La nuit porte conseil...

[etienne lorant]

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 6,12-19.

En ces jours-là, Jésus s'en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples, en choisit douze, et leur donna le nom d'Apôtres.

La nuit porte conseil, dit le proverbe. Dans le sens commun, il signifie que, lorsqu'on ne trouve pas une solution immédiate à un problème donné, souvent il suffit de laisser passer une nuit et la solution apparaît d'elle-même, simple et claire, le lendemain matin. Mon papa, qui était mathématicien, entomologiste, informaticien et programmeur en Fortran, connaissait ce phénomène. De nombreuses fois, je l'ai entendu s'exprimer ainsi, à l'heure du café du matin: "La solution était tellement évidente que je ne la voyais pas !"

Mais Jésus n'a pas "dormi" sur la question du choix des douze - au contraire, Il a passé la nuit à prier Dieu dans la montagne. Mon idée, c'est qu'Il a demandé au Père de les choisir à sa place, mais ce n'est pas cela qui a exigé toute une nuit de prières. C'est plutôt que, connaissant le choix du Père, Il s'est mis à prier pour chacun d'eux en particulier, et ce sont ces prières, " individualisées", qui ont pris tout le reste de la nuit.

Par ailleurs, bien malin qui pourrait dire à quoi ressemble une nuit telle que celle-ci entre le Fils et le Père ! En descendant de la montagne, Jésus, plutôt que fatigué par la prière, semble au contraire rempli de forces qui se libèrent pour le bienfait de tout le peuple : "ll y avait là un grand nombre de ses disciples, et une foule de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon, qui étaient venus l'entendre et se faire guérir de leurs maladies. Ceux qui étaient tourmentés par des esprits mauvais en étaient délivrés. Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu'une force sortait de lui et les guérissait tous."

En définitive, je ne dirais plus avec autant d'assurance que la prière est quelque chose qui fatigue. Pour quiconque est "recommançant", oui, cela peut paraître comme tel, car quelqu'un qui revient à Dieu a tendance - de manière très humaine (que Dieu ne méprise certes pas !), à vouloir fournir beaucoup d'efforts. Mais si l'on considère la prière des saints, celle de Jésus, celle de la Vierge Marie, alors où est l'effort ? Je crois que cet effort, parfois très difficile, très douloureux au début, consiste à abandonner son "Moi", son ego, pour redevenir le simple et tout petit enfant de Dieu qui s'en remet totalement au Père, et qui éprouve le besoin de tout Lui demander. Il existe, pour celui qui prie, de tels mystères dans la prière que les rapporter prendrait des livres entiers - et, de fait, il y a beaucoup de livres !

Je voudrais simplement terminer témoigner ici que c'est au cours des années 1993-2000 que j'ai été le plus heureux dans ma prière. J'allais marcher, une fois par jour, été comme hiver, et durant ces promenades de prière, tout ce qui est du monde s'effaçait dans mon esprit, à mesure que j'avançais un pas devant l'autre. En effet, ce n'était plus sur le sol mais dans l'absolu que je progressais: le soleil pouvait taper dur, la pluie pouvait bien refléter un nuage dans une flaque d'eau, j'étais présent et absent à la fois, car la prière "aiguisait" mon attention dans de multiples directions en même temps.

Cette expérience, tout à fait bienheureuse, explique sans doute qu'aujourd'hui, devant un problème jugé "crucial" par tous, je m'abandonne plutôt que je me tends: car je sais que soit le problème est mal posé, soit que la solution apparaîtra d'elle-même, car Dieu pourvoit à tout.

Prier et craindre est contraire, mais croire en Dieu c'est croître en Lui. Jésus n'a cessé de croître depuis la crèche à la résurrection, en passant par l'élévation de la Croix. Dans ce que je viens d'écrire, je ne vois vraiment rien qui puisse se contredire !

[doris]

Rien, aucune contradiction ! C'est très fort, et très doux ! Merci.