Merci Marie : vous m'avez fait pensé à un passage de Terry Pratchett (vous savez, j'aime beaucoup Pratchett, et donc soyée assurée que c'est un compliment, et pas une critique !) où il explique ce qu'est une université (ou une bibliothèque universitaire, je ne suis pas très sûr) : c'est un endroit où on réunit des tas de livres et des tas d'étudiants, en espérant que par un moyen mystérieux, une partie significative de la connaissance entreposée dans les bouquins soit transférée dans les étudiants.
Dans la pratique, on sait bien qu'il n'y a pas de transfert mystérieux : il faut bien que les étudiants aillent un minimum en cours et ouvrent au moins quelques bouquins. Le désir d'apprendre est un très bon début, mais il ne suffit pas : il faut aussi agir concrètement.
J'ai lu il y a peu de temps une jolie image : l'Esprit de Dieu, c'est une lumière qui cherche à éclairer votre intérieur. Aussi brillante qu'elle soit, elle ne peut pas ouvrir vos volets pour vous. En passant par les interstices, elle peut vous donner une lueur, vous donner envie d'ouvrir le volet pour avoir plus de lumière, puisque dehors il fait jour. Mais si vous ne l'ouvrez pas, ce volet, il restera fermé, parce que vous avez le droit de préférer rester dans le noir, en fait.
Pour continuer sur cette image, certains, pour y voir plus clair, comptent sur leurs forces et leur intelligence pour construire une lampe et espèrent ainsi y voir plus clair. De fait, c'est mieux que rester dans le noir. Mais si on construit une lampe assez puissante, on ne voit plus la lumière qui passe par les interstices du volet, et on finit par même oublier que ça pourrait être une bonne idée que de l'ouvrir, ce volet. D'ailleurs, on n'y pense plus : pourquoi aller ouvrir le volet, alors qu'on est très bien avec notre lampe.
Vous doutez de votre capacité à discerner parmi les différentes options ? Et alors ? Qu'est-ce que vous risquez, concrètement ? Même en admettant qu'une seule de ces options soit la bonne, si vous choisissez une mauvaise, ça ne changera pas grand chose par rapport à ne rien choisir, n'est-ce pas ?
Et honnêtement, manquez-vous à ce point de critères de discernement ? Vous êtes quelqu'un qui aimez user de votre raison : pour moi, c'est un critère valable (je le reconnais, c'est un postulat). Il y a des voies qui vous incitent à réfléchir rationnellement, sans tabous, à interroger leurs croyances, les éprouver, et d'autres qui demandent qu'on s'abstienne de poser certaines questions.
C'est une des choses qui m'a séduite dans le bouddhisme, le fait que c'est une pensée très rationnelle, et très cohérente, même dans les courants qui ont pour principe de chercher à dépasser la raison (comme le Zen Rinzai, par exemple). Et c'est une des choses qui m'a réconcilié avec le christianisme, quand j'ai lu des maîtres bouddhistes faire l'éloge de son rationnalisme, et que j'ai vu qu'en effet, foi chrétienne et raison ne s'opposent jamais (ce qui ne veut pas dire que la raison explique tout, mais en science aussi il y a des choses qu'on ne sait pas expliquer : c'est même le moteur fondamental de la science).
Ce n'est pas un critère suffisant, certes. Je veux bien vous expliquer pourquoi je ne suis pas bouddhiste, mais seulement à la condition que vous ayez étudié un minimum sérieusement le bouddhisme, parce que sinon on resterait sur des idées superficielles.
Mais dans les grandes lignes, je peux dire quand même que c'est parce que le christianisme apportait une réponse cohérente à mon expérience personnelle et à des événements objectifs de l'histoire que le bouddhisme soit contredisait, soit considérait comme ne demandant pas explication (une position cohérente, mais qui me laissait sur ma faim).
Parmi ces éléments externes objectifs, il y a l'événement Jésus Christ. J'ai choisi comme critère que cet événement devait être expliqué. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai trouvé que le christianisme comme explication qui soit en même temps cohérente et rationnelle.
En vous relisant, je me demande cependant si nous parlons bien de la même Vérité. Vous dites : "Il y a bien une Vérité, celle du monde qui est et du comment il a été."
Telle que je la conçois, la religion n'apporte pas de réponse à "comment est le monde". Ca, c'est le rôle de la science, et ça fait bien longtemps que j'ai renoncé à être capable d'avoir une vision exhaustive de tout ce que la science est aujourd'hui capable de dire sur le monde (à mon grand regret).
La religion ne m'éclaire pas sur le fonctionnement du monde, mais sur son sens. La paléontologie et la biologie montrent qu'il y a une évolution, et ses étapes. Elle n'en donne pas le sens. La psychologie et les neurosciences identifient des structures de la pensée et du cerveau qui permettent de mieux comprendre comment fonctionne notre esprit. Elles n'expliquent pas le sens de ces structures.
Et, on en revient toujours là, rien en science n'explique l'événement Jésus Christ. La science peut expliquer et confirmer des détails (par exemple, des médecins légistes ont pu commenter la mort sur la croix de Jésus et montrer que les connaissances médicales sont compatibles avec le témoignage des évangiles), mais elle ne peut pas expliquer tous ces hommes qui ont donné leur vie pour annoncer ce truc complètement fou, illogique, inadmissible...
(enfin, on peut toujours expliquer ça avec une jolie théorie du complot, et c'est pratique parce qu'en plus les mecs ils étaient tous juifs, ça tombe bien pour un complot !)
Il est clair qu'il y a là choix de ma part : pour moi, l'événement Jésus Christ est quelque chose de fondamental. Mais si vous considérez que c'est totalement accessoire, anecdotique, et qu'il n'y a pas besoin de l'expliquer, alors effectivement le christianisme n'est pas pertinent. Et de toute évidence, beaucoup de gens considèrent que cette question n'a pas d'intérêt pour eux, qu'il est bien plus important de prédire le vainqueur du mondial de foot ou l'évolution du cours du pétrole.
Maintenant, je connais des prêtres qui sont aussi fan de foot