philémon.siclone a écrit :
Pas convaincu du tout. En quoi la doctrine sociale de l'Eglise ne serait pas une forme de "socialisme" ? Car il y a bel et bien plusieurs formes et plusieurs courants socialistes. Le fascisme mussolinien et le nazisme se réclamaient bien du socialisme. Pourtant, ça n'avait rien à voir avec le socialisme de gauche, puisqu'au lieu de reposer sur la lutte des classes, ce "national-socialisme" d'extrême-droite reposait sur l'alliance (illusoire selon moi) entre les classes (comme on le voit, par exemple, dans la conclusion du film Metropolis de Fritz Lang, dont l'épouse était scénariste du film, et affiliée au nazisme, tandis que Lang était plutôt de gauche). Et on voit bien se développer une sorte de néosocialisme dans le discours actuel de Marine Le Pen, qui tranche avec le libéralisme à outrance et hyperdroitier qui s'affirmait auparavant dans la doctrine de Le Pen père. Et à gauche, on voit bien co exister trois ou quatre formes différentes de socialismes, entre les keynésiens social-démocrates et libéraux, les marxistes-léninistes du PCF, les trotskistes (eux-mêmes divisés en trois bandes distinctes), les écolos...
Il me paraît donc aberrant, de mettre tout le socialisme dans un seul paquet, comme s'il s'agissait d'un mouvement d'idées homogène et unifié, clairement identifiable qui remonterait à une seule source, forcément fautive. D'ailleurs, quelle serait cette unique source du socialisme, selon vous ?
Avé
Assez bien vu, tout le monde est un peu "socialiste", de droite comme de gauche, si je puis dire.
Le problème de ce débat est que l'on confond le sens de tous les mots. Désolé de tout mettre en numéros et en lettres, mais ça permet d'être plus pédagogique, c'est mon côté prof.
1° Premier problème : on confond "socialisme" et "gauche" d'un côté, et de l'autre côté, "libéralisme" (ou, si vous voulez, "affreux méchant capitalisme") et "droite". Cette confusion n'a pas de sens. Il y a, il y a eu des gens de gauche, non-socialistes (ex. Albert Camus) ; il y a, il y a eu, des gens de droite non-libéraux (ex. Mongénéral).
2° Deuxième problème : on assimile "socialisme" à "générosité", et "libéralisme" à "affairisme". Je crains - ou me réjouis ? - que les choses ne soient un peu plus complexes que cela. Et je crains aussi, cher Philémon, d'avoir un peu de difficulté à vous convaincre là-dessus, alors je n'insisterai pas.
3° Troisième problème : le mot "socialisme" est lui-même porteur de plusieurs sens possibles. Je m'en suis déjà fait l'écho au tout début de ce fil, il y a bien longtemps (
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 6&start=15 ). Plus en détail :
A / Au sens le plus strict, "socialisme" s'oppose à "individualisme". C'est-à-dire : "manière de penser qui affirme la prééminence du social (= du groupe), et des phénomènes de groupe, sur l'individu, et les phénomènes individuels". Par exemple, un socialiste - dans ce sens-là - estimera que la conscience d'une personne n'est pas prioritairement dépendante d'elle-même, mais de sa situation dans le groupe ou dans la société. Au plan éthique, cela pourra éventuellement amener à sacrifier l'individu au groupe.
D'une certaine manière, le grand-prêtre estimant qu'un seul doit mourir pour tout le reste, se comporte en socialiste. On peut aussi, d'une certaine manière, assimiler le "socialisme" ainsi entendu au "collectivisme".
[ Attention, là encore, à ne pas confondre les sens ! "Individualisme" ne veut pas dire ici "égoïsme", mais "manière de penser qui affirme la prééminence des phénomènes individuels". Par exemple, il y a une branche de la sociologie que l'on appelle l'individualisme méthodologique : c'est-à-dire qu'elle explique les phénomènes sociaux en partant des niveaux individuels, et non l'inverse. ]
La conséquence de cette définition du mot "socialisme", est qu'elle transcende les oppositions partisanes : par exemple, L. de Bonald, le grand théoricien contre-révolutionnaire qui a servi de modèle à Maurras, est clairement un socialiste : l'individu n'est rien, la société est tout. De ce point de vue-là, là encore, le socialisme n'est pas une manière de pensée issue des Lumières, mais fait partie des produits dérivés qui finissent par les contredire.
B/ Ensuite, on peut assimiler "socialisme" à ces courants de pensée qui sont issus du marxisme, avec un spectre assez large. De ce point de vue-là, les opinions à tenir sont assez claires, et je n'insisterai pas là-dessus : une telle attitude - même modérée - est anti-chrétienne, un point c'est tout.
C/ Enfin - et, je crois, c'est le sens que donnent à ce mot beaucoup des intervenants tout au long de ce fil - le socialisme est assimilé à la manière de penser qui favorise les mécanismes de redistribution des richesses, à plus ou moins fort degré, indépendamment de toute position idéologique.
Je crois qu'il faudrait que les participants du fil clarifient leur manière de voir ce qu'ils appellent le socialisme : (A), (B), ou (C) ?
Amicalement
MB