Les adversaires de la FORM lui reprochent souvent de ne pas être sacrificielle, ou d'être moins sacrificielle (selon la virulence de leur critique). Ca peut paraître très exagéré si on ne s'en tient qu'aux textes.
Je n'ai pas encore procédé à une étude approfondie du missel de Paul VI, mais pour assister à la Messe tantôt en latin et tantôt en français, il me semble que la traduction dans notre langue a délibérément gommé les aspects sacrificiels du texte latin.
L'exemple le plus frappant est sans doute ce passage de la troisième prière eucharistique.
Le texte latin dit :
agnoscens Hostiam cuius voluisti immolatione placari ; et il est traduit par
daigne y reconnaître celui [le sacrifice] de ton Fils qui nous a rétablis dans ton Alliance ; pourtant, il eût été plus conforme au texte latin de traduire ainsi :
en reconnaissant la victime dont Tu as voulu l'immolation.
Mais si on envisage l'attitude générale qu'elle impose au prêtre, le reproche est fondé. Je pense vraiment que les liturgistes qui ont conçu la FORM étaient des prêtres qui n'avaient pas gardé cette dévotion intense vers le Saint Sacrement présent entre leurs mains (il y avait malheureusement aussi beaucoup de messes bâclées), ne pensaient qu'à l'assemblée, et là on peut effectivement parler de conception protestante de l'Eucharistie (l'Eucharistie est liée à la présence de l'assemblée), en tout cas leur pensée était centrée sur l'assemblée... au point d'oublier Celui pour quoi l'assemblée est réunie.
Pourriez-vous préciser votre propos ? Vous semblez dire que la célébration
versus populum a contribué à la désacralisation de la Messe, et sur ce point je suis plutôt d'accord. Pourtant, vous semblez oublier que cette manière de célébrer ne doit pas être abusivement associée à la
forma ordinaria du rite romain, en effet ni le Concile Vatican II ni le Missel romain n'exigent que la Messe soit dite
versus populum. Les textes sont silencieux.
Il est vrai qu'on associe facilement la célébration
ad orientem à la
forma extraordinaria et la célébration
versus populum à la
forma ordinaria ; mais cette assimilation n'est vraie que dans la pratique. Dans l'idéal, elle n'existe pas.
La désacralisation de la Sainte Messe ne saurait donc être imputée au Concile Vatican II, mais seulement aux prêtres et aux laïcs qui se sont octroyés une liberté en matière liturgique que l'Église ne leur reconnaissait pas.
Dans le même cadre, je me demande s'il ne serait pas souhaitable de rétablir dans la FORM de vraies prières au bas de l'autel, qu'elles soient ou non dialoguées avec l'assemblée.
Cela devient superflu dans la mesure où les prêtres et les fidèles se préparent à assister à la Messe par des prières de dévotion privée. Pourtant, on peut imaginer que ce n'est pas le cas de tous les catholiques, malheureusement.
Et de remettre au goût du jour tout ce qui permet de prendre conscience de la Sainteté du sacrement: clôture du Sanctuaire, communion à genoux et dans la bouche, hostie touchée uniquement par des mains consacrées (donc... même pas les diacres!). Etc...
Pour ce qui est de la clôture, ce serait sans doute une très bonne idée. C'est déjà le cas dans certaines églises.
Quant à la communion, il faudrait commencer par supprimer l'indult qui permet de communier dans la main. Pour le moment, il est permis de recevoir le Seigneur debout ou à genoux, dans la main ou sur la langue. Mais il va de soi que la communion à genoux et sur la langue est plus respectueuse. Sans doute serait-il opportun de placer un banc de communion, qui encouragerait les fidèles à communier à genoux et sur la langue tout en leur laissant la liberté de rester debout et de communier dans la mains s'ils le souhaitent. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux, loin s'en faut, mais tant que l'Église le tolère, on ne peut pas leur interdire.
Quant à la distribution de la communion par les seuls prêtres, je suis bien entendu d'accord. En revanche je n'ai pas assez de connaissances sur le diaconat pour avoir un avis sur l'opportunité de l'intervention des diacres ; je préfère donc suspendre mon jugement pour le moment.
Ce qu'il faut savoir également, c'est qu'une des raisons pour lesquelles "l'habitude" de la messe face au peuple s'est imposée, c'est que dans la FERM, les lectures se font à l'autel, et que l'un des grands désirs des théologiens du mouvement liturgiques était de mieux faire apparaître la fonction ministérielle de la proclamation de l'Ecriture sainte, et pour cela, la proclamer face au peuple.
Je partage cette conception de la liturgie. La Parole de Dieu n'est pas réservée à un petit nombre. Elle doit être proclamée à tous les fidèles, à la lumière du magistère de l'Église (l'homélie).
Le départ opéré entre l'ambon et l'autel, entre la Parole et l'Hostie, ne me choque pas. Bien au contraire, cette conception de la Messe me semble beaucoup plus équilibrée.
Il convient toutefois de préciser que même dans la
forma ordinaria les lectures peuvent se faire en latin. Dans certains cas, l'Évangile est même lu en grec.
Il y a des liturgistes au XXème siècle, qui, inversement, préconisaient de ne pas s'attarder sur les gestes, et même d'aller rapidement pour éviter d'être déconcentré pendant la célébration des saints mystères.
Je ne vois pas trop comment faire rapidement les gestes évite d'être déconcentré?
Je suis d'accord avec ces liturgistes. Le prêtre ne doit pas célébrer la Messe de façon hâtive, mais la trop grande lenteur n'est pas forcément une bonne chose. Il me semble qu'en s'attardant sur chacun des mots, on ne facilite pas la compréhension, bien au contraire. De plus, il faut prendre garde à ne pas tomber dans une sorte d'autosatisfaction et de plaisir personnel. C'est une bonne chose de vouloir accomplir les pratiques de piété avec soin et dévotion, mais le perfectionnisme n'a pas grand chose à voir avec la sainteté.
Néanmoins, on comprend bien que certains saints aient été bouleversés par le mystère de l'Eucharistie au point de rester longtemps à l'autel.
Oui, ceci étant, les "prières au bas de l'autel" de la FERM sont devenues la "préparation pénitentielle" face à l'assemblée de la FORM. Et la vénération de l'autel est bien moindre dans cette dernière forme.
C'est sans doute une bonne chose de faire participer le peuple au rite pénitentiel. Si nous allons vers l'autel et que nous recevons le Seigneur, nous devons le faire avec un cœur purifié.
Encore faut-il que la "préparation pénitentielle" soit correcte. J'ai assisté à une Messe de Pentecôte où le Confiteor et le Kyrie étaient bonnement supprimés et remplacés par le
Veni Sancte Spiritus (en français) en raison de son prétendu caractère pénitentiel. Je ne remets pas cela en question, mais le Missel romain prévoit le Kyrie et non le
Veni Sancte Spiritus, fût-ce pour la Pentecôte.
En fait, je les vois effectivement souvent, mais comme l'"autel" est devenu une table avec un micro, ça ne correspond pas du tout à l'idée du prêtre qui reste face à l'autel de Dieu. Donc effectivement, c'est bien de ça qu'on parlait: on n'a fait que remplacer l'autel par une table face au peuple. Et effectivement, ça n'a rien de sacrificiel.
Il existe des églises où un autel placé dans le chœur permet la célébration
versus populum. Pour autant, ce n'est pas une table mais un véritable autel, avec les cierges et le crucifix. Je peux vous montrer une photo si vous le souhaitez.
Habituellement, dans la FERM, l'évêque est au trône, qui indique son pouvoir plénier, alors que le prêtre n'est qu'à l'autel. La FORM a fait disparaître cette distinction. Est-ce forcément plus "juste"?
Dans certaines cathédrales, le siège du prêtre et celui de l'évêque sont différents et placés aux deux côtés opposés. Le siège de l'évêque n'est donc utilisé que lorsqu'il se trouve présent.
Les prières au bas de l'autel dialoguées ne me gênent pas. Ceci dit, je pense que c'est justement cette forme dialoguée des prières dialoguées qui a donné aux concepteurs de la FORM cette idée de la "préparation pénitentielle" proclamée face à l'assemblée, qui n'existait pas auparavant. Historiquement, ce sont effectivement des prières du prêtre.
C'est toute la question de la participation des fidèles. Le Cardinal Ratzinger soutenait l'idée selon laquelle le Canon pouvait très bien être récité à voix basse.
Dans la forme ordinaire du rite romain, le prêtre récite également à voix basse la prière qui précède la communion.