Un amour sain

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Perlum Pimpum
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Re: Un amour sain

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 08 déc. 2023, 13:28

Bonjour Didyme,

Vous usez de facilité ici. Je n'ai rien concédé pour le moment, j'ai plutôt sous-entendu que le sujet ne se limitait pas à a ou b, usant du conditionnel pour le faire comprendre (et je pense que vous l'avez compris)
1. Je ne pense pas avoir usé de facilité. Je voulais relever la contradiction à affirmer « encore une fois il n'est pas question de dire que chaque personne de la Trinité ne s'aime pas elle-même », alors que votre pensée, plusieurs fois exprimée, est que l’amour est essentiellement dynamique, dynamisme excluant par principe que l’amour de soi puisse relever de l’amour : « la question ne se pose pas car elle n'est simplement pas dans la "logique" de l'amour ». Si l’amour est essentiellement dynamique, si essentiellement dynamique que l’amour de soi est inconcevable car n’entrant pas dans la logique de l’amour, devient contradictoire de nier que la logique de l’amour exclut l’amour de soi.

Vous dites que l'amour peut être statique mais l'amour est vivant, il se diffuse, se partage. Comment ce qui est vie pourrait-il être statique ? Un amour statique ne serait-il pas stérile, mortifère ?
2. Mais qu’est cette vie sinon l’être-même de Dieu, l’acte pur, d’ordre absolu ? L’amour divin n’est pas un relatif mais un absolu, au fondement des relatifs. Il y a certes identité réelle de la nature divine à chaque personne divine, mais c’est la personne qui s’oppose corrélativement aux deux autres, pas la nature. La nature fonde la personne, elle ne s’oppose pas corrélativement à la personne. Il n’y a pas de quaternité en Dieu. Or, puisque l’amour est un acte, d’ordre absolu, au fondement des trois personnes, et puisque cet acte est absolument simple, il est à lui-même son objet. Bref, l’amour divin est essentiellement statique : l’amour divin est l’amour de Dieu pour Dieu, et cet amour est Dieu, est la Déité-Dieu commune aux trois personnes. On peut certes le qualifier de dynamique pour signifier que cet acte est au fondement des trois corrélatifs, mais certainement pas pour dire qu’il s’opposerait aux personnes qu’il fonde. Quoi donc est l’amour d’une personne divine pour une autre personne divine ? Rien d’autre que l’acte pur, d’ordre absolu, essentiel, statique, identique à sa perfection absolue : l’amabilité de la perfection absolue qu’est la déité et l’acte d’amour qu’est la déité pour elle-même sont identiquement la déité. Quoi donc est aimé dans cette personne ? Rien d’autre que sa perfection absolue, essentielle, commune aux trois personnes. Que signifie donc le caractère « dynamique » de l’amour d’une personne divine pour une autre ? Rien d’autre que la corrélation de l’une à l’autre fondée sur leur absoluïté commune. Quoi signifie le caractère « diffusif » de l’amour trinitaire ? La corrélation et consubstantialité des personnes. Bref, la « procession » divine n’est rien d’autre que l’acte au fondement des corrélatifs en tant que cet acte est référé aux personnes qu’il fonde et qui le sont distinctement selon l’opposition de corrélation.

En fait, ce qui peut être surprenant chez vous comme chez beaucoup d'autres que je peux lire c'est cette propension à scinder Dieu, c'est-à-dire que Dieu est amour et justice et vie mais où le "et" est séparation.
3. Les attributs divins, d’ordre absolu, sont réellement identiques mais conceptuellement distincts, et conceptuellement séquencés selon la suite logique qu’impose les perfections créées desquelles, par analogie, elles sont attribuées à Dieu.

Par conséquent, tout est unifié en Dieu. Il n'y a pas de justice sans amour en Dieu ni d'amour sans justice. Pas plus qu'il n'y a d'amour sans vie (statique) ni de vie sans amour. Dieu est amour et justice et vie mais où le "et" est union.
4. Nous sommes d’accord, encore que je m’étonne que vous envisagiez ici la vie comme statique.

Sauf que tout infiniment aimable que soit la personne divine et tout motif qu'elle aurait de s'aimer infiniment, elle est source.

Vous me direz que dans ce cas les trois personnes divines sont sources et qu'elles ne devraient alors pas s'aimer les unes les autres. Mais c'est justement là où je dirais que prend tout son sens la pluralité en Dieu, la divinité en trois personnes pour permettre cet amour à travers cette distinction.

Par ailleurs, vous avez plusieurs fois repris l'aspect don mais sans forcément vous arrêter sur l'aspect encore plus important qui est celui de source. Dieu n'a pas l'amour en lui, il est amour. Or, "étant" alors il est source et ce qui est source est don.
5. Je m’y suis arrêté : « À poser trois subsistences relatives constitutives et distinctives des personnes divines, le primat est aux personnes divines, et d’abord à la première des trois : Dieu, c’est le Père. En ce schème, auquel je souscris, c’est la personne du Père qui constitue la Déité. Elle la constitue, puisque nonobstant que la relation de paternité n’a pas d’autre perfection que celle de son fondement, ce fondement n’existe qu’en les relations qui le sont réellement. Et parce que la relation de paternité est la première des trois relations corrélativement opposées, la personne du Père est la raison de la Déité autant que la source de la Trinité. Mais nul devenir en ceci. C’est de toute éternité que les personnes s’aiment les unes les autres, et cet amour n’est autre que la nature divine qu’elles sont toutes et chacune. Enfin, si cet amour va aux personnes, il n’y va qu’en tant qu’elles sont réellement identiques à la nature divine, puisque toute l’amabilité de la personne est dans la nature divine qu’elle est. Le Père aime le Fils parce que le Fils est aimable, mais cette amabilité du Fils ne résulte pas de son altérité à la personne du Père, mais de son identité de nature à la personne du Père. L’amabilité du Fils, c’est la divinité commune aux trois personnes. »

6. Je ne m’oppose donc pas à toute théologie du don, mais à toutes celles qui ne respectent pas les exigences posés en 2. et conséquemment en 8. et 9.

Pourtant, je me dis que toute source qu'il soit, il peut bien recevoir aussi l'amour. Mais c'est certainement du fait de la dimension relationnel de l'amour. C'est dans la relation que l'amour peut se recevoir, pas de soi à soi.
7. Aïe. L’amour est d’ordre absolu (cf.2). S’il était d’ordre relatif, comment le Père pourrait-il recevoir l’amour du Fils sans procéder du Fils ?

8. Par ailleurs, la procession divine n’est rien d’autre que l’acte au fondement des corrélatifs, en tant que cet acte est référé aux personnes qu’il fonde et qui le sont. La procession divine n’impliquant aucun devenir de la personne qui procède, puisqu’elle est divine et ainsi immuable, s’en suit que parler de « réception » de la divinité en la personne qui procède, c’est seulement signifier qu’elle est divine et corrélative à la personne dont elle procède. La personne dont elle procède lui est logiquement antécédente selon l’ordre ou la suite des relations, quoiqu’elle lui soit réellement simultanée (co-éternelle) selon leur fondement commun. De même, parler de « donation » de la divinité par la personne dont l’autre procède, c’est seulement signifier qu’elle est divine et corrélative à la personne lui étant logiquement conséquente quoique réellement simultanée. Parler de donation ou de réception est user d’une métaphore pour signifier la déité immuable au fondement de la personne divine en signifiant cette personne dans sa corrélation à une autre.

9. C’est l’ordre d’origine des relations divines qu’on affirme en disant que le Père est source de la Trinité, origine sans origine, principe sans principe des hypostases procédantes, que le Fils procède du Père et est co-principe de l’Esprit, que l’Esprit procède du Père principaliter et du Fils. Car quoique les personnes divines soient réellement distinctes les unes des autres, elles sont toutes réellement identiques à la déité éternelle, raison pourquoi l’ordre d’origine des différentes personnes n’introduit aucune antécédence ou conséquence réelle entre les personnes. L’ordre d’origine des relations ne réfère pas au fondement des relations, par quoi elles sont divines, éternelles, réelles, mais à la seule opposition de corrélation se déployant selon la suite logique des corrélatifs. La relation n’étant pas une perfection relative mais un rapport n’ayant pas d’autre perfection que celle que la relation est par son fondement, rapport ou relation corrélatif à d’autres relations corrélatives, la corrélation est selon l’ordre même de cette corrélation : du Père au Fils jusqu’à l’Esprit.

Mais ce n'est pas vraiment en raison de l'altérité en soi que les personnes sont aimées, tel que s'apportant quelque chose qui manquerait à l'autre. Mais c'est surtout que l'amour est relationnel, échange (et amour de ce qui est aimable bien évidemment). Ce que justement l'opposition de corrélation permet.
10. Aïe. L’amour divin n’est pas une relation divine mais le fondement divin des relations divines. L’amour divin est d’ordre absolu, pas d’ordre relatif.

Or, sans distinction, si Dieu était une seule personne, solitude de toute éternité alors comment l'amour pourrait-il circuler, être vivant ? Pourtant, dans cette idée de Dieu le Père qui aimerait Dieu le Père c'est un peu l'idée qu'on retrouve que cet amour solitaire.
L'amour du Dieu vivant peut-il vraiment être statique ? Là, je peine avec l'idée.
11. Si n’était qu’une seule personne divine, elle serait toujours divine, toujours d’essence divine, toujours réellement identique à la nature divine, donc toujours aimable d’une amabilité absolue réellement identique à l’acte d’amour de Dieu pour Dieu qu’est Dieu. Ce qui changerait, c’est que cet acte d’ordre absolu ne serait pas le fondement de trois relatifs corrélativement opposés.

Vous soulignez souvent que l'amour consiste à aimer ce qui est aimable et donc que chaque personne divine étant infiniment aimable alors elle s'aime infiniment. Mais il me semble que cet amour de soi infini car infiniment aimable met en branle la notion de sacrifice. Comment Dieu le Fils s'aimant infiniment pourrait-il alors faire don de sa vie ?
12. Qu’entendez-vous par « don de sa vie » ? Si vous voulez signifier le fait que sur la Croix le Christ s’est offert pour nous, c’est de sa vie humaine dont vous parlez. Si vous voulez signifiez qu’au Ciel il imprime sa Déité dans l’intellect des élus, cette impression n’implique aucun mouvement de la Déité, supposant seulement que Dieu présent à toute choses par sa présence active d’immensité surélève l’intellect patient de l’homme par la lumière de gloire afin que l’intellect puisse enfin voir Dieu. Ou serait-ce que vous sous-entendez ici la monstrueuse doctrine de la kénose intra-divine ? Au sens orthodoxe et paulinien du terme, la kénose ou dépouillement de soi consiste, pour le Fils, sans cesser d’être Dieu, à se faire homme pour mourir sur la Croix. Par le double voile de son incarnation et de sa passion, la personne du Fils s’est provisoirement dépouillée, en son humanité, des marques glorieuses induites par l’union hypostatique de son humanité à sa divinité. Au sens profondément malsain et blasphêmatoire, la kénose est intra-divine. La kénose intra-divine, c’est, poussée en ses ultimes conséquences, l’exinanition et l’exaltation de chaque personne divine en tant que divine : dans la vie intradivine d’amour, les personnes divines sont des relations mutuelles de désintéressement et de désappropriation d’elles-mêmes. Cette désappropriation de soi, de la déité qu’est la personne dont l’autre personne procède, est la forme extrême de la théologie du don : en donnant tout ce qu’elle est, la personne cesse d’être du fait même, pour n’avoir rien gardé pour soi, pas même l’être ou la déité qu’elle est. De sorte enfin que, pour éviter d’avoir à affirmer de but en blanc que le Père décède en engendrant le Fils, est excipé d’une prétendue dynamique de l’amour trinitaire en conséquence de quoi l’amour reçu est rendu, le mort est ressuscité, le Père rendu à la vie. Outre qu’alors le Père procède du Fils autant que le Fils procède du Père, ceci que la Déité est réduite au mistigri que les joueurs de carte se refilent à tout va : chaque personne divine, en son éternité assimilée à un perpétuel devenir, trépasse et ressuscite au gré des dons et contre-dons. Les hypostases ne sont divines que par intermittence, la déité clignote en chacune d’elles en un procès éternel dont l'éternité permet, contre toute logique, d’affirmer que même mortes les personnes divines sont vivantes, le contre-don annulant l’effet mortifère du don.

Comment une personne s'aimant infiniment (parce qu'infiniment aimable) pourrait-elle donner tout simplement ? Je crois que le plus gros problème ici est dans cet infini de cet amour de soi. Comme un effondrement infini sur soi qui ne laisserait échapper aucune ouverture. Si encore il y avait une limite dans cet amour mais ici il n'y a pas de limite qui permette une sortie. Comment resolvez-vous cela ?
13. La donation n’est pas un mouvement mais la déité immuable référée à la personne dans sa corrélation à la personne qui lui est logiquement conséquente selon l’ordre d’origine (cf. 8. et 9.). La donation n’étant que la déité envisagée en la personne logiquement antécédente, cette personne étant réellement identique à son fondement, s’en suit que le même amour essentiel, la deité, fondement commun aux trois relatifs consubstantiels, pourra être dit statique ou dynamique selon qu’on l’envisage : ou en la personne dont il est le fondement ; ou en cette personne dont il est le fondement en tant que cette personne est corrélative aux autres. L’amour comme don, l’amour d’autrui, l’amour d’une personne divine pour une autre, ne s’oppose donc pas à l’amour de soi, à l’amour d’une personne divine pour elle même : c’est le même amour (cf. 2.) !!! Ainsi selon que vous envisagiez la relation substantielle qu’est le Père comme réellement identique à sa substance ou comme relation substantielle consubstantielle aux deux corrélatifs consubstantiels auxquels il s’oppose, vous envisagerez sa déité comme amour statique ou dynamique.

Et autre point important : l'humilité divine, en quoi consiste-t-elle pour vous ?
14. Je ne considère pas que Dieu soit humble, sinon par manière de parler. Voyez ici

Ne voyez pas un piège dans ces questions. Car en approfondissant le sujet, je me rend compte à quelle point il n'est vraiment pas évident.
15. Je ne considère pas que vous cherchiez à me piéger. Vous vous interrogez, et commencez probablement à percevoir que vous n’aurez les réponses qu’à plonger votre regard au plus profond du mystère trinitaire. La complexité conceptuelle qu’il faut déployer pour parvenir à l’intelligence scolastique d’un tel mystère en découragerait beaucoup. Comme vous le dites fort justement, ce n’est vraiment pas évident, à première vue du moins.

L'amour de la personne divine pour elle-même n'est fondée que sur l'unité, sur l'unité des personnes divines et non sur l'union de trois individualités justement.
16. L’unité n’est pas le fondement de l’amour : :elle est l’amour essentiel de la déité pour elle-même (cf. 2) au fondement des personnes qui sont essentiellement toutes cet amour. C’est bien pourquoi l’amour de la personne divine pour elle-même ou pour les autres personnes ne se distingue pas de l’amour de la déité pour elle-même : c’est réellement identiquement le même amour, mais conceptuellement distingué selon qu’on l’envisage ou comme essence divine ou comme cette essence en tant qu’elle est au fondement de l’une quelconque des personnes.

Comme si l'amour ne pouvait qu'être pluriel, ne pouvait qu'être substantiellement communion "je m'aime parce que je t'aime. Je m'aime parce que j'aime". Comme si l'amour ne pouvait qu'être unité mais de façon assez étonnante comme si l'unité ne pouvait qu'être pluriel.
17. L’unité est le fondement de la pluralité. L’unité, c’est la Déité-Dieu que sont Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, non pas trois dieux mais un seul Dieu, non pas trois amours mais un seul Amour, l’acte d’amour de la déité pour l’amabilité infinie de la perfection absolue qu’est la déité (cf. 2.). Chaque personne s’aime elle-même, aime les deux autres, aime la Trinité, parce que chacune est la nature divine aimant la nature divine. En aimant la nature divine, l’unité de la nature divine, chaque personne aime la pluralité des personnes, chaque personne étant réellement identique à la nature divine., laquelle est sa seule perfection.




Je m’aperçois que je viens de vous donner un cours de théologie trinitaire.
Je prends maintenant congé, quelques jours de vacances. :)
Je vous souhaite bonne continuation.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

Coco lapin
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Re: Un amour sain

Message non lu par Coco lapin » ven. 08 déc. 2023, 15:34

cmoi a écrit :
ven. 08 déc. 2023, 7:49
Votre propos semble relever d'une échelle de valeurs qui placée ici-bas ne connaît pas les bons critères nécessaires à en établir une (il faudrait la recadrer par rapport au salut éternel, à l’aide notamment de la parabole des mines).
Ainsi :
  • La beauté serait mieux que la laideur ? Pourtant la beauté attire le harcèlement et le viol, et une femme laide est beaucoup plus tranquille. Rien ne prouve enfin qu'aux yeux de Dieu elle vaille mieux...
    Un handicap est un formidable moyen d'accumuler des mérites…
    L'intelligence favorise l'orgueil !
    etc. (nous valons mieux que nos attributs qui ne sont que des moyens neutres et mis à notre disposition avec lesquels poser nos actes de liberté, de volonté, etc. )
Qu'entendez-vous donc par "distribué avec justice", sachant qu'il n'y a aucun mérite dans la créature avant cette "distribution"?
Le hasard est-il injuste à vos yeux ? Comment le pourrait-il ? Sans entrer dans le mystère de Dieu, la prédestination ne justifie pas un autre traitement à moins de lui reprocher sans aucune preuve Sa liberté et qui Il est.
Le hasard est juste si l'on considère l'égalité des chances (même probabilité pour tous), mais il est injuste si l'on considère que la chose à distribuer doit l'être en fonction de la justice (donc des mérites de chacun).
Que diriez-vous si Dieu décidait au hasard qui va en enfer et qui va au paradis ? Ce serait injuste, n'est-ce pas ?
Maintenant considérons la répartition des talents ici-bas. Est-elle faite en fonction du hasard ? Certainement pas. Est-elle équitable ? Non plus (peu importe l'échelle de valeurs).
Donc il y a des injustices de départ qui doivent être compensées plus tard par des grâces qui viendront rétablir la justice.

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Olivier JC
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Re: Un amour sain

Message non lu par Olivier JC » ven. 08 déc. 2023, 17:53

Bonsoir,

Sur la question de l'absolu et du relatif évoqué ici, ou pour le dire autrement du primat ontologique de la substance ou de la relation, l'abbé RAFFRAY a commis un ouvrage particulièrement intéressant.

Métaphysique des relations chez Albert le Grand et Thomas d'Aquin (Vrin - 2023)

+
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Didyme
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Re: Un amour sain

Message non lu par Didyme » ven. 08 déc. 2023, 20:52

Perlum Pimpum a écrit :
ven. 08 déc. 2023, 13:28
Je m’aperçois que je viens de vous donner un cours de théologie trinitaire.
Je prends maintenant congé, quelques jours de vacances. :)
Je vous souhaite bonne continuation.
Merci pour votre réponse.
Vous allez pouvoir profiter d'un congé car je crois qu'il va me falloir prendre le temps de réfléchir à tout ça. :-D
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Re: Un amour sain

Message non lu par Didyme » mar. 12 déc. 2023, 23:57

Pour revenir sur l'aspect plus psychologique, quant à la question initiale de savoir si l'on pouvait aimer sainement si dans cet amour se mêle une attente, un besoin, un manque à combler ?
Pensant d'abord qu'un tel amour n'est pas sain, j'ai été surpris aujourd'hui de réaliser que c'est tout le contraire. En effet, nous sommes des êtres manquant et ce manque permet d'accueillir, de recevoir l'amour. Nous sommes des êtres relationnels et par conséquent nous avons besoin les uns des autres. Dans la société individualiste dans laquelle nous vivons, on nous martèle comme intolérable et pathologique le fait d'avoir besoin de l'autre, d'avoir des manques, des besoins. Or, nous devrions au contraire l'élever en qualité.
L'autre est un semblable.

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Re: Un amour sain

Message non lu par Ombiace » mer. 13 déc. 2023, 2:21

Didyme a écrit :
mar. 12 déc. 2023, 23:57
Pour revenir sur l'aspect plus psychologique, quant à la question initiale de savoir si l'on pouvait aimer sainement si dans cet amour se mêle une attente, un besoin, un manque à combler ?
Pensant d'abord qu'un tel amour n'est pas sain, j'ai été surpris aujourd'hui de réaliser que c'est tout le contraire. En effet, nous sommes des êtres manquant et ce manque permet d'accueillir, de recevoir l'amour. Nous sommes des êtres relationnels et par conséquent nous avons besoin les uns des autres. Dans la société individualiste dans laquelle nous vivons, on nous martèle comme intolérable et pathologique le fait d'avoir besoin de l'autre, d'avoir des manques, des besoins. Or, nous devrions au contraire l'élever en qualité.
Bonjour Dudyme,
Vous me faites penser à l'harmonie des pièces d'un puzzle entre elles.
Il y aurait aussi cette harmonie de chaque pièce avec l'image représentée, une fois le puzzle achevé, et qui détermine la position de la pièce dans cet ensemble

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Re: Un amour sain

Message non lu par Didyme » mer. 13 déc. 2023, 14:58

Ombiace a écrit :
mer. 13 déc. 2023, 2:21
Vous me faites penser à l'harmonie des pièces d'un puzzle entre elles.
Il y aurait aussi cette harmonie de chaque pièce avec l'image représentée, une fois le puzzle achevé, et qui détermine la position de la pièce dans cet ensemble
Oui c'est vrai.
L'autre est un semblable.

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Re: Un amour sain

Message non lu par cmoi » jeu. 14 déc. 2023, 6:11

Didyme a écrit :
mar. 12 déc. 2023, 23:47
J'ai l'impression que l'on fait souvent une confusion concernant la Justice.

Ce n'est pas Dieu est Justice, l'amour procèdant de la justice, la vie procédant de la justice, etc. Mais c'est Dieu est Amour, la justice procédant de l'amour, la vie procédant de l'amour, etc.
Contrairement aux autres attributs, l'amour est la nature même de Dieu, pas simplement un attribut.
Il en découle certainement que tout attribut divin procède de sa nature.

Par conséquent, il n'y a pas à considérer que Dieu agit soit par amour soit par justice. Mais il convient plutôt de considérer que Dieu agit toujours par amour. Quand il applique la justice, c'est toujours une justice qui procède de l'amour et qui a l'amour pour fin...
La justice, la punition ne vise pas le bien de la justice mais vise plutôt le bien de l'amour par la justice. La justice comme un attribut servant l'amour.

La justice est lésé tant que l'amour n'est pas rétabli car l'amour est donné pour l'amour. La créature est créée pour Dieu, pour l'amour. Or, lorsqu'elle n'accueille pas l'amour divin, ne devenant instrument de l'amour, aimant Dieu de tout son être en retour alors apparaît un manque, le péché. La justice divine vise donc à rétablir la justice de l'amour, à rétablir ce cercle virtueux de l'amour à l'amour.
Or, une justice sans amour ne visant qu'à punir pour punir, ne rétabli en rien l'amour, la relation.

Tant que l'amour n'est pas rétabli, la justice accomplie son œuvre.
C'est pourquoi aussi la croix, l'amour du Fils est lié à la justice. C'est pourquoi la croix était prévue avant même la fondation du monde. Il ne pouvait subsister à jamais la justice seule, la punition seule. La punition a toujours été liée à l'amour, en vue de l'amour. Il n'y a pas de justice pour elle-même mais il y a une justice pour l'amour.
:supertop:

Didyme a écrit :
mar. 12 déc. 2023, 23:47
Le Christ a accompli et satisfait cette justice par l'incarnation et la croix. Il a satisfait par l'amour parfait "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime" (Jean 15:13).
Attention, car je crains qu’ici vous ne rétablissiez ce que vous voulez combattre, car tout le problème ne se situe pas dans les mots, mais dans les sous-entendus que chacun place dans la compréhension de ces mots.
Ainsi « satisfaire à la justice », pour beaucoup cela veut dire endurer un châtiment, souffrir, et souffrir selon une vision négative qui veut que la souffrance soit un mal – ce qu’elle est - pour en réparer un autre.
Mais la distinction entre la souffrance liée au fait de se faire une entorse, et celle qui consiste à la rebouter n’est pas faite ni prise en compte ! Ce qui ne doit pas non plus conduire au masochisme et encore moins au sadisme, évitons les confusions.

Il y a simplement aussi la souffrance qui consiste à rester sain dans un milieu hostile et malsain, malgré ce milieu. Parce que comme vous le dites sur un autre fil, un amour non partagé, non relié, est souffrance.

Ce n’est pas par sa souffrance qu’il a « satisfait à la justice », mais parce que celle-ci n’a pas eu de prise sur sa volonté, qui était d’aimer (c’est ce que vous avez beau dire par la suite, je crains que beaucoup n’y voient qu’une convention), - et qui par la façon dont il l’a endurée, aimait en acte, se continuait malgré son impuissance (ainsi réduite, comprimée, sa puissance ne s’échappa pas mais se densifia) dans le pardon.

Au purgatoire, la volonté de l’âme est celle de Dieu, l’espérance est pure et totale, c’est pourquoi l’âme se purifie. Il est possible de le faire ici-bas à condition de maintenir la stabilité de cette volonté et cela ne nécessite en soi aucune souffrance (sinon des frustrations, des leurres, etc.), mais les dépasse toutes au moment où elles viendraient entraver cette volonté, dans le choix opéré.
Mais si la volonté défaille, il faut bien quelque chose pour la fortifier, l’obliger à garder son cap.
Ainsi, le Christ a « satisfait » à la justice uniquement en ce qu’il a démontré ne pas être atteint par celle-ci (pourtant infligée de façon légale et « ajustée » religieusement, acceptée comme telle) pour n’avoir pas changé son cap.

Quand le théologien affirme que Dieu avant tout s’aime lui-même, il nous entraîne souvent dans un truisme (je doute que Dieu se présenterait et philosopherait ainsi… !) lequel débouche sur un sophisme implicite qui sous-entend pour conséquence (vu que notre amour pour lui ne saurait être égal ou comparable) que l’aimer pareillement est un acte de justice, et non d’amour, qui n’atteindra jamais à la satisfaction, et c’est ainsi que l’ordre des valeurs est inversé et que bien des perversions se trouvent justifiées ( l’amour du prochain devient narcissique, etc.) par le fait que l'amour de DIeu lui est gratuit !
La théologie peut être dangereuse pour la foi et ses vérités peuvent être utilisées à l’envers, je dirai de façon presque privilégiée et plus évidente (et l’ont été, il n’y a qu’à voir les nombreux scandales liés aux comportements déviants de membres éminents de l’Eglise, il faut comprendre que cela n’a été possible qu’en ce qu’ils ont été « accordés » avec cet enseignement).
D’où le fait que de nombreux saints ont été persécutés par l’Eglise elle-même, durant des périodes plus ou moins longues.

Derrière cela, il ne faut pas oublier que le but de la vie n’est pas de ne pas pécher, qui est négatif, mais de « nous multiplier et dominer la terre »,car ainsi nous grandirons dans notre être, ce qui depuis le péché suppose une souffrance de « reboutement ».
Le péché est une entrave, simplement, mais si notre volonté suit sa pente, il devient un refus d’obéir et pour nous donner une liberté limitée mais qui peut nous paraître la seule acceptable, répondant à d’autres lois qui finissent par la rétrécir car inadaptées et nos desiderata s’y mêlent sans connaitre ni s’ajuster à l’enjeu qui devient purement de diversion, avec une apparence ludique.

De fait, privilégier Dieu ici-bas peut être un artifice, et c’est pourquoi il y a le commandement qui lui est égal d’aimer son prochain, seule façon de « donner du corps » à notre amour. La réalité matérielle du monde, la nécessité du travail et de la loi du progrès qu’il établit et instaure, servent de garde-fou et de juge de paix.
Ce qui à cause de la malice introduite par le péché peut nous mener jusqu’au sacrifice ultime.

Après avoir « vu Dieu », ne serait-ce que par la foi ("heureux ceux qui... sans avoir vu") il n’y a plus rien à comprendre de prioritaire et essentiel sinon que nous devons être parfaits comme notre père céleste est parfait, et rien à souhaiter que de le devenir.
Si la souffrance est ce qui le permet, son absence serait pire et serait l’enfer - question de qualité !
Profitons de ce que ici-bas il y ait d'autres moyens (elle n'est que la conséquence du péché, non de son amour) et remercions Dieu d'en avoir inventé un autre qui ne fait pas appel à son amour (dont beaucoup se sont trop éloignés au point de se le rendre inaccessible) pour nous "rattraper" quand plus rien ne le ferait - au lieu de chipoter !

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Didyme
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Re: Un amour sain

Message non lu par Didyme » mar. 26 déc. 2023, 0:07

Bonjour Perlum Pimpum,

J'ai bien lu votre réponse qui je l'avoue n'est pas aisée à saisir.
Je vous concède de nombreuses maladresses d'expression de ma part. Je ne vais pas revenir sur tous les points mais j'aimerais juste m'arrêter sur quelques aspects sur lesquels j'ai longuement cogité.


Perlum Pimpum a écrit :
ven. 08 déc. 2023, 13:28
Vous usez de facilité ici. Je n'ai rien concédé pour le moment, j'ai plutôt sous-entendu que le sujet ne se limitait pas à a ou b, usant du conditionnel pour le faire comprendre (et je pense que vous l'avez compris)
1. Je ne pense pas avoir usé de facilité. Je voulais relever la contradiction à affirmer « encore une fois il n'est pas question de dire que chaque personne de la Trinité ne s'aime pas elle-même », alors que votre pensée, plusieurs fois exprimée, est que l’amour est essentiellement dynamique, dynamisme excluant par principe que l’amour de soi puisse relever de l’amour : « la question ne se pose pas car elle n'est simplement pas dans la "logique" de l'amour ». Si l’amour est essentiellement dynamique, si essentiellement dynamique que l’amour de soi est inconcevable car n’entrant pas dans la logique de l’amour, devient contradictoire de nier que la logique de l’amour exclut l’amour de soi.
Oui ce n'est pas faux. Disons qu'il y a une subtilité de langage ici .
Il y a "ne pas s'aimer" dans un sens négatif comme de la haine, une aversion, un rejet. Et il y a "ne pas s'aimer" dans un sens plus neutre, comme quelque chose qui n'entre simplement pas en compte. Comme quelque chose qu'on ne se donne pas à soi-même.

Perlum Pimpum a écrit :
Mais ce n'est pas vraiment en raison de l'altérité en soi que les personnes sont aimées, tel que s'apportant quelque chose qui manquerait à l'autre. Mais c'est surtout que l'amour est relationnel, échange (et amour de ce qui est aimable bien évidemment). Ce que justement l'opposition de corrélation permet.
10. Aïe. L’amour divin n’est pas une relation divine mais le fondement divin des relations divines. L’amour divin est d’ordre absolu, pas d’ordre relatif.
Je ne sais pas, n'est-ce pas comme se poser la question de ce qui de la poule ou de l'œuf est premier ? J'ai l'impression que l'un ne va pas sans l'autre.

La nature divine donc l'amour divin est-il essentiellement solitaire ou trinitaire ?
S'il est trinitaire n'est-il pas conséquemment relationnel ?

Il y a une chose qui me turlupine ici. Que l'amour divin soit absolu d'accord. Mais que les trois relatifs que sont les personnes divines ne le soient pas me paraît fortement douteux.
Comment pourrait-on dire que la personne de Dieu le Fils n'est pas un absolu (parce qu'un relatif) ?
Diriez-vous qu'en tant que le Fils est Dieu, il est un absolu mais qu'en tant qu'il est une personne, il ne l'est pas ?
Or, sa personne fait partie intégrante de la divinité, elle est fondée par l'amour et en tant que telle est un absolu.
Ce qui est fondé en tant que créé n'est certes pas un absolu mais ce qui est fondé en tant qu'incréé l'est certainement.
Comment donc ces relatifs, la dimension relationnelle de l'amour ne serait pas l'absolu de l'amour divin, n'en ferait pas partie intégrante ? L'absoluité de la divinité englobe tout ce qui a trait à la divinité.
Si donc l'amour divin est au fondement des relatifs divins alors l'absolu divin fait de la dimension trinitaire de l'amour divin entre les personnes divines un absolu.
Sans quoi, les personnes divines s'en retrouveraient "expulsées" de l'absolu divin, les personnes divines se retrouvant extérieures à la divinité !?


Ça n'est pas juste l'amour divin qui est absolu dans la divinité, tel une entité à part, tel un dieu des personnes "divines", un super-Dieu, une Déité suressentielle.
Mais ce qui me semble évident c'est que tout ce qui a trait à la divinité est forcément nécessaire.
La relation ne fait pas la divinité mais la divinité est relation. Ce n'est pas les trois personnes ou la relation qui produisent l'amour (tel trois dieux se rencontrant, entrant en relation et donnant naissance à l'amour) mais il s'agit plutôt de ce qu'est l'amour. L'amour "est" et il n'est pas rien. L'amour est trinitaire, est relation/échange.
La Trinité nous révèle la forme de l'amour.

L'amour divin, tout absolu qu'il soit, est trinitaire.



Si ça n'était pas le cas alors certainement pourrait-on penser que Dieu est Un mais Un en une personne, absolu en une personne, que seul le Père est Dieu.
L'Amour absolu en une seule personne, en une personne seule. Les personnes du Fils et de l'Esprit Saint n'étant pas alors de toute éternité car alors elles impliqueraient un relatif à l'absolu divin. Certainement devrait-on alors en déduire que le Fils et l'Esprit Saint ont été créé et non plus ont procédé.

Mais si la divinité Une est trois personnes de toute éternité alors certainement la nature divine, l'Amour divin est pluriel, trine de toute éternité.


L'Amour est relation (car Dieu en trois individualités divines sans relation, isolées, ne seraient pas amour), relation impliquée par la pluralité de la divinité. Mais relation parfaite qui a la forme de l'union.
La relation est incompatible avec l'absolu divin si c'est de l'ordre de l'accidentel mais pas si la relation est substantielle.


L'amour peut-il être amour sans être personnel et sans relation/union ?

Perlum Pimpum a écrit :
Or, sans distinction, si Dieu était une seule personne, solitude de toute éternité alors comment l'amour pourrait-il circuler, être vivant ? Pourtant, dans cette idée de Dieu le Père qui aimerait Dieu le Père c'est un peu l'idée qu'on retrouve que cet amour solitaire.
L'amour du Dieu vivant peut-il vraiment être statique ? Là, je peine avec l'idée.
11. Si n’était qu’une seule personne divine, elle serait toujours divine, toujours d’essence divine, toujours réellement identique à la nature divine, donc toujours aimable d’une amabilité absolue réellement identique à l’acte d’amour de Dieu pour Dieu qu’est Dieu. Ce qui changerait, c’est que cet acte d’ordre absolu ne serait pas le fondement de trois relatifs corrélativement opposés.
Mais sachant que Dieu est trine de toute éternité et que le divin est absolu, convient-il vraiment de penser que cette Trinité serait comme "superflue", contingente, non incluse dans l'absolu divin, comme n'en faisant pas partie intégrante ?
Or, si tel est le cas alors le Fils et l'Esprit Saint ne sont plus nécessairement Dieu et ne peuvent alors plus être intégrés à la divinité qui est d'ordre absolue et qui donc ne saurait étre mélangée à du "secondaire".

Qu'une seule personne divine manque à la divinité et la nature divine est-elle encore la nature divine ?
Parce que c'est ça l'amour absolu, il est trinitaire.
L'unité absolue est plurielle et ne peut être que plurielle. Comme si le Un solitaire n'avait simplement pas de sens, ne pouvait pas être, équivalait à rien, à zéro.
Pour qu'il y ait un, il faut qu'il y ait union parfaite de plusieurs. Le Un absolu, originel, est pluriel. Et ceci parce que Dieu est Amour.
S'il y avait un Un solitaire absolu au fondement des relatifs, c'est là où le Un se retrouverait divisé en plusieurs il me semble et c'est ici qu'on aboutirait à une divinité dans laquelle il y a séparation, plusieurs "dieux". Or, si Dieu est Un en trois personnes (relatifs) les trois personnes sont bien le Dieu unique.


Si Dieu le Père s'aimait infiniment (parce qu'infiniment aimable), cet amour étant inifini, il se suffirait à lui-même. Il n’y aurait alors pas nécessité à engendrer. Or, si engendrer n'était pas nécessairement en Dieu alors il ne serait pas en Dieu qui est absolu mais deviendrait un "acte" secondaire et en tant que telle n'appartiendrait pas à l'absolu divin. Les autres personnes divines seraient alors créées.
Or, l'absolu divin étant trine, il nous dit quelque chose de la nature de l'amour...

Mais quelque part, j'éprouve tout de même une difficulté avec l'utilisation du terme "fondement" quand vous dites par exemple que l'amour divin est au fondement des relatifs. Bien que d'un côté cela me semble correct, il y a que ce terme renvoie l'idée que la divinité, l'amour divin semble "être sans", "au-delà", semble pouvoir être l'amour divin sans les relatifs, sans les personnes divines.
Or, Les personnes, les relations sont immanentes à la divinité. Il y a unité, identité.

N'est-ce pas finalement à opposer absolu et relation comme lorsque vous dites " L’amour divin n’est pas un relatif mais un absolu, au fondement des relatifs" qu'on en vient finalement à intégrer du mélange dans la divinité ? L'impression que cette représentation introduit de l'accidentel en Dieu car non nécessaire. Or, en Dieu tout est substantiel.
Mais si cet absolu, l'amour divin est personnel et donc relation alors il n'y a pas de mélange.

Sachant d'autant plus que l'enfer c'est l'absence de relation, lorsqu'on est seul avec soi-même...

Plutôt que de parler d'amour du Père pour lui-même, ne convient-il pas plutôt de parler de conscience de soi, de connaissance de soi ?
Par ailleurs, sa qualification de "Père" ne renvoie-t-elle pas en elle-même l'idée de don de soi, d'extériorisation de soi, amour gratuit, principe de la divinité ?


C'est compliqué car d'un côté je me dis "il a raison, l’amour divin est d’ordre absolu, pas d’ordre relatif. Ce qui est absolu ne peut pas être relatif". Et pourtant, j'en arrive à une autre conclusion. :?:


Perlum Pimpum a écrit :
Vous soulignez souvent que l'amour consiste à aimer ce qui est aimable et donc que chaque personne divine étant infiniment aimable alors elle s'aime infiniment. Mais il me semble que cet amour de soi infini car infiniment aimable met en branle la notion de sacrifice. Comment Dieu le Fils s'aimant infiniment pourrait-il alors faire don de sa vie ?
12. Qu’entendez-vous par « don de sa vie » ? Si vous voulez signifier le fait que sur la Croix le Christ s’est offert pour nous, c’est de sa vie humaine dont vous parlez. Si vous voulez signifiez qu’au Ciel il imprime sa Déité dans l’intellect des élus, cette impression n’implique aucun mouvement de la Déité, supposant seulement que Dieu présent à toute choses par sa présence active d’immensité surélève l’intellect patient de l’homme par la lumière de gloire afin que l’intellect puisse enfin voir Dieu. Ou serait-ce que vous sous-entendez ici la monstrueuse doctrine de la kénose intra-divine ? Au sens orthodoxe et paulinien du terme, la kénose ou dépouillement de soi consiste, pour le Fils, sans cesser d’être Dieu, à se faire homme pour mourir sur la Croix. Par le double voile de son incarnation et de sa passion, la personne du Fils s’est provisoirement dépouillée, en son humanité, des marques glorieuses induites par l’union hypostatique de son humanité à sa divinité. Au sens profondément malsain et blasphêmatoire, la kénose est intra-divine. La kénose intra-divine, c’est, poussée en ses ultimes conséquences, l’exinanition et l’exaltation de chaque personne divine en tant que divine : dans la vie intradivine d’amour, les personnes divines sont des relations mutuelles de désintéressement et de désappropriation d’elles-mêmes. Cette désappropriation de soi, de la déité qu’est la personne dont l’autre personne procède, est la forme extrême de la théologie du don : en donnant tout ce qu’elle est, la personne cesse d’être du fait même, pour n’avoir rien gardé pour soi, pas même l’être ou la déité qu’elle est. De sorte enfin que, pour éviter d’avoir à affirmer de but en blanc que le Père décède en engendrant le Fils, est excipé d’une prétendue dynamique de l’amour trinitaire en conséquence de quoi l’amour reçu est rendu, le mort est ressuscité, le Père rendu à la vie. Outre qu’alors le Père procède du Fils autant que le Fils procède du Père, ceci que la Déité est réduite au mistigri que les joueurs de carte se refilent à tout va : chaque personne divine, en son éternité assimilée à un perpétuel devenir, trépasse et ressuscite au gré des dons et contre-dons. Les hypostases ne sont divines que par intermittence, la déité clignote en chacune d’elles en un procès éternel dont l'éternité permet, contre toute logique, d’affirmer que même mortes les personnes divines sont vivantes, le contre-don annulant l’effet mortifère du don.
Rassurez-vous, il n'est pas question de ça. Je ne savais même pas qu'une telle conception existait.
Il est simplement question de la première interprétation que vous soulignez, de la croix. Ou simplement de Jean 15:13 " Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime."

"Pas de plus grand amour" que le don de sa vie, le don total. Mais comme le don total est la pleine expression de l'amour alors l'amour qui se donne ne disparaît pas en se donnant mais est au contraire sublimé, glorifié.

À notre niveau, on pressent qu'il n'y a pas plus grande liberté que celle d'être libéré du "moi".
Et l'Amour est liberté.


Dieu ne se dépouille-t-il pas d'une certaine façon de lui-même en nous donnant son amour ?
Le Christ ne nous enseigne-t-il pas cette forme d'amour par l'incarnation, se dépouillant de sa divinité ?
Ne nous l'enseigne-t-il pas encore par la croix (Jean 15:13), si le plus grand amour réside dans le don, le don de sa vie ? Et aussi par le "mourir à soi-même" pour entrer dans l'amour trinitaire ?


Perlum Pimpum a écrit :
Comment une personne s'aimant infiniment (parce qu'infiniment aimable) pourrait-elle donner tout simplement ? Je crois que le plus gros problème ici est dans cet infini de cet amour de soi. Comme un effondrement infini sur soi qui ne laisserait échapper aucune ouverture. Si encore il y avait une limite dans cet amour mais ici il n'y a pas de limite qui permette une sortie. Comment resolvez-vous cela ?
13. La donation n’est pas un mouvement mais la déité immuable référée à la personne dans sa corrélation à la personne qui lui est logiquement conséquente selon l’ordre d’origine (cf. 8. et 9.). La donation n’étant que la déité envisagée en la personne logiquement antécédente, cette personne étant réellement identique à son fondement, s’en suit que le même amour essentiel, la deité, fondement commun aux trois relatifs consubstantiels, pourra être dit statique ou dynamique selon qu’on l’envisage : ou en la personne dont il est le fondement ; ou en cette personne dont il est le fondement en tant que cette personne est corrélative aux autres. L’amour comme don, l’amour d’autrui, l’amour d’une personne divine pour une autre, ne s’oppose donc pas à l’amour de soi, à l’amour d’une personne divine pour elle même : c’est le même amour (cf. 2.) !!! Ainsi selon que vous envisagiez la relation substantielle qu’est le Père comme réellement identique à sa substance ou comme relation substantielle consubstantielle aux deux corrélatifs consubstantiels auxquels il s’oppose, vous envisagerez sa déité comme amour statique ou dynamique.
D'accord, je comprends mieux. Mais le "je m'aime" me laisse tout de même perplexe. "Je suis amour" me paraît plus adéquat. Et d'autant plus en le qualifiant de statique car parler de "s'aimer" renvoie déjà un aspect dynamique.


-----------


Après je comptais me raviser suite à vos remarques quant aux termes de "don", "réception", "partage", etc.
Mais quelque part Dieu n'est-il pas éternel échange d’amour, ce qui fait que l'amour est, que l'amour est vivant ? Cet échange qui fait le caractère trinitaire de l'amour, de l'absolu divin.
Chaque personne divine étant cet amour car chaque personne divine participant parfaitement de cet amour parfait.

221 S. Jean va encore plus loin lorsqu’il atteste : " Dieu est Amour " (1 Jn 4, 8. 16) : l’Être même de Dieu est Amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle son secret le plus intime (cf. 1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part.

Dans l'échange, il n'y a pas de "perte" de divinité qui serait ensuite rendu. Mais l'échange est la plénitude de l'amour, la divinité, la vie divine.



Je ne sais pas, dans cette conception que vous m'exposez, on a l'impression que l'amour est tel une force qui fonderait des personnes qui adorerait cette force. L'amour n'étant plus l'échange vivant entre personnes mais tel une force que des personnes aimerait. Que la divinité dans ces conditions soit une personne, deux personnes, trois personnes ou même plus n'a effectivement pas de sens ni de valeur en soi puisque cet amour n'est pas un échange nécessaire entre personnes mais une substance que l'on peut aimer individuellement.

Bien que vous fassiez du Père celui qui constitue la déité, on a au final une impression de quelque chose comme d'un panenthéisme. Le Fils aime cette substance en Lui, aime cette substance chez le Père.
Mais l'amour me semble plutôt davantage être une relation vivante entre êtres. Ne dit-on pas de l'Esprit Saint qu'il procède de l'amour du Père et du Fils ?

Est-ce au fond l'amour qui fonde les personnes ou l'amour est simplement l'être de Dieu ?
L'amour ne fonde pas l'être mais il est l'être. Différence subtile mais qui plutôt que de se retrouver à exclure les personnes divines de l'absolu par la distinction opérée par le terme "fondement", uni le tout.



Bon rassurez-vous, je conçois tout à fait la possibilité d'être complètement à côté de la plaque au final :-D
Tout autant que d'avoir mal saisi votre position ou d'avoir encore utilisé d'autres termes maladroits.
L'autre est un semblable.

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