Le film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais a été réalisé en 1955 - il entend essentiellement lutter contre la banalisation ou la négation des atrocités commises par les nazis.Cinci a écrit :L'information sur Jacques Chirac n'est pas à dédaigner bien sûr. C'est bon. Mais dans un petit article que j'ai ici sous la main, je lis que l'année de l'élection de Pierre Mendès France, en 1954, il y aurait eu un procès important dit Oberg et Knochen, et que ce serait pendant ses audiences qu'aurait été révélé pour la première fois l'ampleur de la Collaboration et de la répression du régime de Vichy. Après ? Je songe (c'est mon petit flash personnel) au film d'Alain Resnais Nuit et Brouillard. Et je me demande en quelle année ce film est-il sorti sur écran ? Mille neuf cent ... (?)
L'année précédente avait eu lieu le procés du Standartenfürher Helmut Knochen et de l’Obergruppenführer Karl Oberg.
Helmut Knochen était le Chef de la police de sûreté (SIPO) et du service de sécurité (SD) pour la France. Il a eu donc à faire avec la déportation des Juifs français vers les camps de concentration. Mais également avec le traitement des résistants français capturés – et le plus souvent éxécutés, par l’armée allemande. L’Obergruppenführer Karl Oberg, qui était le supérieur hiérarchique du précédent, était le Chef de la SS et de la Police pour la France.
C’est effectivement au cours de leur procès, qui s’est donc déroulé en 1954, qu’ont été dévoilés, et pour la première fois en France, les conditions et les moyens de la déportation des Juifs français.
Deux choses très curieuses. D'abord le sort réservé par l’Etat français aux deux criminels de guerre. Karl Oberg est condamné à mort en 1954 pour crimes de guerre par les tribunaux français. Mais la peine est commuée en prison à vie, et il obtient finalement une grâce présidentielle qui réduit sa peine en 1958. Helmut Knochen est condamné à mort au cours du même procès. Il obtient lui aussi une grâce présidentielle et une réduction de peine. En fin de compte, les deux hommes sont libérés - oui, libérés - de prison en 1962, sur ordre du général De Gaulle!!!
Un peu moins d’un mois plus tard, c’est la signature du traité de coopération franco-allemand de 1963. Les deux hommes sont morts libres, et très tranquillement, dans leur lit.
Ensuite, lors du procès de l’Obergruppenführer Karl Oberg et du Standartenfürher Helmut Knochen, les fonctionnaires français qui avaient collaboré avec eux pour permettre la déportation des Juifs français ne sont aucunement inquiétés. Ils poursuivent très tranquillement leurs activités. Et il faudra attendre encore des années et des années pour que certains d’entre eux soient enfin traînés devant les tribunaux...
Par exemple, René Bousquet, acquitté par la Haute Cour de justice en 1949, poursuivait sa carrière à la Banque d'Indochine, etc. Lorsqu'il sera à nouveau question de le traduire en justice, dans les années 80, les juristes de la mission de la Fédération internationale des droits de l’homme affirmeront qu'"il y a une décision politique au plus haut niveau de ne pas faire avancer l’affaire Bousquet". A l'époque, ce n'était plus Charles De Gaulle, mais François Mitterand qui présidait aux destinées de la République française...
Comme je l’écrivais plus haut, le film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais a été réalisé en 1955... et il entend lutter contre la banalisation des atrocités commises par les nazis, leur négation, leur oubli. Contre le fait par exemple, que l’Etat français, Général De Gaulle en tête, et pour des motifs politiques ou d'autres motifs inavouables, ait jugé acceptable que des criminels de guerre de la trempe de l’Obergruppenführer Karl Oberg et du Standartenfürher Helmut Knochen puisse aller tranquillement prendre leur retraite, libre comme l’air, et aller mourir en famille dans leur Allemagne natale.
Si l'on veut tout savoir sur la "justice" rendue par l'Etat français en matière de crimes de guerre, alors il faut lire le livre très intéressant de Claudia Moisel, "La France et les criminels de guerre allemands. Politique et pratique de la poursuite pénale après la deuxième guerre mondiale". C’est instructif... et en même temps désespérant. La conclusion c’est qu’aucun des grands criminels de guerre allemand n’a subi la peine capitale. Et que l’échec de la politique de condamnation des crimes de guerre dans les années cinquante a suscité un intense sentiment de frustration chez les résistants et les Juifs français : normal à la vue d’une telle parodie de justice – car s’en est une.
Maintenant, il faudrait pouvoir examiner les raisons exactes d'un tel "échec", toutes les raisons – et aussi les raisons pour lesquelles l’Etat français a soudain "découvert", bien plus tard, au moment le plus opportun, que des fonctionnaires français avaient effectivement participé aux atrocités commises par les Allemands. Et surtout, les raisons pour lesquelles il s’est toujours trouvé bien pratique d’avoir un Jean-Marie Le Pen à "diaboliser", mais encore plus pratique de l'avoir à ce moment-là.
Il faudrait aussi examiner les raisons politiques pour lesquelles l'Etat français a cru bon de maintenir en place un "résistancialisme" officiel alors qu'il pratiquait de façon systématique une politique d'indulgence à l'égard des crimes de guerre nazis. Puis de renoncer à tout lorsqu'il s'est agit de sauvegarder ses intérêts. Et parler du tabou de la société française : celui qu'entretiennent les élites socio-culturelles de notre pays.
Amicalement.
Virgile.