La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

« J'enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36.26)
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Cinci
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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » ven. 15 nov. 2019, 9:13

Il ajoutait :
Bernard Bro :

Denys le Syrien nous explique par un exemple : il en est de ceux qui prient comme des hommes placées dans un barque et qui hâlent cette barque en tirant les cordages fixés à un point du rivage. Le rocher ne bouge pas, mais les hommes font avancer la barque en tirant sur les cordes. Les marins ne font pas changer la bouée de place, ni le quai. Ainsi, celui qui prie ne fait pas changer Dieu. Prier, c'est tirer vers Dieu la barque de l'Église. Et c'est nous-mêmes et non pas Dieu, c'est notre volonté, nos projets qui rejoignent le rivage. La suprême prière que nous ferons sera de dire, comme le Christ : "Que ta volonté soit faite"; non pas qu'elle change, mais qu'elle s'accomplisse; qu'elle soit manifestée dans sa merveilleuse sagesse afin que nous puissions nous y associer et vouloir de plus en plus étroitement ce que Dieu veut.

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » mar. 19 nov. 2019, 15:18

Intensifier sa vie de prière et d'oraison

A mesure que l'âme des 2e demeures s'habitue à parler au Seigneur, à la prier, à s'entretenir avec Lui, elle intensifie le "coeur à coeur". Dans la marche spirituelle, il y a des marches à monter et on n'en saute pas.

Au commencement, lorsqu'une âme s'est décidée à monter sur la galerie et à ouvrir la porte pour entrer dans le Château à la rencontre du Seigneur qui l'attend, alors elle développe un goût de la prière. J'appellerais même ça : la fringale de la prière. Alors ça porte à multiplier les dévotions ... On entre dans des groupes de prière, c'est très bien; on multiplie les dévotions, et là on en a toute une catégorie : des prières du côté de l'Eucharistie, du côté de la personne du Seigneur, de la Vierge Marie, de certains saints ... on en fait tout un éventail, donc on multiplie et parfois on multiplie même trop !

Parfois ça paraît à l'extérieur; on abonde même dans les breloques spirituelles. On fait une grande démonstration d'objets de piété, à l'extérieur de soi-même, et parfois dans sa maison et même dans son jardin. Donc on multiplie tout ce qui est signe de prière. Ce n'est pas mauvais, remarquez bien, c'est même très bien pour commencer. Mais ce n'est qu'un point de départ pour stimuler l'âme à la prière, pour nous faire penser à prier, pour l'aider à s'accrocher à la prière tous les jours.

Je dirais que c'est la vie chrétienne en fleur. C'est la joie d'agir en enfant de Dieu ... mais parfois de façon trop enfantine. Et voyez comment ça peut devenir vrai. Les enfants aiment à se mettre toutes sortes de bebelles sur le dos, à s'attriquer de toutes sortes de couleurs, et avoir l'air un peu carnaval. Et même certaines églises, certaines chapelles, donnent cette impression tellement on y entasse les statues et les symboles religieux. Au point de vue spirituel il y a un vrai danger de donner l'impression qu'on donne tellement d'importance à l'extérieur qu'On se demande s'Il y a un intérieur correspondant. Donc, ça devient une dévotion trop enfantine. Ce n'est pas l'enfant de Dieu, c'est l'enfantin humain.

Je ne jette pas la pierre à quiconque, c'est mieux de faire ça que de ne pas prier du tout, ou si peu. C'est bien mieux que ceux qui ne font rien, bien mieux que ceux qui décrochent tout symbole religieux dans leur maison et leur lieu de travail.

Plus tard, l'âme apprendra à améliorer sa prière. Pour le moment son coeur d'enfant de Dieu bat comme ça ... un jour ça deviendra plus adulte spirituellement. Elle cachera davantage ses rapports intimes avec Dieu au lieu de les exhiber sur la galerie.

Le principal : "Aimer le Bon Dieu", comme disait le bon pape Jean XXIII. Avec le temps, on améliore notre manière d'aimer le Bon Dieu en devenant plus adulte. Et j'ajoute qu'il faudra toujours respecter la manière des autres de l'aimer. Aimez-le, vous, à la manière qui convient à votre âme, mais si un autre l'aime d'une façon différente, plus démonstrative, respecter sa manière d'aimer Dieu.

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Fée Violine » mar. 19 nov. 2019, 23:22

apatride a écrit :
mer. 13 nov. 2019, 1:39
Dans un proche registre je suis en train de lire "Je veux voir Dieu" du père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus, si j'en ai le courage je partagerai peut-être quelques citations en seconde lecture.
Je les lirai volontiers (je n'ai pas encore eu le courage d'attaquer le livre, qui est gros !)
Savez-vous qu'il a été béatifié il y a quelques années ?

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par apatride » mer. 20 nov. 2019, 0:16

Fée Violine a écrit :
mar. 19 nov. 2019, 23:22
apatride a écrit :
mer. 13 nov. 2019, 1:39
Dans un proche registre je suis en train de lire "Je veux voir Dieu" du père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus, si j'en ai le courage je partagerai peut-être quelques citations en seconde lecture.
Je les lirai volontiers (je n'ai pas encore eu le courage d'attaquer le livre, qui est gros !)
Savez-vous qu'il a été béatifié il y a quelques années ?
C'est ce que j'ai lu en faisant quelques recherches sur l'auteur et le contexte de la rédaction de ce livre.
Je vous engage à le lire, je trouve que sa lecture est plutôt facile et pédagogiquement riche d'enseignements.
De plus, même s'il y a une logique dans la progression tout au long du livre, il peut se lire par petits bouts selon l'humeur ou les considérations du moment, ce qui permet à un "petit lecteur" de l'aborder sans être submergé.
Enfin, c'est le genre de livres dont on relit des passages tout au long de son propre cheminement. Le mien est balbutiant mais j'imagine très bien que certains chapitres prennent un tout autre sens selon où l'on en est de sa propre relation au Seigneur.

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » mer. 20 nov. 2019, 5:25

(suite)

Intensifier sa prière

A mesure que l'âme avance en 2e demeures (C'est une démarche qui dure plusieurs années, ne vous découragez pas), elle agit un peu comme quelqu'un qui commence à voyager : au début, beaucoup de bagages, on a peur de ne pas en avoir assez ... Puis, on diminue, on simplifie ... C'est le même phénomène dans la vie spirituelle. Il faut arriver à l'essentiel et laisser graduellement l'accessoire.

Du côté de la personne du Seigneur Jésus, l'essentiel, c'est sa Nativité, sa Mort, sa Résurrection, son Eucharistie, sa Divinité. Ça, c'est l'essentiel. Du côté de la Vierge Marie, l'essentiel, c'est sa Maternité divine, sa Vie intérieure (notre modèle), ses souffrances, son rôle de Co-Rédemptrice et de Médiatrice. Du côté des saints que vous choisissez comme amis de Dieu, par qui vous montez au Seigneur et à la Vierge Marie, alors faites la même chose : ne multipliez pas, mais prenez ce qui vous aide à arriver le plus vite possible au Seigneur et à la Sainte Trinité.

Ainsi, prières et oraison deviennent éclairées, équilibrées, soutenues. Vous aurez une démarche que sera comme ceci : prière, oraison ... prière, oraison ... ; gauche, droite ... gauche, droite ...

Ce mouvement de l'âme vers Dieu est un art. Il exige une manière d'agir. C'est en forgeant que l'on devient forgeron, n'est-ce pas ? C'est en priant que l'on apprend à bien prier. C'est en faisant oraison que l'on devient spirituel.

Avec les Apôtres, disons à Jésus : "Seigneur, apprends-nous à prier !" (Luc 11,1) Apprends-nous l'art de bien prier !

L'Église nous donne un bel exemple de prière dans cette oraison qu'il ferait bon de redire souvent :

Seigneur, Roi du ciel et de la terre
dirige et sanctifie
ordonne et gouverne aujourd'hui
nos coeurs et nos corps
nos pensées, nos paroles et nos actions;
fais-nous suivre ta volonté et tes ordres
afin qu'ici-bas et pour toujours
nous vivions par ta grâce
libres et sauvés.
Amen.

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » mer. 20 nov. 2019, 20:54

Dans les conseils pratiques que donne Thérèse pour les débutants dans la prière d'oraison ...

Sainte Thérèse disait clairement avec toute son expérience : "Tout ce qui concerne l'oraison est difficile, et l'on a beaucoup de peine à comprendre sans le secours d'un maître".

Il faut faire des lectures méditées.

Au début des 2e demeures, l'âme n'est pas prête à faire davantage; même si elle veut beaucoup, elle est encore trop jeune dans le métier, si l'on peut dire. Quand on bâtit un mur de briques, il vaut beaucoup mieux poser correctement les premières briques, si l'on ne veut pas que les autres s'écroulent par la suite. En général, la méditation part des sens qui apportent le sujet à méditer. L'intelligence considère cette matière et la volonté réagit et y recherche le Seigneur, pour mieux l'aimer et lui parler. Vous avez donc là les trois degrés qui mènent à la première forme de méditation. Donc les sens, par exemple les yeux dans une lecture, vous apportent une matière à méditer. L'intelligence la considère et ensuite la volonté décide d'en parler au Seigneur tout bonnement ! C'est une première forme d'oraison mentale. Thérèse d'Avila écrivait : "Un autre moyen excellent ... c'est de prendre un bon livre en langage vulgaire. Et ainsi vous habituerez peu à peu votre âme à la méditation sans l'épouvanter'. Elle disait aussi "La lecture, si courte soit-elle, est d'un très grand secours pour arriver à se recueillir". Et elle va même jusqu'à avouer humblement : "Pour moi, je suis restée plus de 14 ans, sans pouvoir méditer, si ce n'est avec un livre"; "Durant toute cette époque, je n'osais jamais, si ce n'est après la communion, me mettre à l'oraison sans un livre".

C'est surprenant de se faire dire ça par la grande Thérèse.

C'est que la lecture méditée est un moyen destinée à faciliter l'oraison. Elle sera normalement l'oraison du novice dans les voies spirituelles. (cf "Je veux voir Dieu", p. 177) Elle consiste à lire une phrase ou l'autre, seulement, juste assez pour déclencher une pensée nourrissante et une prière toute intérieure. Thérèse disait : "Quelquefois je lisais un peu; d'autres fois beaucoup, selon la grâce que le Seigneur daignait m'accorder". Ce qui veut dire tout de suite qu'Il ne faut pas s'astreindre, dans cette méditation, à vouloir aller jusqu'au bout de la page ou du chapitre pour faire une méditation. On lit quelque chose et dès qu'on est allumé spirituellement, on ne va pas plus loin : on déguste ce qu'il y a là, on essaie de le saisir, de l'approfondir, d'y penser intérieurement et ça évolue peu à peu vers une prière adressée au Seigneur qui est au-dedans de nous; à la Trinité Sainte, à Jésus, ou parfois aussi à la Sainte Vierge, ou à quelques saints dont on va chercher l'expérience spirituelle, comme sainte Thérèse par exemple.

Il faut retenir que cette lecture n'est qu'un moyen destiné à faciliter l'oraison. Son rôle exclusif est de fournir un sujet d'entretien avec Dieu, assurer un soutien pour s'unir à Lui,

Le but c'est toujours de rentrer en union intime avec le Seigneur car c'est là que se situe l'oraison. Comme on est éparpillé dans nos sens, notre imagination, on va trouver dans cette lecture un pain à déguster spirituellement, et de là on passe tout de suite au contact avec le Seigneur.

La clef, c'est de ne pas chercher à apprendre; c'est une méditation qu'on veut faire, une méditation qui aboutit à l'oraison. Il ne s'agit pas d'en faire une étude. Ne pas chercher à apprendre ou à satisfaire un intérêt quelconque. Supposons que vous lisez une vie de saint et qu'il y a des choses qui vous stimulent à l'oraison, si vous allez au bout de l'histoire vous allez perdre la chance de rentrer en contact intime avec le Seigneur.

La méthode, c'est de faire comme les poules qui boivent ... Les poules sont mal organisées pour boire, Dieu l'a voulu ainsi ! Elles doivent se pencher pour prendre une petite becquée d'eau, puis lever la tête en haut et laisser descendre le liquide. C'est exactement ça la méditation, cette méditation que l'on fait à partir d'une lecture. Vous allez chercher une petite becquée de doctrine spirituelle et vous la laissez pénétrer dans votre coeur; quand elle y pénètre, c'est là que les actes sortent, les actes qui viennent du coeur, à l'égard de la personne de Jésus ou de Dieu notre Père ou de l'Esprit Saint.

Prenons un exemple :

En méditant sur la naissance de Jésus, on peut procéder de différentes manières. On peut se contenter d'utiliser ses yeux pour voir la crèche comme font les enfants; alors on ne fait qu'effleurer le mystère sans le voir car l'Imagination suit vite, au pas de course,et nous emporte ... Donc, si on est devant la crèche, et qu'on regarde tous les détails en s'amusant à toutes les bebelles qui sont là, on ne va pas au mystère, c'est impossible ! C'est tout de suite l'Imagination qui va jouer et nous entraîner.

Pour la lecture méditée, vous allez chercher l'essentiel du mystère, le jus du mystère. Des fois une petite phrase peut suffire, ça peut en prendre deux ou trois, et à ce moment-là vous êtes comme la Vierge Marie dont on dit : "Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son coeur" (Luc 2,19) C'est cette méditation qu'on vous invite à faire au début des 2e demeures. C'est la méthode utilisée dans la première formation des religieux, des religieuses et des prêtres. C'est aussi la méthode utilisée pour les laïcs qui désirent progresser dans l'oraison.

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » dim. 08 déc. 2019, 18:28

(pour poursuivre)


Et quant à la la partie méditative de la prière d'oraison ...

La partie la plus difficile dira sainte Thérèse c'est la résolution. "L'unique ambition de celui qui commence à s'adonner à l'oraison doit être de travailler à s'affermir dans les bonnes résolutions, et de ne négliger aucun moyen pour rendre sa volonté conforme à celle de Dieu'

Soyons honnêtes, tant qu'on est pas rendu à la résolution, ça se fait relativement bien, mais quand on est rendu à prendre la résolution de se corriger de quelque chose, ça fait toujours mal ! On le sait par expérience, il faut souvent prendre les mêmes résolutions parce qu'on est moins généreux pour les suivre et les réaliser jusqu'au bout. C'est pour ça que la vie spirituelle prend du temps à progresser. La montée du cheminement spirituel prend du temps, ça prend des années.

C'est pourquoi la résolution doit être d'abord une résolution générale, mais dans laquelle on choisit un point très précis. Je dirais qu'Il faut prendre une résolution pour 24 heure d'abord. Prendre la résolution d'être un bon gars, une bonne fille, ça ne vaut rien, parce que c'est trop vaste, c'est trop général. Si on prend la patience ... alors je prend en général la résolution d'être plus patient, comme résolution précise, de réfléchir trois fois avant de répondre à telle personne, c'est là que je manque de patience ... Donc je vais compter au moins jusqu'à dix avant de lui dire quelque chose. C'est très précis. C'est une manière concrète de se corriger. En somme, on dira de la résolution : c'est une idée-force, une idée-victoire ... Donc une idée qui vous force, qui vous stimule; elle deviendra une idée-victoire.

Le danger

Cette forme de méditation comporte, cependant, un sérieux danger : celui de n'être qu'une gymnastique intellectuelle, évitant ainsi de descendre au plus vite au niveau du coeur, c'est à dire de l'amour.

Donc le mécanisme de pensée, d'entendement, de recherche doit être relativement bref et qu'on passe tout de suite à l'union, au contact avec le Seigneur si on veut que la méditation soit efficace. A ce propos sainte Thérèse écrit : "Qu'Ils se tiennent donc en présence de Notre Seigneur, sans fatiguer leur entendement, qu'ils lui parlent et mettent leur joie à se trouver en Lui" Ailleurs, elle précise sa pensée en disant : "Les douceurs dont jouissons par l'entremise de l'entendement, dans la méditation ordinaire, seront, malgré tout, comme une eau qui coule sur la terre. On ne boit pas à la source même; cette eau rencontre forcément des impuretés sur sa route." Cette méditation qui procède par le raisonnement, c'est comme une eau qui coule à terre; donc elle ramasse de la saleté. Ce n'est donc pas une eau qui vient de la Source qui est vraiment le Seigneur. Elle veut nous faire comprendre par là qu'il faut dépasser le plus vite possible le raisonnement pour arriver le plus vite possible au Seigneur Lui-même; la Source d'Eau vive, c'est Lui.

Et c'est quand on est avec Lui, uni à Lui dans une méditation qui est devenue "oraison" qu'on boit l'Eau vive de la grâce, de l'Amour, de la paix et de l'union à Dieu.


Le recueillement : école d'oraison

A mesure qu'elle avance dans ces 2e Demeures, l'âme maîtrise peu à peu ses facultés, ses sens, tout son mécanisme humain; elle finit par le maîtriser. C'est un peu comme un animal qu'on veut dompter ...

Un chien qui n'est pas dompté gambade partout, il n'y a pas moyen de lui faire faire quelque chose de sensé, mais quand il est bien dressé, il peut conduire à la perfection un aveugle. De même un cheval qui n'est pas dompté brise tout avec ses pattes; il saute partout et n'est jamais capable de tirer quoi que ce soit; mais quand il est dompté, il fait des merveilles. C'est comme ça qu'on dresse notre âme, qu'on dresse nos facultés et nos sens de manière à en faire ce qu'on veut. Et c'est ce qui fait la qualité des saints. Ils ont tellement maîtrisé leurs sens et leurs facultés intellectuelles qu'ils sont continuellement disponibles à Dieu et, par conséquent, en union constante avec Lui. Ils ne sont pas dérangés par la "marmaille" des sens et des facultés qui les entourent.

Donc cette âme prend peu à peu l'habitude de la méditation, de l'intériorité, du commerce intime avec le Seigneur.

Elle écrivait : "L'habitude de ce recueillement intime m'a procuré les plus grands profits." L'agent principal, c'est l'âme elle-même. C'est donc un évidemment un recueillement actif que l'âme réalise avec la grâce de Dieu; ce n'est pas encore le recueillement passif que le Saint Esprit infusera en 4e Demeure.

C'est un recueillement que l'âme s'est donné à elle-même, par ses efforts, par sa pratique, aidée de la grâce de Dieu.

Vous voyez qu'on a fait un grand pas ! On ne va plus chercher dans les livres, même pas dans la liturgie; ça peut être un résultat de ce qu'on a pris dans les livres, dans la liturgie, mais on est rendu capable, à ce moment-là, d'entrer dans un recueillement, dans un seul à seul avec le Seigneur.

Dès qu'on prend la peine d'entrer dans une situation de recueillement, on s'impose à soi ce recueillement, la grâce de Dieu venant toujours en aide, et là on est en contact avec le Seigneur. C'est comme Marie-Madeleine qui a cessé de s'éparpiller au dehors et qui se tient toute proche de Jésus, lequel captive toute sa pensée et tout son coeur ... L'âme s'est retirée dans son temple intérieur, ou habite la Sainte Trinité qu'elle ne voit pas, mais dont elle saisit la présence mystérieuse.

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » dim. 08 déc. 2019, 19:12

Comment y parviendra-t-on ?

Pour cela il faut cultiver l'habitude de la présence de Dieu ... On peut s'aider de représentations, de "tableaux" dans l'imagination, etc. Ainsi, vous pouvez vous représenter Jésus avec Marie et Joseph dans la maison de Nazareth, et là c'est avec eux que vous faites votre méditation de recueillement. Vous imaginez Jésus sur le bord du puits de Jacob avec la Samaritaine, Jésus avec Nicodème ... ou différentes autres scènes. Non pas pour les étudier, les exploiter, mais tout simplement pour que votre recueillement devienne plus facile, parce qu'il est, je dirais, épinglé sur un événement qui concerne le Seigneur immédiatement.

De courtes lectures, prières ou objets religieux peuvent vous y préparer. Mais attention à la paresse, à l'oisiveté, il faut être actif ...

Vous ramassez les sens, vous ramassez les deux grandes facultés, intelligence et volonté, mais il faut leur donner quelque chose à faire, car autrement la dissipation va recommencer. C'est exactement comme des enfants lorsque des adultes veulent parler à de grandes personnes; c'est bon de leur dire : ne faites pas ceci, ne faites pas cela; mais si vous ne leur donnez pas une certaine occupation, alors le tapage va recommencer; si vous leur donner une lecture à faire, ils sont tranquilles. Si vous leur donner un certain programme facile à suivre, qui ne dérange pas trop, ils ne feront pas de jeu tapageur.

C'est la même chose avec les facultés; il faut tout de même leur donner quelque chose. Donc, on va leur donner la pensée de Jésus, soit par des images, soit par la musique . Ainsi, pour entrer en solitude on a besoin, une fois qu'on a dompté les sens, de leur donner une certaine nourriture.

C'est à chacun de trouver le moyen concret de réaliser cette méditation de recueillement.

Disons que vous avez fait pendant quelque temps cette méditation de recueillement qui est active, mais ensuite vous devez sortir pour votre travail ou autre chose, si vous avez bien réussi, ça va être comme une hantise. Le thème de votre méditation, de votre recueillement va revenir au cours de votre travail, ou d'autres obligations. Vous pouvez donc y repensez tout en faisant très bien ce que vous avez à faire.

Parfois

Parfois, dans d'autres cas, ce ne sera pas l'âme qui va provoquer l'oraison de recueillement, mais ce sera une grâce spéciale du Seigneur.

Remarquez bien que ce n'est pas nécessaire que ça arrive comme ça pour progresser dans la vie spirituelle, mais il arrive que le Seigneur fait de petits cadeaux comme ça, il donne des grâces exceptionnels à l'occasion; s'il en donne qu'il soit remercié et loué ! S'il n'en donne pas qu'il soit également remercié et loué !

Vous pouvez avoir à un moment donné une émotion spirituelle subite ... Une émotion spirituelle non sensible; vous êtes spirituellement saisi d'émotion devant quelque chose que Jésus a fait, par ses souffrances, ou que la Sainte Vierge Marie a réalisée dans sa vie. Et là, sans aucun effort de votre part, vous avez comme une émotion intense à l'intérieur de l'âme, qui peut se répercuter un peu à l'extérieur; mais elle est surtout intérieure.

Ou bien encore, dans certains cas, une grâce mystique de présence de Dieu. Le Seigneur permet que vous ayez comme l'impression nette qu'il est là, qu'il est présent, peut-être un peu comme un genre de vision intérieure du Seigneur Jésus, ou de la Vierge.

Ça peut se présenter, bien que ce soit assez rare; mais ce n'est pas nécessaire du tout pour avancer et ce serait dangereux de les rechercher, ça pourrait devenir une vanité spirituelle.

L'âme se sent comme enveloppée dans le Seigneur, elle est comme saisie par Lui , elle ne voit pas, mais elle a comme un flair que le Seigneur est là; un peu comme s'il était derrière un voile, mais il est vraiment là. Elle pressent qu'il est là spirituellement. Cela arrive en particulier si vous avez une effusion de l'Esprit Saint. L'Esprit Saint, par une grâce particulière, ou pour vous permettre d'être plus actif dans son Église, vient à un moment donné vous saisir par une présence et une infusion de grâce et de lumière , d'Amour, tels que vous êtes comme envoûtés par le Seigneur à ce moment-là.

Si ça vous arrive, je le répète, remerciez le Seigneur, mais ne recherchez pas ces cadeaux de Dieu. Et comprenez que vous êtes d'autant plus obligé de l'aimer après qu'il vous a donné une gâterie qu'il ne donne qu'au compte-goutte.

Résumons:

Dans la liturgie, l'âme s'abreuve à une source riche et abondante pour alimenter son oraison.
Dans la lecture méditée, elle s'initie peu à peu à l'art de l'oraison.
Dans l'oraison de recueillement, est est devenue familière avec le Seigneur,

On est à l'école de Jésus lui-même ... C'est Lui qui instruit l'âme peu à peu. Les sens sont orientés sur Dieu et Jésus-Christ. Les facultés spirituelles deviennent obsédées de Jésus-Christ. C'est une préparation à la Contemplation mystique qui viendra plus tard en 4e Demeures et après ...

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Pathos » lun. 09 déc. 2019, 1:20

La suite ! 👍
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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par apatride » lun. 09 déc. 2019, 2:42

Je partage l’enthousiasme de Pathos, c'est un régal à lire !

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » dim. 15 déc. 2019, 16:27

Progrès de l'oraison

En poursuivant notre étude du 1er âge de la vie intérieure, nous constatons y avoir fait nos "premiers pas" en rejetant tout péché volontaire et en prenant le chemin des vertus; bref, en faisant de Dieu le choix de notre vie. Puis nous nous sommes mis en route vers Dieu qui nous attire au-dedans de nous et attise en nous une secrète soif de Lui-même.

Ensuite nous avons vu que la vie intérieure se réalise en autant qu'il y a contact avec Dieu, d'abord par la prière, c'est à dire tout forme de relation à Dieu ... et par l'oraison, soit le "coeur à coeur" avec Dieu.

Aujourd'hui, il est temps de parler des progrès à réaliser dans l'oraison.

Nous avons dit que l'oraison est un art. Or, un art, ça s'apprend à l'école des arts. Mais à quel endroit, me direz-vous, trouver une école qui enseigne l'art de l'oraison ? Je réponds : dans la liturgie, dont le professeur est l'Église en premier lieu.

La liturgie école d'oraison

La première école d'un enfant se trouve sur les genoux de sa mère ... C'est là que l'enfant commence à apprendre l'art de vivre. C'est sur les genoux de notre Mère la Sainte Église que nous apprenons l'art de prier et de faire oraison. En effet, selon l'esprit et l'enseignement de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix, "l'oraison est la libre expression de deux amours qui se rencontrent et se donnent l'un à l'autre" ("Je veux voir Dieu", p. 59) Comme cela est vrai ! L'oraison , en effet, est le lieu sacré ou Dieu-Amour et l'âme-aimante se rencontrent pour exprimer leur amour mutuel dans un échange d'une indicible tendresse.

Or, concrètement, ce lieu sacré s'il en existe un, c'est bien la liturgie de notre Mère la sainte Église, car la liturgie, c'est réellement le lieu de rencontre du divin et de l'humain, de Dieu et des hommes. Et c'est ce que déclare le concile Vatican II, quand il écrit au sujet de la liturgie :

"Il appartient en propre à celle-ci d'être à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités invisibles, fervente dans l'action et occupée à la contemplation." (V II, SC 2)

Chaque fois qu'elle se réalise, c'est une rencontre personnelle avec le Divin Sauveur Jésus-Christ, le Christ, comme le souligne aussi bien Vatican II quand il dit :

"Il est présent par sa vertu dans les sacrements au point que lorsque quelqu'un baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise. Il est présent dans sa parole, car c'est Lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes Écritures. Enfin, il est là présent lorsque l'Église prie et chante les psaumes, Lui qui a promis : "Là ou deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux (Mt 18,20).

Supériorité de la prière liturgique

C'est pourquoi, conclut le Concile :

"... toute célébration liturgique, en tant qu'oeuvre du Christ et de son Corps qui est l'Église, [....] est dans l'action sacrée par excellence dont nulle action de l'Église ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré" (V II, SC 7)

Ces mots de Vatican II signifient clairement que la prière liturgique est supérieure , et de loin, à toute autre prière privée ou en groupe. Donc, "nulle action de l'Église ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré".

"La liturgie est considérée comme l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l'homme est signifiée par des signes sensibles et réalisée d'une manière propre à chacun" (7)

Alors, comment trouver le Seigneur et s'unir à Lui dans l'oraison, si d'abord on ne s'abreuve pas à la liturgie de son Église ? C'est là que nous avons une claire vision de tout ce que Dieu fait pour nous. C'est là que nous communions à tous les mystères d'un Dieu qui prend chair humaine, pour nous enseigner de sa propre bouche; nous sauver par son propre sang versé en Rédemption; nous emporter par sa propre Résurrection dans les bras du Père éternel ! Telle est la très sainte liturgie qui, dans chaque sacrement, mais surtout dans celui de l'eucharistie, nous associe à la prière du Christ, donnant ainsi à la nôtre une valeur sans limite, et nourrit notre oraison de la relation d'amour la plus vraie qui soit : l'Amour d'un Dieu en quête de l'amour de ses créatures ...

Qui pourrait trouver mieux par ses seuls petits moyens personnels ?

Rien ne peut surpasser la prière même du Christ qui nous associe à son oraison divine dans chaque sacrement et dans chaque action liturgique, depuis le saint baptême jusqu'au sacrement des malades, en passant par la messe eucharistique; depuis l'humble ave Maria jusqu'à la prière des heures du bréviaire ecclésial.

Vous voyez par là, et j'espère que vous en devenez de plus en plus convaincus, qu'au point de vue de l'excellence, il n'y a rien qui surpasse la prière liturgique, et que pour nous unir à cette excellence, il faut y participer, il faut être présents.

Infiltration de l'humain

Cependant, un corollaire ici s'impose et vient nous distraire de cette splendeur par une infiltration de l'humain dans le divin. Voici : entre les enfants de Dieu, il y a parfois certaines divergences, tout comme parmi les enfants des hommes. Ainsi, par les modifications liturgiques nées à la suite du Concile, ont entraîné certaines critiques, oppositions, et même désobéissances ... J'appelle ça "des chicanes d'enfants gâtés qui se prennent pour leurs parents".

En voici quelques phrases qui éclairent bien notre sujet :

La liturgie comporte une partie immuable (dit le Concile). celle qui est d'institution divine, et des parties sujettes au changement qui peuvent varier au cours des âges. (V II, SC 21). Donc, toujours bien distinguer les deux; la partie qui est d'institution divine, c'est, dans la messe, l'Offrande, la Consécration et la Communion; c'est également ce qui constitue chacun des autres sacrements et qu'on appelle dans le langage ecclésial : la matière et la forme, c'est à dire une matière extérieure qui signifie qu'il y a quelque chose de spirituel, d'intérieur, qui va se réaliser; et les paroles qui sont la forme et qui réalisent le miracle qui s'accomplit dans le sacrement, parce que chaque sacrement est une intervention miraculeuse de Dieu, c'est à dire que ça dépasse toute force, toute capacité humaine.

Et le Concile continue :

"Le gouvernement de la liturgie dépend uniquement de l'autorité de l'Église; il appartient au Siège apostolique et, dans les règles du droit, à l'évêque ... et aussi aux diverses assemblées d'évêques légitimement constituées, compétentes, sur un territoire donné."

Vous avez donc ici la ligne d'autorité : le Souverain Pontife, l'autorité suprême, vicaire de Jésus-Christ. Et les évêques qui ont une autorité apostolique comme celle des Apôtres, dont ils sont les successeurs; en particulier dans leur diocèse et en collégialité dans un certain territoire donné ou ils sont en autorité, en autant qu'ils sont en communion avec le Souverain Pontife. Ce qui veut dire que même un évêque, s'il n'était pas en communion avec le Souverain Pontife, cesserait d'avoir l'assistance spéciale de l'Esprit Saint et il cesserait de parler au nom et avec l'autorité de l'Église. Il redeviendrait un individu comme un autre au point de vue autorité.

Il est bon que ce soit dit clairement.

C'est pourquoi, continue le document, absolument personne, même prêtre, ne peut de son propre chef, enlever ou changer quoi que ce soit dans la liturgie. (V II, SC 22) Il faut avoir l'approbation de l'évêque du diocèse pour faire quelques changements, modifications, ou même expériences nouvelles.

Si on n'agit pas comme cela, on agit comme des enfants gâtés, comme je disais tantôt, qui veulent prendre la place de leurs parents; et on fait le jeu du Diable, parce que lorsqu'on réussit à mettre une division à l'intérieur même de sa propre Église, ça veut dire qu'on risque de la démolir. Et Jésus en a parlé d'une façon assez claire quand il a dit : "Tout royaume divisé contre lui-même court à sa propre ruine" (Mt 12,25)

Lorsque le Démon ne peut pas détruire une chose par en avant, je dirais, il la détruit par l'intérieur en s'infiltrant chez les responsables et en soufflant sur leurs défauts personnels pour les mettre en opposition les uns avec les autres, et ensuite créer toutes sortes de problèmes, de difficultés, qui finissent parfois par des chicanes et ensuite par des divisions.

C'est évident que dans un groupe de personnes qui participent à une liturgie, vous en aurez qui préfèrent prier paisiblement et même essayer d'y faire oraison, ce qui suppose qu'il n'y a pas trop de branle-bas dans la liturgie. Vous en avez d'autres qui voudraient qu'il y ait beaucoup de chants, beaucoup de démonstrations extérieures, beaucoup d'activités, on va ajouter même de la danse aujourd'hui et toutes sortes de musiques, et que sais-je ? Si on ne peut pas créer au même endroit deux types de liturgie, alors il faudrait essayer de donner une chance à chacun. Mais il ne s'agit pas de dire : "Je ne participerai pas parce que ce n'est pas de mon goût !" Là, ce ne serait pas spirituel, ce serait tout simplement établir une forme de caprice. Si on aime le Seigneur, il faut aimer le menu de la liturgie, même si parfois on le trouve trop salé, ou trop doux; on pourrait peut-être en profiter pour pratiquer un peu d'ascèse, ce qui est très spirituel. Il faut la vivre au quotidien, l'ascèse, même dans la liturgie !

Bref, tout ce qui mène à Dieu est bon ! Donc, d'un côté, respectons la personnalité spirituelle de chacun ... ;de l'autre, gardons le juste milieu ou se situe la vraie vertu. Les exagérations dans un sens ou dans l'autre ne viennent pas de Dieu !

En conclusion, la sainte liturgie, bien comprise et bien vécue, nourrit abondamment notre prière et notre oraison. L'année liturgique nous fait passer par la gamme de tous les mystères du Christ, de la Vierge Marie, et du plan de salut de Dieu à travers les siècles, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament. C'est comme une puissante symphonie qui nous enveloppe et nous transporte dans le mystère de l'Amour de Dieu pour les hommes.

Cependant, ce m'est là qu'un départ pour notre vie intérieure si celle-ci veut progresser sans cesse. Sans doute, c'est une nourriture abondante et variée, mais il nous faut la digérer lentement après l'avoir absorbée. La liturgie est excellente, il faut qu'elle fasse partie de notre vie spirituelle, mais il ne faut pas bloquer là, comme si c'était toute la vie spirituelle. C'est un fondement, c'est une base, c'est une fontaine à laquelle il faut s'abreuver, mais intérieurement il faut progresser.

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Pathos » dim. 15 déc. 2019, 17:42

Bravo encore Cinci
Si seulement on entendait de telles choses le dimanche dans les homélies...
Une nation n'est pas ce qu'elle pense d'elle même dans le temps mais ce que Dieu pense sur elle dans l'éternité. Soloviev

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » mer. 18 déc. 2019, 17:01

Nécessité de la lecture spirituelle

La connaissance engendre le désir. Un poète latin du nom d'Ovide écrivait : "L'indifférence naît le plus souvent de l'ignorance", et il concluait "On ne désire pas ce qu'on ne connaît pas". C'est bien là le principe qui explique la nécessité de la lecture spirituelle. Le désir suit la connaissance ou, si l'on veut, la connaissance engendre le désir, c'est élémentaire ! Comment peut-on avoir soif de Dieu et des choses de Dieu, de ce qu'il est et de ce qu'il fait pour nous, si on n'en sait rien ou si peu que pas ?

Comment vivre une vie intérieure profonde si on n'en sait rien, ou presque ? L'ignorance est la cause de beaucoup de maux y compris la stagnation spirituelle.

Connaître Dieu, c'est l'aimer. Plus on connaît les merveilles de Dieu, celles qui sont en Lui-même et celles qu'Il réalise en dehors de Lui-même, plus spécialement dans les âmes, plus notre coeur palpite d'amour pour un Dieu si merveilleux. Sans doute la connaissance de Dieu commence par la foi qui est un don gratuit du Seigneur. Mais ce don, l'homme est appelé à le développer librement par la recherche de son intelligence, surtout au 1er âge de la vie intérieure, c'est à dire 1ères, 2e et 3e demeures, en attendant qu'il plaise à Dieu, au 2e âge, à partir des 4e demeures, de lui infuser directement Sa lumière.

En effet, la foi est une connaissance obscure, car elle porte sur les mystères de Dieu qui dépasse évidemment toute intelligence humaine.

Cependant l'intelligence est un outil que Dieu nous a donné pour fouiller le mystère et essayer d'en saisir peu à peu les merveilles. De là l'importance des études théologiques. De là aussi l'importance, pour tous, de communier à la science des autres par des lectures choisies, propres à éclairer notre foi et à déclencher l'amour en notre coeur. N'est-ce pas ce que saint Pierre affirme lorsqu'il écrit :
"Apportez encore tout votre zèle à joindre à votre foi la vertu, à la vertu la connaissance, ... à l'amour fraternel, la charité ... Celui qui ne les possède pas, c'est un aveugle, un myope" (2 P 1,5-9)
L'amour veut toujours savoir davantage de l'être aimé, il stimule donc encore plus la recherche. Ainsi la lecture amène la connaissance qui engendre l'amour, et l'amour développe la curiosité de savoir et porte à lire davantage pour connaître davantage, et voilà qu'on va aimer davantage.

C'est le cas de Thérèse de l'Enfant-Jésus qui, par la lecture, cherchait à "connaître le caractère du Bon Dieu", comme elle disait (Je veux voir Dieu, p. 198); Thérèse d'Avila aussi dont la vie s'est transformée à partir du moment ou elle apprit, dans la lecture spirituelle, ce qu'est le recueillement, le don de soi à Dieu, la valeur de la souffrance ...

L'ignorance de la vérité révélée conduit à l'Indifférence, à la négligence de la pratique de la foi, en attendant de la perdre et peut-être son âme avec ... Cela peut faire penser à des gens qui ont malheureusement cessé d'apprendre. C'est aussi le cas de gens qui n'en finissent plus de perfectionner leur savoir humain, mais ne perfectionne jamais leur connaissance de l'Évangile. Aujourd'hui ça pleut des gens comme ça qui étudient ... étudient ... se perfectionnent ... se perfectionnent... à coup de sessions de toutes sortes, mais ils ne savent rien de l'Évangile. Ils manquent le bateau complètement ! Ils ont les sciences humaines en partie, mais ils n'ont pas la science de Dieu.

Cependant, un bon jour ces gens sentent un grand besoin spirituel parce qu'ils ont quand même une âme, et un moment donné cette âme devient tellement vide qu'elle les porte à vouloir apprendre quelque chose pour se satisfaire ! Alors ils finissent par chercher des demies ou des fausses connaissances chez des gouroux mystérieux, de qui ou pourrait bien dire : "A beau mentir qui vient de loin" ! On pense avoir plus de vérité parce ça vient de loin et que ça apporte quelque chose qui semble fantastique, complètement dans les nuages; mais ils ne rencontrent pas Jésus-Christ avec ça, et ils finissent par être profondément déçus.

Si chacun mettait autant d'efforts à se renseigner sur sa foi catholique que certains en dépensent pour fureter d'autres religions, la foi revivrait ses beaux jours d'autrefois !

Que d'exemples on pourrait donner sur les effets de la lecture ! A côté d'un protestant qui s'est converti en lisant la vie de sainte Thérèse d'Avila, on peut donner celui d'un théologien qui a perdu la foi, en lisant des livres alors à l'index. Voyez les extrêmes ! La lecture a nécessairement une influence grandissante à mesure qu'on lit davantage. Comme le dit si bien le proverbe : "Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es".

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » mer. 18 déc. 2019, 17:32

Choix des lectures spirituelles

Le choix des lectures est le miroir de l'âme. Dis-moi ce que tu lis et je te dirai qui tu es ! En effet, le choix de tes lectures, c'est le miroir de ton état d'âme. Et ça vaudrait la peine que chacun se regarde dans ce miroir ... Qu'est-ce que je lis au cours de mon année ? ... au cours de mes semaines ? Ça vaudrait même la peine d'en faire la liste et d'Indiquer l'ordre d'importance que tu y mets. Ça va te donner le portrait de ton âme ! Si tu es capable de lire et que ton choix se porte sur n'importe quoi, sauf sur les livres spirituels, c'est que tu n'es pas spirituel du tout ! Tu es à peine chrétien et probablement assez tiède ...

Et l'exemple qui saute aux yeux tout de suite, c'est Thérèse d'Avila jeune fille; elle s'est nourri l'esprit d'abord de romans frivoles que sa mère lisait avec abondance, et que Thérèse a découverts lorsque sa mère est décédée, car avant ça elle ne pouvait pas les lire. Alors elle les a lus, et elle avoue elle-même qu'elle s'en allait loin de Dieu avec ça. Heureusement qu'elle a trouvé quelqu'un pour l'aider à s'en sortir, et qui lui a conseillé de lire autre chose.

Le critère fondamental

Mais alors me direz-vous sur quel critère me baser pour faire mon choix ? Le critère fondamental, c'est la connaissance de Dieu en Jésus-Christ. L'objectif premier de la lecture spirituelle, c'est Dieu ! Ne l'oublions pas, ce n'est pas autre chose. L'objectif premier c'est Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu l'Esprit Saint, Dieu Trinité, Dieu incarné en Jésus-Christ, Dieu homme en la Vierge Marie, Dieu Rédempteur, Dieu sanctificateur, Dieu joie éternelle des élus.

Tout le reste doit rayonner autour de cette révélation que Dieu nous a faite de Lui-même. Or, cette révélation de Dieu, c'est grâce à Jésus-Christ qu'elle nous est faite, comme le déclare si bien saint Jean au début de son Évangile : "Nul n'a jamais vu Dieu; le Fils unique ... Lui l'a fait connaître" (Jn 1,18) C'est pourquoi Jésus s'est décrit Lui-même comme : la Voie, la Vérité, la Vie.

Toute vraie lecture spirituelle doit faire connaître quelque chose de cette même "Voie", quelque chose de cette même "Vérité", quelque chose de cette même "Vie". Sinon ce peut être une lecture bonne mais non pas spirituelle, au sens chrétien du mot.

Remarquez que des païens, des non chrétiens, peuvent faire des lectures spirituelles, mais s'Il n'y a pas Jésus-Christ qui mène au Père alors leur lecture est bonne mas elle n'est pas chrétienne. Ainsi, on peut lire sur les vertus humaines, et il y a de très belles choses écrites sur les vertus humaines. Aujourd'hui vous avez certains cours sur ce sujet, par exemple, la maîtrise de soi, c'est une vertu humaine. C'est très bien, mais on reste au niveau de l'humain. Ce sont des vertus humaines ou encore des religions humaines, fabriquées par des hommes, mais ça ne donne qu'une valeur humaine ...

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Re: La vie spirituelle selon Thérèse d'Avila

Message non lu par Cinci » mer. 18 déc. 2019, 18:24

Le livre par excellence

Le livre qui nous fait connaître Dieu, ce qu'Il est et ce qu'Il fait pour nous, c'est ce que Jésus appelle "L'Écriture' (Lc 4,21), ce que saint Paul appelle "Les saintes Écritures" (Rm 1,2) et que la tradition chrétienne appelle tout simplement "la Bible".

C'est là qu'est gravée et scellée la Parole de Dieu ! N'oubliez pas que lorsqu'on parle de la Parole de Dieu, c'est le Verbe de Dieu, et c'est ce Verbe qui s'est incarné. Donc, Jésus est vraiment la Parole de Dieu. C'est là que Dieu se révèle. Il révèle Sa Voie, Il révèle Sa Vérité, Il révèle Sa Vie, selon cette déclaration de Vatican II : "L'économie du salut annoncée, racontée et expliquée par les auteurs sacrés, apparaît comme vraie parole de Dieu." Et le Concile précise : "Les paroles de Dieu ... exprimées en des langues humaines, se sont faites semblable au langage humain, tout comme autrefois le Verbe du Père éternel, ayant prit la chair de la faiblesse humaine, s'est fait semblable aux hommes" (Dei Verbum 13-14).

C'est incroyablement beau ! Dieu le Verbe se met à notre mesure en devenant homme. La Parole de Dieu se met à notre mesure en employant le langage humain, celui que nous lisons dans la sainte Bible. Le parallèle est parfait et la Vérité est totale. C'est toujours Dieu qui se manifeste, mais il se met à notre mesure. C'est pourquoi la Bible est un langage d'homme, c'est un langage humain, c'est une manière humaine de dire des choses "surhumaines", dans le sens qu'elles sont au-dessus de l'homme. Ceci nous aide à réellement saisir ce qu'est vraiment l'Écriture Sainte : Paroles de Dieu présentées avec un visage humain. Ainsi donc, Dieu Lui-même, dans la Bible, s'est mis à notre portée, en parlant notre langage; bien plus, Il s'est fait l'un de nous en Jésus-Christ qui est, comme le déclare encore Vatican II, "... la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine" (Dei Verbum 10, 2)

C'est pourquoi, pour comprendre correctement la Bible, il faut que le Christ soit la clé d'interprétation de tous les textes de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament.

"Dieu ... inspirateur et auteur des livres des deux Testaments, s'y est pris si sagement que le Nouveau Testament était caché dans l'Ancien, et que l'Ancien devenait clair dans le Nouveau" (DV 16)

Ainsi les deux Testament s'expliquent l'un par l'autre, mais la clé de compréhension c'est le Nouveau, c'est à dire l'enseignement de Jésus transmis en partie par les Apôtres.

La clé d'interprétation

Pour vous aider à mieux comprendre vos lectures bibliques, je vous propose une clé d'interprétation. C'est une suggestion personnelle mais qui peut être utile. Dans tous les textes qui s'appliquent à l'homme, lorsqu'on parle de la personne humaine, de l'être humain, de l'Individu, voyez toujours Jésus Lui-même, derrière ce qui a l'air d'être dit pour d'autres. C'est toujours Jésus portant les misères de notre nature humaine. Supposons que vous lisiez Job et pensez à Jésus; vous allez voir que ce qui est dit de Job, Jésus l'a souffert. Vous avez une vie de Jésus dans le livre de Job, et vous l'avez en profondeur parce que c'est une révélation.

Jésus vivant, parlant et souffrant pour nous. Chaque fois qu'il s'agit de l'homme, vous allez réaliser presque régulièrement que c'est Jésus qu'on décrit en quelque chose. Tout de suite, ça vous donne un sens beaucoup plus fort que le sens immédiat qui s'impose d'abord. Les textes qui s'adressent à Dieu notre Père, les textes de louanges, d'action de grâces, de prières, faites-les passer par la bouche de Jésus. "Notre Père !:" Ne le dites pas comme venant simplement de vous, mais dites-le à travers les lèvres de Jésus. Le sens devient profondément spirituel et vrai.

Quant aux événements, décrits souvent dans la Bible, songez qu'ils se rapportent presque tous à Jésus, dont ils décrivent subtilement les faits et gestes. Ils vont dire quelque chose qui concerne la naissance humaine de Jésus, sa vie humaine, sa prédication évangélique, la fondation de son Église. Ils vont parler du peuple de Dieu que Jésus est venu former. C'est Lui qui fait le Royaume de Dieu, c'est Lui qui le crée, qui le constitue au nom de son Père. De plus, dans la Bible lorsque vous voyez les mots "Israël, Sion, Jérusalem", pensez que Jésus est venu former le Royaume de son Père et que le Royaume, c'est l'Église, l'Église catholique fondée par Jésus-Christ.

Donc, "Israël", c'est nous, c'est le peuple de Dieu dont nous faisons partie, c'est l'Église de Jésus dont nous faisons partie. Ça inclut évidemment le peuple d'Israël d'autrefois et de maintenant. Ça inclut tous les peuples. C'est toute l'Église de Jésus-Christ. "Sion", c'est exactement la même chose.

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