laurent90 a écrit : ↑dim. 04 déc. 2022, 20:36
Voilà je tenais à exprimer mon ressenti car je remarque une Église très loin d être une grande famille et cela a des répercussions sur les vocations.
Bonjour,
Je vais partir du principe que votre message est guidé par une déception, il reste tout de même injuste car incomplet dans l'analyse.
Tout d'abord je ne partage pas cette expression de "
crise des vocations" utilisée habituellement, c'est avant tout une
crise de l'écoute et de la réponse, mais aussi une
crise de vie intérieure; lesquelles mènent à la raréfaction des vocations.
Un appel de type vocationnel ne relève pas du passionnel ou de l'envie mais avant tout de la «motion». C'est quelque chose de très intime, qu’on sent dans son cœur et qui est vraiment de l’ordre de l’invitation. Cet appel est suspendu à la liberté, au «oui» libre ou «non» qu'on peut donner, mais pas que ... car là nous ne voyons que ce qu'on nomme le for interne : moi seul. Or en Église, il n'y a pas de moi seul.
Pour qu'une vocation presbytérale ou religieuse puisse se réaliser, il faut au moins deux choses : le discernement et un appel extérieur.
Le seul appel intérieur n'est pas suffisant.
Car une motion, encore plus une envie, peut inspirer nos comportements et nos choix de manière plus ou moins compulsive.
Ces motions viennent-elles vraiment de Dieu ? Ce doit être la première chose à se demander et à rechercher. Et si ce n'est pas le cas, après un temps de discernement officiel, c'est plutôt que nous essayons de répondre à une passion plus qu'à une vocation.
Il est donc nécessaire de s'en remettre au for externe : le discernement des autres. Qui reste un charisme : de l'Église pour les clercs (prêtres et diacres) et de la communauté religieuse que l'on envisage d'intégrer. Toutes deux sont des communautés humaines, on n'impose donc pas sa «motion» à d'autres, il faut qu'elle soit reconnue et que la personne puisse répondre au faible équilibre qu'elle pourrait bouleverser au sein d'une congrégation ou d'une communauté.
En bref, il faut choisir et être soi-même choisi. C'est cela l'appel.
Pourquoi est-il compliqué d'intégrer une communauté religieuse passé 50 ans ?
- parce qu'il y a un vécu (une fuite en avant possible pour se soustraire à quelque chose ou quelqu'un ...)
- à cet âge on est plus empli de certitudes que d'une soif d'absolu
- on aime moins être bousculé, moins être déplacé autant intellectuellement que spirituellement
- ce peut être le début de soucis de santé, qui va être une charge pour les communautés souvent déjà bien âgées et non fortunées.
- arriver aux vœux définitifs peut prendre des années, quelle seconde ou troisième vie pour la personne qui se verrait refuser ou abandonnerait à +55 ans ?
Certains ordres religieux ont leurs propres charismes qui vont nécessiter de longues études, je pense aux Dominicains et aux Jésuites par exemple. Il faut donc un bagage minimum, déjà que le bac ce n'est plus très reluisant car à notre époque même si on a le bac on n'a pas de culture littéraire, on n'a pas de culture philosophique etc (les mathématiques sont en option, c'est dire si cela a été tiré vers le bas). Et à 50 ans, en terme d'apprentissage et de mémorisation on est plus sur la pente descendante en terme de compétences aux études; qui peuvent être très longues puisque beaucoup aboutiront à la prêtrise (c'est donc une erreur de scinder vocation presbytérale et religieuse).
Voilà j'ai brossé succinctement et rapidement le tableau mais ce sont des réalités qu'il faut connaître pour ne pas verser dans un romantisme illusoire de la vie contemplative.
Et puis vous n'abordez pas un aspect important concernant ces désillusionnés.
Sont-ils prêts à vivre dans l'indépendance financière deux ou trois années proches de ces communautés sans les intégrer dans l'immédiat ? Et finir par une année complète sans être à la charge de la communauté ? A participer à la liturgie des heures : des Vigiles aux Complies ? Aux travaux et tâches ménagères, dans des abbayes parfois immenses mais vides ? A l'étude ? A la Lectio Divina ? Sans certitude aucune de la finalité.
C'est seulement après un certain temps que la personne pourra envisager sa vocation et prononcer ses vœux provisoires, après avoir discerné si la vie religieuse lui convient et si elle même convient à la communauté.
Ont-ils seulement fait une retraite spirituelle de discernement pour l'envisager et de plus de 10 jours pour expérimenter au minimum une vie en retrait ?
Si on pense intégrer une communauté comme on le fait pour une collectivité, et vogue la galère pour une vie contemplative et bien la désillusion sera encore plus grande après avoir tout abandonné, démissionné etc.
La vocation religieuse est un chemin de vie, il est primordiale de discerner que ce n'est pas une fuite en avant pour personnes déçues de la société, de leur propre parcours ou de leur état de vie.
Pour conclure je vous invite à procéder à un exercice pour vous même ou à proposer à ces quinquagénaires : sont -ils prêts à affronter toutes les réalités d'une vocation religieuse ? En connaissent-ils seulement la réalité ? Sont-ils prêts à accepter que leur motion intérieure soit soumise au discernement des autres (communauté, Église) ? Sont-ils prêts à accepter un «non» des hommes dans l'obéissance ?
On reconnait l'arbre à ses fruits, alors s'il y a déjà des réticences à ces simples questions c'est qu'ils n'acceptent pas ce que leur propose le Christ au travers de son Église, et encore moins qu'on s'oppose à leur projet qui pourtant ne leur appartient pas. Se faire retoquer est, dans ce cas, un bien qui leur est fait plus qu'une bravade personnelle et qui les mène à la révolte en plus (le fruit).
A vouloir répondre à nos envies/passions, on peut passer à côté de la réelle vocation à laquelle nous sommes appelés. A sentir un appel de Dieu on pense que c'est forcément vers la vie religieuse ? Erreur magistrale, n'oublions pas que nous devons faire «avec» Dieu et non «pour» Dieu, sinon c'est nous même que nous voulons servir.
Permettez un très court témoignage, j'ai cru quelques semaines à l'appel à la vie religieuse et il m'a fallu trois ans, à discerner et faire discerner, à consulter, à prier, pour comprendre à quoi j'étais appelé réellement. Et le fruit c'est que, dans cette vocation que je n'imaginais même pas, je suis heureux et joyeux.