Sur la dette et la crise

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Amfortas
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Re: Sur la dette et la crise

Message non lu par Amfortas » sam. 17 déc. 2011, 22:55

Anonymous a écrit :
Juste pour remettre les choses dans leur contexte, il ne faut pas oublier que l'Allemagne a une influence majeure sur la BCE, et que ce pays a été traumatisé par des périodes d'hyperinflation après chaque guerre mondiale.


Tout à fait, et à l’heure des autoroutes de l’information et de l’informatisation à outrance, est-ce bien sérieux de se laisser épouvanter par les vieilles lunes de la république de Weimar ?

Il y a 20 ans de cela on apprenait encore en cours d’économie qu’un des coûts induits de l’inflation était le réétiquetage des produits, du temps pas si lointain où une vendeuse devait passer avec une étiqueteuse pour afficher les prix sur les produits...

Mais aujourd’hui il est très facile de mettre en place des mécanismes indexatoires sur tous les flux financiers : revenus, rentes, etc... pour compenser les effets inflationnaires et garantir les situations de tout un chacun, avec les outils modernes c’est très facile à faire et le coût est négligeable.

La rhétorique de l’inflation n’est qu’un paravent pour masquer une problématique autrement plus grave : l’accaparement par les marchés financiers du droit régalien de battre monnaie.

Pour un classique, l’argent n’a en soi aucune valeur, il n’est qu’un moyen d’échange : la nourriture est un bien, une consultation médicale est un bien, l’instruction est un bien, le logement est un bien, mais l’argent n’est pas un bien il n’est qu’un moyen d’échange, tout comme des jetons. D’où l’idée classique qu’il faut adapter la masse de monnaie mise en circulation en fonction d’indicateurs réels comme la vitesse moyenne des échanges, c’est la monnaie qui est adaptée à l’économie réelle, et non l’inverse. C’est la grande idée classique de la neutralité de la monnaie : le nombre de jetons mis en circulation doit suivre l’économie réelle. On peut spéculer, mais on ne spécule que sur des biens économiques réels, on ne spécule jamais sur les jetons, c’est à dire sur le moyen d’échange, comme dans un casino, les joueurs spéculent sur la roulette, mais ils ne spéculent pas sur les jetons qui n’ont d’autre fonction que de représenter leurs mises.

D’où l’idée assez logique que cette mise en circulation des jetons revient à la puissance publique : les richesses réelles augmentent, il n’y a plus suffisamment de jetons pour réaliser les échanges, alors l’Etat en rajoute pour que les échanges puissent se faire. C’est toujours un accompagnement de l’économie réelle, de l’huile dans les rouages, jamais un business lucratif. Et si l’Etat injecte trop de jetons, il y a inflation, mais pourvu que l’on mette les mécanismes indexatoires décrits plus haut, cette inflation est neutralisée. Le plus gros risque n’est donc pas l’inflation, facilement neutralisable, le plus gros risque c’est au contraire que les jetons viennent à manquer et que les échanges ne puissent plus se faire, car là c’est la paralysie de l’économie réelle, entraînant paupérisation et autres drames humains.

Or lorsque l’Etat renonce à son droit de battre monnaie et s’endette sur les marchés financiers (le cas actuel), cela signifie deux choses : d’une il n’a plus le pouvoir d’adapter la masse de jetons à l’économie réelle et donc de prévenir les paralysies, puisqu’il ne peut plus mettre de l’huile dans les rouages, de deux les jetons deviennent eux-mêmes monnayables, ce ne sont plus de simples moyens d’échange, ce sont des biens qu’il faut se procurer et en payer le prix : le prix de l’intérêt. C’est extrêmement vicieux en fait : il faut d’abord payer le moyen d’échange pour ensuite pouvoir payer les biens convoités : vous payez deux fois en fait, c’est comme un casino qui dirait à ses clients : « le jeton jaune représentant 100 euros est à 5 euros ».

En fait les producteurs-échangeurs, qui vivent dans le réel, produisent et échangent des réalités, ont tout intérêt à ce que le moyen d’échange n’ait aucun prix, ils ont tout intérêt à ce que l’intérêt tende justement vers 0%, modulo le prix pour produire le papier-monnaie, ils n’ont aucun intérêt à payer deux fois : une première fois pour les jetons, une deuxième fois pour avoir les biens réels.

Par exemple, l’Euro est une monnaie qui a un prix, un prix qui ne cesse d’augmenter avec l’endettement des Etats, celui qui croit avoir dix euros en poche, parce que sur le titre c’est marqué 10 euros, il se trompe, car ces « 10 euros » sont grevés d’un intérêt, d’un prix, allant croissant, pour avoir le jeton à 10 euros il a fallu payer 2, 3, 4... euros. Le pauvre bougre qui travaille toujours autant, qui a toujours les mêmes charges et qui a toujours ses 10 euros en poche, ne comprend pas pourquoi son pouvoir d’achat baisse, parce qu’à son insu on lui facture toujours plus les « jetons de change », et que du coup ses 10 euros nominaux sont transformés en 5 euros réels.
Et toutes les catégories sont affectées : rentiers, salariés...contrairement à l’image colportée au sujet des écureuils allemands engrangeant leurs noisettes, non même les petits rentiers allemands trinquent puisqu’ils paient aussi le prix fort pour être détenteurs d’euros.

Intrinsèquement le système financier actuel est pervers, puisqu’en quelque sorte il taxe la monnaie, ce n’est plus le bien taxé par l’Etat, c’est le moyen d’échange taxé à taux d’usure par des organismes privés. Le système ne tient donc plus que par des petits arrangements entre amis, tant que la collusion politico-financière est encore forte, on peut espérer des rafistolages, comme l’échelonnement de la dette, comme le transfert de la dette d’un Etat à l’autre etc...mais rien qui puisse nous faire revenir à l’économie réelle, à savoir une monnaie neutre, simple moyen d’échange, régulée par la puissance publique, pour être au service de l’économie réelle, simples jetons de change n’ayant qu’une valeur nominale, aucune valeur réelle ou presque...
Un Tel verra comme feu Celui qu'il n'a pas connu comme lumière (St Grégoire Le Théologien)

Renaud
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Re: Sur la dette et la crise

Message non lu par Renaud » mar. 20 déc. 2011, 3:08

Bravo Amfortas! Il y a bien longtemps que je n'était pas revenu sur ce forum Cité Catholique. C'est très encourageant de constater, enfin! la percée manifeste, ici et là dans l'opinion, d'une compréhension lucide et saine des mécanismes monétaires. Les tenants de l' "orthodoxie" monétaire et bancaire, pour "compétents" qu'ils soient (ils n'ont rien vu venir?), mais que représentent leurs compétences dans les dérives, la fraude bancaire légale et généralisée, puis la débacle bancaire non moins généralisée du système financier? Pour compétents qu'ils soient dis-je, les milieux bancaires ont une lourde responsabilité partagée 50/50 avec le monde politique entièrement compromis. J'ai assisté, fin octobre aux Îles de Lérins (juste au large de Cannes) à un colloque avec 6 économistes catholiques de très haut niveau pour une réforme du système bancaire. Mais si les intentions étaient bonnes et les analyses fondées, on y détectait encore un immense écart entre les effets dévastateur du système financier et la prise de conscience par ces professionnels de la banque et de la finance de l'indispensable vraie réforme financière à entreprendre de toute urgence. Il y fut question du Crédit Social qui était une partie des sujets traités, mais il fut rejeté, rejet agrémenté par un avertissement que les propositions du Crédit Social reposeraient sur des bases fausse. Les victimes innombrables du présent sytème financier aprécieront. Car s'il y en a qui sont victimes de la fausseté, c'est bien eux. Si le Crédit Social fut écarté une fois de plus, et cela me désole, mais cela ne m'étonne pas, vu ce qu'il y a encore dans les têtes des financiers. Ils restent abîmés dans la dévotion inconsciente à la priorité et à la primauté de la sacro-sainte rente, et au capitalisme financier tel qu'il est pratiqué actuellement. Le Veau d'or a encore de solides fondations... Il n'y eut d'ailleurs presque pas de débat sur la question traitée par le Crédit Social qui est en parallèle avec toutes les recherches et les créations économiques et sociales saines qui lui correspondent. Pour encore la majorité des banquiers, il y a l'économie de marché et l'on est bien d'accord qu'il faut la réformer, mais il y a la concurrence du "pugilat" commercial, et il y a donc des vainqueurs et des vaincus (les vaincus de toute nature étant statistiquement de plus en plus nombreux, l'actualité parle d'elle-même). Et bien, qu'à cela ne tienne, ce sont les compétiteurs vainqueurs qui représentent, implicitement, le "vrai" en économie et en finances. Voici, dit en très résumé, ce que j'ai constaté dans ce colloque. Il y a du chemin à faire. Cependant, je m'aperçois presque tous les jours que le système bancaire et financier perd visiblement du terrain et est de plus en plus consciemment désocculté. Encore un fois bravo à Amfortas!

Renaud
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Re: Sur la dette et la crise

Message non lu par Renaud » lun. 27 févr. 2012, 0:19

Voici l'une des meilleures leçon d'économie !
Enregistrée en 1962, elle aurait pu l'être la semaine dernière.
Ce sont les questions clé de l'économie contemporaine.
Si le socialisme et le communisme sont et ont été la négation du christianisme, le capitalisme, tel qu'il est pratiqué, est également la même négation du christianisme.
L'actualité est accablante. Les réponses aux questions définies ici par Louis Even (1885-1974) signifieront une réforme financière dans le sens du droit naturel par l'introduction et l'application de la Justice économique et monétaire et la fin de l'usure.
Allons nous nous réveiller?

La dette publique, une absurdité par Louis EVEN (12,5 minutes)

http://www.youtube.com/watch?v=VJCIEsjhK_A

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