Capitalisme et Libéralisme

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Christian
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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Christian » ven. 23 nov. 2007, 14:07

Ave Miles Christi,

Gratia litterae tuae argumentisque. In Liverpudlium ego inter vicensimus primus et vicencimus quintus novembris. Misere me. Sed respondebo ut celeriter quam possibile cum redibo in Londinium.
:p

Vale
Christianus

MB
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Parenthèse

Message non lu par MB » lun. 26 nov. 2007, 1:22

Miles Christi a écrit : La vitrine du libéralisme réel, je ne parle pas de celui qui traverse la cervelle des doux rêveurs, est bien sûr une vitrine anglo-saxonne dans laquelle on peut apercevoir un Etat super puissant, un Etat justicier, policier et militaire, violant n’importe quel principe lorsqu’il estime les intérêts américains menacés, dissimulant l’information, pratiquant la désinformation (exemple : le coup des armes de destruction massive en Irak), faisant des guerres préventives et contrevenant ainsi au droit international, bafouant le principe naturel de guerre juste, imposant son modèle démocratique par la force etc... La liste est longue, mais que feraient les businessmen s’ils n’avaient que leur liberté sans la puissance de l’Etat US? Ils seraient moins riches très certainement...

Il reste à espérer que les libéraux vont nous épargner le coup du « mais le libéralisme ce n’est pas cela ! » de même que les intellectuels rouges se refusaient à identifier le communisme avec le sort de l’URSS, lorsqu’ils avaient enfin fini par comprendre la véritable nature du paradis rouge sur terre.
Bonsoir MC !

La réponse est pourtant simple...
Tous les Etats qui ont un peu de puissance et un peu d'ambition, libéraux ou pas, se comportent d'une manière agressive et impériale : et si c'est le cas des Etats-Unis, c'est aussi celui de la Chine ou de la Russie, sans parler de l'URSS il y a quelques années. Ces pays n'ont pas en commun le libéralisme, ayez l'honnêteté de le remarquer.
Par conséquent, si les Etats-Unis se comportent de la façon que vous dénoncez, en aucun cas celle-ci ne saurait être imputable au libéralisme qu'on y trouve.

Il faut voir les choses par degrés. Par certains côtés, les E-U sont très libéraux, beaucoup plus que nous ; par d'autres, ils le sont moins, ou pas tant qu'on le croit (peine de mort ; nombreuses réglementations locales, parfois beaucoup plus absurdes que chez nous ; impôts locaux - ceux des Etats - parfois très, très lourds : tout cela, on ne le voit pas parce que cela ne se fait pas au niveau fédéral). En Europe, l'Angleterre est plus libérale que la France, mais moins par d'autres côtés (droit spécial pour les nobles). La Suède est moins libérale que la France du point de vue fiscal (on y paie plus d'impôts, et les gens y sont monstrueusement gavés d'allocs en tout genre), mais d'un autre côté l'Etat est beaucoup moins interventionniste que chez nous.
Il y a donc effectivement des comportements répréhensibles, menés par des Etats libéraux, qui n'ont rien à voir avec le libéralisme.

Je pourrais d'ailleurs vous retourner l'argument, à la manière d'un anticlérical : "Louis XIV a beaucoup fait la guerre, et uniquement pour des histoires de géopolitique. Or Louis XIV était le roi très-chrétien. Donc le christianisme consiste à faire la guerre". Accepteriez-vous qu'on vous balance cela ?
Pour le communisme, que vous avez mentionné, l'argumentation est simple aussi, mais là on passerait vraiment hors-sujet.

Fraternellement
MB

Christian
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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Christian » mar. 27 nov. 2007, 14:11

Bonjour MB
:)
Tous les Etats qui ont un peu de puissance et un peu d'ambition, libéraux ou pas, se comportent d'une manière agressive et impériale : et si c'est le cas des Etats-Unis, c'est aussi celui de la Chine ou de la Russie, sans parler de l'URSS il y a quelques années. Ces pays n'ont pas en commun le libéralisme, ayez l'honnêteté de le remarquer.
Par conséquent, si les Etats-Unis se comportent de la façon que vous dénoncez, en aucun cas celle-ci ne saurait être imputable au libéralisme qu'on y trouve.
Très juste remarque

Bien cordialement
Christian

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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Christian » mar. 27 nov. 2007, 14:27

Bonjour Miles Christi,

et merci pour cette stimulante conversation. J’étais en voyage, comme je l’ai indiqué ci-dessus dans mon latin de cuisine (bien moins élégant que celui de votre nom et signature), et je ne reprends que ce matin le chemin de ce forum.
si en droit l’homme est propriétaire de lui-même avant d’être libre alors il a le droit d’aliéner son corps, son âme, sa liberté, mais du même coup il cesse d’être libre.
J’avais déjà réfuté cet argument dans mon précédent article et sa reformulation ici ne me convainc pas plus que l’original. L’expérience de la liberté consiste à s’engager dans une direction, et donc à exclure les autres.

En entrant dans un monastère, je choisis librement une vie cloîtrée plutôt qu’une autre peuplée, par exemple, de voyages et d’aventures sexuelles. En donnant mon argent aux pauvres, je m’en sépare selon mon désir, qui est d’aider mon prochain plutôt que d’acquérir tel ou tel objet. Et de même, je peux offrir ma vie pour une cause (parce qu’il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime). Ces dons de mes voyages, de ma sexualité, de mon argent et de mon corps, loin d’être une privation de ma liberté, en sont l’expression la plus forte.

Mon enfermement dans la même Trappe, la privation de la même somme de monnaie, la mort sur le même champ de bataille, seraient les aliénations que vous dites si elles m’étaient imposées par ma famille, des bandits ou une conscription militaire. Mais dans ces cas-là, je cesserais justement d’exercer la propriété de moi-même.

La liberté n’est rien d’autre qu’une succession d’engagements. Tout le reste de votre démonstration chavire sur cet écueil.
il est plus difficile d’aimer son prochain que de s’abstenir de ne pas le tuer. Ainsi, et étant donné la médiocrité de l’humanité, le Droit de la cité sera le Droit des médiocres, c'est-à-dire formé par un contenu moral minimum, le contenu moral expurgé de toutes ses prescriptions, l’ensemble des points non négociables dont la transgression signifierait la négation de l’humanité. L’homme aux écus d’or aura donc le droit de passer tous les matins devant un mendiant à l’agonie (son prochain), sans bourse délier, mais il n’aura pas le droit de le tuer, même si il estime que c’est un parasite. Ainsi s’ouvre un espace pour la charité et le mérite, puisque le devoir envers le prochain n’est pas contraint et forcé.
Ouvrir un espace pour la charité et le mérite n’est pas si mal, non ?

Libre à vous de considérer que le Droit de la cité sera celui des médiocres, mais ils ne cesseront pas d’être médiocres pour être embrigadés, taxés, et contraints de se conformer à l’ordre moral de leurs maîtres.

Comment sort-on de la médiocrité, par l’éducation ou par l’assujettissement ?
:?:
Il me semble qu’il y a une distinction très importante à faire entre la reconnaissance d’un droit et la tolérance d’un abus, par exemple la position de Saint Augustin sur la prostitution qui n’est nullement la reconnaissance d’un droit à la prostitution, mais la tolérance d’un moindre mal.
Grand ou petit, un mal est un mal, et il n’y a aucune tolérance à avoir pour le mal. Seulement condamner moralement une action n’implique pas nécessairement son interdiction. Voilà la différence entre la morale et le Droit. Le Droit (de propriété) trace une frontière objective, lisible et infranchissable entre le permis et l’interdit. La politique du « moindre mal » que vous acceptez verse dans le relativisme.

Si la prostitution est un moindre mal, la légalisation des drogues l’est aussi (elle retire ce marché au monopole de la mafia) ; l’avortement libre est un moindre mal (c’est même l’argument de ses défenseurs qui ne disent nullement qu’avorter est une bonne chose en soi) ; l’euthanasie, l’eugénisme, voire la guerre, sont des moindres maux.

Où placez-vous le curseur ? Selon quel critère ? A la différence des libéraux, vous n’en avez point.
Christian :
j’exhorterais mes enfants à ne pas aller à la guerre. S’ils considèrent pourtant que la défense de la patrie, de la chrétienté ou d’une telle noble cause justifient la mutilation de leur corps et le sacrifice de leur vie, c’est leur choix de propriétaire. Je ne crois pas que le ‘droit naturel’ que vous évoquez interdise cette aliénation.
MC :
Ce n’est pas le choix du propriétaire mais le libre exercice de la volonté de celui qui possède son corps.
Votre « mais » n’est pas de mise. Le choix du propriétaire est le libre exercice de sa volonté.

Toute autre lecture serait une contradiction dans les termes.
Christian :
Oui, la propriété s’acquiert. Il existe un premier propriétaire : le premier occupant ou le premier fabriquant. Qui d’autre aurait un meilleur titre que lui ? Celui qui n’a pas fabriqué l’objet ? celui qui est arrivé après le premier installé sur une terre vierge ?
MC :
Concernant le droit d’occupation primitive Ciceron faisait remarquer la chose suivante : lorsque le théâtre n’est pas encore rempli, les spectateurs peuvent prendre leurs aises et s’étaler de tout leur long, même occuper trois places si cela leur chante, mais lorsque les autres spectateurs arrivent, tout le monde se serre pour que chacun ait une place. Le droit de possession n’est donc pas exclusif du droit de possession de l’autre, sinon ce n’est plus un droit.
Votre exemple cicéronien contredit votre thèse. La place de théâtre n’est pas une « occupation primitive » d’un res nullius, d’une chose qui n’appartiendrait à personne, puisque le théâtre est évidemment la propriété de quelqu’un.

Mais là ne s’arrête pas la contradiction. Les spectateurs se poussent, dites-vous, pour laisser la place aux nouveaux venus. Mais s’il n’y a plus de places libres, les retardataires délogent-ils ceux qui sont déjà installés ?
:?:
Je vous laisse répondre.

Votre réponse m’intéresse car elle éclairera l’énigmatique déclaration : « Le droit de possession n’est donc pas exclusif du droit de possession de l’autre, sinon ce n’est plus un droit. »

La vertu du droit, au contraire, est d’être exclusive. Le droit lève les ambigüités. L’innocent n’est pas coupable. Tout ce qui n’est pas interdit est permis. Si Pierre possède un bien, Paul en est exclu. Si dire le droit n’exclut pas toute alternative, le droit ne sert à rien.

Vous achetez au propriétaire du théâtre le droit d’assister au spectacle dans le fauteuil 51, précisément pour que tout autre individu soit exclu de cette place pendant la durée dudit spectacle. Non ?
Imaginez Robinson tout seul sur son île plantant son drapeau de propriétaire, édifiant des remparts tout autour et rejetant Vendredi à la mer, sous prétexte qu’il a violé sa propriété. Osez donc soutenir que Robinson a naturellement le droit d’agir ainsi et allez donc soutenir la cause des indiens d’Amérique du Nord pour qu’ils recouvrent « leurs propriétés ».
Robinson, bien entendu, a le droit d’exclure Vendredi de sa propriété, même si cet acte est si moralement ignoble dans les circonstances que vous décrivez qu’on imagine peu de gens l’imiter. Sauf les hommes de l’Etat, bien sûr. Les millions de moribonds, affamés, réprouvés, persécutés de par le monde n’ont aucune chance de franchir les remparts bureaucratiques édifiés autour de l’ilot ‘France’.

Qu’en pensez-vous ? Faut-il laisser les malheureux mourir sur place comme décide votre Robinson, ou les accueillir sans réserve dans nos propriétés ?
Quant à la transmission de propriété, envisagez le cas suivant : admettons que deux femmes rescapées d’un naufrage arrivent sur l’île, deux pour que la moralité soit sauve : Robinson se marie avec l’une d’entre elle et Vendredi avec l’autre. Au départ chacun dispose de la même parcelle : une moitié d’île pour chaque. Mais disons que Robinson est issu d’une culture hédoniste qui dénigre la fécondité alors que Vendredi est issu d’une culture traditionnelle qui voit dans chaque nouveau né comme un don du ciel. Au bout d’un certain nombre de générations on arrive donc au résultat suivant : sur la moitié de l’île appartenant primitivement à Robinson il n’y a plus qu’un seul de ses descendants et il a hérité de toute la moitié de l’île, sur l’autre moitié il y a des millions de descendants de Vendredi qui s’entassent les uns sur les autres et qui auraient un besoin vital d’exploiter de nouvelles terres. Et vous croyez encore que le droit de propriété héritée est un droit naturel que l’unique descendant de Robinson peut faire valoir contre le véritable droit naturel (posséder de l’espace et manger) de millions d’individus ?
Vous faites preuve d’une belle imagination pour inventer des cas étonnants. Mais le marché économique en a déjà résolu de semblables. Que diront les millions descendants de Vendredi au solitaire rejeton de Robinson ? quelque chose comme ça : « Nous sommes nombreux, donc plus inventifs que toi tout seul. Tu as besoin de toutes ces choses que produit la division du travail : herbes médicinales, outils, canot, meubles, vêtements, sans compter les œuvres d’art et la culture, les douceurs de l’amitié, l’amour d’une femme. Bref, combien vaut ta parcelle, qu’on fasse des échanges ? ».

Christian :
Le capitalisme ne s’est pas développé à l’origine dans les pays où l’Etat était fort (la France et l’Espagne des monarchies absolues, la Russie tsariste…), mais au contraire sous ces régimes divisés en eux-mêmes, aux contrepouvoirs solidement établis, en Angleterre, aux Pays-Bas, puis aux Etats-Unis…
MC :
chercheriez-vous à nous faire croire que l’Etat américain n’est pas un Etat fort ?
Fort, il l’est devenu, hélas. Il ne l’était pas à l’origine, c’est pourquoi le capitalisme a pu se développer aux Etats-Unis. C’était le sens de ma phrase.

Mais vous avez raison. Aux Etats-Unis comme dans le reste du monde, une oligarchie longtemps a fait appel aux hommes de l’Etat pour protéger ses intérêts. L’intérêt de la mondialisation est de saper ces collusions. L’Etat français ne peut plus protéger les riches français de leurs concurrents étrangers, et inversement. Jetés dans le bain, les riches apprennent à se passer des Etats ; ils cessent donc de les financer, comme on le fait de larbins inutiles, ce qui reporte la pression fiscale sur les classes moyennes et diminue les services rendus, ce qui détache à son tour cette classe moyenne de sa dépendance à l’Etat, et ainsi de suite dans un cercle vertueux.
votre « Droit » est inexistant à l’état naturel, alors qui le formule et le promulgue ?
[…]
L’Etat est l’organe de pouvoir d’une communauté. Une communauté peut-elle se passer d’un organe de pouvoir ? Oui dans le cas d’une communauté réduite à un couple ou un singleton, ou encore dans le cas d’une communauté de Saints. Vous pouvez même dire que l’Etat est l’ensemble des organes de pouvoir d’une communauté et que par exemple l’un de ses organes est une cour constitutionnelle, séparée de l’exécutif et gardienne du droit, mais cela ne change strictement rien au fait que cela reste un organe de pouvoir.
Il se trouve que j’ai été un peu dans les affaires.

Quel va être « l’organe de pouvoir » de la communauté que forment une entreprise chinoise et une entreprise française traitant d’un contrat commercial ? Les Français, bien sûr, vont exiger que le for juridique soit à Paris et loi française applicable. Nos amis chinois vont répliquer : « Nenni. Shanghai, et la loi chinoise ». Résultat : les parties vont s’en remettre à l’arbitrage de la Chambre de Commerce de Genève, ou celle de Stockholm, etc., et pour toutes les clauses non spécifiquement prévues par le contrat, elles décideront que la loi anglaise, par exemple, sera applicable.

Ce sont les parties qui formulent le droit, leur consentement qui lui confère sa légitimité, et un organisme privé qu’elles ont choisi qui tranche les différends.

Chaque jour, des dizaines d’entreprises grandes et petites signent des contrats en dehors de toute juridiction étatique et contournent leur propre législation. Voilà l’exemple qu’elles nous donnent.

Lequel est à suivre. Comme cet article.

Christian

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Miles Christi
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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Miles Christi » mer. 28 nov. 2007, 1:10

MB a écrit :
Bonsoir MC !

La réponse est pourtant simple...
Tous les Etats qui ont un peu de puissance et un peu d'ambition, libéraux ou pas, se comportent d'une manière agressive et impériale : et si c'est le cas des Etats-Unis, c'est aussi celui de la Chine ou de la Russie, sans parler de l'URSS il y a quelques années. Ces pays n'ont pas en commun le libéralisme, ayez l'honnêteté de le remarquer.
Par conséquent, si les Etats-Unis se comportent de la façon que vous dénoncez, en aucun cas celle-ci ne saurait être imputable au libéralisme qu'on y trouve.
De même que le bon communiste bien naïf pouvait dire jadis: « Par conséquent si l’URSS se comporte de la façon que vous dénoncez, en aucun cas celle-ci ne saurait être imputable au communisme qu’on y trouve ». Ce qui bien entendu est faux car la société communiste a pour condition de réalisation le socialisme, qui fondamentalement signifie la subversion de l’Etat bourgeois, qui d’instrument d’oppression du prolétariat devient l’arme de destruction de la classe bourgeoise. L’Etat ne perd sa raison d’être qu’une fois la classe bourgeoise anéantie. Donc les purges staliniennes et toutes les autres formes d’élimination physique, déjà envisagées de façon prémonitoire par Lénine dans ses écrits théoriques, s’inscrivent bien dans la marche vers la société communiste : qui veut la fin veut aussi les moyens.

A dire vrai la véritable démarche communiste est marxiste, donc systématique : elle s’inscrit dans un Système et l’Etat est un élément clef du Système. Ici le fonctionnement du Système est dialectique et global. Et je vais m’employer à montrer que le libéralisme est lui aussi un Système comprenant l’Etat, et que le rôle de l’Etat dans ce Système est encore plus important que dans le Système marxiste, car ce Système là ne sacrifiera jamais l’Etat (des Etats oui, l’Etat non), et surtout pas dans sa phase finale correspondant à une unique société libéralisée et mondialisée, mais que contrairement au Système marxiste le fonctionnement du Système libéral est polycentrique et local et que donc il s’interdit de penser sa globalité et de maîtriser ses contradictions internes, comme par exemple le fait que l’Etat qu’il haït tant lui est structurellement et constamment indispensable. Il ne faut donc pas s’étonner de l’absence de grands penseurs au sein du courant libéral, ni de l’omniprésence de ces âmes de boutiquiers et d’affairistes qui ne cherchent pas à établir la vérité mais à vivre le mieux possible dans l’illusion: comment faire passer une tuerie pour un acte de libération, comment faire passer un suicide démographique pour une aubaine, comment faire passer l’immigration et la paupérisation de la classe moyenne comme une chance, comment faire passer l’abrutissement des masses comme une plus grande ouverture d’esprit etc…il faut sauver les apparences.


Avant de développer je vais répondre à certaines de vos objections, ce qui me permettra de préciser certains points.
MB a écrit :
Il faut voir les choses par degrés. Par certains côtés, les E-U sont très libéraux, beaucoup plus que nous ; par d'autres, ils le sont moins, ou pas tant qu'on le croit (peine de mort ; nombreuses réglementations locales, parfois beaucoup plus absurdes que chez nous ; impôts locaux - ceux des Etats - parfois très, très lourds : tout cela, on ne le voit pas parce que cela ne se fait pas au niveau fédéral). En Europe, l'Angleterre est plus libérale que la France, mais moins par d'autres côtés (droit spécial pour les nobles). La Suède est moins libérale que la France du point de vue fiscal (on y paie plus d'impôts, et les gens y sont monstrueusement gavés d'allocs en tout genre), mais d'un autre côté l'Etat est beaucoup moins interventionniste que chez nous.
Il y a donc effectivement des comportements répréhensibles, menés par des Etats libéraux, qui n'ont rien à voir avec le libéralisme.

L’Etat libéral n’est pas nécessairement l’Etat qui adopte un comportement libéral, c’est l’Etat au service du Système libéral. Si le Système est menacé il interviendra : allocation de fonds publics pour soutenir les compagnies aériennes, déblocage des réserves stratégiques de pétrole pour donner du mou au marché, soutien de la CIA aux Talibans pour contrer le régime soviétique de Kaboul, manipulations et incidents dans le Golfe du Tonkin pour prendre pied au Vietnam et éviter ainsi que les « dominos » ne tombent en cascade, exfiltration des scientifiques allemands, notamment du SS Sturmbannführer von Braun devenant responsable des programmes spatiaux etc…

Etre au service d’une cause ne veut pas dire forcément que cette cause exerce son exemplarité sur les causes efficientes qui y conduisent. Le sculpteur, cause efficiente de la sculpture qu’il est en train de sculpter, ne ressemble pas forcément au modèle qu’il a choisi comme cause exemplaire. De même Adolf Hitler n’avait rien de l’aryen blond et lumineux, Lénine n’avait rien du prolétaire opprimé. Mais il faut distinguer la cause efficiente de la cause exemplaire.

MB a écrit :
Je pourrais d'ailleurs vous retourner l'argument, à la manière d'un anticlérical : "Louis XIV a beaucoup fait la guerre, et uniquement pour des histoires de géopolitique. Or Louis XIV était le roi très-chrétien. Donc le christianisme consiste à faire la guerre". Accepteriez-vous qu'on vous balance cela ?

Vous pouvez même citer Philippe le Bel, qui si je me souviens bien fut le premier à banaliser l’usage du titre de « Roi Très Chrétien » et à se faire représenter avec l’inscription R.T.C. Ironie de l’histoire ce fut lui qui dépêcha son garde des sceaux Guillaume de Nogaret à Anagni pour gifler le Pape, attentat dont ce dernier ne devait jamais se remettre et qui entraîna sa mort quelque temps après.

Mais ce sont des exemples où manifestement la cause chrétienne est desservie par l’Etat chrétien. Par conséquent vous n’avez pas retourné mon argument, car mon argument n’est pas de dire que les Etats libéraux ou se prétendant tels desservent la cause libérale, mais de dire au contraire qu’objectivement ils la servent. Par contre si vous me citez le cas des guerres de Charlemagne en Frise et en Saxe, alors là vous me retournez vraiment l’argument, car ici le fer et le sang ont précédé les conversions, moyens peu chrétiens il faut bien l’admettre, mais la chrétienté s’est étendue.

Alors à ce moment-là je vous réponds que le mal fait par les armées de Charlemagne est bien un mal, mais que Dieu a tiré un bien de ce mal : l’extension de la chrétienté. Et que par conséquent il ne faut pas louer Charlemagne et ses Leudes pour le mal qu’ils ont fait mais les louer en tant qu’instruments providentiels au service de la cause chrétienne.

C’est vrai que se prendre un coup de francisque sur la tête cela fait mal, mais une fois le coup passé, rien n’empêche, plutôt que de réagir de manière pavlovienne et épidermique, de s’intéresser à l’envahisseur franc, à son histoire, à ses croyances et de fil en aiguille d’embrasser la vraie foi. C’est même je dirais le propre des populations éclairées de reconnaître la supériorité civilisationelle de leurs envahisseurs, quand il y a supériorité.

Donc maintenant je développe sur l’Etat libéral, éventuellement interventionniste dans les faits pour les besoins de la cause, mais toujours au service de la cause libérale. Pour saisir cela il faut comprendre la genèse et l’évolution dynamique du Système. Je reprends l’exemple de Robinson et Vendredi sur leurs îles avec les hypothèses suivantes : Robinson a une âme de concepteur, de bâtisseur, il est astucieux, ingénieux, il sait construire des puits, des ponts, des maisons…par contre c’est un piètre chasseur. En revanche Vendredi est un très bon chasseur-cueilleur mais il est incapable de construire quoi que ce soit. Les inégalités naturelles préfigurent donc l’organisation du système d’échange fondé sur la division du travail. Les deux compères conviennent donc que Vendredi fournira deux sangliers par semaine contre un travail de construction ou de maintenance fourni par Robinson. Chacun se dépossède donc d’une partie du bien qu’il sait produire pour obtenir le bien équivalent qu’il ne sait pas produire, mais que l’autre sait produire. Dans ce système la cadence de l’échange et les quantités échangées sont réglées par la productivité la plus faible : Robinson est peut-être capable de construire 10 fois plus vite et de produire 10 fois plus que Vendredi, pour autant il ne lui sert de rien de tourner à plein régime, puisque Vendredi ne peut pas suivre, sauf bien sûr pour son usage personnel, et peut-être d’ailleurs souhaite t-il employer son temps à une autre activité que la production. Nous avons donc là une société composée de deux associés vivant de l’échange.

Sur ce, voilà que débarque Hercule, une force de la nature, capable d’assommer un bœuf à mains nues. Tout naturellement l’association va s’agrandir et Hercule va être intégré à la société, car rappelons-le l’homme est un animal social ou politique, dixit Aristote, c’est dans la nature humaine, n’en déplaise à Hobbes et à sa vision lupine (ou lycantropique) de l’homme.

Au départ l’harmonie règne : Hercule remplit la fonction de cultivateur et fournit en fruits et légumes Robinson et Vendredi, Vendredi n’ayant plus la cueillette des fruits sauvages à faire il peut donc désormais consacrer ce temps à chasser pour Hercule. Je dis que globalement l’harmonie règne, même si Vendredi éprouve de l’envie envers Robinson qui peut obtenir de plus grandes quantités de fruits que lui car il est plus productif et parce que Hercule peut répondre à la demande. (donc en contrepartie Hercule reçoit aussi plus de la part de Robinson). Mais cela découle d’inégalités naturelles, qui d’ailleurs renforcent l’association, puisque chacun a besoin de l’autre. Et puis rien n’empêche le partage ou le don des gains de productivité en dehors du système d’échange proprement dit. Le système d’échange est juste, chacun fait et obtient en fonction de ses capacités et des capacités de l’autre.

Mais voilà qu’une idée diabolique vient de germer dans l’esprit de Robinson qui a décidé de s’adonner aux plaisirs de la bouffe: « Hercule peut encore accroître sa productivité et il sait chasser, par conséquent il pourrait me fournir 10 fois plus de sangliers et 10 fois plus rapidement que Vendredi ». C’est l’avènement de l’idée de concurrence.

Si l’appétit de glouton de Robinson l’emporte sur sa socialité et si Hercule est d’accord pour marcher avec lui alors la société va se disloquer: Hercule et Robinson vont continuer d’échanger entre eux, de plus grosses quantités et plus rapidement, les nouveaux échanges bilatéraux seront plus efficaces, mais Vendredi se retrouvera tout seul, exclu du système d’échange. Le Système aura éliminé un élément inadapté, le maillon faible en quelque sorte, le poids mort.

La question de droit qui se pose : Hercule et Robinson ont-ils le droit de contracter entre eux si leur nouveau contrat implique l’élimination d’un membre de l’association? En droit naturel bien sûr que non, Vendredi du fait de sa nature humaine a le droit de vivre dans la société des hommes, le contrat passé entre Robinson et Hercule est nul et non avenu du fait même de son caractère attentatoire aux droits (vitaux) d’un des associés et par voie de conséquence à la société toute entière.

En droit libéral : c’est là où nous allons assister à un véritable coup de force assorti d’une nième contradiction. En principe le libéralisme est censé défendre les droits de l’individu face à la meute sociale, face au groupe, donc le droit libéral devrait être favorable à Vendredi. Eh bien pas du tout, le droit libéral avalise le contrat opportuniste, antisocial, contre-nature et criminel (puisque en excluant Vendredi du système d’échange il le prive de biens et de services vitaux) scellé entre les deux prédateurs sociaux. En droit libéral la vie d’un homme compte moins que les gains de productivité et les nouveaux besoins qu’ils permettent de satisfaire. D’ailleurs à ce sujet je ferai remarquer que dans notre « brillantissime » société brûler un billet de banque est punissable par la « loi », et que tuer l’embryon humain est remboursé par la sécurité sociale, et après les discours tenus par Sarkozy, notamment ceux au côté de Simone Veil, il n’y a plus aucun doute quant à savoir où sont les valeurs de la droite libérale.

C’est très clairement de l’injustice et du non-droit et c’est la base du libéralisme. Mais cette injustice peut encore s’aggraver si le capitalisme vient se greffer dessus.

En effet jusqu'à présent nous n’avons parlé que de l’échange, mais supposons que Robinson et Hercule souhaitent également s’approprier toute la terre pour faciliter leur business, il vont alors trouver Vendredi et comme ce dernier a été exclu du système d’échange (les économistes libéraux préfèrent dire « éviction du marché », cela fait plus chic et c’est politiquement correct...) et qu’il a un besoin vital des fruits et légumes d’Hercule et des talents d’architecte de Robinson parce que sa bicoque prend l’eau et que bientôt le cyclone approche, il ne peut qu’accepter leurs conditions : il leur vend la terre qu’il possède et il en devient le locataire. Le problème c’est qu’il lui faut payer un loyer, et donc après avoir épuisé ses réserves, puisqu’il a été exclu du système d’échange, il ne disposera plus d’aucun moyen de financement pour payer son loyer, à dire vrai il n’a même pas de réserve puisque les produits de sa chasse n’intéressent plus personne étant donné que Hercule inonde déjà le marché jusqu'à saturation. Et cela se finit par l’expulsion manu militari de Vendredi par Hercule, qui le jette à la mer. Effectivement Vendredi ne servait plus à rien, n’échangeant plus rien et ne possédant plus rien.

Vous pouvez m’objecter que la société ne se réduit pas à l’échange économique, à la possession et à la propriété, certes mais dans ces conditions cela devient difficile de rétablir le lien social : si par exemple la société française dit à un français : « je ne te veux plus dans mon économie, je ne te veux plus sur ma terre » ce sera difficile de rattraper le coup et de faire crier « Vive la France » au bonhomme.


Par la suite le Système va mettre en place des stratégies plus complexes, mais cela ne doit pas faire oublier que le premier acte fondateur du libéralisme est un déni de droit. Ensuite, par exemple, si la masse des inadaptés au système commence à grossir de façon inquiétante et qu’elle menace les intérêts du Système, le Système va lâcher quelques miettes pour les calmer, le Système ne change pas de cap, mais avec l’expérience acquise il se régule : il ne faut pas qu’il élimine trop d’inadaptés d’un seul coup parce que cela pourrait devenir dangereux pour lui, il ne faut pas non plus qu’il n’en élimine aucun sans quoi c’est la baisse de régime, et de préférence il faut faire passer l’élimination des inadaptés pour un progrès. C’est un peu comme le réglage de la vitesse d’éjection des gaz brûlés d’un moteur de fusée.

Je précise que ce sont les libéraux eux-mêmes qui ont choisi l’approche systémique, comme soi-disante justification scientifique (avec les théories micro-économiques) de la supériorité du libéralisme. Voir à ce sujet les calculs de complexité de Polanyi. Pour faire simple disons que Polanyi au terme de ses calculs arrive à la conclusion qu’il vaut mieux laisser au paysan le soin de réguler sa production lui-même, selon les informations locales dont il dispose, plutôt que de faire remonter les informations d’échelons administratifs en échelons administratifs jusqu’au sommet de l’Etat, d’attendre que l’Etat traite l’information, sorte un plain quinquennal et fasse redescendre ses directives jusqu’au niveau local, et pendant ce temps-là toute la population crève de faim en attendant la décision...

C’est là d’ailleurs la seule victoire clairement établie du libéralisme, la victoire sur l’économie bureaucratisée et planifiée des soviétiques. Tous les autres résultats de micro-économie sont sujets à caution, indéterminés et nécessitent la discussion des hypothèses de départ ou l’adjonction d’hypothèses supplémentaires.

Ils ont eu raison contre l’économie soviétique, à retenir car c’est certainement la seule fois où ils ont eu raison.

Si l’on s’en tient à l’aspect régulation et ajustement local de la production l’Etat est en effet superflu.

Mais il reste l’aspect élimination des inadaptés, et là encore ce sont les libéraux eux-mêmes qui nous en parlent, comme Hayek, en se vantant même d’avoir dépassé Darwin dans la mesure où ils introduisent dans leur évolutionnisme un filtrage de groupe. Parce que voilà ce qui gênait les libéraux (probablement un résidu de scrupule moral) c’était l’impossibilité de parvenir à une société altruiste avec une sélection naturelle ne dépendant que des réponses individuelles plus ou moins adaptées au milieu. Donc comme parade ils on trouvé le filtrage de groupe : celui que le groupe apprécie et conserve ce n’est pas forcément le meilleur chasseur, mais celui qui lors de la partie de chasse reste fidèle à son poste, et sur lequel le groupe peut compter, alors que le meilleur chasseur peut avoir tendance à faire cavalier seul. Pour être tout à fait exact ils parlent de filtrage comportemental, laissant ainsi une chance à l’inadapté de se mettre au diapason du groupe. Et c’est ainsi que le libéralisme récupère le christianisme, l’intègre dans le Système, expliquant que le christianisme a été retenu parce qu’il opposerait la bénéfique liberté et responsabilité individuelle à l’Etat, à César (voir le verset qu’ils citent à tort et à travers), mais c’est pour mieux le rejeter par la suite, puisque l’amour du lointain du libéral doit primer sur l’amour du prochain (sinon il n’y a jamais extension du marché).

Tout ça pour dire que les libéraux parlent eux-mêmes de leur Système et de son adaptabilité sans aucune vergogne.

Venons en à l’intégration de l’Etat dans le Système. L’Etat ne devient un enjeu pour le Système qu’à partir du moment où les inadaptés sont en mesure de s’en emparer. Car si les inadaptés s’en emparent ils vont faire payer au Système le prix du déni de droit initial dont ils ont été victimes (redistribution des richesses), voire-même le détruire purement et simplement (cas d’une dictature marxiste). Donc les prédateurs sociaux font tout pour s’assurer de leur main mise sur l’Etat, rien d’étonnant par exemple à ce que les hommes d’affaires traînent dans les allées du pouvoir et même envoient les leurs au pouvoir, on voit rarement des smicards aux affaires, pourtant cela n’aurait rien d’étonnant, en tout cas pour Platon, qui ne juge des gouvernants que sur leur maîtrise de la science et de l’art de gouverner et qui explique même pourquoi ils devraient être privés de ressources leur appartenant en propre.

Si jamais l’Etat échappe au Système, alors le Système va au devant de graves difficultés, car il y a trop de contentieux et de dénis de droit entre les prédateurs sociaux et les inadaptés pour qu’il n’y ait pas un clash.

Le Système doit donc utiliser l’Etat pour que celui-ci garantisse le droit à la prédation et nier ainsi les droits sociaux et vitaux des inadaptés.

Vous allez peut-être me dire : « mais le monde est vaste, que les inadaptés aillent voir ailleurs et s’intègrent dans une autre société avec un autre Etat ». A une époque cela aurait été encore possible, mais si vous écoutez la rengaine actuelle vous entendrez ceci « c’est partout pareil alors à quoi bon bouger ! » Et il est vrai que nous sommes entrés dans une phase d’uniformisation, car le Système a déjà réagi vis-à-vis des dangers extérieurs qui le menaçaient et il a parfaitement intégré le fait qu’il ne peut plus désormais laisser subsister des inadaptés hors de lui, il faut qu’il soit partout. Ce qui veut dire que l’étau se resserre autour des exclus du système.

La question d’un Etat mondial gardien d’une communauté planétaire libérale et capitaliste, parachèvement de l’évolution du Système, se pose donc bel et bien sachant qu’aujourd’hui l’Etat du Système est l’Etat US et que les Etats-nations européens ne pèsent plus rien face à lui:

http://www.dailymotion.com/relevance/se ... rika_sport

Pour finir je dirais qu’aujourd’hui les plus adaptés (provisoirement) au Système sont

- ceux qui se refusent à penser la globalité, qui se conforment bien sagement à leur rôle de « price takers » soumis à la loi du marché et bornés localement, (il faut toujours se rappeler que la main invisible ou l’ordre auto-organisé traduit chez le libéral une limitation épistémologique, « la meilleure organisation sociale possible est trop complexe pour être pensée par la raison dans sa globalité », d’où l’absence de véritable pensée politique chez les libéraux,

- et ceux qui travaillent activement pour les US, trahissant allègrement leur pays, quoique l’on puisse se demander si il n’a jamais été leur pays :

Dans l’ouvrage d’Eric Branca et Arnaud Folch, Le mystère Villiers, on peut lire la confidence de Nicolas Sarkozy à Philippe de Villiers : « Les deux hommes, qui se tutoient, n’ont jamais été intimes. Leur dernier déjeuner commun remonte à 1999, peu après les européennes où la liste Pasqua-Villiers avait devancé celle du duo Sarkozy-Madelin. Alors en pleine traversée du désert, le député-maire de Neuilly avait eu cette phrase, à l’adresse du Vendéen – qui n’est pas prêt de l’oublier : « Tu as de la chance, Philippe, toi tu aimes la France, son histoire, ses paysages. Moi, tout cela me laisse froid. Je ne m’intéresse qu’à l’avenir … »


In cruce salus. In cruce vita. In cruce protectio ab hostibus. In cruce robur mentis. In cruce gaudium spiritus. In cruce virtus summa. In cruce perfectio sanctitatis. Non est salus animae, nec spes æternæ vitæ, nisi in cruce. Tolle ergo crucem et sequere Jesum, et ibis in vitam æternam.


Christian
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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Christian » mer. 28 nov. 2007, 12:14

Bonjour Miles Christi,
MB :Tous les Etats qui ont un peu de puissance et un peu d'ambition, libéraux ou pas, se comportent d'une manière agressive et impériale : et si c'est le cas des Etats-Unis, c'est aussi celui de la Chine ou de la Russie, sans parler de l'URSS il y a quelques années. Ces pays n'ont pas en commun le libéralisme, ayez l'honnêteté de le remarquer.
MC :
De même que le bon communiste bien naïf pouvait dire jadis: « Par conséquent si l’URSS se comporte de la façon que vous dénoncez, en aucun cas celle-ci ne saurait être imputable au communisme qu’on y trouve ».
MB répondra, surement avec brio et conviction, à votre analyse, mais je note que cette dernière commence mal, dès la première phrase. MB vous fait remarquer que des Etats, qui ne sont nullement libéraux, pratiquent les agressions que vous reprochez au libéralisme.

En quoi la justification de l’URSS que vous prêtez au "bon communiste naïf" est-elle une infirmation de l’objection de MB ?
MC :
Hercule et Robinson vont continuer d’échanger entre eux, de plus grosses quantités et plus rapidement, les nouveaux échanges bilatéraux seront plus efficaces, mais Vendredi se retrouvera tout seul, exclu du système d’échange. Le Système aura éliminé un élément inadapté, le maillon faible en quelque sorte, le poids mort.

La question de droit qui se pose : Hercule et Robinson ont-ils le droit de contracter entre eux si leur nouveau contrat implique l’élimination d’un membre de l’association? En droit naturel bien sûr que non, Vendredi du fait de sa nature humaine a le droit de vivre dans la société des hommes, le contrat passé entre Robinson et Hercule est nul et non avenu du fait même de son caractère attentatoire aux droits (vitaux) d’un des associés et par voie de conséquence à la société toute entière.

En droit libéral : c’est là où nous allons assister à un véritable coup de force assorti d’une nième contradiction. En principe le libéralisme est censé défendre les droits de l’individu face à la meute sociale, face au groupe, donc le droit libéral devrait être favorable à Vendredi. Eh bien pas du tout, le droit libéral avalise le contrat opportuniste, antisocial, contre-nature et criminel (puisque en excluant Vendredi du système d’échange il le prive de biens et de services vitaux) scellé entre les deux prédateurs sociaux.
La réponse à cette diatribe est tellement évidente, contenue dans le texte lui-même, qu’on se demande comment quelqu’un de si intelligent et cultivé que vous ne s’est pas frappé le front et effacé le message avant de le publier.

Relisez les passages que j’ai marqués en rouge. Dans votre fable, où voyez-vous que les deux ‘prédateurs’ ont exclu Vendredi du Système (comme vous l’appelez) ? Ils ont rendu obsolète son activité. Voulez-vous dire que l’être humain est réductible à une seule activité économique ? Qu’ayant commencé son existence professionnelle dans la comptabilité ou la mécanique, il sera à tout jamais incapable d’en changer ? que ses neurones et ses muscles sont pour le restant de sa vie conditionnés à aligner des chiffres et serrer des boulons ?

La faille de tous les réactionnaires est leur incapacité à concevoir l’être humain créateur de progrès. On constate pourtant que si l’un ou l’autre des gens que nous connaissons ne sont guère malins, une collectivité, si elle n’est pas entravée par la bureaucratie, invente des moyens surprenants d’améliorer son sort. De Malthus au Club de Rome à Miles Christi, l’erreur fut toujours la même : la croyance en la fixité des situations, ou leur inévitable détérioration. « La terre ne peut pas nourrir plus d’habitants. » Oui, avec la technologie d’aujourd’hui, mais nous inventons les outils d’une plus grande productivité.

Vous savez ce que va faire Vendredi ? Pas moi. Il est libre, donc imprévisible. Mais je peux imaginer des solutions. Il cuisinera pour Hercule. Il trouvera les plantes médicinales pour soigner ses deux compères. Il décorera leur habitation. Il sera leur couturier. Il inventera de nouvelles armes de chasse et de nouvelles techniques pour améliorer leur vie. Et ils le paieront pour cela. Il choisira entre ces activités et d’autres encore celle qui sera à sa portée et qui lui vaudra la plus grande considération possible de la part des deux autres membres de sa société.

Ceux qui fabriquent des lampes à huile n’ont pas le droit d’interdire l’électricité à ceux qui veulent l’installer chez eux. Ce serait immoral, donc improductif. Edison n’exclut personne. Il ajoute un miracle humain à ce que nous appelons civilisation.

Cordialement

Christian


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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par MB » mer. 28 nov. 2007, 13:33

Miles Christi a écrit :
Il ne faut donc pas s’étonner de l’absence de grands penseurs au sein du courant libéral, ni de l’omniprésence de ces âmes de boutiquiers et d’affairistes qui ne cherchent pas à établir la vérité mais à vivre le mieux possible dans l’illusion: comment faire passer une tuerie pour un acte de libération, comment faire passer un suicide démographique pour une aubaine, comment faire passer l’immigration et la paupérisation de la classe moyenne comme une chance, comment faire passer l’abrutissement des masses comme une plus grande ouverture d’esprit etc…il faut sauver les apparences.
Euh, pas d'accord avec vous, là.

- pour l'absence de grands penseurs : tout dépend de ce que vous appelez grands penseurs. Tocqueville me paraît plutôt pas mal. Question de goût, peut-êttre. Ou plutôt : le libéralisme, c'est une myriade de penseurs ; il n'y en a pas un seul qui définisse l'ensemble : il n'y a pas d'équivalent de Marx chez les libéraux, et souvent ils ne sont pas d'accord entre eux (voilà d'ailleurs qui ruine l'argument du "système"). Il faut voir comme les marxistes brandissent leur idole et la proclament comme la parole de Dieu. Rien de tout cela chez nous. C'est peut-être pour cela que vous avez l'impression d'une absence : aucun penseur n'écrase tous les autres.

- "âmes de boutiquiers et d'affairistes" ? Bof. Bayle et Smith étaient des théologiens, Tocqueville était un magistrat, Constant était un écrivain, Popper un philosophe, Hayek un "Sozialwissenschafftler". Le seul grand libéral que je connaisse, sauf erreur de ma part, pour avoir fait du business, est J.-B. Say. Et encore, une partie de sa vie seulement. Mai peut-être sont-ils des "boutiquiers" pour n'avoir pas créé des systèmes, pour n'avori pas "vu large" et prévu tout dans les détails, justement ?

- Personne ne se réjouit du déclin démographique de l'Occident, et encore moins de la paupérisation de la classe moyenne. Je pense à quelqu'un dont j'ai lu l'interview dans le Point, qui disait qu'en France il y avait "trop de pouvoir d'achat" : j'ai sursauté, je me suis dit que c'était une personne qui restait confinée dans les hautes sphères. Pas d'erreur : ce ne pouvait être que Jacques Attali. L'homme des nationalisations de 1981... pas vraiment un libéral, on en conviendra, mais un de ces nombreux courtisans dont l"Etat français est si friand - pas très libéral, tout cela...
Quant à l'abrutissement des masses, il résulte de la destruction de la tradition humaniste occidentale à la fin des années 60, par des gens comme Foucault, Derrida ou Bourdieu : des ennemis jurés du libéralisme. Faut pas chercher midi à quatoze heures !
Quant à eux qui brandissent l'argument de l'"ouverture à l'autre" pour faire passer le multiculturalisme, ce sont eux aussi des ennemis du libéralisme : 1° ils définissent les gens par la culture à laquelle ils appartiennent (beurk !), 2° ils sont prêts à justifier - entre autres - la charia, dont on ne peut pas affirmer avec certitude qu'elle eût satisfait les voeux de tous les libéraux.

Je réponds à la suite de vos arguments un peu plus tard ; je vous prierai de patienter un peu avant de me répliquer.

A bientôt !
MB

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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Christian » mer. 28 nov. 2007, 18:35

Bonsoir Miles Christi,

Je n’ai pas voulu allonger mon précédent message avec les réflexions que m’inspirent vos propos sur le droit naturel. Christophe a consacré un fil au sujet, mais je ne crois pas déplacé de vous répondre ici.
La raison en est que le droit naturel ne peut reconnaître un droit contre-nature, contraire à la nature humaine, et donc à sa dignité. Après que les libéraux militent pour un droit inconsistant et contre-nature, c’est un autre problème,
[…]
Avec le droit naturel dont la rigueur logique et morale découle de son souci d’être en adéquation avec la nature humaine, avec le réel, on ne peut pas basculer dans ce type d’aberration : un droit est un droit, un privilège un privilège et une tolérance une tolérance, donc inutile d’essayer de faire passer une tolérance ou un privilège dans la catégorie du droit, pour ensuite s’empêtrer dans des difficultés inextricables et causer la faillite de tout un peuple. Il est même beaucoup plus sain de reconnaître tacitement un privilège pour ce qu’il est et une tolérance pour ce qu’elle est, pourvu que l’on puisse en donner la raison.
[…]
le droit libéral est inconsistant et contre-nature, ainsi qu’il a été établi plus haut, il ne peut tout simplement pas s’appuyer sur la raison naturelle et exiger de celle-ci qu’elle le respecte, par conséquent
[…]
votre Droit n’est plus qu’une chimère, n’ayant sa source ni dans la raison naturelle, ni dans le pouvoir temporel. Votre Droit a tout du deus ex machina.
Le problème du droit naturel est de n’avoir justement aucune des qualités de « rigueur logique », d’adéquation avec la « nature humaine » et avec le réel, que vous lui prêtez. Si seulement vous aviez raison ! le problème de la vie en société serait réglé depuis belle lurette.

La tragédie et la grandeur de l’être humain est de n’avoir reçu de la nature aucune assignation. La nature humaine n’est pas un destin. Les comportements qu’elle inscrit éventuellement dans nos gènes comme dans ceux des animaux peuvent être contrariés par notre conscience dans un processus que nous appelons culture. Ainsi la nature prescrit aux mâles de répandre leurs chromosomes auprès d’un maximum de femelles et d’éliminer leurs rivaux. Elle ne laisse pas vivre les individus mal formés ni les plus faibles. Vous n’avez pourtant guère de sympathie pour la polygamie, l’eugénisme et l’euthanasie active.

Et encore ceci : l’homosexualité est-elle dans la nature humaine ? Sa permanence pourrait le faire croire. Si vous la refusez au nom de la fécondité et de « la relation avec l’autre », comme le veut Charles, vous refuserez aussi la chasteté et le célibat, fussent-ils consacrés.

Certainement la « rigueur du droit naturel » que vous prônez s’oppose à la mort en masse d’hommes jeunes n’ayant pas procréé. Comment expliquer alors que les tenants de ce droit naturel (dans les deux camps !) appellent des volontaires pour des guerres et des croisades dont tous savent que beaucoup ne reviendront pas ?

On pourrait désigner tant de flous et de contradictions dans le droit naturel lorsqu’on le rattache aux êtres humains qu’on conclut aisément qu’il ne reflète que le souhait des puissants du moment.

Il se trouve même qu’un vaste courant libéral/libertarien se réclame du droit naturel. Ayn Rand, sa plus célèbre pasionaria, que la modestie n’étouffait pas, parlait même des « 3A » de la philosophie : Aristote, Thomas d’Aquin et elle-même. Comme la conclusion de ces penseurs est radicalement différente de la vôtre, la plasticité du droit naturel, loin de la rigueur que vous lui prêtez, le rend plutôt inutilisable.

Pour ma part, je vois des règles inscrites non pas dans la nature des êtres humains, mais dans celle des sociétés humaines. Une société peut être analysée comme un système, défini par des règles, et la règle commune à toutes les sociétés, qui les fonde, sans laquelle aucune ne pourrait exister, est le Droit de propriété de chaque personne sur son corps et sur ses biens (ne pas tuer, ne pas violer, ne pas voler, honorer ses engagements…). La raison l’anticipe et plusieurs millénaires d’expérimentations le confirment. Les sociétés qui respectent le plus fidèlement le Droit de propriété sont les sociétés qui prospèrent ; toutes les autres périclitent plus ou moins vite.

CQFD

Cordialement

Christian


Qu’ils mentent ! Notre responsabilité d’électeurs est seulement de choisir parmi les menteurs.
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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Miles Christi » ven. 30 nov. 2007, 17:53

Christian a écrit : MB répondra, surement avec brio et conviction, à votre analyse, mais je note que cette dernière commence mal, dès la première phrase. MB vous fait remarquer que des Etats, qui ne sont nullement libéraux, pratiquent les agressions que vous reprochez au libéralisme.

En quoi la justification de l’URSS que vous prêtez au "bon communiste naïf" est-elle une infirmation de l’objection de MB ?

C'était pour montrer à MB que la défense de l'indéfendable devant un public naïf est tout à fait possible dès lors que l'on prend le parti de rester dans l'utopie et que l'on refuse de regarder la réalité en face: c'est ce qu'ont fait les intellectuels de gauche après guerre, c'est ce que font les marchands de rêves du libéralisme aujourd'hui. Et vous venez de nous donner l'exemple d'une troisième forme de défense possible: la négation pure et simple: "Il n'existe aucun Etat libéral à l'heure actuelle, l'Etat US est un Etat socialiste, interventionniste, keynésien ou je ne sais quoi d'autre, tout ce que vous voulez mais certainement pas libéral, même pas en rêve". Cela ne relève plus de la science politique, mais de l'incantation magique et de l'exhortation: « touche pas à mon libéralisme! Et cachez-moi cet Etat libéral que je ne saurais voir… » Pendant qu’on y est Sarkozy n’est pas issu de la droite libérale, il appliquera toutes ses promesses, il a un amour fou de la France pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, et le père Noël n’est pas une ordure …

Pourtant sans l’hégémonie anglo-saxonne cristallisée par l’Etat US, le libéralisme n’est rien : ce n’est qu’une philosophie de marchand anglais, incapable de résister à l’épreuve de la raison (vous n’avez même pas su éviter la contradiction entre la liberté et la propriété que vous avez pourtant érigés en principes fondamentaux de votre idéologie, dès le départ la rationalité de votre démarche est compromise). L’honnête homme de France, de culture gréco-latine, ne peut souscrire à une telle abjection, sa raison s’y refuse. Alors qu’est-ce qui fait la force de cette mentalité de marchand de tapis ?une amorce de réponse :

une flotte de bombardiers furtifs B2 à 2 milliards de dollars l’unité, des milliers d’ogives nucléaires, une monnaie internationale incontournable, une langue planétaire elle-aussi incontournable, etc… Lorsque le Yankee arrive à la table des négociations pour libéraliser le monde, après l’avoir « libéré », il sait ce qu’il pèse et tous les petits autour de la table aussi, ils savent ce qui les attend s’ils ont l’outrecuidance de refuser la « liberté » made in USA proposée par le Big Boss.


Supposons un instant que les forces étatiques de l’Empire libéral US cessent de s’exercer sur le monde, alors c’est la faillite du libéralisme : en effet comment dans ces conditions les Sarkozy, les Minc et les Paul-Loup Sulitzer pourraient-ils continuer à vendre leur camelote libérale, qui n’est rien d’autre qu’une autojustification de leur position dominante et de leur fortune ? Par la force rationnelle de leur argumentation ? Par l’exemple moral qu’ils donnent ?allons donc…

A ce sujet Bernard-Henri Lévy, une fois n’est pas coutume, s’est fendu d’une très bonne citation :
"La plus insupportable trahison, c’est tout de même celle de ces prophètes qui, las de promettre l’avènement d’une Cité qui ne vient pas, las d’entendre surtout la plainte et la protestation des hommes, finissent un jour ou l’autre dans l’uniforme des fusilleurs"
Est-ce que vous comprenez qu’il n’y a pas forcément une similitude parfaite entre d’une part la fin et d’autre part la stratégie et les moyens mis en œuvre pour y parvenir, et que l’histoire est truffée de ce genre de dissimilitude ou contradiction apparente ? Et que de plus la fin peut être complètement illusoire, mais les moyens bels et bien réels et conduisant à des tragédies ?

Pour ne pas perdre le nord il faut identifier la cause servie, et non pas s’arrêter au comportement de ceux qui servent la cause, sans quoi vous allez nous dire que Sarkozy sert la cause nationale, que Besancenot est marxiste et que le PS est dans l’opposition.

Christian a écrit :

La réponse à cette diatribe est tellement évidente, contenue dans le texte lui-même, qu’on se demande comment quelqu’un de si intelligent et cultivé que vous ne s’est pas frappé le front et effacé le message avant de le publier.

Relisez les passages que j’ai marqués en rouge. Dans votre fable, où voyez-vous que les deux ‘prédateurs’ ont exclu Vendredi du Système (comme vous l’appelez) ? Ils ont rendu obsolète son activité. Voulez-vous dire que l’être humain est réductible à une seule activité économique ? Qu’ayant commencé son existence professionnelle dans la comptabilité ou la mécanique, il sera à tout jamais incapable d’en changer ? que ses neurones et ses muscles sont pour le restant de sa vie conditionnés à aligner des chiffres et serrer des boulons ?
Vous avez raison de vous poser ces questions, et vous aurez encore davantage raison en y apportant une réponse correcte, et cette réponse que les gauchistes comme les libéraux se refusent d’entendre c’est celle des inégalités naturelles. Untel comprendra toutes les subtilités d’un raisonnement scolastique, tel autre ne dépassera pas les philosophades d’un Hayeck, untel sera capable de commander à des armées, tel autre sera inapte au commandement…Le gauchiste dira que ce n’est qu’une question d’éducation et le libéral que ce n’est qu’une question de liberté, comme si il suffisait de suivre des cours de philosophie ou de choisir d’être philosophe pour être un bon philosophe…

Par conséquent pour maintenir votre libéralisme à flot vous êtes obligé de prêter à Vendredi des qualités qu’il n’a peut-être pas, vous êtes obligés de rajouter des hypothèses qui ne sont pas actuellement présentes dans le problème que je vous ai soumis. Et je dois dire que c’est bien là une des tactiques classiques des libéraux, la fuite en avant. Je vais me mettre un instant dans la peau d’un libéral et je vais par exemple vous expliquer pourquoi il n’y a rien à craindre de la pollution et des dégâts environnementaux occasionnés par l’industrie des hommes : parce que d’ici-là l’ingéniosité des hommes, plus particulièrement l’esprit d’innovation des américains, aura permis de construire de vaste nefs spatiales qui permettront d’évacuer vers Mars une partie de la population terrienne une fois la terre devenue inhabitable, bien sûr le prix du ticket sera élevé, c’est pour cela qu’il n’y aura qu’une partie de la population, la plus « méritante », la plus « travailleuse » ou plutôt celle qui aura le mieux fait travailler son argent et les autres.


Oublions pour un moment les scénarii hypothétiques que vous affectionnez tant pour revenir à la réalité actuelle. Il n’y a pas si longtemps un reportage à été tourné sur une fabrique de chaussettes du Nord de la France, obligée, paraît-il, de virer à tour de bras des ouvrières françaises pour les remplacer quelques milliers de kilomètres plus loin par des ouvrières roumaines. Attardons nous sur le cas de cette ouvrière d’une cinquantaine d’années, seule, sans enfant, qui pendant 30 ans a fait consciencieusement son travail et qui pleure comme une madeleine lorsqu’elle ouvre sa lettre de licenciement. Est-il nécessaire de réduire cette femme à une activité économique ou professionnelle pour comprendre que ses chances de survie sont des plus limitées dans un monde libéral ? Non, il suffit de connaître le marché du travail : 30 ans dans la chaussette, 50 balais passés, aucun diplôme, un physique et une intelligence médiocre=> aucune chance. Et le libéral de nous dire que c’est de sa faute, qu’elle n’avait qu’à faire les bons choix et qu’il lui reste toujours des ouvertures, et Sarkozy de nous dire qu’il faut qu’elle travaille plus pour gagner plus…C’est dans ce genre de situation tragique que tout le côté bouffon du discours libéral transparaît vraiment.

Mais le chantre du libéralisme va alors nous objecter : « pour ce genre de cas désespéré il y aura toujours des âmes charitables, des associations privées d’entraide …» Ah oui ? Le libéral aurait-il pénétré les desseins de Dieu pour affirmer aussi catégoriquement qu’Il fournira constamment à l’humanité des âmes charitables et en nombre suffisant pour aider les perdants du Système ? Ou alors s’inscrit-il dans la tradition rousseauiste de l’homme naturellement bon ?

Pour en revenir à notre problème de départ, je pensais qu’il était inutile de préciser des hypothèses négatives (par défaut il n’y a rien), mais pour éviter les échappatoires fumeuses du libéralisme, je précise : Vendredi, il n’est pas très malin, il commence à se faire vieux, et à part chasser le sanglier il ne sait pas faire grand-chose d’autre, pour tout dire c’est un « non performer », il encombre le plancher.


Tout ça pour dire que le Système peut tuer par l’exclusion : la possibilité du meurtre par exclusion de l’inadapté est ainsi établie. Si un commandant de bord exclut de son zinc un passager un peu remuant, alors qu’il est à 10 000 mètres d’altitude, les chances de survie de l’exclu sont minimes. Le commandant de bord pourra toujours dire qu’il ne l’a pas tué, mais simplement exclu de son appareil.

Une fois établie la possibilité du meurtre systémique, reste à savoir si le Système a déjà eu recours à cette option. C’est vrai que la plupart du temps on parle des meurtres de masse du communisme, du national socialisme, mais jamais rien sur les meurtres du libéralisme. Serait-ce à dire que le Système est vierge de tout crime, qu’il n’a jamais fait couler le sang de l’innocent ? Bien sûr que non il suffit de regarder l’histoire, notamment l’histoire du XIXème siècle, les preuves sont accablantes : les enfants envoyés dans les mines, bousillés physiquement et psychologiquement, crevant comme des chiens dans les bas-fonds des villes anglaises, cela vaut aussi pour les ouvriers qui travaillaient dans les hauts-fourneaux, soumis à des cadences infernales et de temps à autre se prenant une coulée de métal en fusion. C’était l’âge d’or du libéralisme, le rêve du libéral : pas de droit du travail et pas de cotisation sociale. Il serait intéressant de faire une estimation du nombre des victimes du libéralisme au XIXème. Il est peu probable que les tenants de l’idéologie dominante actuelle s’attarderont sur le sujet.

Il faudrait aussi rajouter tous les dommages collatéraux liés aux opérations de libéralisation des sociétés, comme par exemple le largage d’une bombe de 10 tonnes sur l’emplacement supposé d’un bunker au sein d’un quartier résidentiel, ou encore un embargo. .

Ceci étant revenons à notre problème, car c’est d’un problème de droit dont il s’agit et je ne vous ai pas demandé si la société allait être pire ou meilleure après l’exclusion de Vendredi, je vous ai demandé si Robinson et Hercule avaient le droit d’exclure Vendredi du système d’échange en décidant de ne plus échanger que bilatéralement, et ceci sans demander l’avis de l’intéressé.


Et je vais montrer que cela reste un problème de droit, même dans un cas où il n’y a pas mort d’homme, le problème de droit en lui-même n’étant pas lié à la gravité des conséquences.

Voilà le nouveau cas de figure :

Supposons que nous ayons sur ce forum deux professionnels de la cause libérale qui sont payés 3000 dollars ou 3000 euros à chaque message échangé avec moi, Christian et MB. Quant à moi je suis payé par la cause national 1 franc symbolique à chaque message échangé, on suppose que le franc symbolique équivaut à 3000 dollars ou euros (patriotisme oblige), donc les termes de l’échange sont justes. Nous 3, nous vivons de cette activité, il y a donc un enjeu bel et bien réel : se nourrir, nourrir sa famille, se loger, loger les siens, payer leur éducation etc…

Et voilà que moi je m’en vais trouver MB et je lui dis : « vous êtes un bien meilleur défenseur de la cause libérale, que Christian, je vous propose que désormais nous n’échangions plus que des messages entre nous, le débat n’en sera que de meilleure qualité ». Et MB accepte.

Déjà j’ai brisé la belle harmonie qui unissait MB et Christian contre moi, et Christian va certainement considérer cela comme un préjudice moral : eh oui cela fait un coup au moral quand d’un seul coup on est exclu de l’échange. Mais il y a pire que l’orgueil flétri de Christian, Christian perd son activité et tous ses revenus et en plus la cause libérale reverse le salaire de Christian à MB considéré désormais comme le plus apte à faire valoir les idées libérales, déjà cela induit une très bon climat social… Et à ce moment-là j’aurais beau jeu de dire, lorsque Christian viendra éventuellement se plaindre qu’il a une famille à nourrir, qu’il est plus doué pour le latin que pour la défense du libéralisme, et qu’il n’a qu’à se reconvertir en latiniste. Seulement voilà, même si Christian est doué pour le latin, ce n’est pas demain la veille qu’il va se reconvertir en latiniste distingué, il va lui falloir faire des efforts titanesques et au bout du compte il n’est même pas assuré d’avoir un poste, et en plus il sera beaucoup moins payé, les fins de mois risquent d’être justes.

Evidemment si Christian se fait virer de la cause libérale cela peut aussi signifier une chance pour lui : la chance de passer à la cause nationale et d’être payé au franc symbolique…

Mais chance ou malchance, reconversion heureuse ou non, reste à savoir si MB et moi nous avons le droit d’exclure Christian de la société qui initialement nous faisait vivre tous les 3. Si Christian consent à être exclu, le problème de droit subsiste, mais il est moins flagrant parce qu’il y a accord de l’intéressé, mais l’intéressé a-t-il le droit de saborder sa situation et celle de sa famille contre une situation hypothétique ? Et si Christian n’est pas d’accord c’est son droit de rester dans la société contre notre droit de l’exclure.

Mais une société qui fait primer le droit d’exclusion sur le droit d’inclusion n’est plus une société (pas naturelle en tout cas). Eventuellement on peut comprendre qu’une société retranche le meurtrier de son corps social, mais quelqu’un qui n’a pas commis de faute, au nom de quoi serait-il exclu du corps social ?au nom d’une société future restructurée et hypothétiquement meilleure ?

Il faudrait aussi discuter du meilleur des mondes version libérale, car on constate que dans les sociétés libérales les gens rivalisent surtout en beaufferies, on est très loin de la soi-disante saine émulation de laquelle émerge ce qu’il y a de meilleur dans l’homme. En terme de morale et d’intelligence il y aurait beaucoup à dire

In cruce salus. In cruce vita. In cruce protectio ab hostibus. In cruce robur mentis. In cruce gaudium spiritus. In cruce virtus summa. In cruce perfectio sanctitatis. Non est salus animae, nec spes æternæ vitæ, nisi in cruce. Tolle ergo crucem et sequere Jesum, et ibis in vitam æternam.


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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par MB » ven. 30 nov. 2007, 20:59

Bonsoir MC

Visiblement, vous m'avez piqué au vif... je m'apprêtais à continuer à vous répondre tranquillement, mais on dirait que vous êtes bien dans le trip, et je dois m'y mettre moi aussi.

D'abord, un point de détail :
Miles Christi a écrit : Il faudrait aussi discuter du meilleur des mondes version libérale, car on constate que dans les sociétés libérales les gens rivalisent surtout en beaufferies, on est très loin de la soi-disante saine émulation de laquelle émerge ce qu’il y a de meilleur dans l’homme. En terme de morale et d’intelligence il y aurait beaucoup à dire
J'ai déjà répondu plus haut sur la "beaufisation" du monde depuis les années 60, et sur les lourdes responsabilités, à ce sujet, qui pèsent sur les gauchistes. Ce processus a commencé il y a quarante ans alors que le libéralisme n'était vraiment pas à la mode. Vous auriez pu avoir la bonté de lire ce passage et d'y faire au moins allusion, même pour n'en être pas d'accord.
Au passage, vous n'avez pas idée de l'extension abyssale de la "beaufferie" dans les sociétés soumises à l'influence soviétique, ou dans les sociétés socialistes en général ; exemple d'ignorance d'autant plus répandu en Occident qu'il est très difficile de représenter le phénomène, tellement il dépasse les bornes de l'imagination.
Miles Christi a écrit :Vous avez raison de vous poser ces questions, et vous aurez encore davantage raison en y apportant une réponse correcte, et cette réponse que les gauchistes comme les libéraux se refusent d’entendre c’est celle des inégalités naturelles. Untel comprendra toutes les subtilités d’un raisonnement scolastique, tel autre ne dépassera pas les philosophades d’un Hayeck, untel sera capable de commander à des armées, tel autre sera inapte au commandement…Le gauchiste dira que ce n’est qu’une question d’éducation et le libéral que ce n’est qu’une question de liberté, comme si il suffisait de suivre des cours de philosophie ou de choisir d’être philosophe pour être un bon philosophe…
C'est moi qui ai souligné le passage en gras. La thèse des inégalités naturelles n'est pas incompatible avec le libéralisme ; elle n'est pas spécialement compatible non plus ; elle est indifférente. Car, si les inégalités naturelles sont réelles - je ne m'oppose pas a priori à cette hypothèse -, malgré tout rien ne permet de les voir à l'avance. Vous voyez un bonhomme un peu bêta devant vous : il ne cesse de dire les pires idioties, paraît à la limite de la démence ; et voici qu'apparaît, deux heures par jour, un mathématicien subtil. Vous avez devant vous un enfant un peu brute : il est juste un peu immature, ce sera un futur professeur de médecine quand il sera temps. L'homme est un potentiel permanent, il est toujours temps de tirer le meilleur ou le pire de lui-même, ou rien du tout, et personne n'a les moyens de savoir ce temps-là.
Qui êtes-vous pour décréter, de vous-même, les aptitudes naturelles d'un tel ? Et d'ailleurs, qui a les capacités, les compétences pour le faire ? Quel culot ! C'est justement pour lutter contre cette outrecuidance que l'on a décidé de rester modeste et de postuler, par défaut, l'égalité de tous. C'est peut-être un non-choix, une absence de décision, un pyrrhonisme social ; mais cette position, en réalité, concerne celui qui la prend (ne pas s'arroger des droits ridicules) plus que ceux qu'elle vise. Et c'est pour cela qu'on la doit tenir.
Miles Christi a écrit : Je vais me mettre un instant dans la peau d’un libéral et je vais par exemple vous expliquer pourquoi il n’y a rien à craindre de la pollution et des dégâts environnementaux occasionnés par l’industrie des hommes : parce que d’ici-là l’ingéniosité des hommes, plus particulièrement l’esprit d’innovation des américains, aura permis de construire de vaste nefs spatiales qui permettront d’évacuer vers Mars une partie de la population terrienne une fois la terre devenue inhabitable, bien sûr le prix du ticket sera élevé, c’est pour cela qu’il n’y aura qu’une partie de la population, la plus « méritante », la plus « travailleuse » ou plutôt celle qui aura le mieux fait travailler son argent et les autres.
Le prix du ticket sera élevé, donc cela va attirer les tour-operators vers Mars (puisque le marché sera rentable), ce qui fera baisser les prix, au bout de quoi un nombre toujours croissant de personnes pourra aller faire un tour sur la planète Mars ! Et ce sera même d'autant mieux, car les premiers voyages, souvent de moins bonne qualité, seront mis dehors par les premiers clients, des riches exigeants. Les pauvres profiteront donc de services bien plus raffinés. :nargue:
Miles Christi a écrit : Oublions pour un moment les scénarii hypothétiques que vous affectionnez tant pour revenir à la réalité actuelle. Il n’y a pas si longtemps un reportage à été tourné sur une fabrique de chaussettes du Nord de la France, obligée, paraît-il, de virer à tour de bras des ouvrières françaises pour les remplacer quelques milliers de kilomètres plus loin par des ouvrières roumaines. Attardons nous sur le cas de cette ouvrière d’une cinquantaine d’années, seule, sans enfant, qui pendant 30 ans a fait consciencieusement son travail et qui pleure comme une madeleine lorsqu’elle ouvre sa lettre de licenciement. Est-il nécessaire de réduire cette femme à une activité économique ou professionnelle pour comprendre que ses chances de survie sont des plus limitées dans un monde libéral ? Non, il suffit de connaître le marché du travail : 30 ans dans la chaussette, 50 balais passés, aucun diplôme, un physique et une intelligence médiocre=> aucune chance. Et le libéral de nous dire que c’est de sa faute, qu’elle n’avait qu’à faire les bons choix et qu’il lui reste toujours des ouvertures, et Sarkozy de nous dire qu’il faut qu’elle travaille plus pour gagner plus…C’est dans ce genre de situation tragique que tout le côté bouffon du discours libéral transparaît vraiment.
Les choses sont pourtant simples. Le problème n'est pas de se faire licencier, mais de ne pas trouver du travail après. C'est la grande calamité du marché du travail en France : les chômeurs restent chômeurs. C'est d'ailleurs une calamité pour tout le monde, car avec une pression de 2 millions de chômeurs sur le marché, les salaires ne risquent pas d'augmenter.
Pourquoi les chômeurs restent-ils chômeurs ? Parce que personne n'est là pour leur trouver du travail. Pourquoi cela ? Car 1° le marché du travail français ralentit la motivation de celui qui voudrait embaucher (car il est extrêmement difficile de se séparer de quelqu'un qui a fait illusion lors d'un entretien et de sa période d'essai), 2° il est très difficile de monter et de tenir une entreprise en France (un ami m'en a parlé : il veut ouvrir un restau sur une péniche ; il a renoncé, car devant payer, pour ce type de situation, 7 types d'impôts différents pour autant d'administrations et de collectivités, plus toutes les autorisations), 3° parce que la France déborde de personnes "inemployables", car sortant sous-qualifiées et lobotomisées de l'Educ-Nat. Administration qui n'est pas spécialement libérale, prière de ne pas me contredire...
Les gens qui se font licencier aujourd'hui, et qui auront toutes les peines du monde à retrouver un travail par la suite, sont victimes d'une sorte de système administré qui fait tout pour empêcher le marché de les réembaucher. C'est pourtant pas compliqué, non ?

Miles Christi a écrit : Une fois établie la possibilité du meurtre systémique, reste à savoir si le Système a déjà eu recours à cette option. C’est vrai que la plupart du temps on parle des meurtres de masse du communisme, du national socialisme, mais jamais rien sur les meurtres du libéralisme. Serait-ce à dire que le Système est vierge de tout crime, qu’il n’a jamais fait couler le sang de l’innocent ? Bien sûr que non il suffit de regarder l’histoire, notamment l’histoire du XIXème siècle, les preuves sont accablantes : les enfants envoyés dans les mines, bousillés physiquement et psychologiquement, crevant comme des chiens dans les bas-fonds des villes anglaises, cela vaut aussi pour les ouvriers qui travaillaient dans les hauts-fourneaux, soumis à des cadences infernales et de temps à autre se prenant une coulée de métal en fusion. C’était l’âge d’or du libéralisme, le rêve du libéral : pas de droit du travail et pas de cotisation sociale. Il serait intéressant de faire une estimation du nombre des victimes du libéralisme au XIXème. Il est peu probable que les tenants de l’idéologie dominante actuelle s’attarderont sur le sujet.
Au contraire, je veux bien m'attarder, et j'en suis fier. Allez jeter un coup d'oeil sur la population anglaise avant la Révolution industrielle, et après ; vous verrez qu'ils sont devenus sacrément nombreux, on se demande pourquoi, avant la population n'augmentait presque pas ? Allez jeter un coup d'oeil sur la mortalité infantile en Angleterre en 1750 et en 1850, vous verrez une sacrée différence. Comment s'est-il fait que, indépendamment des progrès de l'hygiène (qui datent d'après), des millions de gens aient pu naître, survivre à leur enfance, avoir de quoi manger, alors qu'avant ce n'était pas le cas ? Vous vous imaginez peut-être les gentils paysans à le Le Nain, les bergères campagnardes à la Marie-Antoinette, gambadant dans les prés, se racontant des églogues ? Ils crevaient tous de faim, oui ! Et 18 heures de travail à la campagne valaient bien, et bien plus, que 12 heures à la mine ! Tout ça pour un quignon de pain rassis une fois tous les deux jours, et encore, quand tout allait bien !
Je pense toujours à une réalité assez étonnante. Les premiers opposants à la révolution industrielle n'ont pas été ceux qu'on croit. C'étaient les gentlemen farmers de la jolie campagne anglaise, qui se plaignaient de ce que leurs ouvriers, qui avaient toujours été si gentils et si obéissants, allaient en ville, parce que - bonté divine - ils étaient mieux payés ! Seigneur, quel scandale ! Désormais, ils allaient avoir le choix de leur employeur ! Ils allaient gagner assez pour s'adonner à des consommations diaboliques (le thé ! quelle horreur) !
C'était aussi des intellectuels urbains qui partaient du principe qu'il était bon et inscrit dans la nature que le peuple souffrît et fût forcé d'obéir par la nécessité. Ceux-là, à la fin, sont devenus marxistes, et se sont réjouis de l'exploitation de l'homme par l'homme communiste. Jamais le peuple n'a été autant harassé, bafoué, exploité que dans les sociétés communistes : mais c'était ce qu'ils voulaient, que la société tout entière fût soumise au pouvoir politique. Vous souhaitez cela vous aussi ?

Je reviens plus tard.

Bien à vous
MB

PS : avez-vous lu Hayek ? Il me semble parfois que ce n'est pas le cas.
Dernière modification par MB le jeu. 06 déc. 2007, 0:17, modifié 1 fois.

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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par MB » sam. 01 déc. 2007, 12:30

Rebonjour MC ! Je vais essayer de calmer mes ardeurs de la veille. Mes excuses si elles vous ont fâché.

Il y a, MC, un problème de fond dans votre argumentation. Ce problème, qui rend la communication difficile entre nous, c'est la notion de "système". Cette notion - que vous avez introduite comme ça, sans en démontrer la pertinence, éventuellement en vous contentant de la suggérer - me paraît biaiser tout type de regard et même l'aveugler.

Pourquoi ? C'est que, une fois que vous l'avez postulée, vous y faites tout correspondre. La case est prête : tout rentre dedans. Quand une politique est libérale, c'est pour faire marcher le système libéral. Quand une politique n'est pas libérale, c'est quand même pour faire marcher le système libéral. On ouvre les frontières : c'est le système. On les ferme : c'est le sytème. Etc, etc.
A tout cela, je dis : non, non et non. Je n'accepte pas ce genre d'argumentation, et tout esprit honnête se doit de rejeter en bloc cette manière de penser. Quand on cherche à analyser la réalité, on doit se fonder sur la réalité, c'est-à-dire, non sur des idées, des généralités. La réalité, c'est mille petits détails dont chacun doit être décortiqué et compris pour permettre une authentique compréhension des choses.
Vos contributions nous font passer sans transition du monde des idées à celui des choses ; comme parfois elles ne correspondent pas tout à fait, vous vous rattrapez en faisant rentrer tout cela dans un système, parfois - je dois l'avouer - jusqu'à la bouffonnerie (puisqu'il vous est arrivé de mettre dans le même sac, au non de ce "système", gauchistes et libéraux, c'est un comble). Il manque un intermédiaire dans ce processus. Le monde des idées n'est pas le seul lieu possible de réflexion. Ce qui me donne envie de faire cette citation de Christian, que je viens de lire dans le fil d'à-côté ; il parle de la pensée de gauche, mais on pourrait parler aussi de la vôtre :

Une caractéristique de la pensée de gauche est de faire porter à des abstractions, « l’économie », « le marché », « la société capitaliste », comme si elles étaient des agents moraux, la responsabilité de nos comportements individuels. Il est temps de sortir du fétichisme.

Il y a peut-être, dans cette attitude, deux causes. L'une devrait être reliée à la culture française profonde (d'ailleurs vous vous en revendiquez) : la primauté absolue accordée à la réflexion théorique sur la pratique. Le détail de la réalité, c'est insignifiant, c'est un truc d'épicier, de boutiquier. Je pense à une spécificité culturelle française en me rappelant cette différence entre deux expressions : en allemand, on dit "le bon Dieu est dans le détail" ; en français, on dit "le diable est dans le détail". Tout est dit !
D'autre part, il me paraît y avoir un biais situé dans une sorte de formation, ou d'esprit philosophique. Tout est dans les idées ; elles seules comptent ; le reste n'est que mesquinerie. Donc finalement, une fois qu'on a décidé d'appliquer une idée au réel, cette transmission au réel n'est affaire que d'intendance. Ca se fait tout seul, n'est-ce pas ? Eh bien non, je regrette.

Au plaisir de vous lire
MB

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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Christian » mar. 04 déc. 2007, 20:55

Bonsoir Miles Christi,

Me voici avec un petit moment de libre avant de retourner dans ma mansarde. MB a répondu à bien des points que vous avez soulevés. Je rajoute mon grain de sel.
la défense de l'indéfendable devant un public naïf est tout à fait possible dès lors que l'on prend le parti de rester dans l'utopie et que l'on refuse de regarder la réalité en face: c'est ce qu'ont fait les intellectuels de gauche après guerre, c'est ce que font les marchands de rêves du libéralisme aujourd'hui.
L’URSS appliquait assez bien ma foi le programme fixé par Lénine : dictature du prolétariat, collectivisation des terres agricoles, planification de l’économie, etc. Ni les Etats-Unis ni la France (ni d’ailleurs les autres pays) n’incarnent les idéaux du libéralisme, certainement pas avec un Etat qui carotte 45% du PIB, qui emploie 20% de la main d’œuvre et qui régule jusqu’aux plus petits détails de la vie quotidienne.
Pourtant sans l’hégémonie anglo-saxonne cristallisée par l’Etat US, le libéralisme n’est rien : ce n’est qu’une philosophie de marchand anglais, incapable de résister à l’épreuve de la raison (vous n’avez même pas su éviter la contradiction entre la liberté et la propriété que vous avez pourtant érigés en principes fondamentaux de votre idéologie, dès le départ la rationalité de votre démarche est compromise).
Il n’y a pas de mal à répéter que je n’ai pas su éviter la contradiction entre la liberté et la propriété, mais si votre but est de convaincre un autre que vous, il serait utile d’apporter des arguments. Relisez l’intervention où je vous donne les miens.
Supposons un instant que les forces étatiques de l’Empire libéral US cessent de s’exercer sur le monde, alors c’est la faillite du libéralisme : en effet comment dans ces conditions les Sarkozy, les Minc et les Paul-Loup Sulitzer pourraient-ils continuer à vendre leur camelote libérale, qui n’est rien d’autre qu’une autojustification de leur position dominante et de leur fortune ? Par la force rationnelle de leur argumentation ? Par l’exemple moral qu’ils donnent ?allons donc…
Non, vous avez raison, ces individus-là (surtout les deux premiers) qui vivent des ponctions de l’Etat sur les contribuables ne convaincraient personne. Pourquoi le libéralisme se répandrait même sans l’intervention américaine ?

Tout simplement parce que les gens veulent exprimer leurs idées sans crainte de la police, ils veulent voyager sans entraves, ils veulent épargner sans risque de spoliation et d’inflation, ils veulent élever leurs enfants dans leur langue, leur culture et leur foi, ils veulent lire et visionner ce qui leur plaît, ils veulent se marier par amour, hors de leur clan, ils veulent importer sans restriction les produits étrangers moins chers et de bonne qualité, ils veulent être soignés par les médecins qui ont leur confiance, qu’ils soient employés de l’Etat ou à leur compte, ils veulent conserver l’argent qu’ils gagnent, ils veulent dénoncer et saquer leurs dirigeants malhonnêtes, ils veulent tout cela parce qu’ils sont des êtres humains, parce que leur intuition et l’Histoire leur ont appris que c’est la bonne façon de vivre en société, parce qu’ils veulent le libéralisme, et c'est ce que, seul, le libéralisme leur apporte, même s’ils l'ignorent.

La France va à rebours, effectivement. Nos concitoyens sont prêts à échanger le peu de liberté dont ils disposent contre plus de sécurité. Marché de dupes : les hommes de l’Etat aujourd’hui ne sont plus en mesure de les protéger contre la créativité, l’esprit d’entreprise, le sens de l’effort des autres humains sur la planète. On a le droit d’être un mauvais élève, pourquoi pas, mais il ne faut pas s’attendre à avoir des bonnes notes, et il ne faut pas compter que le prof’ pénalisera les meilleurs pour qu’ils progressent moins vite que vous.
Il n’y a pas si longtemps un reportage à été tourné sur une fabrique de chaussettes du Nord de la France, obligée, paraît-il, de virer à tour de bras des ouvrières françaises pour les remplacer quelques milliers de kilomètres plus loin par des ouvrières roumaines. Attardons nous sur le cas de cette ouvrière d’une cinquantaine d’années, seule, sans enfant, qui pendant 30 ans a fait consciencieusement son travail et qui pleure comme une madeleine lorsqu’elle ouvre sa lettre de licenciement.
Est-ce que je me trompe, il paraît qu’à quelques milliers de kilomètres du Nord de la France, la télévision roumaine a montré un reportage sur l’implantation d’une usine de chaussettes françaises. Des ouvrières qui vivaient dans des taudis, étaient embauchées à des salaires enfin corrects pour la région. On voyait l’une d’entre elles pleurer en ouvrant sa lettre d’embauche. Elle allait enfin pouvoir envoyer sa fille à l’université. C’était émouvant.
Le libéral aurait-il pénétré les desseins de Dieu pour affirmer aussi catégoriquement qu’Il fournira constamment à l’humanité des âmes charitables et en nombre suffisant pour aider les perdants du Système ? Ou alors s’inscrit-il dans la tradition rousseauiste de l’homme naturellement bon ?
Je ne sais pas si Dieu nous garantit à chaque génération une masse critique d’âmes charitables. En tout cas, les hommes politiques qu’Il nous a envoyés ont causé assez de souffrances, de guerres, de persécutions, pour que nous songions sérieusement à nous en passer.

Tous les hommes ne sont pas naturellement bons. C’est bien pourquoi le libéralisme ne souhaite pas leur confier trop de pouvoir.

Il ne faut pas se tromper d’adversaire. L’homme dangereux est celui qui tient les fusils et les clés des prisons. Pas celui qui vend du dentifrice et des t-shirts. Et si vous me dites que les riches font alliance avec les hommes de l’Etat, je vous ferai constater que les prolétaires l’ont fait aussi et que le résultat n’était guère plus encourageant. Conclusion : le danger vient des hommes de l’Etat, pas de ceux qui les commissionnent.
il suffit de regarder l’histoire, notamment l’histoire du XIXème siècle, les preuves sont accablantes : les enfants envoyés dans les mines, bousillés physiquement et psychologiquement, crevant comme des chiens dans les bas-fonds des villes anglaises, cela vaut aussi pour les ouvriers qui travaillaient dans les hauts-fourneaux, soumis à des cadences infernales et de temps à autre se prenant une coulée de métal en fusion. C’était l’âge d’or du libéralisme, le rêve du libéral : pas de droit du travail et pas de cotisation sociale. Il serait intéressant de faire une estimation du nombre des victimes du libéralisme au XIXème. Il est peu probable que les tenants de l’idéologie dominante actuelle s’attarderont sur le sujet.
Il existe au contraire une abondante littérature libérale sur le sujet. Elle répond à cette question toute simple :

-- comment se fait-il, si les conditions de vie faites aux ouvriers étaient tellement cruelles, que des hommes et des femmes par millions aient quitté les campagnes pour être embauchés dans les mines, les usines textiles, les fonderies ? Car aucun STO ne les a cherchés. Aucune loi ne les a obligés à quitter leurs fermes.

Quoi ? que dites-vous ? On connaissait la disette dans les campagnes au 18ème siècle. Les enfants travaillaient dès qu’ils savaient marcher. Du moins ceux qui n’étaient pas morts. Les conditions étaient pires que dans les mines. C’est peut-être bien pour ça que les gens qui ne sont pas idiots préféraient le travail dur, mais payé chaque jour, au travail dur, mais qui ne préservait pas de mourir de faim.
Supposons que nous ayons sur ce forum deux professionnels de la cause libérale qui sont payés 3000 dollars ou 3000 euros à chaque message échangé avec moi, Christian et MB. Quant à moi je suis payé par la cause national 1 franc symbolique à chaque message échangé, on suppose que le franc symbolique équivaut à 3000 dollars ou euros (patriotisme oblige), donc les termes de l’échange sont justes. Nous 3, nous vivons de cette activité, il y a donc un enjeu bel et bien réel : se nourrir, nourrir sa famille, se loger, loger les siens, payer leur éducation etc…

Et voilà que moi je m’en vais trouver MB et je lui dis : « vous êtes un bien meilleur défenseur de la cause libérale, que Christian, je vous propose que désormais nous n’échangions plus que des messages entre nous, le débat n’en sera que de meilleure qualité ». Et MB accepte.

Déjà j’ai brisé la belle harmonie qui unissait MB et Christian contre moi, et Christian va certainement considérer cela comme un préjudice moral : eh oui cela fait un coup au moral quand d’un seul coup on est exclu de l’échange. Mais il y a pire que l’orgueil flétri de Christian, Christian perd son activité et tous ses revenus et en plus la cause libérale reverse le salaire de Christian à MB considéré désormais comme le plus apte à faire valoir les idées libérales, déjà cela induit une très bon climat social… Et à ce moment-là j’aurais beau jeu de dire, lorsque Christian viendra éventuellement se plaindre qu’il a une famille à nourrir, qu’il est plus doué pour le latin que pour la défense du libéralisme, et qu’il n’a qu’à se reconvertir en latiniste. Seulement voilà, même si Christian est doué pour le latin, ce n’est pas demain la veille qu’il va se reconvertir en latiniste distingué, il va lui falloir faire des efforts titanesques et au bout du compte il n’est même pas assuré d’avoir un poste, et en plus il sera beaucoup moins payé, les fins de mois risquent d’être justes.
[..]

Mais chance ou malchance, reconversion heureuse ou non, reste à savoir si MB et moi nous avons le droit d’exclure Christian de la société qui initialement nous faisait vivre tous les 3. Si Christian consent à être exclu, le problème de droit subsiste, mais il est moins flagrant parce qu’il y a accord de l’intéressé, mais l’intéressé a-t-il le droit de saborder sa situation et celle de sa famille contre une situation hypothétique ? Et si Christian n’est pas d’accord c’est son droit de rester dans la société contre notre droit de l’exclure.
Le problème est intéressant pour n’être pas nouveau.

Décortiquons.

Si MB et MC sont liés à Christian par un contrat en bonne et due forme, Christian est en droit d’en réclamer l’exécution. Mais ce n’est pas le cas de figure que vous avez en tête. Vous imaginez un vague « contrat social », qui contraindrait des gens qui ne le souhaitent plus à travailler ensemble ; des gens qui verraient pour eux et leur famille un autre avenir devraient y renoncer parce qu’un quidam n’y trouve pas son compte.

C’est le Droit qui ne s’y retrouve pas, bien sûr. Et aussi la société. Il est toujours réconfortant de constater que le Droit, la morale et la prospérité marchent ensemble. La prospérité vient couronner ceux qui respectent la morale et le Droit. Christian ne saurait vous imposer, comme ça, parce qu’il travaille moins bien que vous, que vous continuiez néanmoins de travailler avec lui ; parce qu’il diminue la qualité du débat que vous le conserviez malgré tout dans le débat. Christian n’a pas ce pouvoir sur vous. Heureusement. Ça, c’est le Droit.

Et parce que votre travail est désormais de meilleure qualité et plus productif, la société que vous formez est plus prospère. Elle offre à Christian des possibilités qui n’existaient pas lorsqu’il freinait vos progrès. Et enfin, si même dans cette prospérité, Christian ne s’en sort pas, vous lui viendrez en aide, parce que votre conscience morale vous y oblige.

(est-ce qu'être femme de ménage est plus déshonorant que tricoter des chaussettes dans une usine ?)

Dans le roman que je suis en train de lire, il est fait référence aux livreurs qui apportaient chaque jour aux familles bourgeoises des pains de glace produits dans les glacières industrielles de Paris. C’était au début du siècle dernier.

Le roman ne le dit pas, mais quelques décennies plus tard, une société, Frigidaire, a permis à toutes ces familles de conserver au frais les aliments, même en plein été.

Les livreurs perdirent leur job, c’est sûr. Ils n’étaient pas riches, ils avaient des familles. Nul doute que la bonne solution eut été d’interdire Frigidaire.
:exclamation:

Que la nuit vous porte conseil.

Christian




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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par Miles Christi » jeu. 06 déc. 2007, 0:25

MB a écrit :

Euh, pas d'accord avec vous, là.

- pour l'absence de grands penseurs : tout dépend de ce que vous appelez grands penseurs. Tocqueville me paraît plutôt pas mal. Question de goût, peut-être. Ou plutôt : le libéralisme, c'est une myriade de penseurs ; il n'y en a pas un seul qui définisse l'ensemble : il n'y a pas d'équivalent de Marx chez les libéraux, et souvent ils ne sont pas d'accord entre eux (voilà d'ailleurs qui ruine l'argument du "système"). Il faut voir comme les marxistes brandissent leur idole et la proclament comme la parole de Dieu. Rien de tout cela chez nous. C'est peut-être pour cela que vous avez l'impression d'une absence : aucun penseur n'écrase tous les autres.
Je vois que vous donnez dans le subjectivisme et le relativisme, ce qui n’a rien d’étonnant pour un libéral, comme si la reconnaissance des grands penseurs était affaire de goût. La pensée n’est pas affaire de goût mais d’intelligence. Lorsque Gilles de Gennes sur un plateau de télévision déclarait à propos de Newton « A côté de lui nous ne sommes que des nains », ce n’était pas de la fausse modestie, mais la reconnaissance objective d’un grand génie par rapport auquel un physicien même brillant, mais simplement brillant, ne peut raisonnablement s’estimer être le pair. C’est aussi le même type d’appréciation qui a pu faire dire à Whitehead que la philosophie était une série de notes en marge de Platon. Et même chez les Saints chacun a son rang de gloire, mais dans ce cas-là ce n’est pas aux hommes de juger du rang de chacun.

Le problème c’est que pour juger et apprécier il faut soit même être un tant soit peu de la partie. Par exemple aujourd’hui le vulgaire croit que BHL est un philosophe, que Voltaire est un philosophe, mais le vulgaire n’a jamais lu d’œuvre philosophique et n’a jamais exercé son esprit critique sur ce qu’il lisait. J’ai eu l’occasion de le constater récemment au cours d’une de mes conversations avec un sarkozyste qui m’avouait fort benoîtement que BHL était « un philosophe trop compliqué à lire pour lui ».

Et là où vous faites erreur c’est lorsque vous croyez que la préférence personnelle, partisane, entre en ligne de compte pour juger du rang d’un penseur. Aucun professeur de philosophie sérieux, même détestant la gauche hégélienne et le marxisme, ne contesterait le titre de grand penseur à Hegel et à Marx et ne mettrait Tocqueville ou Feuerbach au même niveau, pas plus que le prof de philo communiste sérieux n’abaisserait Pascal au rang de penseur mineur, au même rang par exemple que Teilhard de Chardin.

Cela me fait songer à une affaire montée en épingle par les médias, qui concernait un prétendu plagiat d’Henri Poincaré par Einstein. Et il y a beaucoup de gens qui ont alors cru qu’Einstein avait été déchu de son rang de grand penseur de la physique contemporaine. Le problème c’est que ces gens ne connaissaient strictement rien aux travaux mathématiques d’Henri Poincaré et rien aux travaux de physicien d’Einstein, sinon ils se seraient aperçu que l’objet du litige était des plus limités puisqu’il ne s’agissait somme toute que de la paternité d’une transformation mathématique (transformation et groupe de Lorentz), et non de la formulation des nouveaux principes physiques de la relativité restreinte et encore moins de ceux de la relativité générale.

Mais ce subjectivisme relativiste des sociétés libérales, qui n’est rien d’autre que de l’inculture et de l’irréflexion, a quelque chose d’inquiétant lorsque l’on songe au rôle éminent, au rôle moteur joué par les autorités spirituelles et intellectuelles dans le développement de la civilisation. Et je m’empresse de dire que ce n’est pas parce qu’une autorité ne peut être reconnue comme telle que par ses pairs ou tout au moins par les gens éclairés, et non par les foules démocratiques ignares, qu’elle cesse de faire autorité.

Pour en revenir aux penseurs du libéralisme, les penseurs d’ordre mineur ou pseudo-penseurs y sont effectivement légion, mais c’est bien connu que la quantité n’a jamais fait la qualité. La philosophie classique avait son Platon, la scolastique médiévale son Saint Thomas d’Aquin, la philosophie moderne son Descartes...et la « philosophie » libérale ? (il vaudrait peut-être mieux parler du fourre-tout libéral).Disons que chez les libéraux il n’y pas de tête qui émerge pour rassembler, rationaliser et organiser en une Somme les petites œuvres libérales, cela reste comme chez les protestants une multitude de courants sectaires sans véritable unité.

Votre remarque a quand même son intérêt car elle permet de pointer du doigt un des gros problèmes des programmes éducatifs actuels : la présentation du savoir sous une forme partiale (du fait de la présélection), nivelante et consumériste, sous forme de catalogue de la Redoute sans les prix, comme si les élèves n’avaient qu’à piocher dans le tas selon leurs goûts et humeur du moment, degré zéro de la réflexion.
MB a écrit :

- "âmes de boutiquiers et d'affairistes" ? Bof. Bayle et Smith étaient des théologiens, Tocqueville était un magistrat, Constant était un écrivain, Popper un philosophe, Hayek un "Sozialwissenschafftler". Le seul grand libéral que je connaisse, sauf erreur de ma part, pour avoir fait du business, est J.-B. Say. Et encore, une partie de sa vie seulement. Mai peut-être sont-ils des "boutiquiers" pour n'avoir pas créé des systèmes, pour n'avori pas "vu large" et prévu tout dans les détails, justement ?
Si la fonction faisait la qualité de l’âme, si l’habit faisait le moine, cela se saurait. Si vous étudiez l’histoire de la théologie de la libération, vous tomberez sur des clercs qui ont plus une âme de marxiste qu’une âme vouée à Dieu. Nicolas Sarkozy est chef d’Etat, de là à dire qu’il a une âme de chef...
MB a écrit :

Personne ne se réjouit du déclin démographique de l'Occident, et encore moins de la paupérisation de la classe moyenne.
Que vous dites... Il faut raisonner comme dans une enquête policière : A qui profite le crime ? Car il s’agit bien d’un crime, dont les criminels, politiquement irresponsables (c’est le principe démocratique de l’irresponsabilité politique des dirigeants, le vote ayant normalement, le cas échéant, valeur de sanction...) n’auront jamais à répondre.




MB a écrit :

Je pense à quelqu'un dont j'ai lu l'interview dans le Point, qui disait qu'en France il y avait "trop de pouvoir d'achat" : j'ai sursauté, je me suis dit que c'était une personne qui restait confinée dans les hautes sphères. Pas d'erreur : ce ne pouvait être que Jacques Attali. L'homme des nationalisations de 1981... pas vraiment un libéral, on en conviendra, mais un de ces nombreux courtisans dont l"Etat français est si friand - pas très libéral, tout cela...
Parce que vous croyez vraiment que Jacques Attali est un socialiste ? Vous croyez vraiment au sérieux de son engagement politique ?

Il se trouve que les économistes libéraux, justement, ont mis à jour l’existence d’un marché des idées politiques. Voir le « Marché politique » de Tullock.

Dans une démocratie, la politique est un marché comme un autre (ce qui explique entre autres choses le terme composé « démocratie libérale ») : d’un côté des offreurs d’idées politiques, les politiciens, de l’autre des demandeurs d’idées politiques, les électeurs, et comme pour n’importe quel marché, ce marché est régi par la loi de l’offre et de la demande. Sauf que ce marché-ci présente de très nets avantages du côté de l’offre: En cas de variation de la structure de la demande, il est plus facile à un politicien de retourner sa veste, qu’à un producteur de voiture de se mettre à produire des bicyclettes, de plus le politicien n’est pas tenu d’honorer ses engagements alors qu’un fournisseur, lui, est tenu de livrer la marchandise au client, en temps et en heure, sans quoi il a des pénalités à payer, voire même à répondre devant la justice. Pour tout dire être un politicien en démocratie c’est tout « benef », c’est pas cher et cela peut rapporter gros...
MB a écrit :


Quant à l'abrutissement des masses, il résulte de la destruction de la tradition humaniste occidentale à la fin des années 60, par des gens comme Foucault, Derrida ou Bourdieu : des ennemis jurés du libéralisme. Faut pas chercher midi à quatoze heures !
Quant à eux qui brandissent l'argument de l'"ouverture à l'autre" pour faire passer le multiculturalisme, ce sont eux aussi des ennemis du libéralisme : 1° ils définissent les gens par la culture à laquelle ils appartiennent (beurk !), 2° ils sont prêts à justifier - entre autres - la charia, dont on ne peut pas affirmer avec certitude qu'elle eût satisfait les voeux de tous les libéraux.

Evidemment le libéralisme a lui aussi besoin de ses boucs émissaires, seulement vos boucs émissaires, dont la notoriété ne dépasse pas les cercles universitaires et milieux intellectuels, ont une influence ridicule en terme d’abrutissement des masses comparée à celle des médias privées qui déversent quotidiennement leur lot de débilités et dont s’abreuvent aussi quotidiennement les majorités des démocraties libérales. Si un homme politique souhaite abrutir encore davantage les foules pour se faire élire plus facilement, je lui conseille de tabler plutôt sur les grands groupes et réseaux de médias privés que sur Bourdieu, il n’y a qu’à voir la dernière campagne électorale. Ensuite le multiculturalisme est une conséquence directe du principe libéral de la libre circulation des personnes, ce n’est qu’ensuite qu’il est récupéré d’un point de vue idéologique par la gauche, le multiculturalisme de fait étant présenté ultérieurement comme un multiculturalisme idéal et souhaitable. Et puis d’ailleurs je ne vois pas en quoi cela peut choquer le libéral, au contraire l’offre culturelle est variée et en situation de concurrence, cela devrait lui plaire.


Christian a écrit :

Le problème du droit naturel est de n’avoir justement aucune des qualités de « rigueur logique », d’adéquation avec la « nature humaine » et avec le réel, que vous lui prêtez. Si seulement vous aviez raison ! le problème de la vie en société serait réglé depuis belle lurette.
Votre argument ne porte pas puisque la déduction par la droite raison du droit contenu dans la nature humaine n’implique pas nécessairement son respect, la raison pouvant être pervertie et/ou la volonté mauvaise. Par exemple le débat sur l’avortement est un faux débat, tout le monde sait que l’embryon est un être humain, c’est une évidence naturelle dont nous ne devrions même pas à avoir à débattre, pourtant son droit à la vie est ouvertement nié par la plupart des pays.
Christian a écrit :

La tragédie et la grandeur de l’être humain est de n’avoir reçu de la nature aucune assignation. La nature humaine n’est pas un destin. Les comportements qu’elle inscrit éventuellement dans nos gènes comme dans ceux des animaux peuvent être contrariés par notre conscience dans un processus que nous appelons culture. Ainsi la nature prescrit aux mâles de répandre leurs chromosomes auprès d’un maximum de femelles et d’éliminer leurs rivaux. Elle ne laisse pas vivre les individus mal formés ni les plus faibles. Vous n’avez pourtant guère de sympathie pour la polygamie, l’eugénisme et l’euthanasie active.

CQFD

Cordialement

Christian
Dès le départ de votre raisonnement il y a confusion sur le terme de nature. Vous comprenez bien que lorsqu’un écologiste parle de la nature il ne parle pas de la nature humaine. L’homosexualité a toujours été dans la nature (environnante), mais jamais dans la nature de l’homme. Il est important de bien comprendre la différence entre ces deux sens de « nature », sans quoi l’on commet des paralogismes : « Il y a des homosexuels dans la nature » mais « l’homosexualité n’est pas dans la nature de l’homme ». La nature au sens métaphysique spécifie l’être, mais les sciences dites naturelles, comme la génétique n’étudie que les propriétés physiques observées dans la nature, tout ce qui est immatériel, comme la pensée, le droit, la morale sont hors de son champ d’observation et de ses compétences, ce qui ne signifie nullement qu’ils n’ont pas d’objectivité et qu’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une autre science.

Les débats actuels gagneraient à retrouver la bonne vieille rigueur scolastique dans la définition des termes et de leurs distinctions, sans quoi si je dis « qu’avoir deux bras et deux jambes » c’est dans la nature (du corps de) de l’homme, un simplet risque de m’objecter que c’est faux, car contredit par l’expérience, lui-même ayant vu de ses propres yeux des manchots et des unijambistes.

MB a écrit :

J'ai déjà répondu plus haut sur la "beaufisation" du monde depuis les années 60, et sur les lourdes responsabilités, à ce sujet, qui pèsent sur les gauchistes. Ce processus a commencé il y a quarante ans alors que le libéralisme n'était vraiment pas à la mode. Alors arrêtez avec tout ça, vous commencez à me chauffer. Vous auriez pu avoir la bonté de lire ce passage et d'y faire au moins allusion, même pour n'en être pas d'accord.
Au passage, vous n'avez pas idée de l'extension abyssale de la "beaufferie" dans les sociétés soumises à l'influence soviétique, ou dans les sociétés socialistes en général ; exemple d'ignorance d'autant plus répandu en Occident qu'il est très difficile de représenter le phénomène, tellement il dépasse les bornes de l'imagination.
Sur le plan sociologique, car il y a toute une sociologie de la beauf attitude, le beauf n’a que peu à voir avec le gauchiste : le gauchiste est un individu qui par la subversion, la provocation, souhaite renverser l’ordre établi et en plus se prétend intellectuellement supérieur : si vous ne comprenez rien aux différentes « formes d’expression » soixante-huitardes, que vous n’y voyez que pornographie, fumisteries et désordres moraux c’est que vous êtes un idiot réactionnaire incapable d’apprécier les subtilités artistiques, ou tout simplement un facho.

Le beauf, c’est différent, le beauf est un médiocre qui se complaît dans sa médiocrité et étale sa médiocrité, sans avoir la moindre intention de remettre quoi que ce soit en cause. Le beauf aujourd’hui c’est un type, sans éducation, qui roule en 4x4 en agglomération urbaine, passe son temps à lire des magazines auto-motos, à parler de filles, de foot et de vacances, faire des blagues grivoises, vous dit que la philosophie ne sert à rien, vote Sarkozy parce qu’il a un discours pêchu et le soir s’affale sur son divan pour regarder une émission de jeu de TF1 en se sifflant une canette de bière. D’ailleurs Sarkozy aussi est un beauf, un beauf de la « droite décomplexée » (selon son expression) qui commence son quinquennat par une séance de bronzage sur le yacht de son copain milliardaire. Je me souviens d’ailleurs d’un fameux débat Rocard-Sarkozy où Sarkozy avait fait volontairement l’idiot pour mettre les rieurs de son côté.

A dire vrai, le beauf, plante poussant sur le terreau de la droite libérale, est autant la bête noire des gauchistes que des nationalistes, même si à une certaine époque les gauchistes ont tenté de le diaboliser en en faisant un raciste, un fasciste, un frontiste etc... ainsi l’expression du chanteur Renaud « un beauf à la Cabu, imbécile et facho ». L’expérience a montré que les beaufferies racistes de la droite libérale, comme « les bruits et les odeurs » de Chirac, qui à l’époque avaient tant fait scandale, les beaufferies giscardiennes sur « l’immigration invasion » (alors que c’est sous son gouvernement que cela s’est joué) et plus récemment les beaufferies sarkozystes sur « la racaille », sur « la voyoucratie » et sur « le nettoyage au karcher » ne servent strictement à rien pour ce qui est de faire avancer la cause nationale, au contraire à chaque fois c’est un discrédit supplémentaire. Comme disait Alain Soral, servir efficacement la cause nationale, ce n’est pas « balancer deux ou trois conneries racistes sur les arabes », la droite libérale l’a fait et cela n’a servi à rien.

Un phénomène remarquable, que ne manquent pas de souligner les sociologues est la beaufisation du gauchiste soixante-huitard, c'est-à-dire l’adaptation du gauchiste à la société libérale, à son consumérisme et affairisme. Il semblerait que le processus soit irréversible : si le gauchiste d’aujourd’hui qui bloque les facs peut demain devenir un grand patron de presse, on voit mal un grand patron de presse se mettre à bloquer une fac.

Il ne faut pas non plus confondre le beauf avec l’homme du terroir, l’homme du terroir étant un homme simple attaché à sa terre et à son pays, et prêt à verser son sang pour la Croix et la Francisque. C’est typiquement le brave rural qui après avoir assisté à la messe allait boire un coup au bistrot du village et saluait respectueusement monsieur le maire, monsieur l’instituteur et monsieur le curé, exprimant ainsi sa déférence envers l’homme de pouvoir, l’homme de savoir et l’homme de foi.



MB a écrit :

C'est moi qui ai souligné le passage en gras. La thèse des inégalités naturelles n'est pas incompatible avec le libéralisme ; elle n'est pas spécialement compatible non plus ; elle est indifférente. Car, si les inégalités naturelles sont réelles - je ne m'oppose pas a priori à cette hypothèse -, malgré tout rien ne permet de les voir à l'avance. Vous voyez un bonhomme un peu bêta devant vous : il ne cesse de dire les pires idioties, paraît à la limite de la démence ; et voici qu'apparaît, deux heures par jour, un mathématicien subtil. Vous avez devant vous un enfant un peu brute : il est juste un peu immature, ce sera un futur professeur de médecine quand il sera temps. L'homme est un potentiel permanent, il est toujours temps de tirer le meilleur ou le pire de lui-même, ou rien du tout, et personne n'a les moyens de savoir ce temps-là.
Qui êtes-vous pour décréter, de vous-même, les aptitudes naturelles d'un tel ? Et d'ailleurs, qui a les capacités, les compétences pour le faire ? Quel culot ! C'est justement pour lutter contre cette outrecuidance que l'on a décidé de rester modeste et de postuler, par défaut, l'égalité de tous. C'est peut-être un non-choix, une absence de décision, un pyrrhonisme social ; mais cette position, en réalité, concerne celui qui la prend (ne pas s'arroger des droits ridicules) plus que ceux qu'elle vise. Et c'est pour cela qu'on la doit tenir.
Vous mélangez deux choses : la reconnaissance de l’existence objective des inégalités naturelles, qui n’est pas une hypothèse, mais un simple constat observationnel, et le moyen pratique d’évaluer les facultés individuelles, moyen souvent faillible certes, entraînant parfois des erreurs d’orientation, mais moyen nécessaire pour le bon fonctionnement de la société : c’est le refus de mettre en place ces moyens d’évaluation qui provoque l’engorgement des facs par des individus qui ne sont pas faits pour les études supérieures, des individus auxquels le système a fait croire, comme vous dites, qu’ils étaient des « potentiels permanents », que chacun d’eux était en puissance un Newton ou un Platon, tout ceci est ridicule surtout lorsque l’on constate l’inaptitude à penser de la plupart. C’est dommage pour eux et pour le reste de la société, car ils perdent leur temps, ils en font perdre aux autres, alors que si il n’y avait pas ce snobisme des études supérieures ils pourraient s’épanouir et vivre très heureux en exerçant par exemple le métier de boucher-charcutier, d’ouvrier ou d’artisan, et par la suite, si jamais ils ont des talents qui se révèlent sur le tard, avoir la possibilité de suivre des cours du soir.

Je vous ferais aussi remarquer que, contrairement à l’idée reçue, les sociétés traditionnelles font parfois preuve de beaucoup plus de finesse et de perspicacité pour détecter des dons éventuels, ainsi le Duc de Brunswick remarquant les aptitudes en mathématique de cet enfant issu d’une famille modeste, Friedrich Gauss, et lui accordant une bourse d’étude.

MB a écrit :

Le prix du ticket sera élevé, donc cela va attirer les tour-operators vers Mars (puisque le marché sera rentable), ce qui fera baisser les prix, au bout de quoi un nombre toujours croissant de personnes pourra aller faire un tour sur la planète Mars ! Et ce sera même d'autant mieux, car les premiers voyages, souvent de moins bonne qualité, seront mis dehors par les premiers clients, des riches exigents. Les pauvres profiteront donc de services bien plus raffinés.
A supposé qu’ils aient survécu aux crashs des vaisseaux spatiaux poubelles, les vaisseaux « low cost ». C’est comme pour le Titanic, dans ces cas-là il vaut mieux être en première classe, celle du dessus…

MB a écrit :

Les choses sont pourtant simples. Le problème n'est pas de se faire licencier, mais de ne pas trouver du travail après. C'est la grande calamité du marché du travail en France : les chômeurs restent chômeurs. C'est d'ailleurs une calamité pour tout le monde, car avec une pression de 2 millions de chômeurs sur le marché, les salaires ne risquent pas d'augmenter.
Pourquoi les chômeurs restent-ils chômeurs ? Parce que personne n'est là pour leur trouver du travail. Pourquoi cela ? Car 1° le marché du travail français ralentit la motivation de celui qui voudrait embaucher (car il est extrêmement difficile de se séparer de quelqu'un qui a fait illusion lors d'un entretien et de sa période d'essai), 2° il est très difficile de monter et de tenir une entreprise en France (un ami m'en a parlé : il veut ouvrir un restau sur une péniche ; il a renoncé, car devant payer, pour ce type de situation, 7 types d'impôts différents pour autant d'administrations et de collectivités, plus toutes les autorisations), 3° parce que la France déborde de personnes qui sortent sous-qualifiées et lobotomisées de l'Educ-Nat. Administration qui n'est pas spécialement libérale, prière de ne pas me contredire...
Les gens qui se font licencier aujourd'hui, et qui auront toutes les peines du monde à retrouver un travail par la suite, sont victimes d'une sorte de système administré qui fait tout pour empêcher le marché de les réembaucher. C'est pourtant pas compliqué, non ?
C’est surtout ultra-simpliste et cela ne tient pas compte de ce qui est essentiel dans la vie d’un homme pour s’épanouir et mener à bien ses projets : la stabilité. Ainsi on nous présente cet ingénieur en aéronautique, qui s’est fait licencier par Boeing et qui ne retrouvant plus de job dans l’industrie aéronautique s’est mis à vendre des cornets de frite et des hot-dogs, on nous le présente comme un modèle de flexibilité. C’est un américain, il est imprégné de culture libérale, il a « signé » pour vivre dans ce type de société, il est heureux comme cela, grand bien lui en fasse, nous sommes français, nous n’avons rien à faire de cette sous-culture libérale made in UK/USA, nous n’avons pas signé et nous nous moquons bien de ce pitoyable exemple de flexibilité. Là encore cette dévalorisation de l’homme de savoir, tributaire des caprices du marché a quelque chose de la révolution culturelle maoïste. Peut-être verra t’on un jour les professeurs de philosophie de Harvard se prostituer lorsque la philo aura été complètement évincée du marché.

Pour le reste vous vous défaussez sur les rigidités administratives du droit du travail, mais manifestement il ne vous est pas venu à l’esprit que ces rigidités avaient été instaurées comme réponses aux abus du libéralisme, du temps où l’employeur pouvait jeter son employé comme un kleenex, sans même à avoir à se justifier. Tous les employeurs n’ont pas la bonté du père Michelin, ni le sens de la justice. Car l’employeur n’est pas propriétaire de l’employé, il ne peut en user et abuser, la relation entre l’employeur et l’employé est une relation d’homme à homme, par conséquent elle doit être juste, si il y a faute ou mensonge cela doit être établi objectivement, dans un sens comme dans l’autre.

Il est d’ailleurs assez cocasse de voir comment les libéraux pointent du doigt les fonctionnaires, lorsque l’on sait le nombre de parasites qui sévissent dans les sociétés privées, et ceux-là ce ne sont pas des petits. Lorsqu’un incompétent notoire parvient à un poste de direction par copinage, par complaisance, il y a de fortes chances pour qu’ils s’entourent d’incapables, craignant qu’un homme valable s’aperçoive très rapidement de son impéritie et le dénonce publiquement ou tente de le supplanter, par conséquent il va tenter de pénaliser les gens méritants qui eux pensent au bien commun de la boîte refusant de participer à la mise en coupe réglée de l’entreprise jusqu’à la faillite, jusqu’à ce que la bête parasitée s’écroule. Il est donc normal de protéger l’employé contre les manœuvres sournoises ourdies par les parasites sociaux.

Vous parlez des ratés de l’Education nationale, soit, mais vous devriez aussi parler des filières valables, qui sont en train d’être remises en cause par les caprices et la superficialité du marché. Je pense à la filière de l’ingénierie qui a été une des gloires de la France et qui du fait d’une inculture crasse des financiers et de leur vision court-termiste se voit concurrencer par des filières d’ingénieurs tiers-mondistes qui ne lui arrive pas à la cheville. Le financier n’en a cure, puisqu’une fois son coup financier réussi, il va voir ailleurs, peu lui importe après son départ que l’entreprise ne délivre plus un travail bien fait, parce que les grands ingénieurs français ont été remplacés par des seconds couteaux indiens ou chinois.

C’est je dirais une des grosses surprises de ces derniers temps : on savait la France en voie de désindustrialisation, mais on ne s’attendait pas à ce qu’après les mineurs et les ouvriers textiles, les ingénieurs et plus généralement les métiers du service et de la conception soient eux aussi touchés, et là il ne s’agit pas de lobotomisés de l’EN, mais d’élites issues de « la voie royale ». Et là c’est vraiment un coup de la finance internationale, c’est le résultat de la main mise de financiers incultes et apatrides sur les entreprises, les plus fervents et efficaces soutiens du libéralisme, les beaufs de chez beauf.

MB a écrit :

Au contraire, je veux bien m'attarder, et j'en suis fier. Allez jeter un coup d'oeil sur la population anglaise avant la Révolution industrielle, et après ; vous verrez qu'ils sont devenus sacrément nombreux, on se demande pourquoi, avant la population n'augmentait presque pas ? Allez jeter un coup d'oeil sur la mortalité infantile en Angleterre en 1750 et en 1850, vous verrez une sacrée différence. Comment s'est-il fait que, indépendamment des progrès de l'hygiène (qui datent d'après), des millions de gens aient pu naître, survivre à leur enfance, avoir de quoi manger, alors qu'avant ce n'était pas le cas ? Vous vous imaginez peut-être les gentils paysans à le Le Nain, les bergères campagnardes à la Marie-Antoinette, gambadant dans les prés, se racontant des églogues ? Ils crevaient tous de faim, oui ! Et 18 heures de travail à la campagne valaient bien, et bien plus, que 12 heures à la mine ! Tout ça pour un quignon de pain rassis une fois tous les deux jours, et encore, quand tout allait bien !
Je pense toujours à une réalité assez étonnante. Les premiers opposants à la révolution industrielle n'ont pas été ceux qu'on croit. C'étaient les gentlemen farmers de la jolie campagne anglaise, qui se plaignaient de ce que leurs ouvriers, qui avaient toujours été si gentils et si obéissants, allaient en ville, parce que - bonté divine - ils étaient mieux payés ! Seigneur, quel scandale ! Désormais, ils allaient avoir le choix de leur employeur ! Ils allaient gagner assez pour s'adonner à des consommations diaboliques (le thé ! quelle horreur) !
C'était aussi des intellectuels urbains qui partaient du principe qu'il était bon et inscrit dans la nature que le peuple souffrît et fut forcé d'obéir par la nécessité. Ceux-là, à la fin, sont devenus marxistes, et se sont réjouis de l'exploitation de l'homme par l'homme communiste. Jamais le peuple n'a été autant harassé, bafoué, exploité que dans les sociétés communistes : mais c'était ce qu'ils voulaient, que la société tout entière fût soumise au pouvoir politique. Vous souhaitez cela vous aussi ?


Dans un moment vous allez être moins fier, puisque je vais m’employer à démonter votre sophisme, un classique de la littérature libérale.

Déjà première remarque, en quoi votre argument démographique atténue t-il les crimes du capitalisme industriel anglais du XIXème ? Par exemple je constate que la population russe était de 76 millions en 1861 et qu’elle est de 147 millions en 1989, est-ce que cela m’autorise à dire : à bas le régime tzariste, vive le communisme ? Est-ce que cela m’autorise à minorer les crimes du communisme sous prétexte qu’au final, quand on fait le bilan, un excédent a été dégagé ?

Si la démographie française est relativement bonne du fait de communautés particulièrement fécondes, cela m’autorise t-il à minorer la gravité de l’avortement ?

De plus la France a connu la révolution industrielle bien plus tard que le Royaume-Uni, pourtant à la fin de l’Ancien régime elle est un des pays d’Europe les plus fertiles, ce qui a permis à certains historiens de faire un lien avec les menées expansionnistes de la France impériale, L’Empire napoléonien employant ce surcroit démographique dans la grande armée et ayant donc là le moyen de ses ambitions.

Manifestement la France n’a pas eu besoin du capitalisme industriel à l’anglaise pour avoir des enfants et les maintenir en vie…

Ensuite vous opposez les crimes des Landlords de la campagne anglaise aux crimes des capitalistes anglais des villes, mais là encore on se demande en quoi les crimes des uns pourraient bien excuser les crimes des autres. Qui plus est d’un point de vue systémique nous avons une complicité objective parfaite entre les Landlords refoulant les gueux affamés vers les villes, et les capitalistes des villes enrégimentant ces mêmes gueux dans leurs usines.


Voilà ce que rapporte Moreau-Christophe dans son ouvrage « De la misère » (1851), partie « Europe protestante », chapitre « Angleterre » :

L’affligeant constat :

L'Angleterre, dont le revenu moyen de chaque habitant surpasse de près de moitié celui d'un habitant de la France; — l'Angleterre, à côté d'une opulence qui défie toute comparaison, exhibe les haillons et les vices de la plus affreuse, de la plus dégradante misère, sans que, de tous les trésors de son industrie, elle ait encore pu tirer assez de travail pour assurer de l'ouvrage et du pain à tous ses enfants. Un septième de ses habitants manque de francs. Le rapport de la dette à la population est de près de 900 francs pour chaque habitant.

(L'Angleterre possède 94 vaisseaux de ligne, 117 frégates et 324 autres bâtiments de l'État, sans compter une immense marine marchande (20,900 bâtiments soit à voiles, soit à vapeur). Elle exporte, dans un an, pour 6 ou 700 millions de cotonnade, ce qui fait, pour un seul détail, un compte de vente plus élevé que tous les comptes réunis de l'exportation manufacturière de la France. *
L'Angleterre offre une superficie de 35,000,000 arpents, dont 40,000,000 sont cultivés; 9,000,000 d'individus suffisent aux besoins de son agriculture (De Villeneuve). Elle a 86 canaux, et 170 lignes
de chemins de fer. 3 Le revenu total de l'Angleterre s'élève à 12,870,476,373 francs…)

La misère revêt de telles formes, descend à de telles profondeurs, prend une telle extension, en Angleterre, qu'elle y a reçu un nom spécial qui la définit, qui la particularise. Ce nom est paupérisme, lequel s'est, depuis, généralisé, en généralisant la chose sous son mot.

(…)
Tous les casual paupers ne sont pas reçus dans les asiles de charité qui leur sont ouverts à Londres. Ceux qui en sont exclus ou sortis, ou qui échappent à la prison qui les menace, ou qui manquent du penny que coûte le lit des plus infimes Lodging houses *, viennent par bandes, et comme des parias chassés de leur caste, bivouaquer, la nuit, dans les niches des ponts, sur la litière des marchés, sous le péristyle des maisons, sous les arches du Blackwal-Railway ', ou sur la terre humide, sous les arbres de Hyde-Park, mourant de froid et de faim, à quelques pas du palais qu'habité la reine. Quant aux pauvres domiciliés, leur habitation n'est guère meilleure ni leur condition moins à plaindre. A Londres, la merveille des cités pour l'élégance des habitations et la salubrité des rues, les pauvres sont entassés dans des taudis infects, croulants, bâtis dans des ruelles affreuses, autour de cours étroites, et quelquefois jetés au hasard, pêle-mêle, dans des terrains couverts d'immondices, sans rues tracées, sans éclairage ni passage, et où les eaux, saturées de matières végétales et animales en putréfaction, croupissent en plein air, en formant ça et là des ruisseaux, des fossés, et même de véritables marais 3. C'est dans le district de White-Chapel, dépendant de la Cité, que les pauvres de la métropole font par-meubles. Les lits y sont inconnus. Les hôtes,— mâles et femelles, — couchent en tas sur le plancher; — masse de pauvreté, de fange, de vice et de crime; — assemblage de tout ce qui est physiquement nauséabond, et moralement odieux ; — chaos de dénuement, d'intempérance, de maladies, de libidinisme, de saleté, de dépravation, qui ne se rencontre dans aucune autre partie du globe que celle-ci » (Ledru-Rollin, Décadence de l’Angleterre, 1.1, p. 253).
….
A Liverpool, c'est Dale-Street. Dale-Street est le rendez-vous général de la misère, comme Church-Street celui du vice. Parcourez Dale-Street, comme je l'ai fait, et, comme moi, vous serez coudoyé à chaque pas par la misère en haillons, la misère aux regards inquiets, aux joues pâles et creuses, qui marche les pieds nus, qui végète ou grelotte, pleure, boit et se bat dans les humides cellars des chétives maisons dont la vieille ville est semée. Dans cette ville si belle, qui montre à l'admiration du voyageur des rues entières de palais et le port le plus riche du monde, la partie inférieure de la population, les ouvriers vivent en majeure partie dans des caves, cellars, ou dans des cours fermées, et manquent d'air avant de manquer de pain. Le docteur Duncan a compté 8,000 de ces caves habitées par plus de 35 à 40,000 personnes. Sur 2,392 cours visitées par les préposés du Conseil de ville, 1,703 ont été trouvées closes de partout, comme pour empêcher la circulation de l'air. Sur 6,571 cellars soumis à la même visite, 2,988 ont été trouvés trempés d'humidité, et un tiers au moins du nombre total creusé à cinq ou six pieds au-dessous
du niveau de la rue2

(…)

Dans la paroisse de Mottisfont, j'ai connu quatorze individus d'une même famille habitant une seule et même chambre. Un frère et une sœur de dix-huit et vingt ans couchaient, dans le même lit, à côté de leurs père et mère. Quelquefois le père était absent, la nuit, ou la mère, ou tous deux, en même temps... Alors... «II y a trois ou quatre années, un père et sa fille furent traduits devant les assises de Leeds pour avoir celé la naissance d'un enfant illégitime né de leur commerce incestueux. Une autre fille devint enceinte du fait de son père avec lequel elle couchait en même
temps qu'avec sa mère '... » Etc., etc., etc... Comment donc le travail, dans une nation aussi éminemment agricole et industrieuse que l'est l'Angleterre, ne parvient-il pas à tirer les classes ouvrières de cette vie bestiale, de cette fange ?

Des crimes contre l’humanité : « Le parc à bêtes humaines » et la vente d’enfants comme esclaves

II existe à Londres un parc à bêtes humaines. Ce sont les arches du Blackwal-Railway. Là, on peut voir des familles entières entassées pêle-mêle, à l'injure du temps : des enfants bercés par le vin et le crime, côte à côte avec les plus viles prostituées et les plus infâmes voleurs »

(…)

Les femmes et -les enfants sont les premières victimes du travail antagoniste de l'Angleterre. Produire le plus possible, au plus bas prix possible, étant la condition de vitalité de l'industrie anglaise, l'industrie anglaise a arraché la femme à ses enfants, l'épouse à son mari, pour en faire l'instrument au rabais de sa machine productive. Qu'importé que la femme, ainsi enlevée au foyer domestique, en perde les vertus? Ce n'est pas de vertus, mais de bon marché, qu'il s'agit pour la prospérité de l'industrie anglaise. C'est pourquoi, avec la mère, il lui faut aussi les enfants. Il y a, à Londres, dans le faubourg de Bethnal-Green, un marché aux enfants dont M. Hickson nous a révélé l'odieux commerce. «Un père, une mère mène son enfant au marché; ils le crient comme une marchandise, l'étalent aux yeux et le laissent palper comme une bête de somme ; ils le livrent enfin, pour être exploité, dans l'âge où les forces naissent à peine, au premier venu, pourvu qu'il soit le plus offrant, heureux qu'ils sont de s'être débarrassés d'une bouche inutile, en gagnant un ou deux shellings par semaine, pour prix de la location. L'accord conclu, l'acquéreur fait de l'enfant ce qu'il veut, un ouvrier, une servante, un domestique ; l'enfant lui appartient exclusivement douze ou quinze heures par jour % car les parents n'ont pas exigé, pour cette malheureuse créature, une autre éducation que celle de l'esclave. » L'esclavage des enfants, voilà le caractère des sociétés qui reposent sur l'industrie ; ce fait caractéristique est surtout frappant dans la Grande-Bretagne, en raison directe des développements que l'industrie y a reçus. C'est sur les enfants que pèsent les plus pénibles fonctions : ils servent de suppléments et d'auxiliaires aux machines, préparent les matières premières de la fabrication, essuient les exhalaisons malsaines, portent les fardeaux, et sont attelés aux œuvres les plus dégoûtantes, comme les plus épuisantes pour leur santé. Que dirons-nous donc du travail des mines, ces ergastules souterrains où de pauvres enfants des deux sexes sont ensevelis tout vivants?

Les rapports de la commission parlementaire instituée, en 1832, dans le but d'examiner la condition des enfants et des femmes ouvrières dans les manufactures des divers districts de la Grande-Bretagne. Ces rapports forment 4 grands volumes in-folio de plus de 2000 pages. * « Dans plusieurs mines, les couches de charbon n'ont guère que 14, et dépassent rarement 30 pouces d'épaisseur. Les ouvriers travaillent couchés. Ils sont dans un état de nudité complète. Ce sont des enfants qui trament les wagons de charbon dans des galeries qui n'ont que 16 à 20 pouces d'élévation. Pour accomplir ce travail fatigant, ces petits malheureux sont obligés de ramper sur les pieds et sur les mains. Les filles âgées de 6 à 10 ans sont occupées de la même manière que les garçons. Elles sont habillées de même. Il n'est guère possible, d'ailleurs, de distinguer dans l'obscurité des galeries la moindre différence entre les deux sexes


La campagne anglaise, complice objective du capitalisme citadin :

L'agriculture, pourtant, a fait en Angleterre plus de progrès qu'en aucune autre contrée de l'Europe. Mais, qu'importé la culture savante qui fait rendre à la terre tout ce qu'elle peut donner? Qu'importent les moissons fécondes, les gras pâturages, les bestiaux modèles, si le peuple des campagnes, si le salarié de la glèbe meurt de faim? Il n'y a, en effet, dans les campagnes anglaises, que des fermiers entrepreneurs de cultures en grand, et des journaliers qui ne possèdent rien et qui ne peuvent obtenir le moindre petit coin de terre à cultiver '. Autrefois, chaque villageois avait sa vache et son porc et un enclos autour de la maison. Là où un seul grand fermier laboure aujourd'hui, trente petits fermiers vivaient autrefois; de sorte que, pour un individu plus riche à lui seul que les trente fermiers d'autrefois, il y a maintenant vingt-neuf journaliers misérables dont
plus de la moitié est de trop. Aussi, le gouvernement conseille-t-il, et favorise-t-il à grands frais, l'émigration des paysans, comme le seul remède à leur misère toujours croissante. Qu'ils émigrent dans les pays soumis à l'Angleterre ou ailleurs, cela importe peu.

Le deuxième rapport de la commission des pauvres contient une supplique de 31 chefs de famille de la paroisse de Bledlow, comté de Buckingham, dans laquelle ces malheureux disaient : « Beaucoup de nous, quand ils se présentèrent devant les magistrats, à deux heures, le 4 décembre 1834, n'avaient pas mangé depuis la veille. Nous ne demandons pas mieux que de louer bien cher un coin de terre, pour y planter des pommes de terre, mais personne ne peut nous en procurer! » (
First annual report., App., p. 348). *
Quarterly Review, mars 1830. Les 5/6 du sol appartiennent à
30,000 propriétaires à peine.

(…)

Toujours l’Antéchrist… :

Réforme religieuse du seizième siècle. — Confiscation des biens du clergé et des hôpitaux. —Conséquences. — Myriades de pauvres à la charge des paroisses. —

La réforme religieuse du seizième siècle n'aboutit en Angleterre, qu'à ce triple résultat : — que les immenses richesses territoriales du clergé catholique passèrent aux mains du roi, des nobles et du clergé protestant * ; — que le clergé protestant se regarda comme propriétaire absolu, et non plus seulement comme dépositaire de ces richesses, qui formaient précédemment le patrimoine des pauvres ; — qu'enfin la suppression des ordres religieux et des couvents, et la confiscation des biens des hospices et hôpitaux qui en dépendaient *, privèrent les pauvres, non-seulement
du pain quotidien qu'ils recevaient de la charité des monastères, mais encore des asiles et des secours réguliers auxquels ils avaient légitimement droit ". De là, les flots d'indigents, de mendiants, de vagabonds…Le clergé catholique était propriétaire des 7/10 du royaume. 1,041 maisons religieuses jouissaient annuellement de 273,000 livres sterling de rente, somme prodigieuse pour cette époque. Dans cette somme ne sont pas compris les dîmes, amendes, redevances et autres droits ecclésiastiques qui pouvaient s'élever à deux fois autant (John Wade, Middle and working classes, p. 38).

Le clergé protestant d'aujourd'hui, pour 6,500,000 âmes qu'il gouverne spirituellement, jouit d'un revenu temporel de 240 millions de francs, revenu qui dépasse, à lui seul, ceux de tous les clergés
réunis du monde chrétien, lequel renferme 203,728,000 âmes. » Voy. ci-dessus, t. II, p. 219. »
100 hôpitaux furent ainsi détruits par la réforme (Voy. de Sève-linges, Biographie de Henri VIII]. >
Voy. Blackstone, t. II, ch. I. « Voy. ci-dessus, t. II, p. 219, 227, 293 et suivant..


Il y a vraiment de quoi être fier. Maintenant je reviens sur le côté classique de cet argument que l’on retrouve notamment chez Hayek, Hayek nous dit, en répondant à Marx : « Oui le capitalisme a multiplié les pauvres, mais au sens propre, c'est-à-dire que tous ces pauvres ne seraient pas venus à l’existence sans lui » Manifestement cet argument s’applique surtout à l’économie anglaise où tout a d’abord été fait pour affamer la plèbe des campagnes, donc après on a beau jeu de dire que le capitalisme a amélioré la situation: mettre les gens dans le pétrin et après se présenter comme un sauveur pour mieux les exploiter, si ce n’est pas diabolique…

Ensuite quel bel humanisme de la part des capitalistes anglais que de permettre aux prolétaires de reproduire leur force de travail ainsi que de se reproduire pour disposer d’encore plus d’effectifs dans leurs usines, des effectifs jeunes, payés une misère, mis en concurrence, maintenu dans la pauvreté et la déchéance physique et pouvant ensuite être remplacés très facilement lorsqu’ils deviennent plus âgés, tombent malades ou meurent. Gloire au capitalisme libéral…

En terme de justification morale ou même simplement de progrès de la civilisation, c’est zéro. Cependant Hayek nous dit également : « La population européenne a d’abord crû brutalement avant de décroître par le contrôle des naissances ». En effet le Système se régule toujours en obéissant à la loi de la maximisation de la jouissance matérielle de quelques individus : être beaucoup à produire le plus possible et être le moins possible pour se partager les richesses produites. L’enfant unique touchera l’héritage à lui tout seul, celui avec de nombreux frères et sœurs n’en aura qu’une petite partie, de même que les premiers rois francs morcelaient le royaume pour être équitables avec leurs enfants.




MB a écrit :

PS : avez-vous lu Hayek ? Vu comme vous écrivez son nom, cela m'étonnerait.

Je l’ai lu, mais je ne retiens que les grands noms, à propos « Sozialwissenschaftler » c’est avec un seul f.
MB a écrit :

Il y a, MC, un problème de fond dans votre argumentation. Ce problème, qui rend la communication difficile entre nous, c'est la notion de "système". Cette notion - que vous avez introduite comme ça, sans en démontrer la pertinence, éventuellement en vous contentant de la suggérer - me paraît biaiser tout type de regard et même l'aveugler.

Pourquoi ? C'est que, une fois que vous l'avez postulée, vous y faites tout correspondre. La case est prête : tout rentre dedans. Quand une politique est libérale, c'est pour faire marcher le système libéral. Quand une politique n'est pas libérale, c'est quand même pour faire marcher le système libéral. On ouvre les frontières : c'est le système. On les ferme : c'est le sytème. Etc, etc.
A tout cela, je dis : non, non et non. Je n'accepte pas ce genre d'argumentation, et tout esprit honnête se doit de rejeter en bloc cette manière de penser. Quand on cherche à analyser la réalité, on doit se fonder sur la réalité, c'est-à-dire, non sur des idées, des généralités. La réalité, c'est mille petits détails dont chacun doit être décortiqué et compris pour permettre une authentique compréhension des choses.
Vos contributions nous font passer sans transition du monde des idées à celui des choses ; comme parfois elles ne correspondent pas tout à fait, vous vous rattrapez en faisant rentrer tout cela dans un système, parfois - je dois l'avouer - jusqu'à la bouffonnerie (puisqu'il vous est arrivé de mettre dans le même sac, au non de ce "système", gauchistes et libéraux, c'est un comble). Il manque un intermédiaire dans ce processus. Le monde des idées n'est pas le seul lieu possible de réflexion. Ce qui me donne envie de faire cette citation de Christian, que je viens de lire dans le fil d'à-côté ; il parle de la pensée de gauche, mais on pourrait parler aussi de la vôtre :

Une caractéristique de la pensée de gauche est de faire porter à des abstractions, « l’économie », « le marché », « la société capitaliste », comme si elles étaient des agents moraux, la responsabilité de nos comportements individuels. Il est temps de sortir du fétichisme.

Il y a peut-être, dans cette attitude, deux causes. L'une devrait être reliée à la culture française profonde (d'ailleurs vous vous en revendiquez) : la primauté absolue accordée à la réflexion théorique sur la pratique. Le détail de la réalité, c'est insignifiant, c'est un truc d'épicier, de boutiquier. Je pense à une spécificité culturelle française en me rappelant cette différence entre deux expressions : en allemand, on dit "le bon Dieu est dans le détail" ; en français, on dit "le diable est dans le détail". Tout est dit !
D'autre part, il me paraît y avoir un biais situé dans une sorte de formation, ou d'esprit philosophique. Tout est dans les idées ; elles seules comptent ; le reste n'est que mesquinerie. Donc finalement, une fois qu'on a décidé d'appliquer une idée au réel, cette transmission au réel n'est affaire que d'intendance. Ca se fait tout seul, n'est-ce pas ? Eh bien non, je regrette.


Manifestement vous ne m’avez lu qu’en diagonale, sinon vous vous seriez aperçu que ce n’est pas moi qui aie introduit la notion de système pour appréhender le libéralisme, mais les libéraux eux-mêmes, et je rajouterais les libéraux « sérieux » qui ne se contentent pas de l’écume des choses, de la description passive des phénomènes mais qui cherchent à justifier scientifiquement le bien fondé de la doctrine libérale, pour eux il s’agissait de passer de l’opinion à la démonstration, et gagner ainsi en crédibilité. Donc si vous refusez cette approche c’est que vous voulez en rester à la préhistoire du libéralisme, à l’explication magico-religieuse de la main invisible d’Adam Smith, quoique je serais prêt à vous concéder qu’il s’agit bien de la main invisible du diable.

Exemples :

La supériorité des ordres polycentriques pour gérer l’information dans les systèmes complexes

Dans la seconde partie de « La Logique de la liberté », Polanyi étend ces principes au-delà de la science et les généralise à l’ensemble des ordres sociaux polycentriques, qu’ils soient culturels, politiques ou économiques. Il fait une véritable théorie générale des ordres polycentriques, qui paraît avoir nourri la réflexion de Hayek sur le même sujet ainsi que les travaux des théoriciens des systèmes.

L’idée de base est que les ordres monocentriques, hiérarchisés (corporate orders) peuvent gérer une moindre quantité d’information que les ordres polycentriques spontanés (spontaneous self-adjusting orders)
(...)

Par-delà ces considérations historiques et économiques, Polanyi utilise des arguments de type formel. Il définit la complexité d’un système, et sa capacité à gérer un flux d’évènements nouveaux et aléatoires, par la cadence selon laquelle les relations bilatérales d’élément à élément peuvent être contrôlées par le système par unité de temps en fonction des changements survenus. Il constate alors la supériorité quantitative écrasante, à cet égard, des ordres polycentriques sur les ordres hiérarchiques.

Donnons ci-après une des quatre démonstrations avancées par Polanyi, (...)

Philippe Nemo (Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains)

Léon Walras fournit dans ses Elements d’économie politique pure une réponse à une question scientifique marquante posée par quelques-uns de ses prédécesseurs. Notamment, Adam Smith dans « An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations » s’était demandé pourquoi un grand nombre d’agents motivés par l’intérêt individuel et prenant des décisions indépendantes ne créent pas un chaos social dans une économie de propriété privée. Smith lui-même avait acquis une profonde compréhension de la coordination impersonnelle de ces décisions grâce aux marchés des biens. Cependant seul un modèle mathématique pouvait prendre pleinement en compte l’interdépendance des variables impliquées.(...)

Debreu, 1987

Les visions respectives de l’économie de marché comme un système supposé décentralisé (la vieille question de la « main invisible » chez Adam Smith) sont profondément affectées par ces représentations, et la trace de cette opposition est encore très présente dans la théorie moderne
Rappelons quand même l’importance de la notion de système pour appréhender le réel, car le réel contient une multitude de systèmes : système solaire, système nerveux, système d’échange etc...
Un système est simplement un tout organisé en partie. Pour parler de système il faut donc pouvoir délimiter le tout, y déceler des parties et une organisation entre ses parties. Ainsi la théologie n’est pas un système puisqu’elle traite de Dieu qui ne peut-être délimité, par exemple Saint Thomas d’Aquin prévient que les Mystères s’ils peuvent être approchés par la raison ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’un traitement rationnel systématique, un objet monobloc n’est pas non plus un système puisqu’il n’est divisible qu’en puissance, et une structure rigide n’est pas un système puisque ses parties ne sont pas articulées.

Le libéralisme ne contient pas Dieu, il n’est pas monobloc et il n’est pas rigide, donc il peut être systématisé et étudié comme système. Et cela tombe bien parce que c’est justement ce qu’ont fait les libéraux (pas du type conteur de veillée, mais du type scientifique)

Quant à votre remarque sur « le détail » elle est assez naïve car d’une part vous pouvez fort bien étudier les principes directeurs et régulateurs du système sans entrer dans le détail (cas de la thermodynamique où l’on étudie l’évolution du système par ses variables d’état sans entrer dans le détail microscopique) et d’autre part rien ne vous dit que le passage du local au global est impossible, et c’est d’ailleurs heureux pour ce qui est de l’intelligibilité du réel. Dans le détail il y a aussi de l’universel : un homme est peut-être un grain de sable perdu dans des milliards d’autres grains de sables, mais la nature humaine leur est à tous commune.

Avant d’aller plus loin il faut connaître un peu le contexte philosophique des systèmes, à savoir que la philosophie moderne britannique, dite pragmatique est une philosophie décousue, bourrée de contradictions, pour tout dire une philosophie sale, bâclée, qui a suscité très rapidement la réaction des poids lourds allemands, il faut voir comment Kant allume Hume. Voici par exemple ce que dit C. Laudou dans son ouvrage très critique à l’égard des philosophes allemands « L’esprit des Systèmes, L’idéalisme allemand et la question du savoir absolu » :

Le système, au milieu du XVIIIème siècle n’a plus le vent en poupe : associé à « l’esprit de système », il caractérise une époque de l’histoire de la philosophie que l’on croit révolue(...) le prestige de la science newtonienne et la montée de l’empirisme expliquent alors un tel dédain.
(...)
Comme le montre sa classification des sciences, la philosophie d’Aristote est un édifice encyclopédique qui ne le cède en cohérence et en rigueur à aucun système moderne.

La citation de Voltaire témoigne assez bien de l’esprit anglais de l’époque :

Je suis comme les ruisseaux : je suis clair parce que je ne suis pas profond
Face à une philosophie aussi factice et mondaine, si loin de la vérité et de son unité, les penseurs allemands ont réagi, ce qui a pu faire dire à Alain :
Je regrette seulement d'avoir trop brièvement parlé d'Aristote, le prince des philosophes, et de ne pas l'avoir présenté tout entier avec sa profondeur inimitable et son poids de nature. Toutefois, le Hegel peut tenir lieu d'Aristote, car c'est l'Aristote des temps modernes, le plus profond des penseurs et celui de tous qui a pesé le plus sur les destinées européennes.



Et Bernard Bourgeois de dire :

L’Encyclopédie des sciences philosophiques est la dernière Somme - ici achevé en un Tout ou Système organique - du savoir humain qui ait été édifiée.
Par conséquent ceux qui voient dans la philosophie allemande un système monstrueux devraient se rappeler que ce système a été construit en réaction à un système tout aussi monstrueux, celui de l’hydre anglo-saxonne, c’était en quelque sorte un terminator chargé d’éliminer un autre terminator.


La mission a échoué, car elle n’avait rien de catholique, donc trois siècles après l’hydre anglo-saxonne est toujours debout et voilà qu’elle vient nous trouver, nous Français, pour nous dire que notre système est pourri et qu’il faut adhérer au leur, et le pire dans tout ça c’est qu’ils nous demandent de renoncer à notre raison et d’accepter béatement leur monstre polycéphal. Bien sûr il se trouve des Français reniés pour s’imaginer que la tradition anglo-saxonne d’obédience protestante est supérieure à la française d’obédience catholique, d’ailleurs la plupart ont déjà changé de camp.

Il n’en demeure pas moins que le problème peut être traité froidement, rationnellement comme le ferait n’importe quel ingénieur français chargé d’étudier les performances et caractéristiques d’un nouveau système.

Le libéral m’a proposé son système, il m’en a expliqué le fonctionnement, mais il ne m’en a montré qu’un aspect, à savoir ses capacités phénoménales à collecter et traiter l’information, dont acte, seulement je souhaite l’étudier sous d’autres aspects tel que sa dynamique, son adaptation, sa réaction face à un système ennemi, sa gestion des inadaptés, la façon dont il s’étend, etc..

Et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai commencé, comme le ferait un logicien des systèmes formels (mais pas le bourgeois gentilhomme), par le plus important, c’est à dire l’analyse des principes directeurs du système : liberté et propriété (surtout pas vérité...), et que j’ai pu constater une première incohérence dès le premier niveau d’analyse, le système est vicié dans ses principes directeurs mêmes.

In cruce salus. In cruce vita. In cruce protectio ab hostibus. In cruce robur mentis. In cruce gaudium spiritus. In cruce virtus summa. In cruce perfectio sanctitatis. Non est salus animae, nec spes æternæ vitæ, nisi in cruce. Tolle ergo crucem et sequere Jesum, et ibis in vitam æternam.


MB
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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par MB » ven. 07 déc. 2007, 0:42

Ouf, votre post est long...
Merci d'avoir eu la patience de me laisser parler ; on voit que cela vous a donné pas mal d'idées à livrer d'un seul coup. Il faudra beaucoup de temps pour vous répondre, soit à une idée précise, soit à quelques détails, soit à des choses plus générales. Cela me demandera de l'effort, d'autant que je laisse de côté certains domaines (vous vous y connaissez mieux que moi en sciences dures), et que parfois, vous dites des choses qui sont assez vraies, tout en les mélangeant, de façon inextricable, à d'autres carrément impossibles. Je vous avoue parfois que je lis chez vous - ou plutôt je le sens, ce n'est jamais explicite - une multitude de sortes de procès d'intention, dont il faudra bien défaire la trame. Ce n'est pas très agréable de se les voir balancer sur soi, mais pourquoi pas ?

Je n'ai pas énormément de temps pour vous répondre là (Christian devrait s'en charger pour tel ou tel point). Quelques détails importants, qui, comme vous l'avez vu en les mettant au premier rang de votre réponse, révèlent nos profondes divergences :
Miles Christi a écrit :Pour en revenir aux penseurs du libéralisme, les penseurs d’ordre mineur ou pseudo-penseurs y sont effectivement légion, mais c’est bien connu que la quantité n’a jamais fait la qualité. La philosophie classique avait son Platon, la scolastique médiévale son Saint Thomas d’Aquin, la philosophie moderne son Descartes...et la « philosophie » libérale ? (il vaudrait peut-être mieux parler du fourre-tout libéral).Disons que chez les libéraux il n’y pas de tête qui émerge pour rassembler, rationaliser et organiser en une Somme les petites œuvres libérales, cela reste comme chez les protestants une multitude de courants sectaires sans véritable unité.
Voilà le point. Vous dites de vous-mêmes ce que je vous ai reproché (au moins là-dessus, nous sommes d'accord). Il n'y a pas d'unité doctrinale dans le libéralisme ; chacun a son angle de vue. En quoi est-ce un problème ? Il y a dissémination des idées, il n'y a pas de "parole de Dieu", mais personne ne l'a jamais cherché. Pourquoi faudrait-il un "Grand timonier" des idées toutes les fois qu'elles sont émises ?

S'agissant du rang des philosophes, vous semblez m'attribuer des choses que je ne pense pas ; vous auriez pu être plus prudent. Je n'assimile pas Voltaire à un philosophe ; par certains côtés, on peut parler d'un libéral (lutte pour la tolérance), par d'autres, plus nombreux, on pourrait dire l'inverse (élitisme assez prononcé, assez à votre manière semble-t-il ; militantisme forcené en faveur de la Russie autocratique). Et je n'ai jamais rien dit de mal de Marx ou de Hegel s'agissant de leurs capacités intellectuelles.
Mais votre biais défavorable lorsque vous parlez des penseurs libéraux est tout simplement expliqué par votre mépris a priori de leurs objets d'étude. Justement, les grands systèmes, les chérubins et les séraphins, les éons du plérôme, les grandes vérités, ils avaient la modestie de ne pas chercher à y toucher directement; ils s'occupaient des affaires humaines, ce qui, ma foi, n'est pas ignoble, contrairement à ce que vous semblez penser. Et une fois que l'on a accepté cela - gros effort pour certains, apparemment - on remarquera le brillant, voire le génie, employons les gros mots, de certains d'entre eux. Lisez Tocqueville, vous verrez une pensée exceptionnelle par sa finesse ; d'ailleurs il devrait vous plaire, son coeur n'était pas spécialement acquis au libéralisme, il se contentait de décrire et d'expliquer. Mais, comme l'a remarqué Raymond Aron, les prédictions de Tocqueville se sont réalisées, à l'inverse de celles de Marx, même dans les domaines dans lesquels Marx était imbattable à son époque. Le meilleur penseur, c'est celui qui touche le mieux le réel, non ?
Ajoutons encore une chose : leur démarche était l'exacte inverse de la vôtre. Vous, vous partez des grandes choses pour les appliquer aux petites. Beaucoup de libéraux partent des petites pour remonter jusques aux grandes. En parlant de choses si vulgaires que le droit de propriété, la liberté d'expression, des détails de la vie économique, politique, etc. on arrive à évoquer des points vraiment importants, la dignité humaine, le rapport de l'homme à la vérité, par exemple. Ces choses-là valent le coup qu'on s'y mette avec un grand "idéalisme", au sens familier du terme. D'où une déformation de perspective s'agissant des libéraux : ils parviennent à être idéalistes, à parler de grandes vérités, en incluant les taux de croissance dans leur raisonnement ! Raccourci qui peut donner cette impression de pensée petite-bourgeoise. Il faut être capable de dépasser ses impressions.

Je pense encore en ce moment à vos remarques sur Attali, BHL, Sarko, etc. Elles appliquent à merveille votre "biais systémique". Il y a beaucoup de choses à dire sur votre analyse de la notion de système : elle est juste en tant que telle. Mais vous mélangez le mot "système" dans son sens fonctionnel et dans son sens vulgaire (du type, "c'est la faute au système"). Je retisse votre raisonnement : "le système d'aujourd'hui est libéral. Tous ses détails sont donc prévus par le libéralisme, y compris ceux qui sont en contradiction, mais celle-ci n'est qu'apparente. Ceux qui se conforment à ce système sont donc libéraux. Or ce système a des winners ; donc ce sont les plus libéraux d'entre tous". Une fois que vous avez franchi ces pas, il est facile d'attaquer tout le monde. Sarko est en haut du système ? Donc Sarko est libéral. Et si je vous réponds que non, pas tant que ça, un peu mais pas que, je vous prêterai facilement le flanc à vos attaques. Ces procédés-là - on crée un système en opposition frontale, et on y met qui on veut, ce qui permet de mettre en position défensive ceux qui ne sont pas d'accord - sont les procédés du PCF dans les années 50. Bof. Toutes ces décennies de guerre froide pour en arriver là ? c'est décevant.

Je reviendrai sur le reste plus loin, il y a beaucoup de choses à dire, votre post étant très dense.

A bientôt !
MB

PS : bien vu pour "Wissenschaftler". J'ai pensé au slogan d'une ville universitaire en Allemagne, un jeu de mots tout bête : "Die Stadt, die Wissen schafft". Au temps pour moi...

MB
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Re: Capitalisme et Libéralisme

Message non lu par MB » sam. 08 déc. 2007, 0:43

Re-bonsoir MC
MC a écrit : C’est surtout ultra-simpliste et cela ne tient pas compte de ce qui est essentiel dans la vie d’un homme pour s’épanouir et mener à bien ses projets : la stabilité. Ainsi on nous présente cet ingénieur en aéronautique, qui s’est fait licencier par Boeing et qui ne retrouvant plus de job dans l’industrie aéronautique s’est mis à vendre des cornets de frite et des hot-dogs, on nous le présente comme un modèle de flexibilité. C’est un américain, il est imprégné de culture libérale, il a « signé » pour vivre dans ce type de société, il est heureux comme cela, grand bien lui en fasse, nous sommes français, nous n’avons rien à faire de cette sous-culture libérale made in UK/USA, nous n’avons pas signé et nous nous moquons bien de ce pitoyable exemple de flexibilité. Là encore cette dévalorisation de l’homme de savoir, tributaire des caprices du marché a quelque chose de la révolution culturelle maoïste. Peut-être verra t’on un jour les professeurs de philosophie de Harvard se prostituer lorsque la philo aura été complètement évincée du marché.
Cette stabilité "à la française" n'a jamais existé ; ou plutôt, elle a existé à partir des Trente Glorieuses, dont on peut dire, en un sens, que cette période a été une exception dans l'histoire française. Il n'est écrit dans les gènes d'aucune économie qu'elle doit croître, en temps normal, à un rythme de 5 % par an. Nous nous sommes habitués aux rythmes agréables de cette époque, alors qu'il n'avaient rien d'évident.
Et votre exemple sur les hommes de savoir est particulièrement mal choisi : si je voulais faire carrière dans l'enseignement universitaire de la philosophie, je me barrerais illico à Harvard, justement. S'il y a un pays où les hommes de savoir sont rétribués à leur valeur, c'est précisément aux Etats-Unis... l'historien que je suis se plaira peut-être à y aller, ça me changera des locaux minables de l'université française. (je ferai plus tard un post sur le "case study" de l'ingénieur de chez Boeing)
MC a écrit : Pour le reste vous vous défaussez sur les rigidités administratives du droit du travail, mais manifestement il ne vous est pas venu à l’esprit que ces rigidités avaient été instaurées comme réponses aux abus du libéralisme, du temps où l’employeur pouvait jeter son employé comme un kleenex, sans même à avoir à se justifier.
Faux, la plupart de ces rigidités datent de ces vingt dernières années. Encore à la fin des années 70, embaucher quelqu'un - alors qu'il n'y avait pas encore de fax et d'ordinateurs - ne prenait que quelques minutes. Toutes ces entraves ont été créées par des administrations sociales qui cherchaient quelque chose pour ne pas se tourner les pouces. Je vous assure, ayez confiance en moi, pour une fois, je suis sûr d'avoir raison ; ou alors, si vous avez une autre solution, je suis preneur.
MC a écrit : Il est d’ailleurs assez cocasse de voir comment les libéraux pointent du doigt les fonctionnaires, lorsque l’on sait le nombre de parasites qui sévissent dans les sociétés privées, et ceux-là ce ne sont pas des petits. Lorsqu’un incompétent notoire parvient à un poste de direction par copinage, par complaisance, il y a de fortes chances pour qu’ils s’entourent d’incapables, craignant qu’un homme valable s’aperçoive très rapidement de son impéritie et le dénonce publiquement ou tente de le supplanter, par conséquent il va tenter de pénaliser les gens méritants qui eux pensent au bien commun de la boîte refusant de participer à la mise en coupe réglée de l’entreprise jusqu’à la faillite, jusqu’à ce que la bête parasitée s’écroule. Il est donc normal de protéger l’employé contre les manœuvres sournoises ourdies par les parasites sociaux.
Vous avez une vision complètement fantasmée du monde de l'entreprise : à partir d'un ou deux cas, généraliser la chose à 3 millions d'entités ! S'il y a des boîtes occupées par des parasites professionnels, ce seraient plutôt celles des noyaux durs balladuriens, des entreprises nationalisées, où pour devenir dirigeant, il faut montrer son annuaire des Anciens de l'ENA, de l'X ou de Centrale. Bref, des sociétés les plus proches de l'Etat colbertiste.
Et pitié, ne m'imputez pas l'attitude anti-fonctionnaire ! Je suis fonctionnaire moi-même, et je ne le cache pas.

Cordialement
MB

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