Bonjour,
Raistlin a écrit :1- La plupart ont eu pendant leur enfance un modèle féminin très fort ou un modèle masculin absent
C'est effectivement une question de modèle. Mais ce n'est pas parce que le père est absent qu'il n'y a pas de modèle masculin. Personne ne grandit sans modèles. En l'absence de père, d'un modèle d'apprentissage réaliste, un garçon se tourne forcément vers des modèles idéaux. Seulement les modèles idéaux sont à la fois plus inaccessibles et plus puissants que les modèles d'apprentissage. Un apprentis chez un maître charpentier devient charpentier et abandonne naturellement son maître le jour où il est devenu lui-même charpentier. Un garçon ayant un modèle idéal échouera toujours à devenir ce modèle et pourra rester possédé par lui indéfiniment. Voyez la liste des modèles idéaux de masculinité qui possèdent les artistes homosexuels dont je parlais : toréro, policier, motard, guerrier indien, marin, militaire, etc. Ce ne sont pas des images de pères réels, mais des images idéales de l'homme, puissantes et inaccessibles : divines.
Raistlin a écrit :(j'ai même le cas d'un ami homosexuel qui a subi des abus sexuels dans son enfance).
Oui, que cela soit la comparaison à un idéal de masculinité si parfait et lointain qu'on ne pense pas jamais pouvoir l'être soi-même, ou que cela soit un traumatisme qui produit la conviction de sa propre indignité et nullité, le commun est l'établissement d'une dévaluation de soi par rapport à ce que doit être l'homme ou la femme, et d'une dévaluation qui ne semble pas pouvoir être surmontée : l'impossibilité est là.
Raistlin a écrit : Pour ça relève de la maladie psychologique. Si ce n'est pas le cas - comme l'affirme Charles - alors le sérial killer qui tue parce qu'il aura été maltraité dans son enfance n'est pas malade. Idem pour le pervers sexuel.
Le soldat, le bourreau et le policier parfois, aussi sont des serial killers, et personne n'a l'idée de les dire malades mentaux. Parce qu'on n'a pas d'explication ou qu'on préfère ne pas en avoir, on dit "coup de folie" ou "maladie mentale"... Récemment, en France, un étudiant a assassiné plusieurs personnes, il avait l'air tout à fait normal mais à son procès il a refusé de s'expliquer sur ses motivations. C'est très intéressant comme la presse a trop rapidement abandonné l'affaire. Je pense que c'est parce que dans le cas de ce jeune homme, sa honte était perceptible et comme il n'était pas malade mental, on ne pouvait pas se réfugier derrière l'explication pathologique. Une honte et une humiliation intimes qui sont peut-être le dernier tabou dans notre société.
Raistlin a écrit :2- Ces amis, lorsqu'ils sont en couple (un vrai couple qui s'aime, pas un coup d'un soir) sont heureux. Ils sont romantiques, ils sont prévenants, etc... Bref, aucune insatisfaction en vue. Un peu plus haut dans les posts, il était fait mention des revendications des homosexuels en matière de mariage, adoption, etc... Sauf que c'est loin d'être la majorité des homosexuels. Et ceux que je connais n'en ont rien à faire du mariage ni d'avoir des enfants.
Ils se satisfont d'un substitut, d'un couple qui ressemble aux couples hétérosexuels. C'est ce que je dis. Mais c'est une satisfaction partielle et c'est pour cela qu'ils revendiquent le mariage et l'adoption. Ultimement, ils revendiqueront un partenaire de l'autre sexe.
Je suis d'accord avec vous tant qu'il s'agit d'une vraie impossibilité de rejoindre l'autre sexe. Ce qui cloche avec votre théorie, c'est que de nombreux homosexuels se sont déclarés sur le tard, en ayant déjà "connu" l'autre sexe. Mieux, certains ont toujours su qu'ils étaient homosexuels et ont fondé un foyer pour éviter d'être différents, puis ont assumé leur homosexualité vers les 50 ans.
Désolé, mais cette théorie de l'impossibilité de connaître l'autre sexe, même si elle peut s'appliquer dans certains cas, est bien loin d'expliquer tous les cas d'homosexualités.
Ce n'est pas seulement rejoindre l'autre sexe, payer une prostituée suffirait dans ce cas-là. C'est une relation d'égaux sexués, où l'on est accepté tel quel qu'on est pour être le père ou la mère de l'enfant d'une personne de l'autre sexe. Pour être un époux, père ou mère, il faut que les deux y croient. Il est tout à fait possible de se marier et d'avoir des enfants mais de ne jamais y croire (c'est croire dans une possibilité réaliste qui est nécessaire). Ils craquent ensuite sous la pression de leur propre modèle idéal de masculinité/paternité : car ce modèle est irréaliste, inhumain (il est divin), irréalisable, ils ne peuvent qu'avoir un sentiment d'échec et d'insatisfaction dans leur mariage et famille. Il y a des masses de divorces qui se produisent ainsi.
Les homosexuels n'ont pas choisi leur état (et c'est vrai). Et ils ne peuvent faire autrement (à part l'abstinence).
Effectivement, ils n'ont pas choisi leur état. Mais il n'y a aucune raison de se limiter à "état pathologique" (parce qu'on baigne dans le freudisme) ou "état librement choisi" (parce que c'est leur revendication). Leur état peut parfaitement être imposé mais non pathologique.
Quel rapport avec un culte ou une religion ???
Voyez l'iconographie et les thématiques dans les oeuvres des artistes homosexuels les plus radicaux, ceux qui produisent sans censurer les phénomènes qu'ils expérimentent : l'homosexualité y est toujours montrée comme un rapport de forces où un inférieur est écrasé par du supérieur, du divin, le tout baignant dans une imagerie et un vocabulaire religieux : "Pink Narcissus" de John Bidgood, "Théorème" de Pasolini, "A la recherche du temps perdu" de Proust, "Irréversible" de Gaspar Noé (qui décrit limpidement l'enchaînement de l'impossibilité de rejoindre l'autre sexe à la réclusion homosexuelle, mais décrit en remontant du terme à l'origine, ce procédé permettant de faire passer le message en atténuant son côté subversif pour la mythologie de l'homosexualité choisie).
Le pivot de l'homosexualité est le modèle du même sexe. Ce n'est pas un problème avec l'autre sexe qui produit l'homosexualité, c'est le rapport à son propre sexe déterminé par le prestige d'un modèle de réussite absolue et inaccessible. S'il y a des thérapies pour aider les homosexuels, elles devraient rechercher ce modèle, qui n'est pas forcément le père, mais toute figure ayant fait sentir le poids de sa réussite d'une façon destructrice pour l'amour propre et la confiance en soi de la personne. Ce modèle rival et destructeur doit être repéré. Mais il ne suffit pas de brûler l'idole pour en finir avec son idolâtrie. Et d'un culte destructeur, le passage vers la liberté a lieu par une conversion.
Je pense, et ce n'est pas une théorie nouvelle, que la plupart des cas d'homosexualité proviennent d'un trouble de l'évolution sexuelle, trouble qui prend sa racine dans l'enfance. Or qui dit trouble, même comportemental, dit pathologie.
Vous pensez avec le freudisme ambiant. La pathologie est pratique en cela qu'elle rend compte de l'impossibilité sans avoir à questionner ce qui règne sur la vie des homosexuels et surtout elle est pratique pour les autres, car elle circonscrit cette question aux homosexuels : leurs problèmes n'étant pas ceux des autres, n'ayant rien à voir avec les nôtres. Ce qui est simple et faux, il n'y a qu'à voir l'aisance avec laquelle Proust transpose l'affectivité homosexuelle à des personnages hétérosexuels, et pour cause : c'est la même. Penser l'homosexualité comme pathologie est verrouiller sa propre hétérosexualité dans la normalité, c'est-à-dire dans la nécessité ; dire que les homosexuels sont malades est d'abord une déclaration à l'attention des hétérosexuels eux-mêmes. Mais ni l'hétérosexualité ni l'homosexualité ne sont nécessaires, ne sont déterminées comme on se l'imagine. L'exemple de ces personnes qui deviennent homosexuelles après un mariage et des enfants, pourquoi ne pas le prendre pour ce qu'il est ? Pourquoi inventer qu'ils auraient été en vérité homosexuels sans l'assumer ? Parce que c'est beaucoup moins dérangeant que de considérer une personne broyée et détruite au point de s'effondrer et d'abandonner femme et enfants. C'est dérangeant de la façon la plus subversive, parce qu'on admet enfin une faiblesse que la société refuse absolument de considérer. Dérangeant pour notre système de valeurs, c'est-à-dire pour les critères d'après lesquels on juge de la réussite et du bonheur. Que des personnalités ayant aussi bien réussi que tel homme politique ou tel homme d'affaire, soient affligées d'une blessure aussi profonde, aussi grande et aussi incapacitante, voilà ce que personne ne peut admettre.
Et il y a aussi un effet de la définition pathologique de l'homosexualité qui est de prévenir la contagion. Parce qu'on la définit comme une maladie qui s'attrape dans l'enfance comme vous dites, presque héréditaire ou génétique, enfin une pathologie qui ne concerne que celui qui en souffrirait... Seulement, on devient homosexuel et cela signifie que l'hétérosexualité n'est pas garantie... qu'elle se construit et qu'elle se défend, que ce n'est pas automatique et qu'il y a toujours la possibilité d'être conduit à des déviances. Je pense qu'on parle surtout de cette "pathologie" pour ne pas que les homosexuels en guérissent, c'est-à-dire pour que les autres soient assurés de leur hétérosexualité... Si l'on définissait l'homosexualité comme une pathologie éminemment contagieuse, les avis seraient très différents.