Le Dogme

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apatride
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Re: Le Dogme

Message non lu par apatride » jeu. 14 nov. 2019, 2:32

Crosswind a écrit :
mer. 13 nov. 2019, 14:04
apatride a écrit :
jeu. 07 nov. 2019, 23:43
Il y a un point qui me gêne aux entournures : cette pensée naît du même substrat que notre seau, à quel moment lui applique-t-on soudain une distance infranchissable avec ce qu'elle désigne ?
Que vous-fait croire à un substrat unique sinon le principe de cause?
Si l'on postule le contraire et que l'on pousse cette logique jusqu'au bout, alors potentiellement chaque aspect de notre expérience perçue peut être associée à un substrat entièrement différent. Rien ne me permet plus par exemple de considérer que l'anse de mon seau naît du même subtrat que le contenant, ou du sol sur lequel il repose, ou du reflet qui s'y projette, ou de mon œil qui perçoit ledit reflet, ad infinitum.

Effectivement, peut-être qu'une infinité de subtrats s'accorde ainsi d'une manière qui m'apparaît comme cohérente, intelligible et donc potentiel objet de recherche scientifique.

Intellectuellement, je peux jouer avec cette idée mais cela me semble inutilement tarabiscoté.

Je pense aussi qu'il manque ici une ontologie et une phénoménologie de la pensée, que vous semblez considérer comme posée et trouvée là. Mais j'ai peut-être manqué vos écrits à ce sujet.
Crosswind a écrit :
mer. 13 nov. 2019, 14:04
apatride a écrit :
dim. 10 nov. 2019, 10:19
Autorité n'est pas autoritarisme. L'Eglise telle que vous en parlez pourrait presque être caricaturalement réduite à -- je force le trait -- une seule personne, le Pape, qui trancherait arbitrairement sous prétexte d’infaillibilité pontificale.
Je vous concède le trait forcé. Cependant, admettez qu'une très petite partie de la chrétienté seulement a accès aux instances interprétatives du dogme. Monsieur-tout-le-monde se contente la plupart du temps de suivre ce qu'il pense comprendre des interprétations officielles. D'où ma remarque faite à Prodigal : l'on passe d'un dogme entendu en tant que pleine compréhension par soi et pour soi, à un dogme de confiance envers une institution pratiquement plénipotentiaire du Divin. Et le problème se rencontre tel que je l'ai formulé : l'interprétation d'un dogme sera toujours sujet à la modification, parce que tirée de la logique, et seule la confiance ou la foi en une possible interprétation ultime, définitive, permet d'établir une évolution vers cet état apaisé, et l'espoir d'une interprétation dernière.
Quand vous parlez d'accès aux instances interprétatives du dogme, vous sous-entendez intellectuel ? matériel ?
L'accès matériel n'est plus vraiment un obstacle aujourd'hui. Il y a quantités d'ouvrages, d'encycliques et j'en passe qui permettent à tout un chacun de dérouler le raisonnement qui a mené à telle interprétation, ou d'en rejeter d'autres.
L'accès intellectuel aux interprétations du dogme n'est certes pas évident, il demande parfois un effort considérable, et cela peut effectivement laisser une grande partie des fidèles sur le carreau. Je tempérerai en disant qu'il n'est nul besoin d'aller si loin pour convenir qu'une interprétation est logique et raisonnable.

Vous semblez considérer que la logique ne peut à elle seule permettre d'aboutir à une conclusion sûre, ou tout du moins par la négative à écarter les options qui ne tiennent pas debout ?
Crosswind a écrit :
mer. 13 nov. 2019, 14:04
apatride a écrit :
dim. 10 nov. 2019, 10:19
Ce que j'y perçois est plutôt la réflexion collective d'une communauté d'hommes et de femmes, qui ont considéré ces notions avec tout le sérieux qu'elles méritent, et dont les conclusions s'appuient sur un cheminement logique qui peut être retracé par toute personne qui ne se satisferait pas d'y placer sa confiance sans réserves.
Je vois là, en retour de la vôtre, une généralité excessive. La logique cléricale invoquée est loin d'être partagée au sein des membres de la chrétienté. L'Histoire nous le montre bien malheureusement. Vous parlez de même de fondations sûres, établissant un parallèle avec la méthode scientifique :
apatride a écrit :
dim. 10 nov. 2019, 10:19
De façon analogue à la matière scientifique, cette confiance établie sur des fondations sûres permettent à tout un chacun de s'élever sur les épaules de ceux qui les précèdent, au lieu d'avoir sans cesse à tout reprendre de zéro.
Quelles sont les fondations de la science? La confrontation de faits conventionnellement établis avec une théorie sous forme d'hypothèses, en vue de prédire des événements, puis s'en servir pour extrapoler un passé. Quelles sont les fondations de la religion? La simple croyance en un ou plusieurs faits passés. Ces deux domaines ne peuvent être comparés, même si l'un et l'autre reposent sur la foi en une Réalité au moins en partie connaissable.
La science elle-même s'appuie sur des axiomes, ne serait-ce que l'intelligibilité de notre environnement comme vous le rappelez, intelligibilité qui n'est pourtant pas si évidente que cela puisque à vous lire, nous n'avons même pas la certitude que l'ensemble des phénomènes étudiés procèdent d'un même substrat. Par convention la science postule que son objet d'études est intelligible, et ne tolère qu'avec méfiance (quand elle ne l'exclue pas complètement) ce qui n'est pas intelligible, répétable ou quantifiable.
Crosswind a écrit :
mer. 13 nov. 2019, 14:04
Il me semble dès lors très osé d'affirmer pour sûres les fondations d'une croyance religieuse. Ni les historiens, ni les scientifiques, ne proclameront avérés les faits de résurrection ou de transsubstantiation. Ils n'auront par contre aucun doute quant à la réalité du contenu de leurs théories, parce que ces théories peuvent être confrontées aux faits, et par là falsifiables. Mais jamais ces personnes n'accepteront de but en blanc des affirmations que personne ne pourra jamais expérimenter. Or comment comprendre le corps du Christ autrement que par la foi ou la confiance?
Effectivement la foi s'appuie sur des événements surnaturels, et donc par essence non répétables ni quantifiables. C'est pourquoi je continuerai bien évidemment à distinguer science et religion quand bien même on peut leur trouver quelques similarités.

Mais c'est aussi pour cela que je ne distinguerai pas comme vous le faites la foi et la confiance, car la foi (fides ou "confiance" en latin) procède justement d'une confiance rationnelle bâtie sur une myriade d'éléments qui s'organise en un faisceau d'indices raisonnablement digne de cette confiance.
Crosswind a écrit :
mer. 13 nov. 2019, 14:04
apatride a écrit :
dim. 10 nov. 2019, 10:19
C'est cette confiance nourrie d'une multitude d'indices, de faits historiques, de raisonnements (théo)logiques, de cohérence symbolique, de rencontres humaines (même à travers le temps avec le témoignage des saints) que nous désignons sous le terme de "foi" ; cette même foi que nous pratiquons tous lorsque nous décidons d'accorder notre confiance à une personne quand bien même nous savons que nous ne la saisirons jamais dans sa totalité.
Lorsque nous accordons notre confiance à quelqu'un, nous ne croyons pas en une entité absolue, mais seulement en une probabilité comportementale déclinée au futur. Lorsque nous accordons notre confiance en Dieu, nous accordons notre confiance en un raisonnement (preuve Divine, cause Divine, etc...). Je sépare pour ma part la foi de la confiance : la première est irrationnelle, la seconde pas.
Comme vous le comprendrez, je ne peux vous suivre dans cette distinction entre une foi qui serait irrationnelle et une confiance qui serait rationnelle. Ne serait-ce que parce que dans le cas de la foi, la confiance en un raisonnement est amenée à devenir (quand elle n'est pas précédée par) une rencontre avec une Personne, une relation, et alors il s'agit bien là d'une confiance en quelqu'un.

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Re: Le Dogme

Message non lu par Crosswind » jeu. 14 nov. 2019, 10:28

apatride a écrit :
jeu. 14 nov. 2019, 2:32
Si l'on postule le contraire et que l'on pousse cette logique jusqu'au bout, alors potentiellement chaque aspect de notre expérience perçue peut être associée à un substrat entièrement différent.
S'il est effectivement possible d'envisager cette option, ce n'est pas à elle que je pensais mais plutôt à la motivation qui vous pousse à penser l'existence d'une (ou de plusieurs) substance(s). Quoi sinon l'insurpassable besoin de trouver une cause à ce qu'il y a?
apatride a écrit :
jeu. 14 nov. 2019, 2:32
Je pense aussi qu'il manque ici une ontologie et une phénoménologie de la pensée, que vous semblez considérer comme posée et trouvée là. Mais j'ai peut-être manqué vos écrits à ce sujet.
Votre remarque est étrange car, au contraire, je ne pose aucune ontologie (même si je reconnais volontiers ma démarche teintée de phénoménologie).
apatride a écrit :
jeu. 14 nov. 2019, 2:32
Quand vous parlez d'accès aux instances interprétatives du dogme, vous sous-entendez intellectuel ? matériel ? […] Je tempérerai en disant qu'il n'est nul besoin d'aller si loin pour convenir qu'une interprétation est logique et raisonnable.
Des deux (l'accès aux documents il y a quelques siècles n'était pas à la portée du premier venu). Je reste cependant moins optimiste que vous sur la capacité de la foule à appréhender avec bonheur des raisonnements qui tirent parfois leurs fruits d'un écheveau de racines très lointaines. Je prends le dogme de la Trinité : sa compréhension est d'une difficulté insondable, c'est une problématique et un choix doctrinal qui remonte aux origines du christianisme, acquis de dure lutte et que la logique seule ne parvient peut-être pas à détricoter entièrement. J'estime donc hautement probable que l'écrasante majorité des chrétiens se contente d'énoncer croire en la Trinité. Quelques uns, les mieux informés ou les plus courageux, pourront certainement avancer quelques arguments mais, dans l'ensemble, seuls les théologiens pourront prétendre accéder à l'information pleine et entière (et s'y soumettre puisque inféodés à la foi).
apatride a écrit :
jeu. 14 nov. 2019, 2:32
Vous semblez considérer que la logique ne peut à elle seule permettre d'aboutir à une conclusion sûre, ou tout du moins par la négative à écarter les options qui ne tiennent pas debout ?
Un point important ici : la logique traite les problèmes en vertu de ses propres règles. En cela, elle permet de discriminer un énoncé qui répond correctement aux règles d'un autre qui n'y répondrait pas. Mais ce que la logique ne peut faire, c'est accéder à l'absolu puisque rien ne pourra nous garantir que les règles empruntées pour la démonstration de cet absolu sont adéquates. Les outils conditionnent le produit, si vous préférez.
apatride a écrit :
jeu. 14 nov. 2019, 2:32
La science elle-même s'appuie sur des axiomes, ne serait-ce que l'intelligibilité de notre environnement comme vous le rappelez, intelligibilité qui n'est pourtant pas si évidente que cela puisque à vous lire, nous n'avons même pas la certitude que l'ensemble des phénomènes étudiés procèdent d'un même substrat.
Je vous arrête sur ce point : bien des scientifiques de renom refusent de statuer sur l'intelligibilité de l'environnement. D'une part parce que les théories scientifiques peuvent parfaitement refléter notre propre mode de fonctionnement plutôt que celui d'un monde jeté là-devant (la révolution copernicienne a brillamment montré l'influence de notre point de vue dans la compréhension du Monde). De l'autre parce que ni les objets des sciences, ni les faits ni le principe de cause ne peuvent être pris pour des principes absolus. Je prends l'exemple de l'électron : ce terme a revêtu de multiples sens au gré de l'évolution scientifique. L'interprétation ontologique des théories scientifiques laisse faussement penser que la théorie parle du réel, or il n'en est rien. Un électron, personne ne sait si cela existe ailleurs qu'en tant que signe sur une feuille. C'est une vue de l'esprit, tout comme les forces. Je rappelle d'ailleurs l'indignation générale lors du passage de la physique cartésienne (commode car intuitive, des petites billes qui s'entrechoquent) à celle de Newton, qui incorporait des forces étranges, diaphanes, invisibles et qui agissaient à distance. Faire de la science peut tout à fait s'envisager sans croire la moindre seconde à l'intelligibilité du monde.
apatride a écrit :
jeu. 14 nov. 2019, 2:32
Effectivement la foi s'appuie sur des événements surnaturels, et donc par essence non répétables ni quantifiables. C'est pourquoi je continuerai bien évidemment à distinguer science et religion quand bien même on peut leur trouver quelques similarités.

Mais c'est aussi pour cela que je ne distinguerai pas comme vous le faites la foi et la confiance, car la foi (fides ou "confiance" en latin) procède justement d'une confiance rationnelle bâtie sur une myriade d'éléments qui s'organise en un faisceau d'indices raisonnablement digne de cette confiance.
Si une bonne partie des actes de foi peut être motivée par la raison, je ne pense pas que tous peuvent prétendre à cette aide.

A la question "pourquoi croyez-vous X", la plupart des personnes de foi tenteront d'argumenter en avançant des critères de plausibilité. Par exemple "je crois en l'idée d'un Dieu parce qu'il faut bien une garantie divine, un moteur pour justifier le monde, etc..." Mais si vous demandez pourquoi une personne croit en la résurrection, la dernière à laquelle j'ai posé cette question m'a tout simplement répondu "je ne sais pas, mais j'y crois". La conviction intime, qui part de notre cœur, n'a pas besoin de la raison. Des convictions, nous en avons tous et dans tous les domaines, que ce soit celles qui concernent la morale, l'agir ou l'état du monde. Reprenons l'intelligibilité du monde : un physicien avec lequel j'échangeais quelques propos ayant traits à la philosophie de sciences s'arrêta tout net, au beau milieu de la discussion, et me dit en substance : "tes arguments sont solides, très solides, mais ne peuvent aller contre ma conviction de l'intelligibilité du monde. Je crois et veux croire au monde tel que je le pense, en dépit de tout ce que tu pourras dire". Il s'agit ici de convictions qui forment l'être que nous sommes, et qu'il peut être dangereux de vouloir rompre. Certaines certitudes se posent en garantes de l'équilibre psychologique d'une personne.

Cependant, je me répète, je vous rejoins sur le constat que bien des croyances tirent leur force de la raison.

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