L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

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L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » lun. 25 juil. 2011, 22:12

Bonjour,

Edith Stein nous apprend ceci "Chez Thomas, natura et essentia sont fréquemment utilisés de manière synonymique. Les deux termes désignent ce que la chose est en elle-même. Mais ce quoi (Was) peut être saisi sous divers angles : d'abord, en tant que quoi elle est posée dans l'existence et ce par quoi elle est destinée à être agissante. Or, pour <désigner> cela, c'est la dénomination de nature qui convient. Ensuite, en tant que ce qui est inhérent à la chose, en tant que ce qui est véritablement et nécessairement par opposition à toutes les propriétés et à tout les modes d'être et d'apparition extérieurs, lesquels dépendent des conditions extérieures et contingentes de son existence. Or pour <désigner> cela, c'est la dénomination d'essence qui convient. La tâche qui doit être effectuée pour connaître l'essence consiste précisément à dépasser ce quoi (was) et ce comment (wie), qui font que la chose est effectivement présente, et à progresser au moyen de l'examen des contingences - <c'est à dire en examinant> quelles variations sont concevables sans que <cette chose> cesse d'être une chose de cette essence, à savoir un arbre ou un lion ou une femme précisément - jusqu'à la détermination de ce qui ressortit nécessairement à sa constitution. On pourrait donc concevoir la "nature" de telle manière que cette nécessité de la constitution interne n'y fut point comprise en même temps. (Nous pouvons donc imaginer, par exemple, des lions qui seraient différents à certains égard de ce qu'est la nature du lion selon les constations de la science expérimentale.) La nature de la femme, telle qu'elle est conforme à sa destination, pourrait donc admettre des variations, sans que l'essence de la femme fût supprimée par là" La Femme, Cours et conférence Edith Stein (Les Problèmes posés par l'Education moderne des jeunes Filles)

De ce texte, il ressort d'emblée que la nature d'un des deux sexes peut diverger de la destination de ce sexe en question sans remettre en question l'essence de la personne, qui, elle, serait intangible (ou du moins dont l'éventualité d'une variation ne se pose pas, ce qui est vrai durant l'entre deux guerres). Est-ce toujours vrai aujourd'hui ? Si l'on prend le cas du transsexualisme, nous sommes face à une personne d'un sexe déterminé qui prend les caractéristiques de l'autre sexe. Certes, jusqu'à preuve du contraire, il est impossible de transformer un chromosome X en Y ni un Y en X, or c'est l'un de ces deux chromosomes accolé à un chromosome X qui détermine ce qu'une personne humaine est véritablement et nécessairement. Mais ce sont ses organes sexuels qui traduisent sur le plan physique cet état et qui déterminent ce qu'elle est véritablement et nécessairement aux yeux de tous. Ainsi le transsexuel qui subit une mutilation (lorsqu'il lui est ajouté l'organe qu'il n'a pas et retiré celui qu'il a) semble perdre l'essence de son être sur le plan extérieur. Cependant la perd-t-il en entier ? Si oui gagne-t-il l'essence du sexe vers lequel il tend ? Ou se situe-t-il dans un irrémédiable entre deux ? Comment qualifier cet état ?

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Olivier C » mer. 27 juil. 2011, 20:31

Bonjour,

Je nous pense ici mal engagé : on ne peut pas baser la nature (humaine ou autre) sur une apparence extérieure (la forme du corps, le sexe, etc), ou encore sur une référence toute aussi illusoire au génome (comme la plupart des gens le font aujourd'hui) ou à tel autre élément quantifiable de la "science expérimentale".

La question n'est pas à traiter sur le plan horizontal des sciences expérimentales mais sur un plan qualitatif, ouvert par la réflexion philosophique, du moins si vous souhaitez prétendre réfléchir sur l'être dans sa globalité. Mais ce type de questionnement, si vous souhaitez partir d'une philosophie réaliste, exigera des bases philosophiques aristotéliciennes. À l'ordre du jour : puissance et acte, matière et forme, substance et essence, échelle des êtres, etc. Je me permet de vous dire cela car vous accompagnez votre questionnement de la pensée d'Édith Stein, si donc vous souhaitez aborder la question de l'être à ce niveau il vous faudra ce type de bases avant d'aller plus avant. Il existe de bon fascicules d'introduction à la philo aristotélicienne et thomiste.

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » mer. 27 juil. 2011, 22:28

Bonjour,

Il va certes falloir que je me penche sérieusement sur la question, d'où mon premier post. A ce stade, je peux cependant avouer que ce que vous me dites ne me convient pas. En effet, si je manque de formation philosophique, j'ai déjà assez travailler la question de la notion juridique de personne humaine pour savoir qu'elle forme une unité d'âme et de corps - corpore et anima unus - qu'elle est incarnée (à l'inverse de la personne angélique...). A partir de là, je postule que la nature de la personne humaine et l'essence de la personne humaine s'inscrivent tout autant dans son corps que dans son âme. Enfin, actuellement, je ne vois pas pourquoi les sciences expérimentales ne pourraient pas être une aide dans l'appréhension philosophique de la notion de personne humaine. D'ailleurs, le grand commentaire d'Evangelium Vitae (l'Evangile de la Vie en deux tomes de Jean-Pascal PERRENX aux édition Beauchesne, Vendôme, mars 1999) a précisément un chapitre sur la Vie biologique qui précède directement la Vie philosophique. Or de quoi est-il question sinon de la personne humaine ?

Bon, il est 22h30, bien cordialement

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Olivier C » jeu. 28 juil. 2011, 1:12

Soit,

Alors peut être aurais-je du dire "La question n'est pas D'ABORD à traiter sur le plan horizontal des sciences expérimentales...". Je ne rejette en rien les sciences humaines, celles-ci peuvent donner, disons... de l'épaisseur à la réflexion sur la personne humaine.

Ce qui m'avait interpellé c'est ce décalage entre le premier paragraphe traitant des idées d'Edith Stein et la mise au point du second paragraphe. De l'un à l'autre on ne traite pas du tout de la même chose : le premier traite un aspect ontologique, le deuxième en tire des conséquences à partir de considérations sur les accidents ! Bref, on traite ici sur le même plan des choses qui ne peuvent l'être.

Pour illustrer mon propos par une image : l'herbe existe, on dira qu'elle EST (plan ontologique), éventuellement elle sera de couleur verte (accident), grande, petite, vivace, etc. Ce n'est pas l'accident - prenons pour notre exemple la couleur - qui donne son principe d'être à la fleur. La couleur n'est pas en soit, elle n'est que par rapport à QUELQUE CHOSE. Cet accident ne peut bien évidement pas non plus influer sur la qualité d'être de la plante. Bref, si l'accident est à considérer - d'autant plus à considérer qu'il nous permet d'appréhender la substance "herbe" -, sur le plan métaphysique cet accident n'est jamais que relatif à l'être....

Quand à Edith Stein, celle-ci développera dans son livre La structure ontique de la personne et sa problématique épistémologique son point de vue sur la manière dont une personne peut "qualifier" son être selon un principe vitaliste : La conception de la personne chez Edith Stein

Bien à vous
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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » mar. 11 oct. 2011, 17:21

Je reprends la discussion avec quelque retard (il est parfois difficile de trouver du temps)
Olivier C a écrit : Ce qui m'avait interpellé c'est ce décalage entre le premier paragraphe traitant des idées d'Edith Stein et la mise au point du second paragraphe. De l'un à l'autre on ne traite pas du tout de la même chose : le premier traite un aspect ontologique, le deuxième en tire des conséquences à partir de considérations sur les accidents ! Bref, on traite ici sur le même plan des choses qui ne peuvent l'être.
Peut-être ai-je été un peu rapide mais, en soi, les idées permettent de mieux saisir le réel, et c'est là tout leur intérêt me semble-t-il... De même qu'une meilleure connaissance du réel permet d'affiner sa pensé...

Je vous remercie beaucoup pour le petit exposé sur La notion de Personne chez Edith Stein et je vous en félicite. Je me permets néanmoins d'être en désaccord sur un point qui a selon moi son importance : l'affirmation comme quoi selon Edith Stein, on ne naît pas comme une personne. Il ne me semble pas l'avoir vu en la lisant. Il me semble qu'elle dit seulement que l'être humain est une personne en devenir, qu'il se personnalise comme vous le relevez, ce qui ne signifie pas qu'elle ne soit pas une personne avant la naissance. Cela pourrait être dangereux, car alors si quelqu'un n'est pas considéré comme personne humaine, quel mal y aurait-il à l'éliminer ? Personnellement, je considère tout être humain depuis la conception comme une naissance. Dans le cas contraire, je ne voit pas comment serait-il possible de s'opposer à l'avortement : je ne vois pas ce qu'il y a de moralement répréhensible à tuer un être vivant qui n'est pas une personne pourvu qu'il y ait une bonne raison.

Pour revenir à ma question originelle, j'ai trouvé une réponse dans "L'Être fini et l'Être éternel" III Être essentiel et Être réel, §4 L'Essence et son objet (...), Edition Nauvelaert, 1998, Beauvechain, p81
"L'homme est encore le même mais son essence est-elle changé ou autre ? Nous parlerons de changement de l'essence lorsque les traits de l'image de tel homme changent les uns après les autres et lorsque ainsi se constitue une image différente de l'ensemble (...). Toutefois, dans cette image d'ensemble transformée, nous trouvons plusieurs traits communs avec le fond antérieur".

Par là, il me semble clair que malgré toute les transformation que l'on peut faire, l'essence de la personne particulière perdure - pour moi, la question de savoir si c'est ou non une personne ne se pose pas. Le transsexuel ne pouvant perdre cette essence, sa personne, telle qu'elle est depuis l'origine, perdure (et par là, sa dignité de Personne humaine reste intacte).

Après, qu'en est-il de l'essence générale de l'homme (Mann) ou de l'essence générale de la femme pour le transsexuel ?
Pour moi, du fait de la dissociation entre les caractéristiques corporelles extérieures et le sexe réel tel qu'inscrit dans la chair par l'ADN, je pense qu'il y a inauthenticité avec le sexe que la personne se figure avoir atteint et qu'il n'y a donc pas acquisition de l'essence de se sexe. Mais, par ailleurs, comment n'y aurait-il pas perte du sexe auquel il appartient malgré lui (du fait de l'ADN) après les mutilations corporelles subies ? Et s'il y a perte de ce sexe, comment pourrait-il en être autrement de l'essence (que par ailleurs, il rejette) ?

Bien à vous
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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Olivier C » mer. 12 oct. 2011, 11:52

Lylïéflorèncé! a écrit :Je reprends la discussion avec quelque retard (il est parfois difficile de trouver du temps)
En ce qui me concerne il y a presque autant de temps que je n'étais revenu en ces lieux...
Lylïéflorèncé! a écrit :Je vous remercie beaucoup pour le petit exposé sur La notion de Personne chez Edith Stein et je vous en félicite. Je me permets néanmoins d'être en désaccord sur un point qui a selon moi son importance : l'affirmation comme quoi selon Edith Stein, on ne naît pas comme une personne. Il ne me semble pas l'avoir vu en la lisant.
C'est possible, j'ai élaboré cet article il y a maintenant plus de 10 ans, je ne me souviens pas de tout le contexte, et surtout je débutais en théologie (c'était ma première année), il me faudrait revoir les écrits afin de corriger éventuellement ce point, en tout cas mon correcteur d'alors - un fan d'Edith Stein - ne m'avait pas repris à ce sujet.

Quoi qu'il en soit ce trait de pensé ne doit pas conduire à nier la personnalité d'un être humain en lui-même : le simple fait de dire qu'un être a en lui-même les capacités de se "personnaliser" est suffisant (et en ce qui me concerne je suis d'une approche plus réaliste que phénoménologue donc...).

Pour le reste :
Lylïéflorèncé! a écrit :Par là, il me semble clair que malgré toute les transformation que l'on peut faire, l'essence de la personne particulière perdure - pour moi, la question de savoir si c'est ou non une personne ne se pose pas. Le transsexuel ne pouvant perdre cette essence, sa personne, telle qu'elle est depuis l'origine, perdure (et par là, sa dignité de Personne humaine reste intacte).
Jusque là pour moi c'est ok...
Lylïéflorèncé! a écrit :Après, qu'en est-il de l'essence générale de l'homme (Mann) ou de l'essence générale de la femme pour le transsexuel ? Pour moi, du fait de la dissociation entre les caractéristiques corporelles extérieures et le sexe réel tel qu'inscrit dans la chair par l'ADN, je pense qu'il y a inauthenticité avec le sexe que la personne se figure avoir atteint et qu'il n'y a donc pas acquisition de l'essence de se sexe. Mais, par ailleurs, comment n'y aurait-il pas perte du sexe auquel il appartient malgré lui (du fait de l'ADN) après les mutilations corporelles subies ?
Là je n'accroche plus : à mon avis il y a un problème de définition pour les notions de corps et d'essence. Je ne vois pas pourquoi le fait de perdre "accidentellement" (dans le sens philosophique du terme) un organe ferait que je ne serais plus homme ou femme, et cela n'est pas seulement vrais pour le sexe.
Lylïéflorèncé! a écrit :Et s'il y a perte de ce sexe, comment pourrait-il en être autrement de l'essence (que par ailleurs, il rejette) ?
Pour cette dernière question, qui fait directement appel à la théorie du gender, voir éventuellement ici pour une approche théologique de cette question : L'identité homme-femme dans la vision judéo-chrétienne.

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » mer. 12 oct. 2011, 21:22

Juste une précision concernant Edith Stein, j'ai lu son petit ouvrage sur la personne il y a quelque chose comme trois/quatre ans et, après réflexion, je me rappelle qu'il y a quelque chose qui m'avait chiffonné au premier abord du côté de cette apparition de la personne humaine. Mais dans un second temps, j'avais réussi à le mettre en adéquation avec ce que je pense à se sujet me semble-t-il me rappeler ... J'ai essayé d'ouvrir l'ouvrage en question aujourd'hui mais je n'ai pas la même pagination que vous... J'espérais pouvoir vous demander le chapitre pour retrouver le passage en question mais dix ans après, ça me semble délicat... sauf si vous avez encore l'ouvrage à porté de main ...

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » mer. 12 oct. 2011, 22:00

Olivier C a écrit :
J'ai bien aimé votre article mais je récuse votre emploi du terme "genre" lorsque vous l'employez comme synonyme de "sexe". S'il y a bien un genre féminin et un genre masculin en français, c'est uniquement en grammaire :non: (je viens de vérifier avec le littré et un bon Petit Robert de quarante ans d'âge tout le monde sait qu'un bon dictionnaire, c'est comme le bon vin, :toast: plus il est vieux et plus il se bonifie - désolé, j'ai une formation de juriste, il n'y a pas de remède connu ! la Grâce peut être...) Résistons donc à ceux qui nous imposent la théorie du genre et font faire des glissements de sens tendancieux à notre vocabulaire !

Sinon, dans le cas qui m'occupe, il y a plus que perte d'un organe, il y a addition d'un organe postiche en chair. Pour être clair, je me situe en théologie morale et ma question est : Pour justifier son opposition au transsexualisme, peut-on arguer du fait qu'il y a d'un côté perte de l'essence de la personne dans son appartenance à tel sexe sans gagner l'essence de l'autre sexe puisqu'il y a distinction entre les caractères physiologiques perceptibles et l'ADN ?

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Olivier C » jeu. 13 oct. 2011, 7:25

Lylïéflorèncé! a écrit :J'ai bien aimé votre article mais je récuse votre emploi du terme "genre" lorsque vous l'employez comme synonyme de "sexe".
C'est possible, cette équivalence me viens de Xavier Lacroix, mon professeur de morale (à moins que je l'interprète, mais là encore il ne m'a pas repris à la correction de ce devoir que j'ai transformé en article pour mon site). Peut être devrais-je réfléchir aux implications de ce vocabulaire... Pour la question suivante je passe la main car il est 7h20, et après une nuit passée en réanimation pédiatrique (je suis étudiant infirmier) mes neurones ne sont plus connectés, je vais donc aller me coucher ! (si j'oublie de répondre d'ici une semaine, relancez-moi).

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » jeu. 13 oct. 2011, 11:22

Olivier C a écrit : C'est possible, cette équivalence me viens de Xavier Lacroix, mon professeur de morale (à moins que je l'interprète, mais là encore il ne m'a pas repris à la correction de ce devoir que j'ai transformé en article pour mon site). Peut être devrais-je réfléchir aux implications de ce vocabulaire... Pour la question suivante je passe la main car il est 7h20, et après une nuit passée en réanimation pédiatrique (je suis étudiant infirmier) mes neurones ne sont plus connectés, je vais donc aller me coucher ! (si j'oublie de répondre d'ici une semaine, relancez-moi).
Je commençais à en douter !!!! :) On s'est rencontré à la catho l'année dernière. J'étais rentré d'Île de France pour la matinée d'ouverture puis pour la matinée de travail. Maintenant, suite à la fin de mon contrat, j'ai regagné mon pays. Xavier Lacroix sera mon professeur de morale au semestre prochain, j'aurai donc l'occasion de lui demander directement au sujet de ce point de vocabulaire, voire peut être de protester...
Je pense que le vocabulaire est primordial mais peut-être est-ce en littérature qu'il faudrait poster un tel sujet !

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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Amfortas » jeu. 27 oct. 2011, 18:49

D’abord soyons clair sur les termes. (« ce qui a le plus manqué à la philosophie, c'est la précision » Bergson).

Essence et Nature désigne la même forme, à savoir la « forma totius » ou forme de l’espèce, à ne pas confondre avec la forma partis ou forme individuelle. Il y a donc identité formelle entre l’essence et la nature.

La différence est donc relative. En effet : Tel forme tel type d’existence, Tel forme tel type d’opérations. Suivant donc que vous considérez la forme dans sa relation à son existence vous l’appelez l’essence, dans sa relation à ses opérations (à son agir) vous l’appelez nature.


Ceci posé (qui correspond à la formulation du début du texte) nous tombons sur ça :

« On pourrait donc concevoir la "nature" de telle manière que cette nécessité de la constitution interne n'y fut point comprise en même temps. »


Mais c’est complètement absurde et en contradiction flagrante avec le fait qu’essence et nature sont formellement identiques et ne différent que relativement, selon que l’on considère la forme suivant l’existence ou suivant l’agir.

C’est comme dire : je suis un homme mais j’ai la capacité d’agir d’un ange ! Cela me rappelle un fait divers des années 80 (ou fin des années 70) un petit garçon s’était jeté du haut d’un building après avoir vu le film « Superman ».


Et ensuite nous tombons sur ça :

« La nature de la femme, telle qu'elle est conforme à sa destination, pourrait donc admettre des variations, sans que l'essence de la femme fût supprimée par là »

Mais il n’y a pas d’essence ou de nature de la femme ! Comme nous l’avons déjà mentionné essence et nature désignent toutes deux la même forme d’une espèce, et il n’y a pas d’espèce féminine à ce que je sache… Rappelons le quand même : les femmes font partie de la même espèce que les hommes, à savoir l’espèce humaine, et ont donc même essence et même nature. (ouf !)


Le sexe n’est pas une différence spécifique, et par conséquent n’entre pas dans l’essence de l’humain. La différence spécifique de l’humain est la raison et par conséquent entre dans son essence.

Le sexe est un accident, qui d’ailleurs n’est même pas propre à l’espèce humaine. (d’autres espèces animales sont aussi sexuées, en revanche vous pouvez dire que « le rire est le propre de l’homme).

« Imaginons donc des êtres d’une autre planète, d’une autre nébuleuse ou d’un autre univers ; s’ils sont intelligents à partir de n’importe quel sensible, ils seront de même espèce que nous et nous pourrions nous comprendre comme un aveugle comprend le voyant. Ce serait seulement d’une manière descriptive qu’on distinguerait homme et martien ; si ce dernier est intelligent et sensible, il est de l’espèce humaine ». (Commentaire du De Ente et Essentia de Saint Thomas d’Aquin, par D.J Lallement)

Ce qui fait donc l’unité de l’espèce humaine, son essence, c’est la rationalité (intelligence abstractive et discursive) et comme le dit le chanoine Lallement vous pouvez imaginer toutes sortes d’êtres, sans sexe, avec des tentacules, nains, géants, difformes etc… dès lors qu’ils ont la raison, ils sont de l’espèce humaine et ont donc la même essence, et ce n’est qu’en terme descriptif que l’on peut dire qu’ils appartiennent à une autre espèce. (d’ailleurs je ferais remarquer que dans l’histoire ce fut une des pires choses qui fût lorsque le caractère humain fut dénié à certains hommes simplement pour des raisons « descriptives »)

Par conséquent un humain peut bien se faire mutiler ou greffer un membre, cela ne change strictement rien à son essence, puisque ce qui fait l’essence de l’humain, sa différence spécifique, c’est la raison, et la raison est immatérielle…

Enfin je ferais une remarque sur la génétique : la génétique n’est pas compétente pour définir l’essence, car la génétique ne travaille pas sur l’essence, mais sur les accidents propres de l’homme, comme l’ADN. Et ainsi qu’il a déjà été signalé, on peut imaginer une créature possédant une autre structure ADN, mais toujours douée de raison, eh bien la génétique classerait cette créature dans une autre espèce ou parlerait d’aberration chromosomique ou autres, et pourtant ce serait bien une créature humaine. (ainsi un trisomique est un être humain et sa vie mérite le même respect que celui qu’on doit à toute vie humaine).
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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » ven. 18 nov. 2011, 16:48

Je me risque à revenir sur ce domaine qui ne m'est guère familier.
Amfortas a écrit : D’abord soyons clair sur les termes. (« ce qui a le plus manqué à la philosophie, c'est la précision » Bergson).

Essence et Nature désigne la même forme, à savoir la « forma totius » ou forme de l’espèce, à ne pas confondre avec la forma partis ou forme individuelle. Il y a donc identité formelle entre l’essence et la nature.
Je veux bien

Amfortas a écrit : La différence est donc relative. En effet : Tel forme tel type d’existence, Tel forme tel type d’opérations. Suivant donc que vous considérez la forme dans sa relation à son existence vous l’appelez l’essence, dans sa relation à ses opérations (à son agir) vous l’appelez nature.
Parfait, je comprends :D
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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » ven. 18 nov. 2011, 16:53

Amfortas a écrit : Ceci posé (qui correspond à la formulation du début du texte) nous tombons sur ça :

« On pourrait donc concevoir la "nature" de telle manière que cette nécessité de la constitution interne n'y fut point comprise en même temps. »
Oui, c'est d'ailleurs Edith Stein qui le dit !
Amfortas a écrit : Mais c’est complètement absurde et en contradiction flagrante avec le fait qu’essence et nature sont formellement identiques et ne différent que relativement, selon que l’on considère la forme suivant l’existence ou suivant l’agir.

C’est comme dire : je suis un homme mais j’ai la capacité d’agir d’un ange ! Cela me rappelle un fait divers des années 80 (ou fin des années 70) un petit garçon s’était jeté du haut d’un building après avoir vu le film « Superman ».
Tout à fait d'accord :oui: Et ça m'embête !!! Bon, dans son texte, Edith Stein fait état d'un léger différent avec saint Thomas d'Aquin qu'elle admire pourtant beaucoup. Au moins est-elle un esprit libre qui fait montre de grande réflexions en la matière, pourquoi postuler qu'elle se trompe sous prétexte qu'elle ne suit pas son maître à la lettre ? De fait, du point de vue linguistique, on a besoin de deux termes, c'est donc dire qu'il y a bien deux énoncés différents même s'ils se recouvrent l'un l'autre. Peut-être que votre exemple est un tant soit peu caricatural. Si nous revenons à la nature de la femme, on peut penser que sa destination est de donner la vie. A partir de là, il semble que l'on pourrait dire que la maternité est dans la nature de la femme tandis que faire la guerre n'est pas dans sa nature. Mais une femme peut-être soldat et faire la guerre : je vois là une variation qui ne supprime pas l'essence de la femme.
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Re: L'essence de la personne humaine et le transsexualisme

Message non lu par Lylïéflorèncé! » ven. 18 nov. 2011, 17:01

Amfortas a écrit : Et ensuite nous tombons sur ça :

« La nature de la femme, telle qu'elle est conforme à sa destination, pourrait donc admettre des variations, sans que l'essence de la femme fût supprimée par là »
Nous y voilà !
Amfortas a écrit : Mais il n’y a pas d’essence ou de nature de la femme ! Comme nous l’avons déjà mentionné essence et nature désignent toutes deux la même forme d’une espèce, et il n’y a pas d’espèce féminine à ce que je sache… Rappelons le quand même : les femmes font partie de la même espèce que les hommes, à savoir l’espèce humaine, et ont donc même essence et même nature. (ouf !)

Le sexe n’est pas une différence spécifique, et par conséquent n’entre pas dans l’essence de l’humain. La différence spécifique de l’humain est la raison et par conséquent entre dans son essence.

Le sexe est un accident, qui d’ailleurs n’est même pas propre à l’espèce humaine. (d’autres espèces animales sont aussi sexuées, en revanche vous pouvez dire que « le rire est le propre de l’homme).
Si Edith Stein ne nie pas qu'il y a une essence ou nature de l'être humain se retrouvant chez l'homme et la femme, elle postule qu'il y a également une essence et une nature de l'homme ainsi qu'une essence et une nature de la femme. Le sexe n'est peut-être qu'un accident mais il est tout de même déterminant dans l'existence d'un être humain ! Tout le monde le sait, les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus ;) Je plaisante bien sûr, mais je veux tout de même dire que tant psychologiquement que physiquement ou encore affectivement, il apparaît que les hommes et les femmes ne sont pas constitués de la même manière sans qu'ils soient pour autant d'une espèce différente, sans qu'ils ne puissent pas légitimement faire valoir une égale dignité.
En fait, Edith Stein (je n'ai pas mon livre avec moi :incertain: ) s'appuie sur Aristote pour déterminer une "protè oussia" et une "deutera oussia" (désolé, mais je n'ai pas paramétré mon clavier en grec) pour chaque être. La première est l'essence particulière de la personne (dans le cas d'un être humain) : c'est mon essence personnelle qui m'est propre et que je ne partage avec personne d'autre. La seconde est l'essence, que je dirais générique : c'est l'essence que je partage avec tous les être humain, avec les hommes... je ne la possède pas en propre.
Amfortas a écrit : « Imaginons donc des êtres d’une autre planète, d’une autre nébuleuse ou d’un autre univers ; s’ils sont intelligents à partir de n’importe quel sensible, ils seront de même espèce que nous et nous pourrions nous comprendre comme un aveugle comprend le voyant. Ce serait seulement d’une manière descriptive qu’on distinguerait homme et martien ; si ce dernier est intelligent et sensible, il est de l’espèce humaine ». (Commentaire du De Ente et Essentia de Saint Thomas d’Aquin, par D.J Lallement)
D'accord, mais là, on dépasse la signification biologique du terme "espèce humaine".
Amfortas a écrit : Ce qui fait donc l’unité de l’espèce humaine, son essence, c’est la rationalité (intelligence abstractive et discursive) et comme le dit le chanoine Lallement vous pouvez imaginer toutes sortes d’êtres, sans sexe, avec des tentacules, nains, géants, difformes etc… dès lors qu’ils ont la raison, ils sont de l’espèce humaine et ont donc la même essence, et ce n’est qu’en terme descriptif que l’on peut dire qu’ils appartiennent à une autre espèce. (d’ailleurs je ferais remarquer que dans l’histoire ce fut une des pires choses qui fût lorsque le caractère humain fut dénié à certains hommes simplement pour des raisons « descriptives » opportunisme d'une incroyable malhonnêteté à mon sens)

Par conséquent un humain peut bien se faire mutiler ou greffer un membre, cela ne change strictement rien à son essence, puisque ce qui fait l’essence de l’humain, sa différence spécifique, c’est la raison, et la raison est immatérielle…
Je suis entièrement d'accord puisqu'à ce stade, "espèce" n'a plus aucune connotation biologique. Ce que je considérait dans ma question est l'essence de l'homme (Mann et non pas Mensch). Mais vous niez cette essence :cry: Cependant, à vous lire, je suis renforcé dans l'idée que dés lors qu'il y a transsexualisme dans le cas d'un homme (Mann), il y a inadéquation entre la forme physique féminine et l'agir qui a donné une forme masculine tandis qu'il y a adéquation entre la forme génétique masculine et l'existence masculine. Donc je dirais, vu sous cet angle, que le transsexualisme dénature la personne dans son sexe, son apparence physique. Bien évidemment, l'être humain n'est pas en cause et n'est pas touché par cette transformation physique
Amfortas a écrit : Enfin je ferais une remarque sur la génétique : la génétique n’est pas compétente pour définir l’essence, car la génétique ne travaille pas sur l’essence, mais sur les accidents propres de l’homme, comme l’ADN.
Entièrement d'accord, mais cela n'empêche pas le philosophe de reprendre les avancés scientifique pour penser le réel, la vie, de manière plus poussée. Et c'est au philosophe qu'appartient cela, pas à la science ! (ce qui n'empêche pas un scientifique d'être philosophe, bien au contraire puisqu'un "authentique" scientifique est censé être autre qu'un simple technicien de sa science)
Amfortas a écrit : Et ainsi qu’il a déjà été signalé, on peut imaginer une créature possédant une autre structure ADN, mais toujours douée de raison, eh bien la génétique classerait cette créature dans une autre espèce ou parlerait d’aberration chromosomique ou autres, et pourtant ce serait bien une créature humaine. (ainsi un trisomique est un être humain et sa vie mérite le même respect que celui qu’on doit à toute vie humaine).
On y est ! Cependant, les trisomiques sont authentiquement humain sur le plan biologique. Il vient de deux personnes humaines, comme moi et possède le même ADN que moi à un chouïa près (comme je possède le même ADN qu'une femme à un chouïa près et même de n'importe qui d'autre car personne ne se ressemble). Bref, un être humain reste toujours un être humain, quel qu'il soit.

Merci beaucoup pour votre réponse Amfortas !
Là ou la foi est vivante, la doctrine et les merveilles de Dieu constituent le fond de la vie.
La Science de la Croix
Édith Stein

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