"En finir avec la tolérance?"

Epistémologie - Logique - Écoles - Ontologie - Métaphysique - Philosophie politique
Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12399
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

"En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Fée Violine » dim. 08 juin 2014, 21:17

Le frère Adrien Candiard, dominicain au Caire et auteur de la célèbre pièce de théâtre "Pierre et Mohamed" (sur Pierre Claverie et son chauffeur) vient de publier un livre qui semble passionnant:
"En finir avec la tolérance? Différences religieuses et rêve andalou", Paris, Presses universitaires de France.
http://www.chretiensdelamediterranee.co ... -candiard/

Sur l'auteur:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Adrien_Candiard

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Cinci » mar. 10 juin 2014, 5:16

A priori, ça semble alléchant.

:)


  • L’argument d’A. Candiard est que, telle qu’elle s’est progressivement constituée en Europe aux 17ème et 18ème siècles, à partir des contributions des philosophes Locke, Spinoza et Kant, la notion de tolérance a eu pour rôle essentiel de tenir à l’écart la violence qui y avait fait rage pendant les guerres de religion. L’apport des Lumières, en postulant la neutralité de l’Etat devant les diverses religions, et en renvoyant la religion à la vie privée, est à la base de nos concepts de laïcité et de sécularisation, souligne A. Candiard. Cette opération s’est toutefois effectuée au prix du retrait des questions religieuses du domaine de l’intelligence et de la raison. La foi ne relève plus d’un débat public car elle relève désormais, en Occident, du « croire », et non plus du « comprendre ». Les risques n’en sont pas minces : privée de son cadre rationnel, la pensée religieuse devient au mieux une opinion privée qui fait l’objet d’une indifférence polie. Et plus souvent encore, elle devient une question identitaire, propice aux sectarismes comme aux crispations qui peuvent affecter aujourd’hui chrétiens et musulmans. Pour A. Candiard, notre concept de tolérance semble désormais inopérant pour dépasser les incompréhensions et les craintes que le fait religieux musulman soulève, en particulier dans nos pays d’Europe.



    C’est là que la référence à l’Andalousie de l’Espagne médiévale lui paraît féconde. A condition toutefois de ne pas se satisfaire du mythe selon lequel cette Espagne andalouse aurait déjà vu fleurir une tolérance du type de celle des Lumières. La coexistence, parfois conflictuelle, des religions n’y était pas fondée sur une privatisation de la foi, le relativisme ou le syncrétisme.
[/size]

Juste le fait d'en apprendre plus sur le contexte réel de l'époque (je parle pour moi, l'ignorant ici c'est moi), comment ces rapports intellectuels pouvaient être conduits, ce serait un bon début.

Aussi, je ne sais pas si l'auteur fait déboucher son ouvrage sur une perspective quelconque, une explication peut-être pouvant rendre compte du fait que le dialogue en question se sera mal terminé. Il y aurait peut-être du neuf à apprendre avec son livre - un autre angle ou deux - et puis comme là-dessus également. Je ne sais pas. Je suis intrigué par le contraste que présenterait le thème lui-même avec ce que l'on nous rapportera toujours quant à sa conclusion dramatique la plus ordinnaire (l'expulsion des juifs, des maures) pratiquement au temps où Christophe Colomb découvrait l'Amérique. Il y aurait certainement uhe matière à fouiller quant à cette différence d'approche, en supposant que ce serait réellement une différence positive sur le plan de la tolérance et que lui veut suggérer comme ayant dû exister pourtant, dans une Espagne médiévale par rapport à nous.

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12399
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Fée Violine » mar. 10 juin 2014, 21:53

Il ne dit pas que c'était parfait en Andalousie, mais qu'à cette époque la tolérance n'avait rien à voir avec la notion qu'on en a maintenant. Au Moyen Âge les gens discutaient, en employant des arguments pour convaincre l'autre; tandis que maintenant la tolérance consiste à ne pas discuter, à considérer que la foi n'a rien à voir avec la raison! Non seulement c'est absurde et peu respectueux, mais c'est dangereux parce que la foi est considérée comme faisant partie de l'identité : ainsi si je conteste la religion de quelqu'un, je le conteste lui-même. Comme dit A. Candiard (dans l'émission radio où je l'ai entendu), si vous me reprochez d'être un homme plutôt qu'une femme, je ne peux rien vous répondre car je n'y peux rien, mais si vous me reprochez d'être chrétien je peux vous donner des arguments.
Je pense qu'on peut réécouter l'émission ici:
http://www.rcf.fr/radio/rcfnational/emi ... 606/792619

Peccator
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 2230
Inscription : mar. 10 sept. 2013, 21:38
Localisation : Près de Paris

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Peccator » mar. 10 juin 2014, 22:54

Au risque de me faire reprocher une digression...
Fée Violine a écrit :c'est dangereux parce que la foi est considérée comme faisant partie de l'identité
Je vois ce que vous voulez dire (et l'exemple que vous donnez est très clair), mais il ne faudrait pas réduire l'identité à l'inné ou à ce qui nous caractérise indépendamment de notre volonté.

De même que quand on me demande de décliner mon identité de manière complète, cela inclue mon adresse et ma profession (que j'ai choisies), je considère que ma foi fait bel et bien partie de mon identité, de même que bien d'autres choses encore.

De fait, l'identité est bien "qui je suis", et ma foi en fait partie. Je suis un homme, je suis français, je suis un trentenaire... et je suis chrétien. Tout ça, ça fait partie de mon identité.

Le problème commence quand je considère qu'il est... intolérable ;) que l'on discute de qui je suis. Cela revient à interdire que l'on puisse discuter les choix que j'ai fait, au motif que ce serait une "attaque personnelle".
Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux. Mc 14, 36

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Cinci » mer. 11 juin 2014, 3:11

Fée violine,
Il ne dit pas que c'était parfait en Andalousie, mais qu'à cette époque la tolérance n'avait rien à voir avec la notion qu'on en a maintenant.
Oui.

Au Moyen Âge les gens discutaient, en employant des arguments pour convaincre l'autre; tandis que maintenant la tolérance consiste à ne pas discuter, à considérer que la foi n'a rien à voir avec la raison! Non seulement c'est absurde et peu respectueux, mais c'est dangereux parce que la foi est considérée comme faisant partie de l'identité : ainsi si je conteste la religion de quelqu'un, je le conteste lui-même.
C'est juste. Je veux dire que c'est effectivement ce qui se passe de nos jours. Et encore pire quand il faut se retrouver qualifier comme «raciste» au motif que la religion de l'autre nous plairait beaucoup moins. Est-ce un effet de la démocratie ?

Si tout le monde est égal avec tout le monde et que tous doivent de méfier de l'opinion des autres (cf marie du hellfest nous le rappelait il y a peu), on comprendra que va paraître forcément intolérable aussi la moindre revendication d'une supériorité dans la hiérarchie des idées, des religions.

- Il n'y a pas de fondement populaire à l'effet que ta religion serait supérieure, monsieur le ci-devant. Eh ! aristocrate ! ... élitiste, raciste.


Comme dit A. Candiard (dans l'émission radio où je l'ai entendu), si vous me reprochez d'être un homme plutôt qu'une femme, je ne peux rien vous répondre car je n'y peux rien, mais si vous me reprochez d'être chrétien je peux vous donner des arguments.
La religion serait donc perçue comme une manifestation de notre être, une expression de soi qui devrait prendre sa source, si je comprends bien, dans une sorte de pallier inférieur, la strate du pré-conscient, un peu comme on dirait que le plan de la génétique est sous-jacent par rapport à celui du raisonnement de l'homme fait.

On ne va donc pas argumenter dans le discours public contre la religion de l'autre, non mais pas plus que si l'on devait argumenter désormais, en pleine télé, dans le but de vouloir démontrer que les personnes de petites tailles seraient forcément mesquines. On ne verrait pas un ministre se livrer à une pareille joute raisonnée, pour conclure à l'infériorité qualitative des gens de petites tailles, et même si ce serait pour signaler dans la foulée comment que le projet de loi prévoit une tolérance pour ceux-là. Cela semblerait incroyablement mal-élevé, grossier.

Le principe de départ : assimiler la religion à une qualité individuelle et à l'instar d'un phénomène irraisonné étant parfaitement hors de notre contrôle. Ainsi, il y aurait rien de raisonnable dans le fait de mesurer 1m60 au lieu de 1m80. On le comprendrait facilement.

Mais ...

Il faudrait penser que les médiévaux réfléchissaient autrement. Ils devaient figurer la religion être l'aboutissement d'un processus raisonné supérieur, une sorte d'évidence publique auquelle n'importre qui de bonne foi n'en pouvait pas manquer de parvenir. Et telle religion (le christianisme sous-entendu) finit bien par se révéler supérieur à l'autre grâce à des démonstrations valides.

Faudra que j'écoute la capsule.

Avatar de l’utilisateur
Zarus
Rector provinciæ
Rector provinciæ
Messages : 535
Inscription : ven. 23 août 2013, 13:19

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Zarus » mer. 11 juin 2014, 17:02

C'est bien joli mais cela veut dire quoi "en finir avec la tolérance" ? si c'est pouvoir dire "je pense que ma religion est la vraie et pas l'islam", je pense que c'est sous-entendu par le fait que vous êtes chrétiens et pas musulmans.

Je ne vois pas ce que vous empêche moins de vous exprimer que les musulmans eux-même par exemple; à moins que par "tolérance excessive" vous nommez tout ce qui ne vous met pas sur un piédestal ? je trouve ça étrange de vouloir dialoguer et en même se plaindre de ne pas être avantagé; un peu comme se plaindre de la laïcité négative mais proposer des modèles politiques bien pires dans le genre mais à votre avantage. (ce qui est une approche politique et sociale immature voir arriérée)

Puis, je trouve ce discours bien dualiste : d'un côté les chrétiens qui représentent l'identité du pays, et les étrangers musulmans; et c'est aux premiers de décider si il y a tolérance ou pas (déja je vois pas de quel droit); les non-chrétiens et les non-musulmans n'ont pas leur mot à dire ?
"With my eternal life, I will see the world through to its end. Until everyone who won't like me is gone."
— Porky Minch

"Can you face your fears ?"
— Hanako

I speak from the noise
Souls and shapes, forever twisted
the lost voices of the damned
lure the bringer of despair

Avatar de l’utilisateur
Héraclius
Consul
Consul
Messages : 3414
Inscription : lun. 30 sept. 2013, 19:48
Conviction : Catholique

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Héraclius » mer. 11 juin 2014, 21:32

Vous avez bien lu, Zarus : nous aimerions faire des catholiques français des citoyens de plein droits et des autres des citoyens de seconde zone, sans droit de vote. On va aussi faire fermer tout les centre de prosélytisme infidèles ou athées, et brûler ces derniers en place publique. C'était bien, le passé... Mais rassurez vous, on va se débrouiller pour que ca revienne. En ce moment, on bosse même pour trouver un moyen de faire renter l’excision dans les dogmes catholiques. :)

Maintenant, je vous invite à relire ce fil sans vous arrêter au titre...

Ce qui est préconisé ici, c'est un dialogue franc entre les religions, qui se revendiquent toutes d'une seule vérité, et la fin du relativisme ambiant.

Il y a quelques années, j'ai vu ma professeur de français s'énerver parce que les profs de cathé nous avaient dit que l'Islam était une fausse religion. Elle nous a fait un grand discours, comme quoi c'était d'un orgueil démesuré, contraire à œcuménisme (pauvre mot galvaudé...). Evidemment, pourtant, que l'Islam ne peut pas "rentrer" dans la révélation chrétienne ! Soit c'est l'un, soit c'est l'autre !

Personne ici n'a fait mention de mettre les chrétiens sur un piédestal dans le droit ou la société. Personne ici n'a non plus fait mention de la question de l'identité.

Et enfin, s'il vous plaît, arrêtez avec ce "vous" qui ne veut rien dire. Soit, ici, nous sommes catholiques et tous (plus ou moins :-D ) fidèles au magistère de l'Eglise. Maintenant, pour le reste, nous avons des opinions qui nous sont propres...


Dieu vous bénisse,

Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Cinci » jeu. 12 juin 2014, 14:28

C'est la remarque que je cherchais ...
  • «Dans le temps d'égalité, les hommes n'ont aucune foi les uns dans les autres, à cause de leur similitude; mais cette même similitude leur donne une confiance presque illimitée dans le jugement du public; car il ne leur parait pas vraisemblable qu'ayant tous des lumières pareilles, la vérité ne se rencontre pas du côté du plus grand nombre. [...]

    Le public a donc chez les peuples démocratiques une puissance singulière dont les nations aristocratiques ne peuvent pas même concevoir l'idée. Il ne persuade pas ses croyances. Il les impose et les fait pénétrer dans les âmes par une sorte de pression immense de l'esprit de tous sur l'intelligence de chacun.»

    - Alexis Tocqueville, De la démocratie en Amérique

    http://www.cegep-ste-foy.qc.ca/profs/lbrunet/Source.pdf

Avatar de l’utilisateur
Silica
Quæstor
Quæstor
Messages : 243
Inscription : jeu. 13 févr. 2014, 22:24

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Silica » jeu. 12 juin 2014, 19:10

Fée Violine a écrit :Il ne dit pas que c'était parfait en Andalousie, mais qu'à cette époque la tolérance n'avait rien à voir avec la notion qu'on en a maintenant. Au Moyen Âge les gens discutaient, en employant des arguments pour convaincre l'autre; tandis que maintenant la tolérance consiste à ne pas discuter, à considérer que la foi n'a rien à voir avec la raison! Non seulement c'est absurde et peu respectueux, mais c'est dangereux parce que la foi est considérée comme faisant partie de l'identité : ainsi si je conteste la religion de quelqu'un, je le conteste lui-même. Comme dit A. Candiard (dans l'émission radio où je l'ai entendu), si vous me reprochez d'être un homme plutôt qu'une femme, je ne peux rien vous répondre car je n'y peux rien, mais si vous me reprochez d'être chrétien je peux vous donner des arguments.
Je pense qu'on peut réécouter l'émission ici:
http://www.rcf.fr/radio/rcfnational/emi ... 606/792619
Bonjour,

je trouve la question soulevée vraiment intéressante...
Si on la transfère dans un premier temps dans le champ politique c'est plus lisible pour moi : on peut tolérer que quelqu'un.e qui pense de façon diamétralement opposée à nous soit notre collègue voire un.e ami.e mais si le débat se lance on n'hésitera pas à rentrer dans l'argumentation avec des faits et des analyses qui reposent sur des réflexions raisonnables. Vu que les opinions politiques reposent davantage sur le raisonnement que sur l'émotion (sauf exceptions), on n'attaque pas une personne particulière mais juste un cheminement philosophique. Ce n'est pas comme aimer le vert ou les légos, ce n'est pas « chacun.e ses goûts » (qui peuvent en fait être également politiques sous certains aspects).
Souvent pour désamorcer la situation quand un.e végétarien.ne (moi ^ ^) et un.e carniste sont en conflit ouvert, j'entends que « chacun fait ce qu'il veut, il faut respecter tout le monde ». Qu'il faille respecter tout le monde soit, évidemment, mais le fait de manger de la viande ou pas est éminemment politique : cela engage la vie, la mort et la souffrance de bien des êtres (animaux comme humains) et le désastre écologique qui découle de l'industrie de la nourriture carnée vient frapper tout le monde, y compris celleux qui font des efforts. Donc les conséquences ne regardent pas uniquement ceux qui agissent, elles ont un impact global.

La question est donc de savoir si le religieux, la religion sont politiques. Dans l'Histoire avec un grand H ça a toujours été le cas (les pharaons étaient d'essence divine, tout comme les rois de France ou les califes d'Orient, etc etc). Nos sociétés modernes ont peu à peu fait totalement sortir le religieux du politique (c'est la thèse de Marcel Gauchet et pour lui c'est l'explication de pourquoi la politique rame complètement aujourd'hui). Du coup, maintenant, c'est difficile à dire, surtout dans le quotidien d'une nation laïque.
Je vais respecter les croyants, ne pas aller le houspiller, et accepter (c'est plus positif que cette idée de « tolérance ») leur croyance sans que cela implique de la faire mienne. Mais en fait, peut-on vraiment argumenter sur la religion ? Pour une agnostique sceptique comme moi c'est difficile de répondre oui : des croyants vont me dire qu'il faut croire, oui mais bon, la foi de toute façon ça ne se commande pas (après on peut choisir de la suivre ou non et jusqu'à quel point). Je ne vais pas inventer que je crois à quelque chose et surtout pas pour leur faire plaisir. A la limite un.e chrétien.ne et un.e musulman.e peuvent argumenter entre eux, mais tous ceux qui ne croient pas n'y verront aucun intérêt.
Sur quel terrain débattre, argumenter, quand la base de ce débat doit forcément être la reconnaissance d'un bien fondé de la foi et que c'est précisément le point de désaccord entre croyants, agnostiques et athées ?
Je ne vais d'emblée reprocher à personne d'être chrétien justement parce que je sens que, même si ce n'est pas que ça, ça fait partie d'une identité, de la construction d'une personne et que je n'ai pas à juger cela. Par contre, si pour des raisons religieuses on veut m'empêcher de ci ou ça alors que cela ne repose pas sur une réflexion raisonnable commune, le conflit survient.

Avatar de l’utilisateur
marie du hellfest
Rector provinciæ
Rector provinciæ
Messages : 542
Inscription : dim. 28 mars 2010, 15:48

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par marie du hellfest » ven. 13 juin 2014, 0:11

Silica a écrit :Mais en fait, peut-on vraiment argumenter sur la religion ? Pour une agnostique sceptique comme moi c'est difficile de répondre oui : des croyants vont me dire qu'il faut croire, oui mais bon, la foi de toute façon ça ne se commande pas (après on peut choisir de la suivre ou non et jusqu'à quel point). Je ne vais pas inventer que je crois à quelque chose et surtout pas pour leur faire plaisir. A la limite un.e chrétien.ne et un.e musulman.e peuvent argumenter entre eux, mais tous ceux qui ne croient pas n'y verront aucun intérêt.
Sur quel terrain débattre, argumenter, quand la base de ce débat doit forcément être la reconnaissance d'un bien fondé de la foi et que c'est précisément le point de désaccord entre croyants, agnostiques et athées ?
Je n'aurai pas mieux dit.

Pour un agnostique, une religion peut être observée, décortiquée dans ses dogmes, etc. On peut participer au débat de savoir si elle est plus ou moins cohérente que telle autre. Mais en aucun cas on ne peut argumenter avec un croyant, quand on estime n'être pas en mesure de savoir.

A l'époque c'était facile pour argumenter, il n'y avait que des croyants. 3 versions d'un même Dieu, ça laisse un paquet de place au débat pour savoir qui a l'option la plus intéressante/cohérente/autre, selon ce que l'on recherche dans la religion.

Mais la base de l'agnosticisme est que l'on ne sait pas. De quoi voulez-vous qu'on débatte avec ça ? Je ne sais pas si vous avez tort ou raison, je n'ai pas les moyens de le déterminer. Je ne sais même pas si la Vérité est cohérente de notre pauvre point de vue, si elle est censée avoir une explication pour nous, ou même si on est capable d'en approcher la moindre parcelle.

Je lis régulièrement ici que certaines personnes sont devenues croyantes par la foi, d'autres par la raison. Autant le premier cas je conçois parfaitement, autant le second absolument pas. Pour que quelqu'un devienne croyant simplement avec des raisonnements, faut vraiment qu'elle manque d'imagination (sans vouloir offenser personne). Comment prouve-t-on Dieu ? Et je ne parle pas simplement de Dieu, mais de celui-ci ou celui-là, qui a dit précisément telle ou telle chose ...

Avatar de l’utilisateur
PaxetBonum
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 9858
Inscription : lun. 21 juin 2010, 19:01

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par PaxetBonum » ven. 13 juin 2014, 8:35

marie du hellfest a écrit : Je lis régulièrement ici que certaines personnes sont devenues croyantes par la foi, d'autres par la raison. Autant le premier cas je conçois parfaitement, autant le second absolument pas. Pour que quelqu'un devienne croyant simplement avec des raisonnements, faut vraiment qu'elle manque d'imagination (sans vouloir offenser personne). Comment prouve-t-on Dieu ? Et je ne parle pas simplement de Dieu, mais de celui-ci ou celui-là, qui a dit précisément telle ou telle chose ...
On peut devenir croyant en étudiant chaque message religieux.
Pour ma part si je lis la vie de Jésus et celle de Mahomet, naturellement, intellectuellement, l'une m'émerveille et l'autre me rebute. J'aurai suivi l'un à son époque (j'ose l'espérer) mais pas l'autre.
A force de suivre l'exemple du Christ on reçoit sa vie de grâces et la Foi naît naturellement.
Pax et Bonum !
"Deus meus et Omnia"
"Prêchez l'Évangile en tout temps et utilisez des mots quand cela est nécessaire"

St François d'Assise

Jeremy43
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1017
Inscription : dim. 29 sept. 2013, 22:12

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Jeremy43 » ven. 13 juin 2014, 9:16

Bonjour,
Autant le premier cas je conçois parfaitement, autant le second absolument pas. Pour que quelqu'un devienne croyant simplement avec des raisonnements, faut vraiment qu'elle manque d'imagination (sans vouloir offenser personne). Comment prouve-t-on Dieu ?
On peut tout à fait "prouver" Dieu, aujourd'hui avec les connaissances scientifiques que nous avons, il devient de plus en plus clair que la seule option possible c'est Dieu. Bien sûr peu de scientifiques l'admettent car cela oblige à poser un acte d'humilité et à admettre notre pauvre nature humaine.

Dieu nous est également accessible par sa Création. L'homme moderne a totalement perdu une partie de lui même car il vit sans cesse dans le bruit et l'agitation, mais en vivant dans le silence et la contemplation, le Divin devient perceptible et nous pouvons prendre conscience d'une autre dimension que la sphère visible et matérielle. Je suis sûr que vous vous êtes déjà émerveillés devant la beauté d'une fleur, d'un paysage sauvage etc... Nous aspirons tous au fond de nous à cette harmonie et à cette beauté alors que nous vivons dans un monde rempli de mal.
A l'époque c'était facile pour argumenter, il n'y avait que des croyants. 3 versions d'un même Dieu, ça laisse un paquet de place au débat pour savoir qui a l'option la plus intéressante/cohérente/autre, selon ce que l'on recherche dans la religion.
Attention car ce n'est pas le même Dieu, si chaque religion adore un Dieu Unique Créateur de tout l'univers visible et invisible, elles n'adorent pas du tout le même Dieu !

On définit une personne par ce qu'elle est, hors Dieu n'est pas du tout le même pour les juifs, les musulmans et les chrétiens. Dieu ne peut pas être tout et n'importe quoi, il ne peut pas à la fois créer le bien et le mal comme l'enseigne l'islam et seulement être à l'origine du bien comme le révèlent les Saintes-Ecritures.

La définition de Dieu, qui est la Foi, est donc ce qu'il y a de plus important et l'étude des textes et de notre nature permet de définir rationnellement que la seule possibilité est Jésus-Christ. Si Dieu avait crée le mal, Il serait sadique. Vous imaginez avoir un enfant pour lui faire du mal ? des parents sadiques le font mais en général ce n'est pas le cas ! C'est pourtant ce qu'enseigne l'islam qui dit que des hommes sont crées pour aller en l'enfer.

Nous sommes mauvais, nous ne pouvons pas nous sauver par nous même car nous faisons le mal, en pensées, paroles et actions, c'est la réalité de chaque être humain que chacun peut "contempler" par sa propre conscience. Or, il n'y a que la révélation chrétienne qui nous offre un Sauveur, les musulmans se sauvent par leurs actions et pour les juifs, je ne sais pas vraiment ce qu'il est, peut-être attendent-ils encore le Messie ?

Avatar de l’utilisateur
Silica
Quæstor
Quæstor
Messages : 243
Inscription : jeu. 13 févr. 2014, 22:24

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Silica » ven. 13 juin 2014, 12:31

Bonjour,
Jeremy43 a écrit :On peut tout à fait "prouver" Dieu, aujourd'hui avec les connaissances scientifiques que nous avons, il devient de plus en plus clair que la seule option possible c'est Dieu. Bien sûr peu de scientifiques l'admettent car cela oblige à poser un acte d'humilité et à admettre notre pauvre nature humaine.
Au contraire, moi je trouve que c'est la conception chrétienne de l'Homme qui manque clairement d'humilité : c'est extêmement prétentieux de penser que le monde et les animaux ont été créés pour les hommes afin qu'ils en disposent. Cela autorise les gens qui croient à se sentir supérieurs à tout (sauf au Créateur, mais bon ils n'auront affaire à lui qu'après la mort ce qui est pratique).
C'est plus humble de constater que nous sommes le fruit du hasard et des sélections de l'évolution, que nous sommes spéciaux parce que notre espèce est aliénée et avec elle sa condition... Bref, je trouve la condition humaine sans dieu beaucoup plus modeste et ce n'est pas parce que, du coup, c'est triste, que ce n'est pas tout ce que nous avons.
En fait, puisqu'il y a aussi des gens non croyants qui se sentent supérieur aux autres, aux animaux et à la planète on pourrait dire que l'humilité d'une conception du monde ne dépend pas de cette conception même mais de la façon dont elle est interprétée et vécue par les individus.
Jeremy43 a écrit :Dieu nous est également accessible par sa Création. L'homme moderne a totalement perdu une partie de lui même car il vit sans cesse dans le bruit et l'agitation, mais en vivant dans le silence et la contemplation, le Divin devient perceptible et nous pouvons prendre conscience d'une autre dimension que la sphère visible et matérielle. Je suis sûr que vous vous êtes déjà émerveillés devant la beauté d'une fleur, d'un paysage sauvage etc... Nous aspirons tous au fond de nous à cette harmonie et à cette beauté alors que nous vivons dans un monde rempli de mal.
A partir du moment où vous mettez le mot 'Création" vous lisez le monde par ce concept, mais la question était justement de voir si on peut argumenter pour savoir si ce mot est légitime ou non. Vous me dites : "c'est évident, regardez la nature", mais quand je randonne dans la montagne j'ai beau être soufflée par les paysages fabuleux que je rencontre je ne pense pas du tout au divin. Je vois cette vallée creusée par cette rivière, je vois ces animaux charmants trop nombreux car non régulés par des prédateurs (exterminés par l'homme) qui ont fait disparaître tous les arbres et donnent lieu à ces collines nues, je vois ces routes uniques qui ont dû être terriblement difficiles à construire...
La nature n'est pas un tout, elle évolue et elle est parfaitement lisible pour qui la connaît un peu.
De plus, je ne vois pas pourquoi voir une fleur magnifique induirait que quelqu'un nommé Jésus s'est fait laver les pieds au parfum par une jeune femme il y a des milliers d'années.

Cordialement

Peccator
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 2230
Inscription : mar. 10 sept. 2013, 21:38
Localisation : Près de Paris

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Peccator » ven. 13 juin 2014, 13:14

Dans l'idée de tolérance telle qu'elle tend à prévaloir de nos jours, il y a sous-entendu l'idée qu'on ne peut rien discuter, car cela remettrait en cause la personne, et qu'il faut... tolérer.

Je trouve étonnantes vos réponses, Silica et Marie, car que faites-vous sur ce forum, si ce n'est venir discuter avec nous, en essayant autant que chacun de nous en est capable, de le faire de manière rationnelle ?

Déjà, il est parfaitement possible, et légitime, de discuter l'existence même de Dieu. C'est même un sujet de discussion qui commence à avoir une certaine histoire derrière lui...

Mais on peut discuter de tas d'autres choses encore !

Silica, vous dites qu'en regardant une fleur, vous ne voyez pas le lien entre cette fleur et le lavement des pieds (n'est-ce d'ailleurs pas plutôt les cheveux ?) de Jésus par une femme... Rassurez-vous, je pense que ce lien n'est pas évident pour grand monde. En tout cas, il ne l'est pas pour moi. Il me faut longuement étudier, méditer et prier pour arriver à voir que oui, il y a un lien. Mais que ce lien ne soit pas évident en devrait pas amener une personne rationnelle à dire qu'il n'existe pas.
A priori, en regardant des ronds dans l'eau après avoir lancé un cailloux, je ne pense pas qu'il y a un lien avec la probabilité qu'une aiguille tombant sur un parquet constitué de lattes tombe à cheval sur 2 lattes... Et pourtant, dans les deux, il y a le nombre pi qui intervient...

Après, vous dites que la conception chrétienne serait que le monde et les animaux auraient été créé pour que l'homme en dispose. C'est peut-être ce que vous pensez (que pensent les chrétiens), mais disons que c'est... discutable. En tout cas, tout chrétien que je suis, ce n'est pas du tout, mais pas du tout ce que je pense.

Peut-être un peu moins de "tolérance" pour les idées qu'on peut prêter aux autres, et un peu plus de dialogue respectueux mais réel, permettrait de lever beaucoup d'idées reçues.

Mais pour cela, il me semble que l'attitude fondamentale est non pas de chercher à convaincre l'autre, mais de chercher à le comprendre. Hors bien souvent, on aborde le dialogue dans l'optique totalement inverse... Sans doute par peur que si on commence à comprendre l'autre, on risquerait de se trouver converti : n'est-ce pas alors signe que l'on peur ? Que l'on manque de confiance en ses propres convictions, en la solidité de sa propre position ?
Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux. Mc 14, 36

Avatar de l’utilisateur
Silica
Quæstor
Quæstor
Messages : 243
Inscription : jeu. 13 févr. 2014, 22:24

Re: "En finir avec la tolérance?"

Message non lu par Silica » ven. 13 juin 2014, 13:26

Peccator a écrit :Peut-être un peu moins de "tolérance" pour les idées qu'on peut prêter aux autres, et un peu plus de dialogue respectueux mais réel, permettrait de lever beaucoup d'idées reçues.

Mais pour cela, il me semble que l'attitude fondamentale est non pas de chercher à convaincre l'autre, mais de chercher à le comprendre. Hors bien souvent, on aborde le dialogue dans l'optique totalement inverse... Sans doute par peur que si on commence à comprendre l'autre, on risquerait de se trouver converti : n'est-ce pas alors signe que l'on a peur ? Que l'on manque de confiance en ses propres convictions, en la solidité de sa propre position ?
Je trouve en effet que dans l'idée de tolérance il y a un certain renoncement (pas dans tout, mais l'idée même qu'il faille "tolérer" que quelqu'un ait une couleur de peau ou une orientation sexuelle différente me fait horreur tant c'est l'évidence, donc j'exclue ce genre d'inné) : je vais tolérer parce que de toute façon je ne veux pas questionner.
Bien sûr on ne peut pas toujours tout questionner ni avec tout le monde.

Je cherche tout à fait à comprendre, mais comprendre ne veut pas dire adhérer. Par contre, comprendre véritablement peut désamorcer des conflits sans pour autant dissoudre l'opposition. C'est plus sain en somme. Effectivement il doit y avoir une peur de voir s'envoler en fumée ses convictions, mais si on se place dans une démarche de curiosité sincère et honnête on ne devrait pas avoir cette peur (sauf si elle est peur d'être influencé dans un sens en ayant juste une partie des informations nécessaires à la construction d'un jugement. Dans ce cas mieux vaut prendre son temps).
On peut aussi très bien n'être pas près à remettre certaines choses en cause mais sentir que cela viendra un jour.
Seul le débat peut permettre l'élévation de la réflexion (c'est Socrate qui le professe !), tout seul on ne va pas bien loin ! Alors il faut penser à remercier de temps en temps les contradicteurs :ciao:

Sur le lavage de pieds : je suis moins spécialiste que vous mais il me semble bien qu'une femme (pour se faire pardonner ou pour remercier du pardon je crois) lavait les pieds de Jésus au parfum avec ses propres cheveux (c'est difficile à se représenter mais c'est une scène que j'ai lue plusieurs fois décrite en littérature). Je confonds ou bien... ? :s

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 10 invités