables coutumes, voire les énoncés dogmatiques de l'Église d'un côté; de l'autre, ce qui relèverait du très Haut ? Envie de créer un espace critique plus large et dans lequel humain pourrait s'y ébrouer à son aise.

Le naturalisme pourrait donc concevoir une réalité divine fort lointaine, intouchable, très "au-delà" comme chez les déistes du XVIIIe siècle et comme si le monde ici-bas devrait être déserté de Dieu d'une manière. Nous serions orphelins. Avec une Église faisant partie du monde d'en bas corrompu et corruptible.

- Jésus annonçait le Royaume or que c'est l'Église qui est venue. (Alfred Loisy)
- L'Église ? Ah zut ! Nous ne sortirons jamais de la boue !

Voici donc une foi "naturalisante" qui donnerait beaucoup de marge à la critique, la remise en cause de ce qui est ancien, etc. Rendre les réalités ecclésiales aussi naturelles que le monde environnant. Ce serait comme nier que nous pourrions avoir un contact réel avec le divin via l'Église en fin de compte; mais un contact par l'Église et par l'Église seulement. Le chrétien dissident et rebelle à l'ordre sacral ancien serait tel un chrétien qui ne veut plus voir dans l'Église sur terre qu'un objet profane. Le dissident chrétien naturaliste n'a plus à croire à l'Église sainte ... Dieu se trouverait partout et nulle part à la fois, mais surtout pas dans l'Église catholique. Partout, nulle part, pas plus chez celui-ci que celui-là. Qu'une construction culturelle, des images, des concepts produits, douteux.

- J'ai foi.
- A quoi ?
- Mais à ce qui est bien au-delà.
- Et ici ?
- Que des masques, du carton-pâte, du toc, de l'illusion, du très indirect, de l'empêchement d'y voir plus clair ... Une nature que l'on ne peut pas ne pas considérer d'importance mais étant tout à la fois ce qui cacherait le vrai bien plus que ce qui pourrait y donner accès. art. nominalisme.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Fernand Poisson » mar. 08 oct. 2019, 22:15

Cinci a écrit :
mar. 08 oct. 2019, 21:01
Le naturalisme pourrait donc concevoir une réalité divine fort lointaine, intouchable, très "au-delà" comme chez les déistes du XVIIIe siècle et comme si le monde ici-bas devrait être déserté de Dieu d'une manière. Nous serions orphelins. Avec une Église faisant partie du monde d'en bas corrompu et corruptible.
Oui je crois que c'est tout à fait ça.
Dire que nous sommes sauvés par la foi, et non par les œuvres, c'est une manière de rejeter toute manifestation trop visible de Dieu ici-bas. Songez à la critique radicale que Luther fait du monachisme. Les moines s'attachent à vivre dès ici-bas comme au Royaume, à réaliser le Royaume sur terre. Orgueil ! nous dit Luther. Nul ne peut se libérer de la nature et de sa déchéance.
Bien sûr, il ne faut pas caricaturer : les œuvres bonnes subsistent comme des conséquences nécessaires de la foi, même si elles ne participent pas au salut. Reste que la foi qui sauve pour Luther, c'est essentiellement une forme d'attitude intérieure, un changement de regard sur les choses, dont les effets concrets (les œuvres qui en découlent) ne peuvent pas être extraordinaires. Du point de vue de la morale "naturelle", sociale, les protestants pieux sont probablement excellents : modérés, honnêtes, travailleurs, serviables, bons voisins... Mais tout ce qui relève d'un ascétisme un peu trop "extraordinaire" (comme la continence parfaite), tout ce qui se met trop visiblement à l'écart du monde (consacrer sa vie à la prière par exemple, - Luther pensait qu'une prière trop intense était le signe d'un manque d'abandon...) leur est étranger. C'est comme si la Rédemption ne valait que dans un univers spirituel un peu éthéré et n'avait au fond (si on pousse à l'absurde) rien changé dans la vie concrète des rachetés.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » jeu. 10 oct. 2019, 5:35

Fernand Poisson,

Merci. Votre commentaire m'aidera certainement. Je le sens. Je vois bien que nous nous rapprochons de l'objet. Nous brûlons !


Enfin ...

Je lisais Jacques Maritain Le Mystère d'Israël aujourd'hui. Je lisais son livre, à cause du fil lancé par Booz relatif à l'extermination des Juifs d'Europe. Quelle ne fut pas ma surprise aussi de tomber sur une remarque de lui datant de 1943 et jetant un éclairage sur ce naturalisme qui m'intrigue.

Ici :
"Ainsi haïr les Juifs et haïr les chrétiens vient d'un même fond, d'un même refus du monde, qui ne veut pas être blessé, ni des blessures d'Adam, ni des blessures du Messie, ni par l'aiguillon d'Israël pour son mouvement dans le temps, ni par la croix de Jésus pour la vie éternelle.

On est bien comme on est, on n'a pas besoin de grâce, ni de transfiguration, on se béatifiera dans sa nature. [...] Le tellurisme raciste est antisémite et antichrétien. L'athéisme communiste n'est pas antisémite, il lui suffit d'être universellement contre Dieu. Dans l'un et l'autre, un même naturalisme absolu se fait jour, une même détestation de tout ascétisme et de toute transcendance. C'est la vie mystique du monde qui va s'épanouir héroïquement, tout corps mystique constitué à part du monde doit être rejeté comme tel.

- Jacques Maritain, Le Mystère d'Israël, p. 85
Le grand philosophe écrivait :

On est bien comme on est, on n'a pas besoin de la grâce, ni de transfiguration, on se béatifiera dans sa nature.

et

une même détestation de tout ascétisme et de toute transcendance. C'est le monde lui-même [mysticisme, fausse mystique, spiritualité agnostique, zen, bouddhisme, thérapie issue du New Age] qui va s'épanouir héroïquement. Tout corps mystique constitué à part du monde doit être rejeté comme tel.


Réflexion :

Le corps mystique constitué à part du monde s'y trouve repoussé? Oui, comme dans "l'Église est rejetée".

Ce qui procéderait d'un naturalisme n'en pourrait que repousser l'Église. On rencontrerait ce même phénomène de répulsion avec le New Age en tout cas, mouvement connu pour être si hostile envers l'Église catholique.

On pourrait aussi bien parler tantôt, en matière de discipline personnelle, des yogis faisant, par exemple, des efforts physiques héroïques impliquant aussi des techniques de respiration particulière, en vue de parvenir à leur épanouissement. Puis Carlos Castaneda, avec ses histoires de chamanisme en vue d'atteindre toutes sortes de potentialités. Puis la "mystique" des fascistes du XXe siècle cherchant avant tout à glorifier l'animalité, le corps physique, la santé, la jeunesse, etc. Nazisme, communisme : naturalisme s'enracinant dans du scientisme, pour nier, pour repousser avec horreur l'Église catholique.

Le naturalisme serait alors comme l'esprit du monde ?

Et, ainsi, le passage de l'ère médiévale à celui des débuts de l'ère moderne serait tel le passage d'un premier temps, dans lequel la culture est fortement axée sur les besoin de l'âme, en un temps dans lequel l'amour des choses du monde peut s'épanouir comme il ne l'aura jamais fait encore ! Les premiers protestants sous l'influence de l'humanisme auront rejeté l'Église catholique dans leur grand désir de faire en sorte que celle-ci ne soit pas comme à part du monde mais bien insérée solidement dans le monde. Naturalisme ...

En dépit des apparence mais alors le protestantisme serait lui aussi un amour des choses du monde, et puis même si ce monde se trouve frappé en principe d'un sceau de nullité. La modernité. L'esprit du monde ...

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Re: Le naturalisme

Message non lu par apatride » jeu. 10 oct. 2019, 5:53

On le retrouve aussi dans les idéologies à la mode telles que le véganisme ou l'anti-spécisme, qui par rejet de la transcendance ne peuvent voir en l'homme qu'un animal un peu plus évolué que les autres, et encore tout relativement.

Il faut voir aussi comment nos compatriotes usent et abusent de la notion de karma, à laquelle j'ai moi-même adhérer tant elle me semblait autrefois relever du bon sens, et qu'on pourrait grossièrement résumer à la loi de causalité appliqué aux pensées, paroles, actions et omissions. Le karma ne peut se comprendre que dans une optique naturaliste, où l'univers fonctionne en vase clos. Nulle place pour une intervention surnaturelle, pour une économie de la grâce.

Il y a ici et là quantité d'indices de la sorte.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » jeu. 10 oct. 2019, 6:08

Fernand Poisson :

Songez à la critique radicale que Luther fait du monachisme
. Les moines s'attachent à vivre dès ici-bas comme au Royaume, à réaliser le Royaume sur terre. Orgueil ! nous dit Luther. Nul ne peut se libérer de la nature et de sa déchéance.
Oui.





Du point de vue de la morale "naturelle", sociale, les protestants pieux sont probablement excellents : modérés, honnêtes, travailleurs, serviables, bons voisins... Mais tout ce qui relève d'un ascétisme un peu trop "extraordinaire" (comme la continence parfaite), tout ce qui se met trop visiblement à l'écart du monde (consacrer sa vie à la prière par exemple, - Luther pensait qu'une prière trop intense était le signe d'un manque d'abandon...) leur est étranger.

Je repense souvent à Oscar Wilde qui disait que l'Église anglicane était pour les gens corrects (modérés, honnêtes, travailleurs, bourgeois ...). l'Église catholique pour les pécheurs et pour les saints.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » jeu. 10 oct. 2019, 15:15

Bonjour apatride,
apatride :
On le retrouve aussi dans les idéologies à la mode telles que le véganisme ou l'anti-spécisme, qui par rejet de la transcendance ne peuvent voir en l'homme qu'un animal un peu plus évolué que les autres, et encore tout relativement.
Tout à fait.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » jeu. 10 oct. 2019, 15:44

apatride :

Il faut voir aussi comment nos compatriotes usent et abusent de la notion de karma, à laquelle j'ai moi-même adhérer tant elle me semblait autrefois relever du bon sens, et qu'on pourrait grossièrement résumer à la loi de causalité appliqué aux pensées, paroles, actions et omissions.

Le karma ne peut se comprendre que dans une optique naturaliste, où l'univers fonctionne en vase clos. Nulle place pour une intervention surnaturelle, pour une économie de la grâce.
... et comme une manière de se réconcilier avec le monde. Il y a les riches, il y a les pauvres. Bien normal ! Ainsi va le monde. Le pauvre est pauvre parce qu'il l'aura mérité.

Le pauvre est désaccordé d'avec les lois internes ou immanentes qui régissent l'univers. Ce n'est que justice (en fonction de l'univers) qu'il puisse se ramasser dans le trou. La chose est naturelle. Il est naturel aussi que la gazelle ou le gnou malade soient tout deux dévorés par les lions. C'est bien, c'est très bien. Et foin de péché originel !

La crème remonte ("Vive nous, les meilleurs !"), les déchets précipitent et descendent au fond.

Comme disait Jacques Maritain : "Une manière de ne pas être blessé de la blessure d'Adam, ni de la blessure du Messie ni par la croix de Jésus pour la vie éternelle".

La théorie de la réincarnation et la loi du karma permettent bien, en effet, de contourner la révélation d'Israël. Il s'agit bien d'un naturalisme, et panthéiste qui plus est comme le disait Fernand Poisson plus haut.

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Re: Le naturalisme

Message non lu par Cinci » jeu. 10 oct. 2019, 16:20

Et donc ...

Notre Père Verlinde (j'Imagine ici) pourrait possiblement dire d'Yvan qu'il se trouverait à participer maintenant d'une pratique "sécularisée" et reliée certainement elle-même à une conception "mystique" du monde. Yvan se trouve quelque peu influencé par l'esprit du monde.

On se rend compte à quel point toute la culture occidentale actuelle est formatée par ce naturalisme dont on parle ici.

Yvan aura-t-il souhaité se faire plus proche des gens ? laissant tomber la bure ? se délestant de tout le vieux formalisme religieux et catholique désuet mettant obstacle à une sorte de compassion qu'il voudrait exprimer envers lui-même et les autres ?

[...]

J'avoue que, je n'avais jamais vu ainsi tous ces changements qui seront produit dans l'Église depuis des décades, à l'aune de cette question du naturalisme. Et j'avoue qu'il peut s'y trouver là quelque chose d'inquiétant pour la foi et ses dogmes. La transcendance contre l'immanence ... contre le modernisme qui sert de véhicule à l'immanentisme fort probablement

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