Bonjour PaxetBonum,
Tout d'abord si vous souhaitez un résumé rapide de ce qui risque de prendre la forme d'une longue tirade : dans l'ensemble je suis d'accord avec les remarques que vous faites.
Maintenant pour approfondir je vais essayer de détailler un peu plus.
PaxetBonum a écrit : ↑jeu. 24 oct. 2019, 16:44
Certes mais la crise des familles n'a-t-elle pas été engendrée par la crise institutionnelle.
je pense en effet que l'un ne va pas sans l'autre, mais dans la réciprocité.
Il y a selon mon avis, très personnel et je le précise car je ne le pense pas forcément juste ni représentatif, un problème de ces prêtres issus de la génération 68 ou "flower power" et que je nomme "les prêtres guitare".
L'un des directeurs du grand séminaire de Paris de l'époque témoignait à la radio que les séminaristes passaient leur temps à faire le mur pour aller sur les barricades plutôt que de lire les Évangiles et étudier.
Plus gravissime, des cas d'infiltrations de "loups missionnés" dans les grands séminaires (témoignage oral radio diffusé) sur lesquels je ne m'étendrais pas n'ayant pas trouver de référence écrite corroborant ces faits.
J'ai grandi avec cette génération, j'avais 2 ans, et force est de constater que j'avais des parents "modernes" pour lesquels toute forme de croyance était proscrite. Même celle du père noël, c'est pour dire. Cela n'est pas pour raconter ma vie mais pour exprimer que toute cette période a été un désert catéchétique pour beaucoup et que cela n'a pas aidé pour les vocations (sacerdotales, religieuses, laïques même).
Et même lorsque c'était fait c'était catastrophique. Je prends pour exemple le catéchisme des "pierres vivantes", approuvé par la CEF, contesté par le futur Benoît XVI et qui a été remanié pour aboutir au catéchisme actuel sous son impulsion. Une catéchiste m'expliquait une fois qu'on passait son temps à dessiner des fleurs ou le Ché, en terme d'enseignement de la doctrine catholique il y a forcément mieux (mode dérision).
Même la chorale me raconte qu'à cette époque les chants liturgiques avaient perdu tout leur sens, on chantait le soleil, les fleurs mais pour le reste néant total.
Alors accuser la hiérarchie seule c'est se dégager de toute responsabilité, c'est donc ne pas la reconnaître et laisser la possibilité à cette erreur de se reproduire. Je dis cela mais à cette époque je n'étais même pas croyant, je pourrais me libérer de toute forme de responsabilité, mais en tant que membre de cette Église, en ce jour même, je reconnais ma responsabilité car étant partie intégrante de ce tout qu'est l'Église. Si la main est malade ce n'est pas la faute du pied, elle n'en fait pas moins parti d'un même corps. Et ce qui impacte l'un finira par impacter l'autre.
Alors voilà quand un champ a été trop longtemps en jachère et bien il y a beaucoup de travail. On peut larmoyer tant qu'on veut sur la beauté et la richesse passée de ce champ, sur la faute des ouvriers agricoles, ou même de la loi qui obligea ce champ à être en jachère, cela ne changera pas grand chose. Il faut mettre la main à la charrue et recommencer.
Quand le prêtre de la paroisse, vous dit que ne pas venir à la messe le dimanche, ce n'est pas grave, si vous êtes gentil avec tout le monde.
Quand il ne confesse plus parce que le péché c'est pas grave, tant qu'on se repent et qu'on est gentil avec tout le monde, et que l'enfer est vide.
Quand il ne célèbre plus les Vêpres, de salut du St Sacrement, qu'il abandonne sa soutane, ses ornements liturgiques, que son sermon ressemble aux discours sociaux-politiques… etc…
Et bien M et Mme Michu ne continuent plus à aller à l'Eglise, ils font en sorte d'être 'gentils avec tout le monde' et de penser à Dieu à Pâques et à Noël et quand la tante Yvonne décède...
Oui c'est gravissime mais cela n'excuse pas forcément.
Aller à l'Eglise ce n'est pas aller dans un club social pour s'y sentir bien. Pour moi aller à l'Eglise c'est avant tout répondre à Dieu qui convoque son peuple et rencontrer le Christ, dans cet instant le plus haut qu'est l'Eucharistie. Hors l'Eucharistie,et tout autre sacrement, n'est aucunement liée à l'état de vie ou de foi du prêtre.
Si je devais avoir un prêtre guitare comme Curé, je démissionnerai de l'EAP ou refuserai d'être appelé à nouveau pour ne pas participer à cette gouvernance, mais jamais je ne déserterai l'Eglise et ses sacrements même si c'est ce prêtre qui devait recevoir ma confession. La doctrine catholique nous enseigne de faire ce distinguo entre la personne et son ministère, ne pas le faire c'est du cléricalisme pur et dur car le prêtre agit "in personna christi" qu'à certains moments, le reste du temps il est un père spirituel ... pas le Christ. Mais, et c'est enseigné à l'université de théologie catholique, il y a eu une période ou ce point théologique a été reçu dans une interprétation dévoyée; malheureusement les gens ne se forment pas ou ne réactualisent pas leurs connaissances, ils finissent par penser que ce qu'ils croient savoir est figé ou la référence.
M. et Mme Michu ont peut être fait preuve d'un certain cléricalisme en laissant ce pouvoir au prêtre de prendre un ascendant sur leur foi ou d'avoir contrôler leur conscience (et c'est bien contre cela que le pape François lutte). On pourrait même extrapoler : ont-ils eu la foi pour l'abandonner aussi aisément ?
Croyez bien qu'en tant que membre de l'EAP, il faut se battre et tout particulièrement contre certains membres du conseil pastoral. Et ce n'est pas leur faute, ils ont été élevés là-dedans et à 70+ ans on ne veut pas changer, même pas se remettre en question; c'est purement générationnel. Mais cela fait fuir les jeunes, qui se réunissent dans des assemblées de jeunes et moi ça me réconforte quand ils viennent parfois le dimanche et que je les vois s'agenouiller après le Sanctus, faire une génuflexion devant l'Eucharistie. Rien n'est désespéré, il faut attendre mais surtout pas abandonner car il faut soutenir ces jeunes, quitter n'est pas la solution : c'est un repli sur soi presque un autocentrisme.
Et je finirais sur ce point en vous retournant une question qui ne nécessité pas de réponse, si vous y réfléchissez : quel âge a ce prêtre ? De quelle génération est-il ? Je ne sais pas comment cela se passe dans votre diocèse, peut être avez-vous des vieux prêtres et l'évêque ne peut faire que avec ce qu'il a, mais chez les jeunes prêtres la tendance est inversée, j'ai l'occasion d'en voir et c'est une retour à la soutane pour certains et au col romain au minimum pour d'autres (et bien entendu cela fait jaser certains).
J'ai vu des prêtres, d'excellent prêtres s'étioler car placés dans une paroisse totalement déchristianisée qui l'attaquait dés qu'il préchait le catéchisme catholique plutôt que le socialo-communisme. Des attaques au conseil paroissial contre ce jeune en soutane en plus ! qui ne comprend rien à la religion. Allez, hop ! Une lettre à l'évêque car c'est insupportable de voir des fanatiques croire aux anges de nos jours !
Ces prêtres usés précocement par leurs propres paroissiens, trop jeunes et inexpérimentés pour avoir les épaules assez solides pour endurer tout cela, soit demander à être muté, soit démissionner et s'affadir.
Bref c'est l'effet boomerang : la crise institutionnelle a déchristianisé la France qui en retour a découragé ses nouveaux prêtres.
Et cela existe encore, malheureusement. Je le vis dans ma communauté de paroisses et d'autres de la même façon.
Tout le monde n'est pas saint Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars, et c'est justement là que nos clercs ont besoin de notre soutien, dans les faits et la prière. De ne pas les laisser seuls face à cela ou ceux-là, ce n'est pas parce qu'ils ont la responsabilité de la gouvernance qu'ils doivent être et décidés seuls. Je dis toujours : "les prêtres ont fait vœu de célibat, pas de solitude". Abandonner en se repliant c'est laisser l'agneau à la merci de loups.
Je vais même aller au delà pour vous parler de la responsabilité des laïques.
J'ai été étonné, lors d'un cours de théologie sur le sacrement de réconciliation, de voir que certaines personnes (bons chrétiens d'une même génération; selon des critères visibles) étaient surprises de comprendre que la pénitence communautaire n'avait pas valeur sacramentelle. Plus de 30 ou 40 ans que ces fervents catholiques n'avaient pas été se confesser individuellement en ayant intégré cette erreur d'interprétation théologique (qui avait pourtant été corrigée par la CEF dans les années 80) que le pardon communautaire valait pardon des péchés personnels alors qu'il ne concernait que les fautes de la communauté. Ces personnes s'étaient installées dans le confort et une certaine justification par leur orthodoxie, alors qu'ils étaient dans l'erreur ! Cela a été un choc électrique pour eux, mais combien en sont encore persuadés ?
Les temps se restaurent et les communauté religieuses et sacerdotales progressent à nouveau.
Bref, la vie en communauté est garante de la solidité des vocations dans le temps.
Ainsi la Fraternité St Pierre, les petits gris… ont des vocations en plus grand nombre.
(je ne parle même pas de la mouvance Lefebvriste qui, ne serait ce que pour l'ordre franciscain a plus de vocations à elle seule que toute la francophonie réunie…)
C'est le constat que je fais, en dehors de votre référence à une communauté toujours schismatique. Si vous voulez une référence plus traditionnelle mais en communion avec toute l'Eglise je citerai plutôt les vocations à l'IBP ou la fraternité sacerdotale saint Pierre (que vous citez également). Et pour ne pas laisser penser qu'il n'y a des vocations que dans les communautés traditionalistes je citerais également les nombreuses vocations dans la communauté de l'Emmanuel. N'oublions pas non plus que l'Eglise locale, la paroisse, est aussi une communauté. Il y a des gens à reévangéliser, d'autres à qui faire connaitre le Christ etc et c'est forcément moins plaisant... se refermer sur une communauté qui ne croit/pratique que comme nous c'est abandonner l'évangélisation missionnaire au profit d'une évangélisation de maintenance. Hors notre baptême fait de nous des missionnaires, néanmoins je pense que les deux ont leur utilité : de reconquête par le renouvellement des effectifs pour les uns et de ne pas abandonner le terrain pour les autres (désolé pour le langage militaire, on se refait pas).
Mais nous sommes dans une société de l'immédiateté, alors qu'il faut laisser ces générations grandir. Peut être verrons nous le renouveau de l'Eglise, mais peut être pas. Il faut les soutenir en acceptant de ne pas voir le résultat car il ne nous appartient pas (je me permets d'inviter à lire
Evangelii Gaudium sur le sujet, en particulier le chapitre 2 s'il ne fallait en lire qu'un : la crise de l’engagement communautaire).
Seigneur, donnez-nous des prêtres.
Seigneur, donnez-nous de saints prêtres.
Et rendez nous dociles à leurs enseignements.
Alors faisons le en communion de prière, car nous la prions à chaque fois avec mon groupe du Rosaire sous cette forme :
Seigneur, donnez-nous des prêtres.
Seigneur, donnez-nous de saints prêtres.
Seigneur, donnez-nous beaucoup de saints prêtres.
Cordialement.