Cinci a écrit : ↑mer. 14 nov. 2018, 16:36
Cinci écrit :
Voyons alors les différentes représentations imaginables ou pas ...
Dans cette vision providentielle des choses, devrais-je comprendre, rien ne distinguerait le sujet humain crée de ses parents biologiques. Attention : je dirais s'il fallait s'en tenir qu'au seul plan naturel. Notre premier Adam crée à un moment donné, avec toutes les potentialités qui sont celles d'un homme (parler, dessiner, écrire, etc.) est intrinsèquement doté d'une nature humaine qui le sépare alors incroyablement de ses parents immédiats, mais alors que rien de cette différence de nature ne transparaît sur le plan physique.
…
Dans une telle éventualité, … il faudra bien laisser tomber l'idée d'un premier Adam comme une sorte de super-humain doté de dons fantastiques, en plus d'être déjà muni d'un langage tout fait et d'un raisonnement clair qui aurait fait pâlir d'envie des sorbonnards les plus distingués…
En réalité, le premier Adam, le premier humain, n'aurait jamais su qu'il était le premier homme…
Le premier Adam dont parle la Bible serait en réalité une "synthèse de l'aventure humaine de ce collectif humain"… un raccourci de l'histoire … d'un développement subséquent de l'état de la conscience humaine et jusqu'à la perpétration d'un premier péché contenant déjà tous les autres en lui-même.
Bonjour Cinci,
Vous proposez de voir «
les différentes représentations imaginables ou pas ».
Vous écrivez que «
Dans cette vision providentielle des choses, devrais-je comprendre, rien ne distinguerait le sujet humain créé de ses parents biologiques. Attention : je dirais s'il fallait s'en tenir qu'au seul plan naturel…, mais alors que rien de cette différence de nature ne transparaît sur le plan physique ».
Autrement dit, faut-il exclure toute modification concrètement observable dans l’histoire lorsque Dieu a créé l’humanité ?
Pas nécessairement, car le lien entre le spirituel et le naturel nous échappe et on ne peut exclure que la création de l’humanité ait eu un effet biologique observable. Mais, c’est une vraie question à laquelle il est difficile de répondre. On sait cependant que, sur le plan biologique, les neurosciences actuelles retiennent des effets importants du psychique sur le physique.
Le père
Thierry Magnin, de Lyon, qui est à la fois théologien et ingénieur, développe d’intéressantes réflexions sur cette question. Vous pouvez trouver sur Youtube quelques exposés qui donnent à réfléchir et dont je vous cite quelques extraits (je vous indique le moment des citations dans le minutage de chaque video) :
Par exemple, dans la video intitulée «
Qu’est-ce que l’homme ? » :
https://www.youtube.com/watch?v=Pxqe8uIOFrA
15.00 «
Et voilà qu’en biologie aujourd’hui, autant on dit depuis longtemps qu’il y a une influence du biologique sur le psychique, autant aujourd’hui le biologiste est en train de voir des effets du psychique sur ses propres mécanismes biologiques. Si nous ne prenons pas en compte ces effets du psychisme nous n’entrons pas dans la complexité du vivant en tant que biologiste ».
16.45 «
Avant on disait que tout est génétique et puis aujourd’hui on parle d’épi-génétique qui est l’influence de l’environnement des gênes sur l’expression de ces gênes et cet environnement concerne aussi l’environnement psychique »
22.18 «
Si ce vivant est complexe, s’il y a des liens entre biologie et psychisme, qu’est-ce que l’homme ? On retrouve les grandes visions de l’homme corps, âme, esprit qui débordent largement la question chrétienne »
22.55 «
St Irénée de Lyon, quand on lui demandait qu’est-ce que l’homme, parlait d’esprit, d’âme et de chair. Il disait déjà que la chair participe à son corps, mais c’est pas tout l’homme, l’âme c’est pas l’homme, l’esprit, essentiel, mais on dit c’est un esprit et pas c’est l’homme. Ce qui fait l’homme, c’est le mélange et l’union de ces trois dimensions en interaction. Aujourd’hui on pourrait dire que c’est l’union dynamique, le mélange dynamique, l’interaction dynamique et complexe entre ces trois dimensions qui s’interfèrent en interaction avec ses écosystèmes que ces écosystèmes soient biologiques, psychiques, spirituels, culturels, sociaux. Il y a toujours quelque chose qui échappe quelque chose qui est reçu avant d’être construit »
Ou encore dans la video intitulée «
L’homme est-il un animal comme les autres ? »
https://www.youtube.com/watch?v=yZSiXCzFq7M
24.00 «
La question de l’émergence n’est pas scientifiquement complètement résolue. Il y a de la continuité et de la nouveauté à la fois et voilà que, dans la complexification, une nouveauté radicale surgit. La nouveauté est plus que la somme des constituants et le tout a une influence sur chaque partie. Dans cette émergence, il y a à la fois de la matière au sens classique du terme et un dynamisme et un principe d’organisation qui est beaucoup plus difficile à définir »
31.05 «
Lorsque Dieu donne une âme à l’homme (cela) ne se confond pas avec la matérialité de son évolution »
Vous considérez que «
Notre premier Adam créé à un moment donné, avec toutes les potentialités qui sont celles d'un homme (parler, dessiner, écrire, etc.) est intrinsèquement doté d'une nature humaine qui le sépare alors incroyablement de ses parents immédiats ».
Oui, et même plus. Adam est un être absolument nouveau, un «
fils de Dieu ». Les auteurs biologiques de son corps ne peuvent être, avant la création, que des êtres naturels, des «
fils de l’adame (litt : le terrien) », dont nous parle Gn 6, 1-4. Des néphilims.
C’est déroutant, mais que l’événement de la création de l’humanité se soit produit il y a un million d’années ou il y a six mille ans, la difficulté est exactement la même, peu importe que les auteurs biologiques soient des homos sapiens, des homos erectus ou des primates.
Quoi qu’il en soit, les ancêtres biologiques préhumains ne sont pas des humains créés à l’image de Dieu. Rien ne permet de penser que les australopithèques ou leurs ancêtres primates avaient une âme immortelle. Et que penser de leurs ancêtres plus anciens jusqu’aux invertébrés ?
Cette impasse demeure complète si vous faites d’Adam «
une synthèse de l’humanité » et non plus une personne créée à un moment dans le cours de l’évolution.
Vous avez cependant fait l’effort d’essayer d’imaginer une existence historique du premier Adam, mais en considérant alors qu’il n’aurait eu aucun pouvoir sur la nature et qu’il n’aurait eu aucune connaissance de sa création par Dieu. Sa conscience ne serait apparue qu’au terme d’un développement jusqu’à un stade où un premier péché ce serait alors produit avec une conscience minimale à un stade minimal de langage.
Pourquoi donc le Créateur aurait-il créé un être nouveau inconscient de sa création, inconscient de son lien avec Dieu ? Pourquoi Dieu aurait-il créé un être à son image destiné à partager sa vie, en le soumettant à un monde naturel où tout est précaire et mortel ? Pourquoi Dieu aurait-il créé un être soumis à la mort dès l’origine puisque la mort est dans la nature ? Que serait un premier péché sans conscience du lien de filiation avec Dieu et dans une soumission originelle à la nature mortelle ?
Sans la réalité historique du péché originel, comment comprendre les souffrances et la mort que les humains subissent en ce monde ? Comment comprendre la nécessité d’une restauration de l’humanité dans et par le Christ.
Il y aurait beaucoup à dire sur votre hypothèse par rapport à l’enseignement de l’Église, mais on sortirait du sujet qui nous occupe ici.
Pour les circonstances concrètes imaginables de la création d’Adam et Ève, il faut certes rester les deux pieds sur terre.
Mais, d’un point de vue catholique, il me semble que cela implique de considérer quelques points fondamentaux :
1. La création spirituelle dans le monde matériel implique de reconnaître que la science ne peut pas tout savoir et qu’il y a des interférences avec une réalité spirituelle autre que la réalité scientifiquement observable.
2. Les miracles du Christ attestent que, malgré tout ce que la science peut observer, il y a une maîtrise de la création naturelle que ne connaît pas la science. Les «
supers pouvoirs » du premier Adam n’étaient pas davantage que les «
pouvoirs » que le Christ a manifesté sur terre en vivant en communion avec Son Père.
3. La résurrection du Christ nous atteste que la personne humaine peut franchir la mort physique sans lui être soumise. Sans le péché originel, le premier Adam n’était pas soumis à la mort.
En se faisant homme, le nouvel Adam, Jésus-Christ, ne s’est pas attribué des «
supers pouvoirs » que n’aurait pas eu le premier Adam. Pourquoi le premier Adam aurait-il été privé de la maîtrise de la création que le Christ, nouvel Adam, a manifestée dans son humanité ?
Le nouvel Adam n’a pas eu une conscience humaine de Son Père que n’aurait pas eue le premier Adam.
Même si le premier Adam a été créé à un stade de développement culturel où le langage restait encore dans les limbes, pourquoi penser que sa conscience et son intelligence d’être nouveau créé en harmonie avec Dieu auraient été moins éclairées que les nôtres du seul fait d’un langage terrestre encore élémentaire ?
Que reste-t-il, dans votre hypothèse, de la soumission de toute créature à l’humain créé à l’image de Dieu dont parle la Genèse, que reste-t-il du jardin d’Eden, des dialogues avec Dieu et avec le tentateur, du péché originel qui se transmet à la descendance, de la nécessité d’un salut ?
Que deviennent l’incarnation, la mort et la résurrection du Christ dans cette hypothèse ? En quoi, le Christ est-il en tout semblable à nous lorsqu’il accomplit ses miracles ?
Il me semble assez manifeste que, sauf à imaginer un monde désordonné dans lequel Dieu aurait créée une humanité assujettie à la nature mortelle, ce qui serait contraire à l'amour de Dieu et sans fondement dans la foi de 'Église, notre réflexion ne peut pas évacuer la réalité historique du péché originel au début de l’histoire de l’humanité, même si le récit que nous en avons est inévitablement imagé.