Oui, mais, comme le début de la Genèse le rappelle, le Mont Ararat est le siège de plusieurs grands fleuves, dont le Tigre et l’Euphrate. Il est le sommet d’un vaste massif montagneux qui étend ses racines jusqu’au niveau des mers que rejoignent ses fleuves.
Lorsqu’on parle aujourd’hui du Mont Ararat, on pense spontanément à son cône enneigé, mais la perspective de la Genèse pourrait être plus large et les mots moins précis.
Un massif montagneux peut être considéré dans son ensemble du sommet jusqu’à ses bases où ses eaux atteignent la mer.
À cet égard, outre l’éventualité d’un déluge local survenu dans la vallée de l’Araxe, d’autres éléments constatés permettent d’ouvrir une autre hypothèse : celle d’une inondation du pays de Sumer à la fin de laquelle l’arche de Noé se serait échouée à Ur, cette cité antique que son descendant Abraham a quitté à une époque ultérieur, car s’il indique que «
l’arche s’arrêta sur les monts Ararat » (Gn 8,4), le mot hébreu «
har » traduit par monts est très imprécis, car il peut tout aussi bien s’appliquer à une petite colline qu’à une région de colline ou de montagnes.
Dès le deuxième chapitre de la Genèse (Gn 2, 11-14), le récit biblique paraît davantage dans cette perspective lorsqu’il évoque le jardin d’Eden en mentionnant le Tigre et l’Euphrate qui s’écoulent de l’ensemble montagneux de l’Ararat par le sud dans le Golfe Persique.
L’Euphrate, c’est précisément ce fleuve immense qui coule des flancs du Mont Ararat dans le Caucase et qui aboutit à Ur là où, jadis, il se jetait dans le golfe persique avant que le rivage de ce golfe ne recule vers le sud à plus de 200 kms.
Si l’on considère l’ensemble du massif montagneux dont le Mont Ararat n’est que le sommet atteignant 5.137 mètres d’altitude à 980 kms de la ville de Ur, cette cité à l’embouchure de l’Euphrate dans le golfe persique, peut être considérée comme le bas du massif de l’Ararat.
À cet endroit, l’hypothèse d’un déluge local reste actuellement la seule crédible dans les dix mille dernières années, pendant le néolithique dans lequel la Genèse situe le récit de la création de l’humanité à l’image de Dieu.
Malgré la lecture littérale que certains en ont faite, il n’y a aucun élément concret qui oblige de considérer que le récit biblique relaterait une inondation de toute la planète engloutissant l’Himalaya avec une arche dans laquelle on aurait eu un couple d’ours blanc du pôle nord et un couple d’éléphants d’Afrique.
En fait, la décision divine indiquée par la Genèse permet, au contraire, de privilégier l’idée que le déluge fut, en réalité, un évènement local. Ce qui fut inondé lors du déluge, c’est la «
terre rouge » (l’adamah) où l’humanité fut créée :
«
Dieu vit que la méchanceté de l’adam était grande … et Dieu dit « J’exterminerai de la surface de l’adamah [la terre rouge, ce n’est pas la planète entière, mais celle dont la poussière a servi à façonner l’adam (litt. : le rouge) (Gn 2,7)]
l’adam que j’ai fait, … le bétail, les animaux, les oiseaux... » » (Gn 6, 5-7).
Le mot exterminer, qui traduit le mot hébreu «
macha », ne signifie d’ailleurs pas nécessairement tuer mais seulement enlever de l’endroit : les oiseaux se sont envolés ailleurs, des animaux ont pu s’enfuir.
Certes, selon le professeur Seely, cité dans un message précédent, «
les seules traces d’inondations conséquentes dans le Proche Orient à cette période sont sur les bords des rivières », mais cette opinion n’évalue guère la situation particulière du pays de Sumer à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate dont les crues à proximité du golfe persique pouvaient avoir un effet diluvien tant le relief y est peu élevé au dessus du niveau de la mer. Ainsi, par exemple, aujourd’hui encore, la ville de Bagdad, située à plus de 500 kms du golfe persique et en amont du pays de Sumer, n’est qu’à une altitude de 34 mètres et l’antique cité d’Ur, d’où Abraham est sorti, n’est qu’à une altitude de 6 à 10 mètres alors qu’elle est actuellement située à plus de 200 kms du golfe persique.
En réalité, l’affirmation précitée de Seely doit être, au moins nuancée tant les crues pouvaient s’étendre en largeur.
D’importantes couches d’alluvions entre les strates des cités redécouvertes dans le pays de Sumer témoignent de multiples déluges dans la région de la Basse Mésopotamie dus à la conjonction de l’étendue des régions montagneuses drainées par le Tigre et l’Euphrate et de la faible altitude de la région par rapport au niveau de la mer dans le golfe persique qui la borde et où aboutissent ces fleuves.
Le déluge biblique, qui concernait l’adamah, la terre des premiers humains à l’image de Dieu, ne fut pas nécessairement le plus important, ni le plus remarquable.
Ce qui caractérise le récit biblique c’est sa situation sur la terre de l’adamah, c’est l’extermination de tous les humains, des animaux et même des oiseaux de toute la surface de toute la terre «
de l’adamah ». Mais non de la Planète, ni même de toute la Basse Mésopotamie.
Durant le troisième millénaire, le rivage du golfe persique, qui a beaucoup varié au cours des derniers millénaires, se trouvait à hauteur de la ville antique de Ur et la première région a être envahie par l’eau en cas d’inondation majeure, c’était la partie la plus au sud de la Mésopotamie bordant à la plus basse altitude le golfe persique : le pays de Sumer.
Certes, la Bible ne cite jamais ni Sumer, ni les sumériens.
Le mot «
Sumer », actuellement retenu par les linguistes, les archéologues et les historiens, semble se référer au mot akkadien «
Shumeru » par lequel les akkadiens nommait le pays qui, au sud de la région d’Akkad, s’étendait de Babylone jusqu’au golfe persique. Cela n’a rien de mythique : c’est une région bien précise au sud est de Bagdad où coulent le Tigre et l’Euphrate.
Sumer et Akkad formaient ensemble la Basse Mésopotamie unifiée, vers 2340 ACN, dans l’empire d’Akkad, un territoire que la Genèse nomme «
pays de Schinear » (Gn 10, 10) ou «
Chaldée », sans distinguer clairement sa partie nord (Akkad) de sa partie sud (Sumer).
Selon le récit biblique, Abraham quitte Ur en Chaldée (Gn 11,31).
Le premier livre de la Bible, le livre de la Genèse, apparaît d’abord ainsi comme l’histoire, depuis leurs origines, d’une famille de Sumériens exilés en Egypte, des descendants d’Abraham, Isaac et Jacob. Sumer, c’est le début.
Et, à cet égard, même si les durées chronologiques de la Genèse restent mystérieuses, il est interpellant d’observer que la Genèse établit une coïncidence entre l’époque du départ d’Abraham du pays de Sumer et la fin de la vie de Noé, l'homme du déluge. Les jours de Noé s’arrêtent 350 ans après le déluge (Gn 9,28), soit exactement 58 ans après la naissance d’Abraham dont il séparé par huit générations, selon le calcul précis donné par le chapitre 11 de la Genèse (v. 10 à 26).
N’est-ce pas un indice qui suggère que la durée de la vie de Noé s’achève à l'époque où Abraham quitte Ur et que les 950 ans de Noé ne devraient pas être considérés comme une durée individuelle mais comme une durée collective que ses descendants ont prolongée à Ur, dans le lieu où il s’était établi, de sorte que la fin de sa vie n’est constatée que lorsque ses descendants qui ont prolongée son nom ont quitté son lieu de vie ?
Cette question, concernant les «
âges » des patriarches, est approfondie, parmi d’autres, dans un autre sujet de ce forum intitulé «
Adam a-t-il vécu 930 ans ? » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... atriarches
Mais, ne faut-il pas considérer ici que Noé a lui-même vécu à Ur et que, lorsque ses descendants la quittent, comme le fait la famille d’Abraham, c’est cela qui marque la fin des jours de Noé ?
Et si c’est à Ur que Noé s’établit après le déluge, n’y a-t-il pas alors un indice sur l’endroit du déluge et, en outre, sur l’endroit de vie des patriarches qui l’ont précédé, l’adamah des origines ?
En effet, rien n’indique, dans le récit biblique, que Noé aurait émigré dans une autre région après le déluge.
Durant le troisième millénaire avant Jésus-Christ, une inondation importante pouvait concrètement provoquer une étendue d’eau à l’intérieur de la Mésopotamie sans discontinuité avec le golfe persique. La maison flottante prudemment construite par Noé a pu être emportée dans le golfe persique puis ramenée sur la côte, près de Ur, par les courants dominants.
D’où provenait-il avant ? Pourrait-on situer l’endroit de l’adamah où l’arche a été construite ?
En l’absence de déluge important qui aurait amené des flots tumultueux des montagnes, le récit de la Genèse ne parle que d’une montée des eaux, ce qui semble situer le déluge dans le bas du delta du Tigre et de l’Euphrate. La montée des eaux n’est pas associée à un torrent vers la mer qui caractérise les crues situées dans des régions plus encaissées et aux pentes plus accentuées situées davantage en amont.
A cet égard, on semble donc bien, avant comme après le déluge, dans le pays de Sumer, entre le Tigre et l’Euphrate, au sud est de l’actuelle Bagdad.
C’est donc aussi là qu’il faudrait situer l’adamah immergé et donc le lieu de la création de l’humanité.
Noé devait connaître les dangers de cette région de très basse altitude située entre le Tigre et l’Euphrate, ces deux immenses fleuves provenant du massif de l’Ararat.
Le récit biblique d'un déluge authentique a pu inspirer des légendes mésopotamiennes, mais celles-ci peuvent aussi provenir du souvenir d’autres déluges.
Un léger retrait par rapport au fleuve, à quelques mètres de hauteur, et la solidité des maisons en brique assuraient la sécurité ordinaire, même en cas de grandes crues, mais Noé, considérant la perspective d’un déluge plus important, élabora, selon la Genèse, un plan écrit d’une maison flottante en bois et en bitume dans laquelle il pourrait s’abriter avec sa famille et un minimum d’animaux préservant, le cas échant, la survie de son cheptel. En veillant à ce qu’elle soit assez grande pour ne pas être déséquilibrée par des flots impétueux, mais pas trop chargée, par un embarquement complet du cheptel, pour assurer au mieux sa flottaison. Un mélange de taille et de légèreté devait assurer son flottement même dans des eaux tumultueuses.
Le déluge biblique causa une inondation majeure, mais pas nécessairement plus grande que quelques autres déluges du passé. Elle a inondé tout le pays de l’adamah et emporté la maison flottante.
Si l’évènement s’est produit dans le pays de Sumer, il est possible qu’après avoir longtemps dérivé sur les eaux qui recouvraient la vaste plaine immergée de l’adamah et qui ne formaient plus qu’une vaste étendue d’eau avec le golfe persique de plus de 200 kms de largeur dans lequel l’arche a pu dériver à perte de vue, les courants ont pu la ramener à Ur, au pied du massif de l’Ararat, là où l’un de ses fleuves venait se jeter dans le golfe persique.
Il en résulte que l’hypothèse selon laquelle l’adamah, où l’humanité a été créée et qui a été inondée par le déluge, se trouvait dans le pays de Sumer, a de la consistance.
Les mots hébreux «
adam » qui signifie «
rouge » et «
adamah » qui signifie «
terre rouge » ou «
argile rouge » semblent confirmer la référence au pays de Sumer qui est historiquement celui des premières villes de l’antiquité dont la construction a bénéficié de l’une de ses caractéristiques principales : celle d’être une terre où l’argile rouge est abondante. Cette argile dont la cuisson permet la fabrication de briques.
Autant d'indices dans le sens d'un déluge dans le pays de Sumer.